WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Michel Foucault ,Psychiatrie et médecine

( Télécharger le fichier original )
par David Labreure
Université Paris 1 panthéon sorbonne - Ma??trise 2004
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

III) LE POUVOIR PSYCHIATRIQUE :

1 :Une relecture tardive d'Histoire de la folie :

I : DES PROBLEMES HISTORIQUES:

Histoire de la folie à l'âge classique a suscité de nombreuses réactions. Cette histoire de la folie ne ressemble à aucune autre, Foucault jouant sur des angles différents des histoires classiques de la psychiatrie. La critique des psychiatres, psychologues et historiens de la médecine fut d'une part violente mais également équivoque. La première réaction ,peut être la moins percutante, fut faite par une série d'auteurs, notamment des historiens de la psychiatrie, qui estimaient que les descriptions dans Histoire de la folie n'étaient pas conformes à la réalité, en particulier dans le domaine chronologique. Ainsi, P.Morel et C.Quétel, dans Les médecines de la folie, soutiennent le fait que le grand renfermement dont parle Foucault au chapitre II de Histoire de la folie a plutôt eu lieu au XIX ème siècle et non au XVII ème (1656 précisément).Les historiens de la psychiatrie ont ainsi opposé une certaine résistance à l'ouvrage, en dressant toute une série d'erreurs de dates et en remettant en cause la solidité et la fiabilité des archives utilisées par Foucault. On reprocha notamment à Foucault d'avoir sélectionné sciemment des documents, d'avoir privilégié certains faits et d'en avoir occulté d'autres et qu'à cet égard il ne pouvait s'agir d'une « vraie » histoire de l'institution psychiatrique ; comme si, dans sa volonté de séparer de façon tranchée les époques et les épistémè, Foucault avait été obligé de déformer les faits historiques, de commettre des anachronismes. A cette levée de boucliers plusieurs raisons : les historiens de la psychiatrie supportaient difficilement qu'un non médecin (et non historien) ,et c'est le cas de Foucault , se permette d'écrire une histoire critique de leur objet, une histoire qui ne serait pas qu'un simple enchaînement de faits glorieux accomplis par des médecins libérateurs - comme la libération des fous par Pinel à Bicêtre ; on parle même de « mythe » Pinel - transmettant leurs exploits de génération en génération de psychiatres. Or, Foucault dénonçait tous ces mythes fondateurs du savoir psychiatrique, notamment l'humanisme pinélien. Foucault fut ainsi accusé d'avoir inventé une histoire de la folie considérée comme non conforme à la vérité des faits car ne correspondant à aucune archive employée en histoire de la psychiatrie. L'illustre psychiatre Henri Ey réfléchit longtemps sur l'ouvrage qu'il dénonça d'abord comme un « psychiatricide »154(*).Il consacra même un colloque entier autour d'Histoire de la folie à Toulouse, sans que Foucault pourtant invité, ne daigne y participer .Ey remarquait notamment le fait que Foucault réduisait la maladie mentale à un simple phénomène culturel : « Quant à ceux qui professent que la folie n'est tombée sous le regard enfin sereinement scientifique du psychiatre qu'une fois libérée des vieilles participations religieuses ou éthiques dans lesquelles le Moyen Age l'avait prise, il ne faut pas cesser de les ramener à ce mouvement décisif où la déraison a pris ses mesures d'objet, en partant pour cet exil où pendant des siècles elle est demeurée muette »155(*).Ey souligne que Foucault est animé d'une « évidente mauvaise humeur à l'endroit de la psychiatrie » . Cette histoire , dit Henry Ey, « ... fait suite à un long travail de sape qui prépare la psychiatrie à se faire le Hara-kiri auquel devrait nous contraindre l'idée que le savoir psychiatrique et son action portent à faux, n'ayant pour objet qu'une illusion. »156(*).Il renouvelle ensuite son opposition à Foucault en répétant que la psychiatrie est née de l'élan révolutionnaire français. Dans les discussions suivant ce colloque, les anecdotes dénonçant l'emprise malveillante de la philosophie de Foucault sur les étudiants se multiplient. On le traite de « luciférien »,on dénonce sa « pensée désincarnée ».Le professeur Georges Daumézon reproche à l'ancien élève de l'Ecole normale supérieure de confondre constamment le mot « folie »,comme on l'entend dans le langage quotidien et les « troubles mentaux » - qui justifient un traitement. Il conteste, d'autre part, la séquence « Léproserie - Nef des fous - Hôpital Général - Asile », et trace une frontière entre la folie romanesque de Foucault et la pathologie mentale "Irréductible" aux appréhensions plus ou moins romantiques. Enfin, Daumézon avance trois arguments:

1) Les catégories pathologiques auraient été très tôt perçues et la conscience collective en aurait tenu compte ne serait-ce que dans l'extinction de la pratique de la sorcellerie.

2) Foucault aurait méconnu Pinel qui aurait eu un rôle non de délivreur de fous, mais celui ayant consisté à séparer le trouble global et les troubles partiels chez les individus « fous ».

3) Absolument rien ne permet d'affirmer comme l'écrit Foucault, que Pinel avait pour but de "...rendre moins visible l'espace asilaire..."

Ce congrès qui réunissait les forces vives de la psychiatrie de l'époque n'atteignit toutefois pas vraiment Foucault lui-même. Lui, de part sa non appartenance au « milieu » psychiatrique, avait un autre point de vue sur la folie dans lequel se mêlaient archives hospitalières et références littéraires, artistiques et philosophiques. Mais si le travail d'exhumation de ces références fut salué, au moins comme déclencheur d'un débat et d'une réflexion, il ne fut pas tout de suite considéré comme sérieux par la profession. Toutefois, les problèmes « historiques » soulevés par les historiens de la psychiatrie sont plus une critique de la forme que du fond de l'ouvrage et d'autres critiques, sans doute plus intéressantes de ce point de vue, se sont formées. De plus, ces réactions unanimes, justifiées en tant qu'elles viennent de professionnels de la psychiatries contiennent en elle une approbation sous-jacente : Henry Ey dans sa conclusion du colloque sur l'évolution psychiatrique dira que l'Histoire de la folie à l'âge classique « nous montre clairement le lieu de la mauvaise conscience de nos devanciers. Elle valide dans une certaine part la dénonciation d'un pêché originel de l'Aliéniste ».De plus, Foucault a toujours bien précisé qu'il ne s'agissait pas véritablement d'une histoire de la psychiatrie mais d'une archéologie mettant en lumière les conditions d'apparition de cette discipline.

* 154 Henri Ey, Evolution psychiatrique, tome 36 fasc. II, Actes du colloque, Privat, Toulouse 1971, p.226.

* 155 Ibid.

* 156 Ibid.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe