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Travail de fin d'étude en Développement et Education Des Adultes (DEDA)

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par Valentin Agon
Université de Ouagadougou - Licence 2005
  

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INTRODUCTION GENERALE

L'Afrique reste en retard par rapport aux autres continents et il est urgent de contribuer à son développement par le changement. Tout changement dans le cadre du développement, est un fait de l'homme qui, a lui-même besoin de sérieux changements tant dans sa perception des choses que dans son implication dans la transformation de son environnement. Pour le rendre capable, surtout s'il est déjà adulte, donc censé être conscient de son état de pauvreté en capacité de changement, le recours à l'éducation est la seule assurance pour lui faire acquérir des compétences et des qualités constitutives de la dynamique du développement. Il lui revient de faire donc un retour dans le monde du savoir pour réfléchir sur son engagement professionnel et s'armer d'outils nécessaires à son développement et à celui de son environnement. C'est dans ce cadre que j'ai bénéficié pendant deux ans de divers acquis à DEDA afin d'être un véritable acteur de développement et de réussir mon projet de participer à l'émergence de l'Afrique. Roger Mimier n'a-t-il pas dit : «Un homme sans projets est l'ennemi du genre humain»1(*) ?

Ainsi dans le cadre du travail de fin d'études, je présenterai dans un premier temps mon parcours de formation en puisant dans mon histoire de vie, ensuite mon parcours professionnel pendant lequel la nécessité s'est imposée à moi d'aller acquérir des compétences, ce qui m'a conduit à la formation DEDA ; dans un deuxième temps, je présenterai les acquis DEDA tant conceptuels, méthodologiques que transversaux en mettant en relief leurs valeurs théoriques et pratiques ; enfin je ferai ressortir ma nouvelle vision d'action avec ma nouvelle stratégie tout en rendant compte des changements connus.

A / PHASE ANTE-DEDA

1- Mon parcours de formation

« Le passé n'est jamais tout à fait le passé »2(*), cette affirmation de Henry BATAILLE donne un sens au récit de mon parcours qui sera présenté dans ce document de fin d'études. Mieux qu'un spectateur assis dans une salle de cinéma, je vais tenter de dépeindre et d'analyser « le film de ma vie » dont je suis pour l'essentiel l'acteur. Il est vrai, Louis ARAGON écrivait que «la vie est un voyageur qui laisse traîner son manteau derrière lui, pour effacer ses traces»3(*). Pour ce qui me concerne, aux antipodes de ces propos qui font sens dans bien des cas, mon passé à moi demeure vivant et vivifiant. Ainsi, dans les lignes qui vont suivre, je vais tenter une sorte de voyage dans mon passé, dans mon histoire pour faire l'état des lieux afin de faire ressortir les succès et les échecs, l'influence positive et négative de mon environnement social, les faits marquants, indélébiles, inscrits dans les pages de ma vie, qui constituent les facteurs de changement personnel et professionnel.

1 -1 Présentation synoptique de mon parcours de formation

? Formation socio-culturelle et scolaire

George BERNANOS dit « On ne subit pas l'avenir, on le fait »4(*). Selon le freudisme, le présent et l'avenir de tout homme sont tissés par ou avec les fils de son passé. Mon passé s'est déroulé dans un contexte socio-culturel et scolaire particulier.

Né le 14 février 19645(*) à VEHOU6(*) (village très attaché à la tradition), d'un père polygame7(*), ancien combattant de la Deuxième Guerre Mondiale et d'une mère totalement consacrée à la culture de la terre, je suis l'un des treize enfants de ma famille et le seul avoir été scolarisé. Selon notre famille, l'éducation scolaire facteur d'aliénation, signe d'allégeance à la domination coloniale du monde noir par l'Europe, éloigne l'enfant de sa tradition du culte "vodoun"8(*), ce qui est une honte pour la collectivité entière. C'est pourquoi avant d'envoyer un enfant à l'école, les parents consultaient le " Fâ"9(*) pour avoir l'accord du vodoun. Ainsi, le "Fâ10(*)" s'était opposé à l'inscription scolaire de tous mes frères sauf à la mienne et à celui de mon jeune frère. Mais l'école étant très éloignée de notre domicile, il a fallu que j'attende d'avoir dix (10) ans avant d'aller en 1974 à l'école primaire d'Agbanwémè (puis à Lokozoun en passant par Sodohomey à Bohicon.)

Jaloux, le frère aîné de mon père lui disait que donner cinq (05) francs11(*) à chacun des deux enfants par jour pendant trente jours voire un an était synonyme de gaspillage. Ce qui a fait que j'ai systématiquement pris la décision de refuser les frais de petit déjeuner demandant tout simplement à ma mère de m'apprêter chaque matin un repas que je devais amener à l'école pour mon déjeuner car je ne rentrais à la maison que le soir. Mon petit frère abandonna l'école à cause de la distance à parcourir et peut-être aussi par manque de volonté. Son abandon ne m'avait guère influencé. Au contraire j'avais promis à notre maman de ne pas la décevoir.

Pendant mon parcours primaire, durant deux ans notre classe avait manqué d'instituteur encadreur. Ce fut une occasion de découragement pour la plupart de mes camarades ; mais pour moi, ce fut une période de formation personnelle chez mes cousins alors au collège, ce qui m'assura une certaine supériorité : j'étais toujours premier de ma classe. Admis à l'examen d'entrée en sixième en 1981, major de ma province, je devais aller à l'école militaire12(*) de Bembèrèkè. Mon père, vétéran de la deuxième guerre, s'y opposa. Son attitude s'expliquait par le fait qu'il avait été enrôlé de force par le chef Canton et surtout par le fait qu'il avait perdu, sans pouvoir rien faire pour eux, au front alors qu'il combattait dans les rangs de l'armée française contre l'occupation allemande, ses deux derniers frères d'armes partis comme lui du Dahomey. Rescapé de la deuxième tragédie mondiale, et de retour chez lui, il avait dû renoncer au classement dans le corps kaki sans doute pour exprimer tout le dégoût que la guerre et ses armes suscitaient en lui. Après la guerre, il avait retrouvé une famille « en cendres » : son frère suicidé, et ses deux soeurs mortes en couche. Il se retrouvait seul et horrifié par tout ce qui conduisait à la guerre, à la mort.

Mon père mourût le 14 mars 1982. Cet événement fut très perturbateur pour l'enfant que j'étais. Mais là encore, je me suis interdit le découragement car je savais que ma réussite dépendrait de mon investissement dans les études. J'avais promis à ma mère, pour l'encourager à toujours me soutenir, que je serais toujours le premier de ma classe ; promesse à laquelle j'ai tenu jusqu'en classe de troisième en 1984.

Mon frère aîné tomba gravement malade en 1984. Cette année là, je repris tardivement le chemin de l'école. Il fut hospitalisé chez un guérisseur traditionnel qui faisait appel à un infirmier pour lui administrer les soins à domicile. J'avais peur de perdre à nouveau un membre de ma famille. J'assistai alors mon frère autant que je le pouvais, l'aidant à tenir la position assise et le nourrissant. Ce retard accusé à l'école a fait baisser le niveau de mon rendement scolaire, exposant ainsi le major de classe que j'étais aux propos moqueurs et aux humiliations de certains camarades. Pour sortir de cette impasse, j'ai dû une fois de plus, recourir à un camarade13(*) de classe qui lui, possédait tous les livres de la classe de troisième. Je passai chez lui une bonne partie des congés de Noël, le nez dans les livres, avec la ferme résolution de retrouver mon niveau perdu. Mais, un autre obstacle de taille se dressa sur mon chemin. Je fus sommé par le chef de la collectivité AGON d'entrer dans le couvent "Sapkata" DIEU de la terre chez les ethnies « Fon » en fin décembre 1984 pour y subir une initiation au culte Vodoun. Le prêtre "vodoun" qui n'était personne d'autre que le frère aîné de mon père, mon oncle qui avait déconseillé mon père de financer ma scolarité, s'était énergiquement opposé à ce que j'apporte au couvent les signes de l'école moderne qu'il semblait vraiment avoir en horreur.

A la reprise des classes en janvier 1985, j'ai reconquis ma place de major de ma classe et en fin d'année, je me suis retrouvé seul de la classe admis au BEPC sur les 67 élèves. Cet échec massif était probablement dû au débrayage causé par des mouvements antirévolutionnaires des milieux estudiantins14(*). Contre toute attente, l'année scolaire qui aurait dû être décrétée « année blanche », fut validée au dernier moment par le ministre de l'éducation qui confirma la tenue des examens de fin d'année, à la surprise générale des élèves et de leurs familles.

L'année 1985 fut spéciale. A la suite du décès de mon père, la famille avait arraché à ma mère toutes les terres qu'elle cultivait et qui lui permettaient de soutenir ma scolarité. Il est arrivé que les repas de midi auxquels j'avais droit fassent défaut. Je fus donc contraint de chercher de petites activités rémunératrices en me rendant les mercredis après-midi, les samedis et les dimanches au marché de Bohicon avec un camarade pour égrener des sacs d'arachides à raison de 125 francs le sac. C'est de cette manière que je trouvais par semaine 1000 à 1250 francs pour me soutenir dans mes études.

En classe de seconde, ayant été seul à réussir au BEPC, j'ai, en quelque sorte, attrapé la grosse tête à tel point que je ne me soumettais plus aux exigences et à la rigueur qui étaient les miennes. Néanmoins, j'ai pu garder ma place de major avec une moyenne de quatorze sur vingt. Dans les pratiques de la révolution marxiste d'alors, il avait été institué dans toutes les écoles des activités coopératives (les arts martiaux, la pharmacopée, la couture, la musique et l'élevage, etc.). Mon choix porta sur la section pharmacopée. Je fus élu président de cette section et j'occupai ce poste pendant tout le second cycle. Chaque élève, membre de la section, était invité à prendre tous les renseignements possibles auprès de ses parents ou des personnes âgées pour récolter les connaissances relatives aux plantes médicinales15(*). Un herbier était constitué avec une classification des plantes par maladie. C'était le début d'une première mise en valeur de l'héritage des connaissances reçues de mon père et le premier moment de recherche empirique en contexte local et culturel sur la médecine. Cela présageait de la passion que j'aurais pour les études en médecine après le baccalauréat.

Entre-temps, pendant les vacances de l'année 1985, je m'étais converti au christianisme. J'étais devenu membre de l'Eglise « Union Renaissance d'homme en Christ » (URHC) très répandue au Bénin. Je cherchais par cette conversion à me libérer du joug du vodoun et à me mettre à l'abri de la sorcellerie dont mon frère aîné avait été probablement victime. Mon souhait le plus fort était de pouvoir étudier sans craindre les foudres ou la jalousie des féticheurs du culte vodoun. Par ma conversion au christianisme, je défiais ouvertement le culte "vodoun". Je me donnais pour mission d'éclairer mon village selon moi, dans les ténèbres du vodoun que je considérais dès lors comme un culte16(*) rendu au diable. J'ai passé au feu tout ce qui était de ce culte et j'ai implanté un lieu de culte chrétien dans mon village pour l'attirer au christianisme et pour prouver l'impuissance de vodoun à nuire à ceux qui le quittent pour Jésus Christ.

La religion prit alors le dessus sur mes études et occupa une très large partie de mon temps. Ce fut le début des influences contraires à mon engagement scolaire. Puisque les responsables du culte "vodoun" ne m'avaient pas pardonné mon rejet du culte ancestral, une lutte sans merci s'engagea entre eux et moi. La confrontation fut telle que nous dûmes même recourir plusieurs fois à la police et au tribunal pour trancher des litiges. Dans ces turbulences, c'est difficilement que je suis passé de la classe de première en terminale avec seulement 10 de moyenne. Mes études furent perturbées à tel point que j'enregistrai mon premier échec scolaire, j'échouai au baccalauréat en 1987. Je n'ai pas tardé à réaliser la tragédie qui me tombait dessus et ma situation me révolta. J'ai compris alors que mon échec trouvait sa raison dans la démesure de mon engagement religieux ; l'église avait, en quelque sorte, supplanté l'école dans mes priorités. Comme l'écrivait Honoré de Balzac, « en toute chose l'on ne reçoit qu'en raison de ce que l'on donne »17(*). L'Eglise à laquelle j'avais sacrifié l'école, n'encourageait guère les études car elles pouvaient éloigner le bon croyant de son Dieu. Le pasteur fondateur de l'église n'avait pas fait d'études au-delà de l'école primaire. Le leitmotiv de ses prêches prenait appui sur la parole biblique (à propos des riches qu'il est plus difficile de faire entrer au ciel que de faire passer un chameau par le trou d'une aiguille) pour stigmatiser les intellectuels.

Pour reprendre mes études avec plus de sérieux, j'ai dû prendre énergiquement quelque distance d'avec mon engagement religieux. Ce fut la clef de ma réussite au baccalauréat en 1988. Militant de GBU/GBEEB (groupe biblique universitaire/ groupe biblique des élèves et étudiants du Bénin), convaincu des graves risques qui pesaient sur le rendement scolaire, je n'ai pas hésité à décourager l'implication totale des élèves dans les affaires religieuses. 

L'accès à l'enseignement supérieur m'était rendu difficile pour des raisons personnelles, géographiques, et financières. D'ailleurs, même si j'avais pu intégrer la seule université de mon pays, je n'y aurais pas fait long feu car en cours d'année (1989), des troubles politiques secouèrent le Bénin et provoquèrent une fermeture générale de l'école18(*).

* 1 (Cité dans) Animer et gerer un projet, Lionnel BELLENGER et Marie José COUCHAERE, éditions ESF, année 1995, page 12.

* 2Larousse, encyclopédie universelle intégrale, Paris 2005.

* 3Ibidem.

* 4 Ibidem.

* 5 Mon acte de naissance a été revu et ma date officielle de naissance est désormais «1970 » pour me permettre d'obtenir de bourse d'entrée en 6ième.

* 6 Commune de Bohicon, BENIN.

* 7 Marié à trois femmes qui ont fait au total treize enfants dont 5 pour ma mère.

* 8 Divinité vénérée dans la croyance traditionnelle au Bénin.

* 9 Procédé divinatoire qui sert à consulter la volonté du Vodoun.

* 10 FÂ est une sorte de divination qui sert à consulter l'avenir au Bénin.

* 11 En début des années soixante-dix, cinq à dix francs CFA suffisaient pour entretenir un enfant à l'école en une journée.

* 12 Chaque année, l'Etat envoyait les cinq premiers de chaque province à cette école qui forme les futurs cadres militaires.

* 13J'avais en quelque sorte convaincu ma mère d'accepter mon déménagement provisoire, elle l'avait vécu difficilement car à un moment elle a dû me rechercher pour savoir ce qui se passait.

* 14 La révolution marxiste de nature dictatoriale du 26 octobre 1972 , dirigée par les militaires ayant KEREKOU à la tête avait connu une opposition tant au plan national qu'international, les enseignants rarement payés et surtout les étudiants privés de secours et bourses scolaires étaient les plus farouches antirévolutionnaires.

* 15 Mon père m'avait fait connaître un nombre important de plantes médicinales dans le but de ne pas emporter dans la tombe ses connaissances, évitant ainsi ce qu'a fait remarquer Hampâté BA : « Quand un vieillard meurt en Afrique, c'est une bibliothèque qui brûle ».

* 16 Des sacrifices humains se faisaient dans le culte vodoun au temps des rois d'Abomey ; aujourd'hui encore les griots racontent des épopées relatives à ses messes noires ; d'ailleurs le musée d'Abomey témoigne encore de tous ces actes « inhumains » du passé.

* 17 Larousse, encyclopédie universelle intégrale, Paris 2005.

* 18 Le mouvement anti-révolutionnaire à l'origine des troubles politiques est celui-là même qui a conduit le Bénin à la conférence nationale en février 1990. Il peut être considéré comme le prélude à la démocratisation du pays et de la sous-région ouest-africaine.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand