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L’harmonisation des systèmes fiscaux des états membres par la cour de justice de l’union européenne.


par Dylan Viry
Université de Lorraine - Master II Procédures et fiscalité appliquée 2019
  

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Conclusion

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Introduction

« Qu'on parle de vous, c'est affreux. Mais il y a une chose pire : c'est qu'on n'en parle pas »1. En effet, si la médiatisation de la haute fonction publique européenne est récurrente, sujette à de nombreuses critiques envers les « technocrates de Bruxelles »2, les juges de Luxembourg se situent loin de ces préoccupations, disposant d'une mise en lumière très limitée. Cette obscurité leur permet de préserver l'indépendance de leurs fonctions juridictionnelles. Toutefois, l'action de la Cour ne touche, médiatiquement parlant, que peu l'opinion publique, et ce, en dépit de la publicité des décisions de justice. Pourtant, l'action de la Cour est essentielle au rouage européen à travers son activité juridictionnelle. Elle est un engrenage dans la machine de la démocratie européenne influant sur la vie du citoyen, notamment en matière fiscale3.

1 Oscar Wilde, Citations

2 https://www.lepoint.fr/monde/royaume-uni-boris-johnson-menace-de-ne-pas-payer-la-facture-du-brexit-09-06-2019-2317742_24.php

3 CJCE, 14 février 1995, Finanzamt Köln-Altstadt contre Roland Schumacker, C-279/93

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Ainsi, s'il est né lentement un droit fiscal4 de l'Union Européenne5, il n'existe pas d'impôt6 européen à proprement parler. Et bien que ce droit ait pour but d'encadrer les législations fiscales nationales, son influence reste la plupart du temps asymétrique. C'est d'ailleurs cette caractéristique qui distingue l'Union Européenne des « véritables » États fédéraux7.

4 « Du latin fiscalis, lui-même issu de fiscus désigne un panier à argent, le trésor public ou encore le trésor impérial. Le droit fiscal est la branche du droit qui étudie les principes juridiques relatifs aux impôts, taxes, contributions et cotisations sociales et regroupe l'ensemble des normes de droit qui les concernent. Il traite des prérogatives de l'Administration pour percevoir auprès des personnes physiques ou des personnes morales (citoyens ou agents économiques) leur contribution au fonctionnement de l'Etat et à la satisfaction de l'intérêt public. Il aborde aussi les garanties dont disposent les contribuables.

Le droit fiscal, qui relève du droit public, a des liens étroits avec le droit privé en raison de ses impacts sur les activités économiques. Il est l'expression de la politique économique et sociale de l'Etat et interagit avec le droit des affaires, le droit commercial, la comptabilité et la finance. »

La Toupie, Dictionnaire, "Toupictionnaire" : le dictionnaire de politique, Droit Fiscal

http://www.toupie.org/Dictionnaire/Droit_fiscal.htm

5 « Créée le 1er janvier 1993 par l'application du Traité de Maastricht, l'Union Européenne (UE) prend le relais dans la construction européenne de la communauté économique européenne (CEE). L'UE est une union intergouvernementale, mais n'est pas un État destiné à se substituer aux États membres existants. Elle est une entité juridique indépendante des États qui la composent et dispose de compétences propres (politique agricole commune, pêche, politique commerciale, etc.), ainsi que des compétences qu'elle partage avec ses États membres. Elle est reconnue comme étant une organisation internationale.

Sur le plan économique, elle dispose d'une union douanière, ainsi que pour les États membres appartenant à la zone euro, d'une monnaie unique, l'euro. L'Union est donc une structure supranationale hybride empreinte à la fois de fédéralisme et d'intergouvernementalisme. Aujourd'hui, les pays de l'Union européenne sont au nombre de 28. »

INSEE, Définitions, méthodes et qualité, Définitions, Union Européenne / UE, https://www.insee.fr/fr/metadonnees/definition/c1753

6 Selon G.Jèze, l'impôt est « Une prestation de valeurs pécuniaires exigée des individus d'après des règles fixes, en vue de couvrir des dépenses d'intérêt général, et uniquement à raison du fait que les individus qui doivent les payer sont membres d'une communauté politique organisée » Cours de finances publiques 1936-1937, LGDJ, 1937, p. 38

Selon G. Vedel « L'impôt est une prestation pécuniaire requise des particuliers par voie d'autorité, à titre définitif et sans contrepartie, en vue de la couverture des charges publiques » Encyclopedia Universalis, 1996, v° Impôt, vol. 11, p. 1001

7 « L'État fédéral, ou fédération, se définit par l'existence d'un État fédéral se superposant à des entités fédérées, selon une organisation « à double étage ». C'est la Constitution fédérale qui assure la répartition des compétences entre les niveaux fédéral et fédéré. Les compétences qui intéressent la souveraineté internationale restent généralement le monopole de l'État fédéral (diplomatie, défense, monnaie).

Les États fédérés sont des entités politiques qui disposent chacune d'un pouvoir exécutif, législatif et juridictionnel, s'articulant avec ceux des institutions fédérales. Les États fédérés participent aux décisions fédérales : le pouvoir législatif fédéral est composé de deux chambres, l'une représentant la population de l'État fédéral, l'autre les États fédérés (Bundesrat allemand, Sénat américain, etc.). » Dalloz, Fiche d'orientation, État, Mai 2019

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Pourtant, l'article 2 du traité de Rome8 fixait un objectif ambitieux à la nouvelle communauté économique, composée de six États9, qui venait de naître à travers la promotion d'un développement harmonieux des activités économiques. L'établissement d'un marché commun et le rapprochement progressif des politiques économiques des États membres permettraient d'atteindre ce résultat. Parmi les instruments créés par le traité, la fiscalité n'y avait qu'une place modeste : cinq articles10 seulement lui étaient consacrés. En effet, dans les démocraties parlementaires, le vote de l'impôt est un symbole historique et une compétence jalousement conservée par les élus11. Or, aucune institution européenne comparable à un Parlement national n'avait suffisamment de légitimité pour lever un « impôt européen » ou consacrer une telle compétence fiscale.

Dans ce contexte, Union Européenne et fiscalité ont souvent été éloignées malgré le fait que ces dernières avaient été institué, ab initio, dans un but purement économique. Les traités n'accordent d'ailleurs aucune compétence fiscale à l'Union. Les immixtions de l'Union dans le domaine fiscal sont par conséquent très encadrées, même si la Cour de Justice a de plus en plus tendance à ouvrir ce territoire peu exploré jusqu'ici12. Toutefois, le fait de supposer que l'Union ne dispose pas de compétence fiscale ne signifie pas que le droit fiscal de l'Union en est encore à un stade embryonnaire, visible seulement à travers la jurisprudence de la Cour de Justice. En effet, il existe des articles dans le TFUE13 qui traitent de questions fiscales. Il ne s'agit toutefois que, pour la plupart, de dispositions ne se rapportant qu'à la fiscalité indirecte14. Ces dernières reprenant peu ou prou celles du traité de Rome, reflétant in fine la concrétisation de la libre circulation des marchandises15.

8 Le traité de Rome a été signe le 25 mars 1957 et entré en vigueur le 1er janvier 1958. Son article 2 dispose que « La Communauté a pour mission, par l'établissement d'un marché commun et par le rapprochement progressif des politiques économiques des États membres, de promouvoir un développement harmonieux des activités économiques dans l'ensemble de la Communauté, une expansion continue et équilibrée, une stabilité accrue, un relèvement accéléré du niveau de vie et des relations plus étroites entre les États qu'elle réunit. »

9 La France, la République Fédérale Allemande, la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg et l'Italie.

10 Articles 95 à 99 du traité de Rome

11 Article 34 de la Constitution française de 1958

12 CJUE, 26 février 2013, Åklagaren/Hans Åkerberg Fransson, C-617/10

13 Traité ayant pour origine le traité de Rome amendé en profondeur par le traité de Lisbonne signé le 13 décembre 2007, entré en vigueur le 1er décembre 2009

14 Articles 110 à 113 du TFUE

15 Les libertés prévues par le traité en faveur de la circulation des travailleurs (art. 45), de l'établissement (art. 49), de la prestation de services (art. 49) et des mouvements de capitaux (art. 63) doivent être respectées dans le domaine fiscal.

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Néanmoins, cette absence d'une cohésion fiscale suffisamment solide pose de multiples problématiques. En effet, les impôts deviennent de véritables instruments de concurrence interétatique, créant ainsi un phénomène de concurrence fiscale intracommunautaire16. Phénomène ô combien paradoxal au regard des objectifs d'intégration, d'uniformisation17, ou tout du moins d'harmonisation18 de l'Union. Quelques directives éparses voient le jour19, sur le fondement de l'actuel article 115 TFUE permettant ainsi une harmonisation des systèmes fiscaux à l'unanimité du Conseil (dans l'hypothèse selon laquelle ils auraient une incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur). Le mouvement s'est cependant accéléré à partir des années 90, lorsque la Cour de Justice a commencé à appliquer les grandes libertés communautaires aux mesures fiscales, et ce, même en matière de fiscalité directe20. Toutefois, la réglementation fiscale européenne est encore bien trop incomplète et a prouvé l'entièreté de ses limites. En effet, dans un contexte de mondialisation économique, certains États membres tirent leur épingle du jeu en arborant

16 Amélie Barbier-Gauchard, La concurrence fiscale dans l'Union européenne, Les politiques budgétaires confrontées à la mobilité, Politique étrangère 2008/2 (Eté), pages 385 à 400

17 « Composée des mots latins unus qui signifie « un » et forma qui veut dire « forme », l'uniformisation consiste à donner la même formeà un ensemble d'éléments « dont toutes les parties se ressemblent entre elles ». Elle postule que, pour une matière précise, soit minutieusement élaboré un cadre normatif (unité de second degré) contenu dans un instrument unique auquel les parties prenantes adhèrent sans pouvoir y déroger ni sur le fond, ni sur la forme. Concrètement, l'uniformisation suppose par exemple que les États impliqués dans une intégration se dotent d'un corps de normes uniformes et détaillées contenu dans un instrument unique. D'ailleurs, c'est ce support commun à tous les intervenants à une intégration juridique qui fait la particularité de l'uniformisation et la distingue de l'unification. »

Innocent Fetze Kamdem, Professeur adjoint, Section de droit civil, Faculté de droit de l'Université d'Ottawa, Harmonisation, unification et uniformisation. Plaidoyer pour un discours affiné sur les moyens d'intégration juridique, Revue de droit uniforme: (2008) Unif. L. Rev./Rev. dr. unif. 709

18 « Du latin harmonia, l'harmonisation désigne « un simple rapprochement entre deux ou plusieurs systèmes juridiques » afin d'en réduire ou d'en supprimer certaines contradictions. Ainsi, l'harmonisation est un moyen qui sert à établir les grandes lignes d'un cadre juridique (unité législative de premier degré) en laissant aux différentes parties prenantes à l'intégration le soin de compléter l'ossature commune par des dispositions qui correspondent mieux à leurs valeurs, à leurs préférences ou à leur niveau de développement. En tant qu'entreprise, l'harmonisation est donc un processus. »

G. Cornu (dir.), Vocabulaire juridique, Paris, Quadrige / PUF, 2000, p. 423

Innocent Fetze Kamdem, Professeur adjoint, Section de droit civil, Faculté de droit de l'Université d'Ottawa, Harmonisation, unification et uniformisation. Plaidoyer pour un discours affiné sur les moyens d'intégration juridique, Revue de droit uniforme: (2008) Unif. L. Rev./Rev. dr. unif. 709

19 Directive 2011/96/UE du Conseil du 30 novembre 2011 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'États membres différents, directive 2003/49/CE du Conseil du 3 juin 2003 concernant un régime fiscal commun applicable aux paiements d'intérêts et de redevances effectués entre des sociétés associées d'États membres différents, directive 90/434/CEE du Conseil, du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, apports d'actifs et échanges d'actions intéressant des sociétés d'États membres différents

20 Pour la libre circulation des marchandises CJCE 16 juillet 1992, Legros, C-163/ 90, Plén., CJCE, 9 juillet 1994, Lancry SA et alii, C-363/ 93 et 407 à 411/ 93, CJCE, 19 févr. 1998, Chevassus, C- 212/ 96 Pour la libre circulation des capitaux CJCE, Jessica Safir, 28 avril 1998, C-118/ 96

Pour la libre circulation des personnes CJCE, 14 février 1995, Finanzamt Köln-Altstadt contre Roland Schumacker, C-279/93

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des systèmes fiscaux des plus avantageux pour les entreprises21, soulevant des problématiques inédites face auxquelles l'Union est désarmée par le principe du vote à l'unanimité22. L'Union Européenne se retrouve ainsi bloquée entre sa volonté d'harmonisation et le refus des États membres de lui abandonner leur compétence fiscale, dernier bastion de leur souveraineté.

Ainsi, « le droit fiscal européen s'entend comme la composante à part entière d'un système juridique transnational »23. Le droit de l'Union, sous sa perspective fiscale, a donc pour but d'assurer la bonne application des traités de base ainsi que la surveillance des régimes fiscaux nationaux. Et « s'il n'existe pas de fiscalité de l'Union, cela ne signifie pas que le droit fiscal de l'Union, ainsi entendu, ne présente pas d'importance. Tout au contraire, son objet tout d'abord - les fiscalités nationales - élément par excellence de la souveraineté nationale, ses méthodes ensuite - des règles contraignantes - ses objectifs enfin - élimination de toute discrimination, rapprochement des législations nationales - commanderaient, s'il en était besoin, d'attacher la plus grande importance au contenu de ses règles et à leur portée »24.

Il doit donc s'opérer une harmonisation des systèmes fiscaux nationaux si l'Union souhaite remplir cet objectif. Toutefois, selon la doctrine, l'harmonisation fiscale demeure un « concept flou si ce n'est ambigu particulièrement mis en avant par les organes communautaires en vue de faciliter la réalisation d'un grand marché unique. L'harmonisation fiscale est à distinguer de l'uniformisation fiscale, en ce sens que les règles fiscales des différents États sont certes rapprochées les unes aux autres, autour d'un

21 Irlande, Luxembourg, Malte et Pays-Bas

Jean-Christophe Catalon, 28 novembre 2017, La Tribune, Paradis fiscaux : quatre pays de l'Union européenne méritent d'être sur liste noire, selon Oxfam https://www.latribune.fr/economie/international/paradis-fiscaux-quatre-pays-de-l-union-europeenne-meritent-d-etre-sur-liste-noire-selon-oxfam-759371.html

22 « Dans le cadre du traité instituant la Communauté européenne et du traité sur l'Union européenne, toutes les décisions en matière fiscale qui doivent être prises au niveau européen sont soumises à la règle de l'unanimité, ce qui signifie que tous les États membres doivent être d'accord sur toute mesure adoptée dans le domaine fiscal.

Commission européenne, Fiscalité et Union douanière, information générale sur la fiscalité, Fiscalité et vote à la majorité qualifiée »

https://ec.europa.eu/taxation_customs/general-information-taxation/taxation-qualified-majority-voting_fr

23 Jean-Bernard Auby, L'influence du droit européen sur les catégories juridiques du droit public, Informations sociales 2013/1 (n° 175), Cairn

24 Dominique Berlin, Professeur émérite à l'université Panthéon-Assas (Paris II), Synthèse - Droit fiscal de l'Union européenne, JurisClasseur Europe Traité,

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tronc commun, mais tout en maintenant les différences de législation jugées acceptables25 ».

« Il y a vingt ans déjà, l'expression « droit fiscal communautaire » devait être précisée afin d'éviter toute référence à un quelconque impôt communautaire dont ce droit aurait défini le régime. En réalité d'impôt communautaire ou de l'Union aujourd'hui il n'y a pas et il semble qu'il n'y aura pas dans un avenir proche, car sa création marquerait sans doute un tournant dans la construction de l'Union européenne en direction d'un État fédéral, tournant qui, si tant est qu'il ait été proche à un moment donné, semble s'éloigner au fur et à mesure des nouvelles adhésions. En réalité, sous cette expression sont regroupés les deux corps de règles du droit de l'Union qui encadrent les droits fiscaux nationaux : les dispositions des traités et les directives d'harmonisation. »26

Toutefois, au sens de la doctrine, l'Union européenne n'est actuellement ni une confédération ni une fédération au sens constitutionnel de ces deux concepts. L'Union européenne a dans un célèbre arrêt « définit sa propre forme de fédéralisme constitutionnel »27 . En effet, parmi ses objectifs les plus importants l'intégration économique joue un rôle de moteur à travers la création et la consolidation d'un marché commun qui comprend sans discrimination les économies des 28 États membres. Cependant, la « Petite Europe28 » dispose toujours d'un « paysage fiscal très fragmenté ». Dans ce contexte, l'Union européenne quasi-fédérale est également confrontée au défi de la coordination des compétences législatives et administratives dans le but de supprimer les entraves au commerce entre États et d'éviter les discriminations au sein du marché commun. D'ailleurs, nombreux sont ceux qui l'ont souligné dans des rapports29 : le manque actuel de coordination et d'harmonisation a pour risque d'entraîner une érosion des recettes fiscales par l'exploitation d'arbitrages fiscaux ou de vides juridiques avantageux. Ainsi, dans un contexte d'une économie globalisée, la capacité des États membres à mettre en place un système fiscal efficace et équilibré est entravée par une concurrence fiscale

25 Alain Steichen, Lexique fiscal, Édition Saint-Paul

26 Ibid24

27 CJCE, 23 octobre 1986, Les Verts c/ Parlement, 294/83

28 Terme utilisé par pour désigner l'Union européenne par contraste avec la « Grande Europe » désignant généralement les États membres du Conseil de l'Europe

29 Qu'il s'agisse du rapport Neumark des 7 et 8 juillet 1962, Werner du 22 mars 1971, Burke de 1980, Ruding de 1992 ou de la Commission en 2001, tous ont énoncé la volonté d'entreprendre à plus ou moins grande échelle une harmonisation des législations fiscales au sein du territoire de l'Union

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robuste. Cela implique pour les États une nécessité de se rassembler pour lutter contre un phénomène qui entache constamment leur budget depuis plus d'un siècle30.

En matière fiscale, la jurisprudence de la Cour s'est étendue considérablement, devenant controversée au regard de la souveraineté des États. En effet, cette dernière participe inéluctablement à l'harmonisation fiscale entre les États membres. Il est évident que la jurisprudence de la Cour, comme il sera observé ci-après, tend à promouvoir la neutralité fiscale des transactions économiques au sein du marché unique, notamment en supprimant les entraves résultant de l'existence parallèle et de l'interaction de différentes taxes nationales. L'harmonisation fiscale entre les États membres revêt donc essentiellement deux dimensions. La première consiste en un rapprochement du droit fiscal et des règles de procédure connexes des États membres en vue de réduire, tout du moins, les disparités entre les systèmes fiscaux nationaux. La seconde consiste davantage en une suppression des doubles impositions, tant économiques que juridiques, entre les États membres.

« L'harmonisation ne couvre pas tous les aspects de l'impôt et peut être limitée aux aspects créant des dysfonctionnements dans le marché commun. Dans l'harmonisation la souveraineté nationale continue à exister, quoiqu'en parallèle avec la compétence communautaire, les États membres ne peuvent exercer leur souveraineté en matière de fixation de l'impôt que dans les limites prévues par l'organe centrale. Ainsi, à l'image du « serpent monétaire européen » mis en place dans les années 70 pour contenir les fluctuations des monnaies européennes dans certaines limites, certaines personnes préconisent un « serpent fiscal européen » afin d'encadrer les pratiques fiscales des différents membres de l'Union européenne et de les enserrer dans un standard commun »31 .

Toutefois, la notion d'harmonisation entre États membres ne se limite pas à la suppression des entraves à l'accès au marché intérieur et aux atteintes à la liberté de la concurrence causées par des dispositions fiscales discriminatoires et restrictives d'un seul et même État membre.

30 Cour de M. le Doyen Pierre Tiffine, « Le problème Suisse au XIXe siècle », Théorie de l'impôt, 2019

31 Politique fiscale communautaire, Encadrement politique des sources juridiques, §2 harmonisation fiscale, Lexnow

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En ce sens, dans quelles mesures le rôle joué par la Cour de Justice permet-il la consolidation des fondements du droit de l'Union au détriment de la souveraineté des États membres ?

Il ne fait nul doute que la Cour joue un rôle important de promotion mais également de complexification des législations fiscales des États membres à travers son harmonisation qualifiée de « négative32 ». Cette harmonisation fiscale prétoriennes33 s'effectue bien souvent au détriment de la souveraineté des États membres (Partie I) et dont la visée téléologique34 assumée s'effectue au profit de la consolidation européenne (Partie II).

32 L'harmonisation négative doit s'entendre comme l'harmonisation résultat de la jurisprudence de la Cour et qui a pour but d'harmoniser et d'offrir un cadre juridique cohérent aux États membres. A l'inverse l'harmonisation positive se définit davantage comme une harmonisation provenant du législateur européen.

Europa, Briefing, Mars 2017, The EU as a community of law - Overview of the role of law in the Union

33 Se dit d'un droit jurisprudentiel. Cela signifie qu'il est largement l'oeuvre du juge.

34 « Doctrine philosophique qui repose sur l'idée de finalité » Dictionnaire Larousse

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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle