WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Tradition et rationnalité chez Hans-Georg Gadamer


par Pierre Luhata Lokadi
Université Saint Pierre Canisius - Bachelier en Philosophie 2006
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

III.3. Le dialogue herméneutique

Il est vrai que Gadamer est un platonicien. Il a consacré plusieurs études sur les dialogues de Platon : « Phèdre », « Philèbe », « le sophiste », « Parménide », « Phédon », « la République », « Timée » ... Son effort consiste à saisir le phénomène du dialogue dans son essence -même. Pour ce faire, il fonde sa réflexion sur la dialectique platonicienne. La dialectique telle que comprise par Platon est éthique. En d'autres termes, elle est la théorie de la possibilité du dialogue. 92(*) Pourquoi le dialogue ? Parce que l'entente objective au sein du dialogue a pour but le savoir.93(*) La philosophie n'est-elle pas un savoir dialectique ? En outre, qu'est-ce qui se passe dans le dialogue ?

Le dialogue se présent fondamentalement comme l'être de l'oeuvre d'art. Il a son être propre et donc sa finalité. Le dialogue se réalise indépendamment de la volonté des interlocuteurs. Le dialogue comme éthique a pour but l'entente. En effet, malgré les différents points de vue que les hommes adoptent lors d'un dialogue, ceux-ci peuvent s'entendre. Ils peuvent fusionner leurs horizons respectifs94(*). Ceci implique que s'il l'on comprend l'autre il faut entrer dans son horizon. Dialoguer dès lors, c'est chercher la fusion des horizons. L'horizon n'est pas quelque choser de figer, de statique, il change à cause de la mobilité historique du Dasein. Gadamer l'exprime mieux en ces termes :

L'horizon est au contraire quelque chose en quoi nous pénétrons progressivement et qui se déplace avec nous. Pour qui se meut, l'horizon change. De même l'horizon de passé, dont vit toute existence humaine, et qui est présent sous de tradition qui se transmet, est-il aussi toujours en mouvement.95(*)

Ce mouvement continuel qui meut l'horizon veut dire qu'il n'y a pas de dogmatisme. L'expérience permet l'ouverture à d'autres horizons. Ici, il sied de signaler que Gadamer a une approche différente sur le concept d'  « expérience ». Son approche est différente de l'approche scientifique. Ce qui intéresse Gadamer c'est l'historicité de toute expérience.96(*) L'expérience conduit à l'Universel. Elle ouvre la voie à d'autres vérités. L'expérience sert justement à nier ou à confirmer mon horizon. Il y a donc une dialectique dans toute expérience historique humaine.97(*) Certes, un homme expérimenté n'est pas dogmatique.

Il existe aussi des horizons historiques, car tout passé a son être propre. La tradition est un horizon historique. Le passé nous adresse toujours la parole. C'est comme les gènes dans la transmission des caractères. Ils sont un message, une parole qui provient de la tradition. Pour entre en dialogue avec la tradition il faut avant tout reconnaître son altérité. C'est ce que la conscience historique nie.

Le dialogue est un risque pour les interlocuteurs. On ne sait pas en avance qui l'emportera. Au fait, c'est peut être l'autre qui a raison. Dans le cas du dialogue avec la tradition, c'est soit elle ou soit la conscience réflexive qui l'emportera. Toutefois, le dialogue est infini. La fusion des horizons ne signifie pas l'exclusion d'une autre possibilité de dialogue. La tension sera toujours présente dans le dialogue.98(*) Le travail de l'herméneutique est justement de dissiper cette tension.

Par ailleurs, dans le dialogue c'est la question ou l'interrogation qui est importante. Celui qui sait poser une question peut en effet orienter le dialogue. Gadamer affirme :

Que la question ait un sens, cela est impliqué dans son essence. Or le sens est orienté. Le sens de la question est donc la direction dans laquelle seule peut s'effectue la réponse, si elle veut être une réponse sensée et pertinente. La question situe son objet dans une perspective déterminée. L'apparition d'une question ouvre, comme par effraction, l'être que l'on interroge. En ce sens, le logos qui déploie cet être ainsi ouvert est toujours réponse. Lui-même n'a de sens que dans le sens de la question.99(*)

Par ces phrases Gadamer veut affirmer l'antériorité de la question à toute connaissance. Les dialogues de Platon confirment cette thèse. Si Socratique savait confondre ses interlocuteurs c'est fondamentalement parce qu'il savait poser des questions. L'art de questionner c'est justement l'art de mener loin la pensée. C'est l'art de penser. Questionner c'est laisser à l'Etre la possibilité de devenir Logos. Gadamer nous raconte une scène de discussion entre Socrate et les sophistes :

Platonicien de vieille date, j'aime tout spécialement les scènes inoubliables où Socrate discute avec les sophistes omniscients et les réduit à quia par ses questions, jusqu'à ce que n'y tenant plus ils revendiquent enfin à leur tour le rôle de questionneurs qui semble si avantageux. Et que se passe-t-il alors ? Ils ne savent pas questionner. Ils ne leur vient absolument pas une seule question à l'esprit qui mérite d'être posée et telle qu'il y ait lieu de chercher à y répondre avec persévérance.100(*)

Si le Dasein est le demeure de l'Etre chez Heidegger c'est forcément parce qu'il questionne. D'où, la question conduit à la présence de l'Etre101(*). C'est dans ce sens que Gadamer dit que la dialectique est l'art d'avoir un vrai dialogue.102(*) Aussi, dans le vrai dialogue la logique question-réponse est capitale car, c'est elle qui dirige le dialogue. Cette logique peut être appliquée dans n'importe que jeu ou art qui nécessite le dialogue. En effet, interpréter c'est aussi dialoguer avec le texte. De même que la lecture. Le texte nous pose une question et attend notre réponse103(*). Cette dialectique accompagne la lecture du début à la fin du texte. Dans ce sens, comprendre un texte c'est lui poser une question. De même que comprendre l'opinion de l'autre c'est la comprendre comme réponse à une question.104(*)

Par ailleurs, le dialogue soulève le problème de l'application. Nous avons dit que le dialogue a pour fin l'entente. Celle-ci conduit nécessairement à l'agir. L'application est inhérente à tout acte de compréhension. A travers l'exemple de l'herméneutique juridique et théologique, Gadamer entend montrer que le problème de l'application renvoie à l'Ethique. C'est la recherche de ce qui est Bien.² En comprenant ou en interprétant un texte nous entrons en dialogue avec lui en vue d'un engagement dans la vie concrète. L'exemple de la parole de Dieu dans l'herméneutique théologique est apologétique. L'évangile nous parle, il nous pose des questions sur notre vie de chrétiens auxquelles nous sommes tenus de répondre.

Au -delà de cette réflexion sur le dialogue, Gadamer nous fait remarquer une chose. C'est que dans le dialogue se place un élément fondamental qui est condition des possibilités de tout dialogue vrai. C'est le langage. Celui-ci se place comme intermédiaire dans tout exercice de comprendre.

* 92 Hans Georg Gadamer, L'Ethique Dialectique de Platon, Interprétation phénoménologique du Philèbe, Paris, Actes du Sud, 1994, 17.

* 93 Ibid., p.49.

* 94 Chez Gadamer le concept d'Horizon est essentiellement lié à celui de la situation. L'horizon est le champ de vision qui comprend et inclut tout ce que l'on peut voir d'un point précis. (Cfr. Vérité et Méthode, p. 324.) Selon Grondin, la thèse de Gadamer est que l'on comprend toujours, au moins en partie, à partir de son horizon lorsqu'on cherche à comprendre quelque chose, mais sans que l'on n'en ait toujours conscience. Cfr. Jean Grondin, « La fusion des horizons, la version gadamérienne de l'adæquatio rei et intellecus », in Archives de Philosophie, n°68, 2005, p.403.

* 95 Ibid., p.326.

* 96 Les travaux de Thomas Kuhn sont bénéfiques pour celui qui veut approfondir ce thème. Cfr. La structures des révolutions scientifiques.

* 97 Hans Georg Gadamer, Vérité et Méthode, p.376.

* 98 Ibid., p.328.

* 99 Ibid., p.386.

* 100 Hans Georg Gadamer, L'art de Comprendre, Herméneutique et tradition philosophique, Paris, Aubier, 1982, pp.13-14.

* 101 Gadamer pense que comprendre le caractère problématique d'une chose c'est aussi la questionner et attendre d'elle une réponse. Cfr. Vérité et Méthode, p. 398.

* 102 Ibid.,p. 390.

* 103 Ibid., p.401.

* 104 Ibid., p.399.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein