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Culture et football au Cameroun. le cas du canon sportif de Yaoundé dans la région du centre; une contribution à  l'anthropologie du football

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par Mouafo Nopi ARNOUX
Université de Yaoundé I - Master en Anthropologie 2014
  

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IV.1.1.3 Le supporteur

Le supporteur quant à lui peut recourir à une prière spéciale consacrée au nom du club dont il est fan. C'est le cas d'un informateur par ailleurs supporteur du club19(*) qui nous affirme ceci : « je récite les litanies de Saint Michel Archange pour éloigner toutes menaces obscures lors du déroulement d'un match officiel du CSY ». Il nous été reporté que par notre informateur que cette carapace de tortue a été achetée à Douala en 1980 par sa grand-mère. Il déclare qu'après l'avoir consommée, elle a fait des incantations autour de la carapace que je ne maitrise plus et elle m'a dit : hagi ecock'le di, obo dzo ntoum edzoe ecock'le dzo a nda dzoe, « arrache carapace ci, fais en bâton commandement, accroche ça a maison toi » autrement dit, arraches cette carapace, fais en ton bâton de commandement et accroches-la chez toi. Ensuite, elle dit :

 Nnon, canon a ne ahop « Va, canon toujours en haut! » C'est-à-dire Que ton équipe soit toujours victorieuse!

Des individus font recours chacun à sa manière en fonction de ses intérêts quand le CSY est victorieux. C'est ce qui expliquerait le recours à des pratiques magico-religieuses même au niveau des supporteurs. Très souvent, ces pratiques s'avèrent même être collectives.

IV.1.2 Les pratiques magico-religieuses collectives

Le fait magico-religieux dans le CSY est mis en exergue par une certaine catégorie de membres. Le staff par la présence de la quasi-totalité des membres du CSY, faisaient l'aumônerie par une messe qui était dite par un prêtre de la Paroisse Saint Kisito de Mvog-Mbi. Pour un de nos informateurs clés (16 Juillet 2013), ce prêtre utilisait de l'eau et du sel bénit en prononçant régulièrement le mot « victoire ». Et nous lui donnions le « carburant » à cet effet. Pendant cette prière obligatoire, les joueurs s'asseyaient devant avec les autres membres. Les passages de psaumes et de jean étaient régulièrement lus pour protéger les joueurs de tous maux tels que fractures, entorses, déboitement etc.

Les phénomènes magico-religieux pour ceux qui y croient concourent à protéger le joueur, le coach, l'arbitre et l'équipe toute entière des attaques internes (co-équipiers, supporteurs) et externes (adversaires). A cet effet, ils citent les magiciens, les lieux sacrés et les hommes d'Eglises. Ceux qui portent une réserve à ce phénomène pensent que lorsqu'il contribue au bonheur, il est propitiatoire et quand il contribue au malheur, il est nocif. Quant à ceux qui nient, c'est un porte-malheur qu'il convient de nommer marabout ou sorcier.

Quant aux joueurs, en dehors des préparations ci-dessus citées, ils se préparent spirituellement et religieusement. Certains font un travail intellectuel en jouant aux jeux vidéo et au damier. Les supporteurs assistent aux entrainements des joueurs en les encourageants et en ramassant les ballons perdus. En ce qui concerne les spectateurs, ils sont mi figue mi raisin ou ne supportent que le beau football.

Les arbitres parfois assistent aux préparations des équipes et constatent que ceux-ci font des stages bloqués et des rites sur le stade lors des entrainements. Cela se manifeste lors des matches par le non sifflement des fautes qui n'a rien à voir avec la partialité de ce dernier. Dans la surface de réparation déclare le 27 Septembre 2012 un des arbitres interviewés : « lorsqu'il y a penalty, je siffle mais le sifflet ne retentit pas. Cependant, au camp adverse ça retentit ; et on m'accuse d'avoir fait la combine pourtant je n'en sais rien ». Parfois affirme t-il « parfois, je ne vois pas la faute commise, ce sont les spectateurs qui criaillent en prononçant mon nom que je me rends compte après le match qu'il y avait faute ». Parlant du coach, le choix des onze entrants se fait généralement à la veille du match. A cet effet, les joueurs se bousculent pour être sélectionnés or certains sont en réel baisse de performance et sont sélectionnés par le coach malgré leur improductivité. Cet après le match que le coach se rend compte qu'il était dompté.

Les éléments utilisés tels que du sel, de l'huile rouge de palmiste, du jujube, la noix de kola, le coq, le poussin, l'acajou etc. sont à l'oeuvre dans certains clubs et leur sont bénéfiques. Lors d'un entretien informel avec un tradipraticien de l'Ouest-Cameroun vivant à Yaoundé le 22 Avril 2012, il nous a affirmé qu'il préparait les joueurs du sport collectif car disait-il, « les sports comme le football, le handball, le basketball, le volleyball...sont plus dangereux parce que c'est où jalousie et coups bas règnent ». Celui-ci nous a avoué qu'il utilisait le roi des herbes, du sel, la sève du baobab comme encens et certaines potions pour laver les joueurs voire toute autre personne très tôt le matin sous une chute et donc le bruit des eaux constituant l'adversaire n'auraient aucun effet sur eux. Sur le corps des joueurs, on retrouve et observe des potions magiques blindées, déposées entre les cheveux et posées sous forme de bague, de boucle, de bande et dans les chaussures et chaussettes. Outre la baisse des performances, le stress du public et du stade et l'enjeu du match, les manifestations des phénomènes magico-religieux sont visibles sur les performances des joueurs au le stade via le choix des 11 entrants par le coach voire les remplacements. Cela est visible selon ces informateurs quand le joueur fait régulièrement la passe à son adversaire, ne salue plus ses co-équipiers, shoote le ballon toujours hors des filets et perd le contrôle dudit ballon à tout moment.

Dans la plupart des clubs, il existe officiellement des spécialistes de santé conventionnelle mais officieusement, on en trouve aussi des spécialistes en ethnomédecine et des oracles. A ce niveau, chaque joueur à son maître spirituel qui peut être un membre de sa famille. C'est alors qu'un joueur de champ du CSY, interviewé le 16 Avril 2012 déclara : « je vais passer la nuit deux jours avant une rencontre par semaine chez ma grand-mère pour qu'elle me masse les pieds et me oigne avec une poudre rouge». Les rites pour joueurs ont trait au massage et blindage du pied et aussi à la scarification pour éviter la fracturation du pied. Certains joueurs se font laver avec de l'eau du chimpanzé pour que leurs os soient solides afin de sortir vainqueur lors d'un choc de tibia avec l'adversaire.

Les aliments gras comme haricot, eru, couscous..., du piment sont des interdits naturels pour 4 des 6 joueurs enquêtés parce qu'ils ne facilitent pas la digestion. Culturellement parlant, certains joueurs ont déclaré ne pas consommer des viandes en l'occurrence la tortue, la tête du coq car c'est avec cet animal et cette partie d'animal que des rites ont été faits chez eux. Quant aux gestes, certains ne font par le signe de croix avant de manger en groupe parce qu'appartenant à la religion musulmane vice-versa. C'est la raison pour laquelle chaque joueur a un interdit alimentaire médicale et magico-religieux qui le conduisent si respectés vers la hausse des performances. Pour les uns, il s'agit de toute sauce gluante et pour les autres, c'est du haricot et l'excès d'huile dans les repas familiaux. Ils le font de façon générale pour éviter de « peser » lors des entrainements et de ne pas être sélectionnés lors des derbies. Ainsi, un joueur de champ déclare qu' « avec ses sauces gluantes et des aliments gras, nous perdons notre vivacité et notre performance face à l'adversaire ». Pour un joueur de champ, il lui est proscrit de consommer la tortue puisqu'il est animal rituel dans son ethnie. L'anthropologie a souvent fait un lien avec l'origine de la maladie stipulant qu'elle est une rupture entre un lien naturel, culturel et divin. C'est dire que pour être en phase avec ce triptyque, il faudrait obéir aux lois de la nature, de la société et de Dieu.

Dans le CSY, le club des supporteurs s'appelle Oyili club de Nkolndongo. Pour y accéder, il faut être fidèle au club, avoir l'esprit du fair-play, être discipliné, acheter sa carte de membre, coudre sa tenue vestimentaire aux couleurs du club et être présent lors des matches. Force a été de constater que dans ce groupe, une dislocation a vu le jour et les membres se sont dispersés. Cette dispersion ne se limite pas seulement au niveau des supporteurs, elle s'étend jusqu'à l'instance dirigeante du club. Pour un des membres dudit club interrogé le 4 Septembre 2012, « tant que les dirigeants de l'association ne nous prendront pas en compte nos doléances et ne nous motiverons pas, nous ne viendront plus au stade supporter le canon ».

* 19 Entretien effectué le 20 Septembre 2012 au stade Ahmadou AHIDJO

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry