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De l'être politique au droit à la politique: un essai de compréhension du sens de la politique chez Hannah Arendt

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par Tshis Osibowa Godefroy TALABULU
Faculté de philosophie Saint Pierre Canisius - Bachelier en philosophie 2007
  

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CHAPITRE PREMIER : APPROCHE CONTEXTUELLE DE LA PENSEE POLITIQUE ARENDTIENNE

Après avoir esquissé les lignes biographiques de notre auteur, nous allons montrer, dans ce chapitre, l'origine de sa pensée, ses références ainsi que sa méthode. Ce chapitre nous amènera à conclure, pensons-nous, que Hannah Arendt est réellement une philosophe (au delà de toute polémique sur ce sujet) qui pense son temps et s'inscrit dans la tradition philosophique.

I.1. Penser son temps : Du phénomène totalitaire

Le philosophe, au sens large, est celui qui se questionne et questionne. Platon l'appellera an anthropo ha opope, « celui qui voit et qui questionne ». C'est dans la mesure où l'homme est attentif à tout ce qui se passe en lui et autour de lui qu'il exerce son humanité. Cette attention se manifeste sous formes de questions qui touchent au sens, à l'essence et au pourquoi des choses et de tout ce qui comporte une influence sur l'homme. Et ces questions deviennent alors le point de départ d'une réflexion seconde éclairant différentes prises de positions et décisions des hommes face à tel ou tel autre problème.

Hannah Arendt, comme nous l'avons souligné au niveau de sa biographie, a orienté toute sa pensée politique sur les expériences vécues. Sa pensée ne jaillit pas du néant. Elle est liée à une situation socio-politique angoissante dont elle restera d'ailleurs toujours tributaire. Ainsi, il est impérieux, pour mieux saisir cette pensée, de remonter en amont, c'est-à-dire qu'il nous faut connaître et comprendre le contexte dans lequel elle a été élaborée.

L'époque moderne, nous le savons, était marquée par la montée des grandes crises : l'antisémitisme, les guerres mondiales, la ségrégation raciale, prononcée notamment en Europe et aux Etats-Unis, l'émergence de l'impérialisme et du sentiment extrémiste de nationalisme (chaque peuple se regroupant et se reconnaissant par l'appartenance à une nation et possédant un territoire précis), les révolutions, la crise d'autorité et de la tradition, etc. Le peuple Juif fut victime de cette situation qui consistait précisément pour lui à se retrouver sans «territoire précis» et donc sans nation. Il va se voir être reparti, éparpillé dans différents états dont il n'est qu'un réfugié et il subira le mépris de la part de ceux vers qui il se réfugiait. De ce fait, les Juifs seront comme mis au dehors du monde commun puisqu'ils ne répondaient pas aux « critères d'humanité de l'époque », étant sans nation et dépourvus de territoire et de frontières. «Assistant ainsi à l'effondrement de l'Europe, Arendt n'oubliera jamais qu'elle a dû fuir l'Allemagne en tant que juive, en tant que singularité exposée au mal de l'antisémitisme, vouée à l'assassinat; et jamais elle ne parjurera cette part décisive d'elle-même. »2(*) C'est au milieu de ces péripéties que notre auteur va devoir poser ses premiers pas dans l'exercice de sa raison pour faire passer le système totalitarisme devant la barre de celle-ci. Il s'agissait pour elle de réfléchir sur sa portée, sa valeur et ses conséquences par rapport à l'humanité de l'homme.

Ainsi, la pensée politique de H. Arendt a-t-elle comme point de départ l'expérience du totalitarisme ainsi que son parachèvement dans le système concentrationnaire. Elle est confrontée avec le `mal radical' du nazisme et du stalinisme. « Bien qu'incrédule en 1943, lorsque lui sont parvenus les premiers échos de la `solution finale' (...) elle propose en 1951, presque sans recul, une première analyse du totalitarisme où elle reconnaît une forme de politique moderne qui ne ressemble en rien aux gouvernements à poigne traditionnel »3(*)

En effet, le totalitarisme désigne un système politique dans lequel l' Etat et la société sont considérés comme un tout indissociable. Le concept d'Etat totalitaire a été forgé par le théoricien du fascisme italien, Giovanni Gentile, le scribe et écrivain de Mussolini. « Dans le système totalitaire, l'Etat totalitaire prend le contrôle de la société tout entière et de tous ses secteurs, jusqu'à faire disparaître celle-ci, englobée dans l'Etat, devenu total ».4(*)Le gouvernement a donc toute légitimité pour faire tout ce qui concerne les relations sociales, c'est-à-dire en pratique contrôler la vie des individus, ne leur laissant aucune liberté individuelle et surtout aucune liberté d'expression, ni par conséquent de pensée.

Les régimes totalitaires apparaissent, en outre, muni d'un « parti unique » qui contrôle l'Etat, qui contrôlerait lui-même la société et plus généralement tous les individus. Le totalitarisme tel qu'il est ainsi décrit par H. Arendt n'est pas tant un régime politique qu'une dynamique autodestructive reposant sur une dissolution des structures sociales et une terreur permanente.

Le totalitarisme diffère par essence des autres formes d'oppression politique que nous connaissons, tels le despotisme, la tyrannie et la dictature. Partout où celui-ci s'est hissé au pouvoir, il a engendré des institutions politiques entièrement nouvelles, il a détruit toutes les traditions sociales, juridiques et politiques du pays. Peu importent la tradition spécifiquement nationale ou la source spirituelle particulière de son idéologie : le régime totalitaire transforme toujours les classes en masses, substitue au système des partis, non pas des dictatures à parti unique, mais un mouvement de masse, déplace le centre du pouvoir de l'armée à la police, et met en oeuvre une politique étrangère visant ouvertement à la domination du monde. Les régimes totalitaires actuels sont nés des systèmes à parti unique ; chaque fois que ces derniers sont devenus vraiment totalitaires, ils se sont mis à agir selon un système de valeurs si radicalement différent de tous les autres qu'aucune de nos catégories utilitaires, que ce soient celle de la tradition, de la justice, de la morale, ou de celles du bon sens, ne nous est plus d'aucun secours pour nous accorder à leur ligne d'action, pour la juger ou pour la prédire (...)5(*)

Par ailleurs, l'identité sociale des individus laisse place au sentiment d'appartenance à une masse informe, sans valeur aux yeux du pouvoir, ni même à ses propres yeux. La dévotion au chef et à la nation devient le seul moyen d'exister, d'une existence qui déborde au-delà de la forme individuelle pour un résultat allant, comme qui dirait, du fanatisme psychotique à la neurasthénie. Les propos de Christian Godin, décrivant en d'autres mots le totalitarisme sont révélateurs :

À la différence de nombre de penseurs et spécialistes, je pense effectivement que le concept de totalitarisme est pertinent pour rendre compte d'une dimension centrale de notre modernité. Le passé historique nous donne de nombreux cas de régimes oppressifs et violents et nous disposons en français de plusieurs mots pour les désigner: tyrannie, dictature, despotisme, absolutisme. Le totalitarisme est encore autre chose. Avec lui, l'achèvement prend véritablement un sens mortel. Le totalitarisme achève l'histoire au sens où il la tue. C'est pourquoi les rapports du totalitarisme au politique sont contradictoires: je ne suis pas certain que le totalitarisme, comme il est dit souvent, corresponde au triomphe du "politique" sous prétexte qu'avec lui tout serait politisé (la naissance et la mort, la sexualité, les loisirs, etc.). Il ne faut pas confondre le politique avec l'idéologique.6(*)

Voilà, le contexte dans lequel la pensée de H. Arendt vit le jour. C'est la pensée d'une victime de la haine nazie contre ceux qui sont différents, ceux qui ne font pas partie du terroir, de l'histoire allemande, de la culture, notamment les juifs. D'où le projet d'extermination de ce qui crée la différence au profit de l'uniformité, c'est-à-dire bâtir une Allemagne des aryens. Comment penser un tel projet ? Quelles en sont les origines ? Pourquoi supprimer en masse des vies dont on n'est pas l'auteur ? Quelle est la part de responsabilité de l'homme dans la question du mal ou de sa banalisation ?

* 2 Mongin O., préface du livre d'Elisabeth Young-Bruehl, Hannah Arendt, op.cit., p. XII.

* 3 Enegrén A., La pensée politique de Hannah Arendt, Puf, Paris, 1984, pp 24-25

* 4 Dagenais D., « Le contrôle, c'est la liberté : Hannah Arendt, le totalitarisme et le monde contemporain » in Spirale n° 195, mars-avril 2004, p. 46

* 5 Arendt H., Le système totalitaire : les origines du totalitarisme, Seuil, Paris, p. 53

* 6 Godin C., La Totatîté, l'Histoire, Champ Vallon, Paris, 2003, p. 28

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein