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Les conseils de développement entre « empowerment » et démocratie participative

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par Yannis ALAYA
Université Reims Champagne Ardenne - Master Aménagement et Urbanisme 2017
  

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PARTIE III

CRITIQUE D'UN MODELE DE GOUVERNANCE TERRITORIALE

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3- Critique d'un modèle de gouvernance territoriale

« Il n'y a pas de territoires sans avenir, seulement des territoires sans projets ».

Philippe LANGEVIN

Dans cette dernière partie, il sera question de dresser une critique sur les aspects qui opposent les conseils de développement à une plus grande participation et concertation dans les phases de décision. Nous nous proposerons une liste de constats et de leviers d'actions, dans le but d'atteindre des structures participatives d'une nouvelle génération, plus en phase avec les acteurs du territoire que sont la société civile les habitants et les élus. Nous ferons un premier constat sur les pistes d'amélioration des conseils de développement d'après une vision à « l'empowerment » avant de dresser une critique et énoncer des leviers provenant d'un fonctionnement plus tourné sur les principes de démocratie participative.

3.1- Vers un modèle plus participatif : les conseils de développement avec un fonctionnement à « l'empowerment ».

Nous allons nous baser sur un des derniers travaux réalisés par la sociologue Marie-Hélène Bacqué accompagné de Mohamed Mechmache dans le projet confié par la ministre délégué à la ville, François Lamy. Pour faire une critique de l'application de l'empowerment défini dans la partie 1 par Marie Hélène Bacqué et Carole Biewener au sein de la politique de la ville. Nous verrons comment l'empowerment veut s'organiser au sein de la nouvelle politique de la ville, mais aussi les contraintes qui vont en découler.

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3.1.1 L'empowerment dans les politiques de la ville

Le rapport Bacqué-Mechmache est un rapport consacré à la participation des habitants dans les quartiers de la politique de la ville. Marie-Hélène Bacqué et Mohamed, responsable du collectif AC Le Feu veulent définir une politique autour de l'empowerment « à la française » dans leurs rapports à la ministre délégué à la Ville en Juillet 2013. Ce rapport est constitué de 30 propositions proposant une réforme radicale, qui mettrait les habitants au centre d'une politique de la ville co-élaborée. La stratégie proposée s'appuie sur cinq principes expliqués par le Centre de ressource politique de la ville et le centre de veille des ressources politique de la ville, dans une synthèse faite sur le rapport de la nouvelle politique de la ville en 2013.55

« Une politique d'empowerment à la française suppose que la participation ne soit pas conçue comme un moyen d'accompagner la disparition des moyens, de remplacer le droit commun ou les services publics. Au contraire, elle s'accompagne d'une intensification des politiques publiques, mais de politiques publiques co-élaborées qui s'appuient sur les initiatives citoyennes. [...] L'enjeu est d'encourager l'autonomie de la société civile grâce à des garanties procédurales, des moyens, en favorisant l'existence d'un réseau associatif et de collectifs mobilisés dans une perspective de changement social et d'émancipation »56.

Premiers enjeux : Appuyer le développement du pouvoir d'agir ou une démarche d « empowerment »

Cette première orientation vise à encourager l'autonomie de la société civile sous ses différentes formes, à libérer l'initiative, à favoriser l'existence de contre-pouvoirs c'est-à-dire d'espaces critiques et créatifs, à favoriser une démocratie d'implication et à donner le droit à l'interpellation.

On soutiendra la création d'un droit « d'interpellation », sous l'initiative citoyenne participant au débat public, sur des questions locales ou nationales, en complément d'une démocratie de représentation, ainsi que les enjeux de la place et de la reconnaissance du tissu associatif dans sa diversité et les conditions de l'existence d'une démocratie participative.

Cet enjeu s'applique de la même manière au sein des conseils de développement et des conseils citoyens ou encore trop d'individus ne se sentent pas reconnus.

55 Synthèse du rapport Bacqué Mechmache (IREV et club de veille des Centres de ressources, sept. 2013)

56 Citation du rapport Bacqué -Mechmache, p20

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Deuxièmes enjeux : Mettre les citoyens au coeur des services publics57

« Alors que l'insécurité sociale ne cesse d'augmenter, les services publics constituent un enjeu fondamental dans les quartiers populaires, à la fois comme espaces communs et comme filets de protection. ».

La participation des citoyens ne saurait en aucun cas servir à combler ce déficit ; elle peut par contre servir de levier vers une transformation des logiques et des méthodes d'intervention des services publics, afin de les transformer en outils d'émancipation. Il ne s'agit donc pas de remettre en cause l'existence des services publics mais de les interpeller dans leurs missions, dans leurs relations avec le public et dans leurs recrutements.

Pour que les services publics puissent jouer leur rôle et mieux prendre en compte les demandes locales, la prise en compte des points de vue de leurs utilisateurs est indispensable au même titre que celle du point de vue des agents, de même que leur contribution à l'évaluation et au fonctionnement des services publics.

Il convient aussi de réaffirmer le rôle des structures intermédiaires (centres sociaux, régies de quartier, crèches parentales) qui participent à la production et à la gestion des services publics. Elles peuvent constituer des points d'appui, d'encouragement, de formation à l'organisation citoyenne sous réserve d'éviter leur instrumentalisation et leur institutionnalisation et de s'assurer pour cela des conditions démocratiques de leur fonctionnement.

Troisièmes enjeux : Démocratiser la politique de la ville

Au fil des réformes et de la superposition des dispositifs, la politique de la ville est devenue une administration complexe ; la multiplicité d'instances et de dispositifs (santé, école, rénovation, justice...) la rend peu lisible pour les citoyens et même parfois pour les professionnels. Ça marque une limite d'une démocratie représentative dans la mission de politique de la ville

Surtout, les habitants ne sont pas représentés dans les lieux de décision. En particulier, la rénovation urbaine s'est bien souvent faite sans eux, au prétexte de la complexité des dossiers de financement à négocier avec l'ANRU. Hormis quelques exceptions, les habitants ont rarement pu donner leurs avis sur le bienfondé des projets de rénovation et sur leurs orientations.

C'est donc plutôt une démarche que nous préconisons ici, qui donne une place aux habitants à toutes les étapes et à toutes les échelles de la décision et qui s'engage vers la voie de la co-construction des projets

57 Enjeux du rapport Bacqué Mechmarche au Ministre délégué chargé de la ville, Juillet 2013 ; p.27-30

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Il convient donc de :

- Profiter de la négociation des contrats pour engager en amont une démarche de co-
construction des projets de territoire,

- Assurer la représentation des habitants vivant à proximité, dans les instances de discussion et de décision, pendant la durée des contrats, et mettre en place des dispositifs de codécision,

- Donner les conditions concrètes de la participation citoyenne, à la fois en moyens financiers et en favorisant la constitution de collectifs habitants, au niveau local comme national. De façon générale, permettre une participation large, en particulier des groupes sociaux les plus défavorisés et des femmes, dont une des conditions de base est de mettre en place des modalités de défraiement et de rémunération des bénévoles.

L'aspect que soutient la participation dans la politique de la ville n'est pas très loin que celle que porte les conseils de développement par une complexité de compréhension de la participation par les habitants.

Quatrièmes enjeux : Changer l'image des quartiers58

Les médias participent, pour une grande part, à façonner ces représentations et à alimenter les peurs sociales et raciales qui sont à la source d'incompréhensions, de tensions et fermetures. Les quartiers populaires y sont à la fois mis en avant et en retrait.

- Mis en avant quand il s'agit de décrire des faits divers et de mettre en scène la violence ou l'insécurité ;

- Mis en retrait quand il s'agit de traiter de la vie quotidienne ou de la réussite individuelle et collective.

Face à l'oubli des mémoires des quartiers populaires. Nous proposons de :

- Favoriser et aider au développement et à la diffusion de médias locaux et
d'expressions culturelles issus des quartiers populaires,

- Reconnaître ces médias comme de vrais médias,

- Faire évoluer la culture des médias nationaux et y favoriser l'accès de « paroles des

quartiers populaires »

- Travailler sur les expressions culturelles et sur les mémoires sociales des quartiers populaires.

La reconnaissance d'évènements passés sur les quartiers populaires, ou bien sur l'histoire d'un territoire, reprend le besoin de rappeler, aux acteurs, l'origine des actions et l'intérêt que celles-ci portent au sein des individus se mobilisant.

58 Enjeux du rapport Bacqué Mechmarche au Ministre délégué chargé de la ville, Juillet 2013 ; p.27-30

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Cinquièmes enjeux : Renverser la démarche par la formation et la co-formation

Les freins à la participation des citoyens, de façon générale et dans les quartiers populaires, ne sont pas seulement institutionnels ; ils sont aussi liés à des cultures politiques et professionnelles, à des fonctionnements hiérarchiques au sein des institutions qui favorisent les démarches d'encadrement plus que d'accompagnement, et reconnaissent peu les savoirs citoyens. Ils sont aussi liés, dans le cas de la politique de la ville, aux représentations négatives des quartiers populaires et à une méconnaissance sociale de leurs habitants.

La formation des professionnels et des élus, l'ouverture d'espaces de dialogue et de co-formation aux échelles locales, régionales et nationales, constituent autant de leviers indispensables pour transformer en profondeur les pratiques.

Ce dernier enjeu rappel le fossé qu'il existe entre les membres bénévoles des conseils de développement, et les membres institutionnels et professionnels, suivant une démarche de travail et brouillant le langage de travail.

3.1.2 La limite de l'empowerment dans les instances de participation.

Les orientations formulées par Bacqué et Mechmarche dans le rapport rendu à la ministre font plus référence, non pas aux processus propres aux quartiers, mais à des causes reposant essentiellement sur des faits externes aux quartiers

La grande majorité des propositions relève sur d'autres actions publiques et d'autres autorités publiques que le ministre délégué à la Ville. La liste des questions soulevées par le rapport, dont la solution se trouve en dehors de la politique de la ville, est extensive : droit de vote des étrangers aux élections locales, modes d'interventions de la police compris comme un « service public », relations entre école et parents, composition des conseils d'administration des organismes d'HLM, ....

Le fait d'avoir pu formuler cet état des lieux de la participation dans les quartiers, nuira davantage à sa totale application. La politique de la ville a certes une vocation interministérielle, mais sa capacité à réformer les autres politiques publiques est étroitement dépendante de la coïncidence entre les objectifs transversaux qu'elle porte et les objectifs sectoriels des autres organisations publiques.

Si le rapport Bacqué- Mechmache devait avoir des retombées réellement significatives, ce serait parce que les habitants des quartiers populaires auront su s'en saisir grâce à leurs capacités propres d'organisation autonome.

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3.2- Identification des limites des conseils de développement face à la participation attendue

« Les procédures légales aboutissent à des impasses et à des échecs en termes de participation des habitants. La vie quotidienne des habitants dépend de plus en plus des échelons, qui ne sont plus ceux de la commune traditionnelle. Il y a le territoire où l'on vit, celui où l'on vote, celui où l'on décide et ces échelons coïncident de plus en plus rarement. Il faut inventer de nouvelles manières de créer du dialogue utile pour les projets. L'usage des technologies modernes d'information change la donne. Les modèles classiques de participation ne sont pas intégrés par les jeunes générations. Les appartenances territoriales sont multiples. Les conseils de développement participent au passage d'une démocratie participative à celui d'une animation territoriale 59».

Citation de Gabriel Vitré, animateur du conseil de développement de Nantes Métropole

3.2.1 Limites des conseils de développement vers une meilleure participation

Les habitants, grands absents de la société civile

Les conseils de développement reproduisent les schémas de représentation classique de la société française : peu de femmes, peu de chômeurs, peu d'immigrés, peu de jeunes et beaucoup de retraités, qui ne traduisent pas la réalité démographique et sociale de leurs territoires.

Une méthode de fonctionnement difficile

Les difficultés rencontrées par les CD, pour maintenir et enrichir le dialogue et la confiance entre ses membres, sont de plusieurs natures. Les membres actifs, qui exercent des responsabilités, dégagent difficilement le temps nécessaire à l'exercice de leurs missions. Les représentants du secteur associatif sont souvent experts dans leurs activités et fortement impliqué dans la vie civique. Les représentants de l'État, de la région, du département et les consulaire rencontrent les mêmes problèmes, car ils sont sollicités par plusieurs territoires. Les habitants peuvent vite être dépassés sur des questions qu'ils ne maitrisent pas.

De ce fait, l'absentéisme est de règle. De plus, certains acteurs peuvent vite se démobiliser s'ils estiment être peu entendus, s'ils sont déçus des réponses apportées par les élus à leurs questions ou, tout simplement, s'ils se sentent marginalisés par les membres intentionnels ou les leaders associatifs. Il faut aussi revenir sur le caractère entièrement bénévole du statut de membre de conseil de développement, qui peut constituer un handicap lorsque la charge de travail est importante.

59 Citation de Gabriel Vitré, animateur du conseil de développement de Nantes Métropole, Conseils de développement de Pays et d'agglomération, Modes d'emploi, ADELS

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Les faibles relations avec les autres acteurs du développement, local ou régional

Il est important de considérer le territoire, Pays ou agglomération, comme un espace de cohérence à géométrie variable entre les diverses initiatives dont il est l'objet, à tous les niveaux : local, régional, national ou international. Il ne faut pas tomber dans la caricature d'un espace fermé, organisé sur un système productif principalement local, disposant de toutes les ressources nécessaires pour son développement et opposant son propre projet à ceux des autres. Certes, les articulations ne vont pas de soi, mais les Pays et les agglomérations doivent tenir compte de tous leurs environnements et ne pas se positionner en concurrence par rapport aux territoires voisins mais en complémentarité.

Dans l'accueil de nombreux habitants, dans le choix des zones d'activités, dans l'offre d'équipements collectifs il serait incompréhensible que chaque Pays ou agglomération prétendent au niveau d'équipements : le projet du territoire n'est pas la somme des demandes des communes ou des EPCI qui le constituent.

Les relations avec les conseils de développement voisins sont évidemment primordiales. Elles restent pourtant largement à construire. Peu de conseils, en effet, ont le réflexe de s'intéresser à ce que font leurs voisins.

- Le statut et la composition des Conseils

Le statut informel des conseils. Un certain nombre d'entre eux ne sont pas constitués en association, ne bénéficient pas du droit d'auto saisine et dépendent totalement des élus auprès desquels ils rendent des comptes. Ils ne sont pas indépendants et risquent de perdre, de ce fait, tout « esprit critique » sur les politiques locales de développement.

La composition des conseils est variable. Si les associations de développement sont fortement représentées, les entreprises le sont beaucoup moins, et les habitants rarement. Les élus en sont souvent membres (parfois ils en assurent la présidence), ce qui leur enlève une partie de leur autonomie. D'une façon générale, les femmes, les jeunes, le secteur sanitaire et social ou les associations culturelles sont faiblement impliqués. Les entreprises se mobilisent difficilement. Les membres des conseils éprouvent des difficultés pour instaurer des relations avec les structures qu'ils représentent.

- Les moyens

Les moyens mis à disposition sont généralement insuffisants pour leur permettre de fonctionner efficacement. Ils se limitent le plus souvent à la mise à disposition par la structure politique d'un technicien, davantage occupé à des tâches administratives que d'animation. Les membres des Conseils sont bénévoles. Ils n'ont pas les moyens de voyager, de commander des études ou de mobiliser des experts.

- Des missions très inégales

Elles sont précisées dans le cadre de règlements intérieurs, le plus souvent de façon très générale. Tous les conseils ne bénéficient pas de la capacité d'autosaisir sur les questions estimées importantes. Mais beaucoup ont vu leurs missions évoluer vers l'animation du territoire. Quelques-uns, après avoir donné un avis sur le projet de territoire, n'ont plus eu de missions clairement définies. Très peu ont été sollicités pour participer à l'élaboration des

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contrats de territoire. La majorité d'entre eux n'ont pas de mission de communication et d'animation. Peu saisis par les élus, ils s'estiment insuffisamment associés à la définition et au suivi des actions.

Vers une évolution de l'organisation des conseils développement

Les conseils de développement s'installent dans la démocratie. Même s'ils n'ont pas été créés à cette fin, beaucoup ont su conquérir la confiance de leurs élus, sont entendus et suivis par le pouvoir politique. Ils prennent progressivement leur place dans les structures de concertations mises en place à différents niveaux par certaines communes et conseils généraux.

Le statut des conseils se précise progressivement. Après quelques temps de fonctionnement sous forme informelle, certains conseils se structurent en association et deviennent davantage autonomes. Leurs règlements intérieurs sont plus précis, leur fonctionnement davantage démocratique. Ils fonctionnent par délégation à leur bureau et à leur conseil d'administration.

La composition des conseils évolue vers davantage de représentativité. Ce sont rarement les premiers membres qui sont toujours en place. Non seulement ces membres se renouvellent, mais les nouveaux sont plus représentatifs que les anciens. De nouvelles dimensions de la société civile font leur entrée dans les conseils de développement qui s'efforcent de s'ouvrir aux jeunes et aux représentants d'activités spécifiques du territoire. Les élus interviennent moins fréquemment dans leur désignation.

Les missions des conseils de développement évoluent plutôt favorablement. Certains d'entre eux bénéficient maintenant de la capacité d'auto-saisine et se penchent sur les grandes questions du développement de leur territoire. Aprés la période de doute qui a suivi la réalisation des projets de territoire, les conseils se sont mobilisés dans l'animation des territoires. Ils s'engagent vers d'autres missions que le projet de territoire. Ils se mobilisent sur les SCOT, les programmes LEADER, l'insertion. Ils explorent de nouveaux sujets : services à la personne, problématiques du temps, impacts du vieillissement sur le territoire.

Les conseils de développement ont davantage de moyens. Les élus comprennent qu'ils ont besoin de moyens de travail et sont moins réservés sur leurs budgets. Ils ont quasiment tous maintenant un agent de développement local qui ne se limite plus à des tâches administratives. L'appui des régions est déterminant à cet égard.

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3.2.2 Propositions pour faire évoluer les conseils de développement et les rendre plus participatifs

1- Construire une véritable fonction d'animation partagée :

L'animation se réduit souvent à l'animateur ou l'animatrice, qui construit sa pratique comme il le peut, face à une commande publique le plus souvent floue. La situation des professionnels est parfois intenable, « entre le marteau et l'enclume ». C'est notamment le cas lorsque l'instance de participation n'est pas son employeur, mais qu'il est le salarié d'une collectivité et des élus locaux. Les animateurs ne disposent pas toujours de mandat explicite, de marge de manoeuvre suffisante pour mettre en dialogue les représentants élus et la population.

Plus qu'un animateur, il convient de mettre en place une « fonction animation » responsabilisant également les non professionnels ; concevant l'animation comme un processus d'évolution de la démocratie et plus seulement comme un outil de conduite du projet. Là encore, l'animation doit être le produit d'un travail collectif, identifiant les tâches, les responsabilités et les rôles de chacun en fonction de leurs disponibilités. La fonction animation est la garante de la qualité du processus participatif. À ce titre, elle doit veiller à ce que le groupe participatif puisse acquérir les moyens de son organisation et de son autonomie. Elle doit être vigilante, afin que les règles soient respectées. Elle est garante de la qualité de l'accueil et du respect des personnes ; de l'équité et de l'égalité de la parole ; de la qualité de la délibération ; de la recherche du bien commun. Concernant la production du groupe participatif, la fonction animation doit orienter son rôle vers la mise en débat en traduisant, en reformulant et en favorisant l'organisation et la confrontation des points de vue.

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2- Définir une organisation efficace :

L'organisation et le suivi de la participation du conseil de développement, aux projets du territoire, sont indispensables pour être efficaces, et surtout donner aux participants l'assurance que leur implication est importante, que les règles du jeu sont claires et que les travaux auxquels ils sont associés amènent à des résultats.

La rigueur, si elle s'accompagne de convivialité, est un facteur d'efficacité de l'action du conseil de développement, donc de reconnaissance et de lisibilité. Elle ne vise pas la formalisation à l'excès des modes de fonctionnement, qui peut rapidement conduire à l'institutionnalisation, mais d'avantage à une force de travail et à la définition d'une méthode de travail.

Les relations avec les élus apparaissent comme complémentaires à la finalité du rôle des conseils de développement. Celles-ci peuvent prendre diverses formes, selon les territoires et les habitudes de travail. Il peut s'agir, par exemple, de programmer à l'avance les apports attendus du CD (saisines) sur l'année à venir, d'obtenir une formalisation de cette demande par l'instance élue (cahier des charges à l'élaboration auquel le conseil de développement peut être associé), d'obtenir une mise à disposition de ressources documentaires et techniques pour traiter la demande, gérer les rencontres avec les instances élues du Pays ou de l'agglomération.

Les activités du CD doivent être proposées et décidées par ses membres de manière démocratique, en toute autonomie. Les sujets de travail du CD ne doivent pas être décidé à huit clôt, réunissant seulement le président du CD et le président de la structure élue, mais proposés par les membres eux-mêmes.

Le fonctionnement démocratique doit également être la règle dans la manière de traiter des sujets, des projets, le plus souvent dans des commissions librement composées. Tous les points de vue doivent pouvoir s'exprimer librement, en confiance et dans un esprit de respect mutuel. Les débats doivent conduire à faire émerger des points de convergence, qui ne doivent pas conduire, à tout prix, à gommer les divergences de points de vue.

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3- Donner des moyens d'actions :

Il ne peut pas y avoir de CD efficace sans moyens. Les conseils informels sans moyen financiers ou en personnel tombent rapidement en sommeil. La loi ne fait aucune obligation aux élus sur ce point, mais dans l'idée d'atteindre les objectifs de production assignés aux conseils, les moyens dont ils disposent sont primordiales pour son efficacité

La possibilité de procéder à des auditions, de commander et de financer des études et des travaux, la prise en charge des frais de fonctionnement et notamment de déplacements des membres du conseil qui sont tous bénévoles ne sont pas des mesures optionnelles. Ces outils doivent se définir dans le cadre d'une convention pour mettre en rapport ce qui est demandé au conseil et les moyens dont il dispose. Cette disposition a toute sa place comme partie intégrante des contrats de territoire.

Toutefois, les conseils ne doivent pas simplement attendre qu'on leur donne des moyens de fonctionnement, Ils doivent aussi les rechercher eux-mêmes. Beaucoup d'entre eux ont su, à cet égard, mobiliser des fonds européens de programme comme INTERREG ou LEADER.

La question du caractère bénévole de l'implication des membres des CD doit être clairement posée. Elle écarte tout un ensemble de personnes aux ressources modestes. Elle limite les implications et décourages les mobilisations pour un travail important. Il doit être envisageable, à l'image des conseils économiques et sociaux régionaux, de rémunérer les membres du conseil au prorata de leur implication et de prendre en charge leurs frais de déplacement.

Il n'y a pas d'animation sans animateur. L'organisation du travail du CD, la recherche et la diffusion à ses membres d'informations et de documentation, la rédaction des comptes-rendus et des synthèses, la mobilisation des membres du conseil et des citoyens, la coordination entre les membres du conseil et les élus relevant d'une mission difficile que l'animateur partage avec son président. Les compétences requises, pour exercer ce métier difficile d'acteur du développement local, doivent être tout à la fois techniques dans sa connaissance du territoire et des stratégies d'acteur, relationnelles pour savoir être à l'écoute des membres du conseil et de passer les conflits pour construire du débat public, mais surtout personnelles : diplomatie, accueil, curiosité, polyvalence, organisation, neutralité, ténacité, dialogue, ouverture, écoute. L'animateur du CD doit avoir un engagement fort sur le sens de son métier, croire évidemment aux démarches participatives qu'il organise et veiller aux exigences démocratiques d'une assemblée consultative. Il doit aussi pouvoir faire face à toutes les situations par de fortes capacités d'adaptation et ne pas confondre animation et décision.

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Conclusion de partie : Comment les conseils de développement ne jouent pas un excellent rôle d'empowerment dans la mise en oeuvre de projet urbain.

Dans cette dernière partie il a été question de pouvoir dresser une critique sur les aspects qui opposent les conseils de développement à une plus grande participation au sein de ces structures. Pouvoir définir une liste de constats et de leviers d'actions dans le but d'atteindre des structures participatives d'une nouvelle génération, plus en phase avec les acteurs du territoire.

Le premier constat provient de la politique de l'empowerment menée autour de la politique de la ville en 2013 par la ministre délégué à la ville, pensant pouvoir apporter des solutions novatrices sur des questions de mixité sociale et d'équité mais la réalité est tout autre. L'application des nouveaux dispositifs apportés par Bacqué et Mechmache sont encore trop irréalistes pour une mise en action et une prise en compte des autres ministères sur des questions de droit commun, service publique et sécurité intérieure.

Les Conseils de Développement pourraient se comprendre comme un outil de plus, susceptible de rencontrer les mêmes limites que les conseils de quartier, les commissions extramunicipales, etc. Ce n'est pas le cas. En les rendant obligatoires, pour pouvoir prétendre à des financements contractualisés, la loi leur reconnaît un rôle majeur, sans pour autant leur garantir de devenir, de ce fait, un outil de dialogue social territorial. Il faut d'abord que les élus, maîtres du jeu, le souhaitent, il faut ensuite que les conseils eux-mêmes s'organisent en conséquence. Car les conseils ne sont pas uniquement des instruments de démocratie participative, se sont aussi des lieux de débats susceptibles de déboucher sur des choix collectifs. La qualité des CD dépend de nombreux outils tels que ses compétences d'ingénierie portées par son animateur et par la formation de ses membres, apportant une plus grande autonomie dans le fonctionnement et la recherche de financement. La qualité du dialogue, entre les membres du CD et leur capacité à faire émerger des idées partagées vectrices d'amélioration de la vie sur le territoire, dépend de l'esprit dans lequel ils travaillent, des membres impliqués, de son organisation et de l'écoute dont il bénéficie auprès des élus du Pays ou de l'agglomération.

De nombreuses incohérences existent et nous questionnent sur l'évaluation et la mise en commun des travaux menés par les différentes instances, en sachant que leurs fonctionnements restent très individualistes. De nombreuses solutions existent pour arriver à définir et poser un socle commun dans le fonctionnement des conseils de développement. Il semble évident d'instaurer des directives claires, mais aussi de laisser une certaine souplesse d'action dans l'identité des dispositifs

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