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Dynamiques citoyennes et acteurs de développement en Afrique. L’exemple de la société civile ivoirienne.


par Hervé Rabet
Université Bordeaux Montaigne - Master II études interdisciplinaires des dynamiques africaines 2020
  

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Chapitre 3 : L'action des OSC ivoiriennes du développement depuis 2011

Deux logiques, complémentaires par essence, que sont l'approche humanitaire qui intervient dans une situation de crise et l'approche développementaliste qui intervient en amont de la crise s'opposent et s'affrontent en Côte d'ivoire.

C'est l'amalgame fait entre ces 2 approches par l'ensemble des acteurs ivoiriens qui caractérise l'action de la société civile ivoirienne.

Selon le mapping des OSC ivoiriennes réalisé en 2010 par Maurizio Floridi et Stefano Verdecchia pour l'Union européenne, la plupart des Organisations de la Société Civile (OSC) ivoirienne qui opèrent actuellement sont nées au coeur de la crise ivoirienne. Il s'agit donc d'une génération entière d'OSC qui sont quasi-exclusivement projetées dans la logique de l'urgence et de l'intervention humanitaire et qui ne connaissent que le mode opératoire de la prestation de services, souvent au travers de relations asymétriques de sous-traitance avec les ONG internationales.

Cette situation que l'on peut qualifier d'inquiétante, contribue à vider les acteurs de la société civile de leur essence à l'exercice du dialogue social et politique ainsi que dans la création et la gestion de l'espace public. Le principal risque pour cette société civile étant d'être marginalisée et maintenue davantage à des fonctions subalternes de simple exécution d'actions conçues et coordonnées par d'autres acteurs.

A cela il faut ajouter deux aspects qui renforcent cette situation : d'une part l'incapacité des hommes politiques ivoiriens à reconnaitre la société civile en dehors des tentatives d'instrumentalisation politique de celle-ci et d'autre part la création d'une culture de la dépendance relative aux ressources financières des OSC.

La question primordiale n'est donc pas celle qui interroge, comme chez certains partenaires techniques et financiers (PTF), l'existence d'une société civile en Côte d'Ivoire mais bien celle de son rôle et de sa place dans le pays. Sur le plan historique la société civile ivoirienne n'a que peu été impliquée dans les questions de développement. Les deux grandes sécheresses des années 80 ont contribué indirectement à création de centaines d'OSC et de leaders à la gestion de l'espace public mais n'ont principalement concerné que les pays voisins du nord et une partie de la Côte d'ivoire de la zone subsahélienne.

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La société civile ivoirienne n'était probablement pas prête à gérer une catastrophe sociale telle qu'elle s'est manifestée à partir de septembre 2002. Mais il apparaît aujourd'hui évident que la mise en oeuvre de pratiques d'urgences humanitaires a contribué dans le temps à déposséder les OSC de leurs prérogatives et de leurs valeurs ajoutées. Aujourd'hui les rares Organisations Non Gouvernementales (ONG) ivoiriennes qui opèrent dans le développement sont malgré elles dans une situation de concurrence, laquelle pourrait être sans doute être considérée comme déloyale, des organisations et des acteurs agissant dans l'humanitaire.

Un exemple-type de notre propos peut être celui d'une ONG basée à Korhogo, dans le nord de la Côte d'ivoire, opérationnelle bien avant le début de la crise débuté en 2002. Sa longue pratique de partage des coûts de la formation en faveur des organisations et coopératives de base qu'elle accompagnait est entrée en conflit avec l'approche humanitaire dans laquelle la logique du don prédomine (Floridi et Verdecchia,2010).

Les organisations de base de la région de Korhogo se trouvent désormais face à un dilemme. Celui de choisir d'être accompagné par l'ONG en maintenant le principe du partage des coûts des activités comme elles le font depuis une vingtaine d'années, ou de s'adresser à des organisations « concurrentes » financées par des ONG internationales agissant dans l'humanitaire dont les services ne sont pas payants. Dans ce cas, l'aspect de la concurrence est assez clair mais celui de l'appropriation des processus de changement par le milieu rural devient plus floue.

Enfin, un dernier aspect de la « dérive humanitaire » chez les OSC ivoiriennes est représenté par leur faible capacité d'innovation. La longue période de sortie de crise, l'approche et la pratique de l'humanitaire, l'attentisme de la plupart des bailleurs de fond et l'absence de toute stratégie de reconnaissance et de renforcement de la société civile ivoirienne, ont de fait contribué à la perte de capacité des OSC à innover et à identifier des solutions efficaces aux problèmes ayant menés la situation de crise (Floridi et Verdecchia,2010).

Après 10 années de « réconciliation nationale », de « reconstruction économique » et de « paix », le risque d'avoir une génération passive au sein de la société civile ivoirienne, incapable d'imaginer et de mettre en oeuvre son futur est toujours d'actualité. En perdant

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sa créativité et sa capacité d'innovation, les OSC ivoiriennes risquent d'être spectatrices d'une pièce qui est et sera jouée par d'autres acteurs ou, dans le meilleur des cas, d'être de simples prestataires de services dans un marché dysfonctionnel où ce qui prédomine est l'offre (celle de l'humanitaire) et non de la demande (celle de commencer à penser le devenir du pays et des citoyens).

Malgré tout, les acteurs de la société civile mènent un combat au quotidien pour parvenir à un climat démocratique et sociale propice à l'émergence d'OSC aptes à jouer pleinement leurs rôles.

Nous nous intéresserons maintenant aux principaux enjeux que révèle l'action de la société civile ivoirienne ainsi qu'à ses limites.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon