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La détention préventive et protection des droits de l'homme au Togo


par Lar KOMBATE
Université de Nantes - Master 2 droit international et européen des droits fondamentaux 2016
  

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68. B. La coopération entre les OSC,les institutions nationales etles institutionsinternationales des droitsde l'homme

Les OSC togolaises travaillent régulièrement avec d'autres institutions internationales et régionales en vue d'une plus grande efficacité dans la mise en oeuvre de leurs actions. Ce travail de collaboration revêt différentes formes qui vont de la mobilisation et de l'appui en ressources humaines, à la création de réseaux, ou encore de coalitions, en passant par des partenariats et des appuis techniques, matériels et financiers avec lesdites institutions. Dans le cadre de leurs missions de protection et de protection des droits de l'homme, les OSC et ODDH reçoivent des financements de la part des partenaires en développement. Ainsi, dans le cadre de l'Examen Périodique Universel, les OSC et ODDH sont associées dans le contrôle de l'exécution des recommandations formulées à l'endroit du pays.

A la 12e Conférence internationale des institutions nationales de promotion et de protection des droits de l'homme qui s'est tenue à Merida en Mexique du 8-10octobre2015, les participants ont convenus que : « les INDH peuvent influencer le processus national de mise en oeuvre et d'obligation de rendre compte afin de faire en sorte que les droits de l'homme soient intégrés dans le processus d'adaptation et de suivi des objectifs, cibles et indicateurs à l'échelle nationale. Elles peuvent aussi conseiller le gouvernement sur l'adoption d'une approche de mise en oeuvre des Objectifs Développement Durable axée sur les droits de l'homme, en veillant tout particulièrement à ce que les principes d'égalité et de non-discrimination soient respectés157(*)

A l'heure de la mondialisation, les organisations de la société civile sont en train de devenir des acteurs importants des relations internationales. Dans cet ordre d'idées, lesPrincipes de Paris reconnaissent la nécessité pour les Institutions Nationales des Droits de l'Homme(INDH) d'interagir étroitement avec les organisations de la société civile (OSC)et d'autres organisations des droits de l'homme dans leurs efforts pour promouvoir et protéger les droits de l'homme. En effet, la collaboration entre les INDH et les OSC est une occasion unique d'ancrer une culture des droits de l'homme au sein de chaque État. Ces partenariats, lorsqu'ils sont robustes, débouchent sur des progrès en matière de promotion et de protection des droits de l'homme158(*)

CONCLUSION GENERALE

« Il n'y a pas de développement sans sécurité, il n'y pas de sécurité sans développement, et il ne peut y avoir ni sécurité, ni développement si les droits de l'homme ne sont pas respectés (...) ».159(*)Cette citation de Kofi Annan, qui invoque la triple nécessité, pour les Nations Unies d'assurer la sécurité, le développement et les droits de l'homme, lève en réalité le voile sur un grand débat qui porte sur la relation qu'entretiennent ces trois notions. Ainsi à l'heure de la mondialisation, l'effectivité des droits de l'homme est un défi majeur.

Pour la Communauté internationale, toute personne privée de liberté doit être traitée avec dignité.160(*)Il va sans dire que la détention provisoire est une mesure exceptionnelle, et c'est à ce titre que peut être affirmée son interprétation restrictive. Elle a pour finalité le maintien de la personne suspectée pour les nécessités de l'instruction, la préservation de l'ordre public et la protection de l'individu lui-même161(*). La durée de la détention tient compte de la nature de l'infraction commise et de la peine correspondante162(*).

Mesure grave mais nécessaire, la détention préventive doit faire l'objet d'une utilisation raisonnable, car il paraît contradictoire de priver une personne de sa liberté pour la commission d'une infraction dont on n'a pas la certitude qu'elle en soit l'auteur alors que la présomption d'innocence nous impose de penser qu'en effet, elle ne l'est pas, tout du moins pour le moment. Il est important de noter que la détention provisoire excessive est un problème mondial qui affecte tant les pays développés que ceux en développement.

C'est pourquoi il incombe à chaque Etat de prendre des mesures adéquates afin de garantir l'effectivité des droits fondamentaux dans l'administration de la justice pénale. A cet effet, le législateur togolais a su comprendre cette philosophie des droits de l'homme. Il n'a pas hésité à intégrer dans sa Constitution les différents instruments internationaux et régionaux relatifs aux droits de l'homme163(*).

Ce travail de recherche tout en traitant de façon générale la protection des droits de l'homme dans le régime de la détention préventive au Togo comporte cependant des limites liées aux questions de l'enfance. La détention provisoire des mineurs en conflit avec la loi n'a pas été abordée spécifiquement dans le cadre de ce travail. L'approfondissement de ce sujet pourrait faire l'objet d'une autre recherche vue la complexité de cette procédure.

Au terme de la présente étude, il ressort que bien consacrée par les instruments juridiques internationaux et régionaux faisant partie intégrante de la Constitution togolaise164(*), la protection des droits des détenus préventifs est précaire et limitée en raison des défaillances textuelles et institutionnelles. En effet, la détention provisoire est réglementée au Togo par la Constitution, Code pénal et le Code de procédure pénale. Il faut noter que ce dernier n'a pas connu beaucoup de réformes visant à réajuster ou à conformer la détention préventive aux exigences de respect des droits de l'homme. Dans la pratique, beaucoup de défis restent à être relevés165(*) : l'absence de motivation du mandat de dépôt, les détentions abusives de longues durées, les conditions de détention dégradantes et déplorables, la surpopulation carcérale, les pertes en vies humaines, les droits et libertés élémentaires des détenus bafoués, l'ineffectivité d'indemnisation des détenus bénéficiant d'une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement. A tous ces problèmes, doivent être trouvés rapidement des remèdes.

A qui incombe la responsabilité de cette situation ?

A priori, il est probable de l'imputer au corps judiciaire.

Cependant, il convient de relever que la responsabilité doit être partagée entre tous ceux qui interviennent dans la conception des mécanismes et l'exécution de la mesure de la détention provisoire au Togo.

En premier lieu, le législateur n'a pas pris assez de dispositions pour mieux protéger les droits des personnes détenues provisoirement. A titre d'exemple, l'actuel Code de procédure pénale et l'ordonnance portant sur l'organisation judiciaire au Togo sont en écart avec la Constitution et le Nouveau Code pénal. L'absence d'institutionnalisation des juges des libertés et de la détention ne garantit pas le respect des droits fondamentaux des détenus préventifs.

En deuxième lieu, l'exécutif ne met pas à la disposition des acteurs judiciaires et pénitentiaires des moyens matériels, institutionnels et humains suffisants pour leurs missions.

En troisième lieu, les acteurs judiciaires, l'Inspection Générale des Services Judiciaires et Pénitentiaires, les mécanismes chargés de contrôle des conditions de détention font preuve d'un manquement grave dans leurs tâches d'exécution et de contrôle.

Alors, que faire pour mettre fin à toutes ces défaillances ? La présente étude est opportune et pourrait contribuer à améliorer la protection des droits fondamentaux des détenus préventifs au Togo. A cet effet, elle suggère donc :

Sur le plan législatif, une révision du Code de procédure pénale du Togo s'avère indispensable. Le nouveau Code de procédure pénale devrait introduire les mesures alternatives non privatives de liberté d'une part, et d'autre part institutionnaliser le juge des libertés et de la détention. Il est impérieux que le législateur redéfinisse clairement les délais et motifs de la détention provisoire.

Le nouveau Code de procédure pénale devrait instituer un recours juridictionnel afin que les détenus préventifs puissent contester les mandats de dépôt décernés par le ministère public pendant leur détention.

Aussi une révision de l'arrêté colonial régissant les prisons civiles au Togo s'avère-t-elle nécessaire. Le nouveau texte devrait prendre en compte les règles minimales de Tokyo et autres textes relatifs à la détention provisoire. Chaque juridiction doit être dotée d'une prison civile ou au moins une maison d'arrêt respectant les normes internationales.

Le législateur devrait revoir l'ordonnance N°78- 35 du 7 septembre 1978 portant organisation judiciaire au Togo afin de régler le problème de juge unique qui ne garantit pas souvent le principe d'impartialité. Les règlements intérieurs des juridictions relatifs à l'organisation des audiences doivent être repensés car ces règlements contredisent les délais légaux (48 à 72 heures) que le Code de procédure pénale a prévu pour qu'une affaire soit appelée à l'audience.

Sur le plan pratique, les pouvoirs publics doivent accroître le budget de fonctionnement alloué à l'administration pénitentiaire afin d'améliorer les conditions matérielles et morales d'exécution de la mesure de détention provisoire. Les pouvoirs publics doivent également augmenter le nombre d'acteurs judiciaires, les surveillants de l'administration pénitentiaire et le personnel pénitentiaire. Leur niveau d'instruction doit être amélioré par des cours et des stages de recyclage sur la protection des droits de l'homme dans l'administration de la justice, sur l'éthique et la déontologie.

Les magistrats doivent faire preuve de sagesse et d'éthique dans l'usage de la détention provisoire. Avant de recourir à un mandat de dépôt, ils devront se demander si c'est l'unique moyen pour parvenir à la manifestation de la vérité. Pour certaines infractions moins graves, ils doivent procéder à la médiation pénale en s'inspirant de celle des enfants en conflit avec la loi166(*).

Sur le plan du contrôle de la mesure de détention provisoire, l'Inspection Générale des Services Judiciaires et Pénitentiaires et les Organisations de défense des droits de l'homme doivent faire régulièrement des visites inopinées dans les juridictions et dans les lieux d'exécution de la détention provisoire afin de toucher du doigt les réalités du terrain et par conséquent prendre des mesures appropriées s'il y a lieu. Ceci contribuerait également à dissuader les magistrats et le personnel pénitentiaire véreux, et partant à mieux garantir la protection des droits des détenus provisoires.

A moyen terme, les Cours d'appel doivent organiser des audiences d'assises foraines au moins six à sept assises par an en matière criminelle au lieu d'une seule session ; les tribunaux doivent tenir des audiences de jugement au moins sept à huit audiences par mois en matière correctionnelle. Ces audiences foraines permettront de désengorger les prisons civiles togolaises voire réduire le nombre des prévenus ou inculpés préventifs.

A long terme, les autorités publiques devraient conclure des partenariats publics-privés d'une part, et d'autre part instituer la coopération entre les services publics dans la gestion des prisons civiles à savoir : Ministère de la santé, Ministère de la justice, Ministère de l'Action sociale. La nécessité d'étendre la couverture sanitaire aux personnes privées de libertés s'avère très indispensable.

Il en va de l'intérêt des pouvoirs publics, car une détention préventive faite dans de bonnes conditions et dans les délais réguliers constitue également un indice de respect des droits de l'homme et permet ainsi d'apprécier le degré de libéralisme et la capacité du pays au respect du droit et à la mise en oeuvre d'une justice saine et efficace.

Pour que la garantie des droits fondamentaux des détenus préventifs devienne une réalité, il faut une intervention accrue de la Communauté internationale, des organisations de la société civile et des organisations de défense des droits de l'homme.

Aujourd'hui, la justice togolaise a besoin d'actes pour écrire au fronton des palais de justice, prisons civiles et en lettre d'or, cette phrase qui est inscrite à l'entrée du Palais de l'Europe à Strasbourg « Là où les hommes sont condamnés à vivre dans la misère, les Droits de l'Homme sont violés. S'unir pour les faire respecter est un devoir sacré ». Les citoyens togolais notamment les autorités politiques, les ONG, les ODDH, la CNDH, la société civile, les acteurs judiciaires et pénitentiaires doivent pouvoir faire leurs ces mots du Père Joseph WRESINSKI167(*) et prendre conscience de leur devoir sacré de garantir et de protéger les Droits de l'Homme au Togo.

BIBLIOGRAPHIE

* 157Note conceptuelle, 12e conférence internationale des institutions nationales de promotion et de protection des droits de l'homme : « les objectifs de développement durable : quel rôle pour les institutions nationales des droits de l'homme ? », Merida : Mexique, 8-10octobre, 2015, 9 p.

* 158Voir par exemple CHRI: A Partnership for HumanRights: Civil Society and National HumanRights Institutions (2011) http://www.humanrightsinitiative.org/programs/CHOGM/CHRI%202011%20CHOGM%20Report.pdf.Cité dans note conceptuelle, 12e conférence internationale des institutions nationales de promotion et de protection des droits de l'homme : « les objectifs de développement durable : quel rôle pour les institutions nationales des droits de l'homme ? », Merida : Mexique, 8-10octobre, 2015, p.6.

* 159 Dans une liberté plus grande : développement, sécurité et respect des droits de l'homme pour tous, Rapport du Secrétaire général, 24 mars 2005, A/59/2005.

* 160Article 10 par.1 du PIDCP.

* 161Jean PRADEL, procédure pénale, Editions CUJAS, 14è édition 2008/2009, 678 p.

* 162 Article 113 du Code de procédure pénale du Togo.

* 163Les différents instruments internationaux et régionaux des droits de l'homme ratifiés et signés par l'Etat togolais font parties intégrante à notre Constitution.

* 164La Constitution du 14 octobre 1992, modifiée le 31 décembre 2002 et 2007.

* 165Bureau du Haut-commissariat des Nations unies aux droits de l'homme au Togo : Rapport sur le respect et la mise en oeuvre des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans l'administration de la justice au Togo, publié en Décembre 2013, p. 26.

* 166La loi n°2007 - 017 du 06 juillet 2007 instituant le Code l'enfant au Togo.

* 167Joseph WRESINSKIest un  prêtre diocésain français, fondateur du Mouvement des  droits de l'homme  ATD Quart Monde, initiateur de la lutte contre l' illettrisme.

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