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Michel Foucault ,Psychiatrie et médecine

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par David Labreure
Université Paris 1 panthéon sorbonne - Ma??trise 2004
  

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II : DE L'AGE CLASSIQUE A LA GRANDE PEUR:

L'Histoire de la folie à l'âge classique permet de nous renseigner de manière précise sur ce que Foucault considère comme un tournant de la prise en compte de la folie à l'intérieur des sociétés. L'âge classique avait consacré la folie comme déraison, comme le contraire absolu de la raison. La Renaissance avait donné la parole à la folie et aux fous (littérairement avec Erasme, picturalement avec Bosch notamment), ceux-ci étant devenus des personnages majeurs de la littérature et de l'art du XV ème au XVII ème siècle car symbolisant un autre « nous » qui fait peur, la source de tous les défauts humains. Cette vision se fane à l'âge classique qui la réduit au silence et ne la perçoit plus que comme un écart par rapport à une norme sociale comme la pauvreté et la misère. La folie est exclue de la vie intellectuelle ou bien ne survit qu'à travers quelques chefs d'oeuvre de Goya ou Sade. La voilà reléguée au statut purement négatif de déraison. Le renversement est donc total .Jean Claude Monod dans son petit ouvrage consacré à l'étude des institutions et du juridique dans l'oeuvre de Foucault (La police des conduites) parle d'un « basculement qui s'opère,de l'altérité à l'aliénation »113(*) .Altérité dans le sens où la folie était mise sur un pied d'égalité avec la raison,et se présentait comme autre vérité ;aliénation car la déraison devient une nature amputée de la raison,enfermée dans une détermination normative,sociale au même titre que les homosexuels et autres dépravés. Ce nouveau statut de la folie au milieu du XVII ème siècle accompagne un changement décisif des institutions dans son traitement. La création de l'Hôpital Général à Paris, en 1656, marque pour Foucault le début de l'ère du grand renfermement qui est « la structure la plus visible dans l'expérience classique de la folie »114(*).Jean-Claude Monod note que l'Hôpital Général est d'abord,au même titre que d'autres structures du même acabit qui apparaissent en Europe à la même époque,une institution répondant à de nouveaux besoins matériels comme le manque de main d'oeuvre et la nécessité de remettre au travail une certaine catégorie de population,mais qu'elle est aussi pour Foucault une « transformation de la pensée même de la folie »115(*). Le XVIII ème siècle invente pour Foucault l'espace de l'internement. Désormais, on enferme les fous aux côtés des délinquants, mendiants et autres marginaux dans des espaces visant le plus souvent à corriger, à redresser ,en vue de remettre au travail , ceux qui apparaissent comme une charge pour la société. La folie est réduite à la déraison dans le sens où elle devient une inadaptation à certaines valeurs, à certains comportements sociaux conformes à la pensée classique. Toutefois cette forme d'internement, loin d'avoir encore une quelconque portée médicale ou thérapeutique, poursuit un but moralisateur et normatif. Le fou n'est plus pensé que sous un angle moral .La folie n'est plus ce qui fascine ou intrigue mais bien ce qui fait scandale et trouble l'ordre public. C'est le sentiment objectif, à la fois moral et économique, qui prévaut. L'enfermement du fou au XVII ème siècle n'est en aucun cas le pressentiment de son internement thérapeutique : le fou fait honte à toute sa famille et à la société toute entière. La folie n'est plus cet objet cauchemardesque de nos imaginations, mais est devenue ce qui scandalise notre conscience morale et ce qui nous choque comme dégénérescence de la raison.

C'est au milieu du XVIII ème siècle que Foucault constate le surgissement du médecin dans les structures d'internement propres à l'âge classique. Les raisons de cette brusque apparition ne sont cependant pas à chercher dans le besoin d'une intervention thérapeutique. Ce n'est pas pour soigner le fou brusquement identifié comme malade que ce besoin se fit sentir. C'est dans le chapitre « La grande peur » que Foucault nous enseigne que c'est dans la crainte des épidémies que s'installe à cette époque « un mal assez mystérieux qui se répandrait (...) à partir des maisons d'internement. (...) on parle de fièvres des prisons. »116(*). Cette fièvre des prisons sonne comme une sorte de retour au Moyen Age, au temps de la lèpre. Ressurgissent ainsi les vieux démons de l'imaginaire collectif, une sorte de nouvelle lèpre qui revêtirait des aspects non seulement physiques mais aussi moraux, selon Foucault « aussi bien la corruption des moeurs que la décomposition de la chair »117(*), comme un phénomène de pourriture ambiante. Ainsi, le premier contact de la folie avec le monde médical ne s'est pas fait sous la pression d'une quelconque sollicitude, mais dans l'urgence de cette « grande peur » collective : « C'est donc dans le fantastique, non dans la rigueur de la pensée médicale, que la déraison affronte la maladie et s'en rapproche » constate Foucault. Ce rapprochement ne se fait pas à l'occasion d'un progrès ou d'une découverte conceptuels mais dans la réactivation d'un imaginaire ancestral, celui de la contagion. Cette résurgence de figures terrifiantes s'inscrit en parallèle avec une crainte spécifique de la folie ;on parle d'une « multiplication des maladies de nerfs ».On ne critique plus explicitement l'internement du fou mais le fait que les gens de raison soient mêlés et enfermés avec les fous : « la folie apparaît finalement comme la seule raison d'un internement dont elle symbolise la profonde déraison ».D'un autre côté, toute une réflexion économique et sociale, inspirée des idéaux révolutionnaires ,conclut à l'obsolescence d'un encadrement de la pauvreté, de la misère par l'internement (mais cela ne vaut pas, bien entendu , pour les fous).Ainsi privé de ses relations avec le monde de la misère (les mendiants, les chômeurs) et de la morale (les libertins),le fou se retrouve dans une position nouvelle. Ces mesures d'internement sont balayées comme symboles de l'Ancien Régime et d'une certaine forme de despotisme en contradiction avec ses idéaux. Les fous se retrouvent désormais seuls internés, la médicalisation de la folie devient alors possible : «...on voit comment a fonctionné au XVIII ème siècle la critique politique de l'internement. Pas du tout dans le sens d'une libération (...) au contraire, elle a lié plus solidement que jamais la folie à l'internement »118(*).

* 113 Jean Claude Monod, La police des conduites, Le bien commun, Paris, 1997, p.22.

* 114 Michel Foucault, Histoire de la folie, TEL Gallimard, Paris, 1961 (-1972), p.59.

* 115 Jean Claude Monod, La police des conduites, Le bien commun, Paris, 1997, p.23.

* 116 Michel Foucault, Histoire de la folie, TEL Gallimard, Paris, 1961 (-1972), p.445.

* 117 Michel Foucault, Histoire de la folie, TEL Gallimard, Paris, 1961 (-1972),.p.446.

* 118 Ibid.p.501.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius