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Michel Foucault ,Psychiatrie et médecine

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par David Labreure
Université Paris 1 panthéon sorbonne - Ma??trise 2004
  

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2 : le pouvoir psychiatrique :

Le cours de Michel Foucault sur le pouvoir psychiatrique a été donné entre le 7 novembre 1973 et le 6 février 1974 au Collège de France. Foucault indiquera lui même qu'il s'agit du «  point d'arrivée ou en tous cas d'interruption du travail qu' [il] avait fait autrefois dans Histoire de la folie »159(*), d'une reprise d'un travail jusque-là abandonné, ou tout du moins laissé de côté. Car ce cours, selon la remarque de Robert Castel, inaugure la « seconde lecture » de L'Histoire de la folie : non plus une lecture romantique, centrée sur l'histoire des représentations et la crise des limites du représentable que la folie incarne, comme « déraison », mais une lecture militante, exhumant les racines de « l'ordre disciplinaire » que fut l'aliénisme, ordre dont la forme n'attend plus que d'être exportée partout dans la vie sociale comme type original du pouvoir, et de survivre ,au-delà du modèle psychiatrique, dans la généralisation de la « fonction-psy » à l'école, dans la justice, etc... En effet, entre 1961 et 1973,Foucault a très peu (ou pas du tout) écrit sur la psychiatrie et tout ce qui a fait le début de son oeuvre ,pour se consacrer entièrement à son entreprise d' archéologie des sciences humaines dans des ouvrages comme Les mots et les choses (1965),L'archéologie du savoir (1969) et L'ordre du discours (1971).Toutefois il serait évidemment trop rapide de conclure à la lecture de ces travaux à une simple suite à Histoire de la folie .Le sujet est abordé plus sur l'angle de la médecine mentale que sur celui de la maladie mentale, différence énorme qui affirme l'intérêt croissant de Foucault pour le cadre institutionnel par rapport à l'objet, au savoir. Il s'agit donc de voir à travers un nouveau spectre, celui de la psychiatrie en tant qu'institution et pouvoir, un sujet déjà abordé à travers les premiers ouvrages mais sous l'angle différent d'une archéologie des savoirs. Foucault précisait bien dans la préface d'Histoire de la folie qu'il ne s'agissait pas d'une histoire de la psychiatrie mais d'une histoire de l'objet folie : Il ne faisait pas l'histoire d'une discipline mais d'un objet intemporel. Ces cours sont donc aussi en rupture par rapport à ce qui a été fait précédemment ,il va s'agir « d'apercevoir ce que l'on a fait sous un angle différent et sous une lumière plus nette »160(*).En tout cas les cours de cette époque marquent un déplacement conceptuel de Foucault par rapport à la psychiatrie :les travaux convoquant de façon plus ou moins directe la psychiatrie contestaient sa possibilité d'accéder à la vérité de la maladie mentale, comme l'ont montré des ouvrages comme Maladie mentale et psychologie et Histoire de la folie .Foucault a posé dans ces travaux le problème de l'analyse des rapports de pouvoirs en tant que producteurs d'un certain nombre de vérités.

I : UN DEPLACEMENT D'INTERET DANS L'OEUVRE DE FOUCAULT:

Dans Maladie mentale et personnalité, la psychiatrie est bien appréhendée sous la forme du savoir et non comme étant à l'intersection d'un jeu de pouvoirs : dès son premier ouvrage, Foucault se veut toutefois déjà critique vis à vis de la discipline : il se propose de démontrer que les fondements de la psychiatrie ne doivent pas reposer sur l'exemple d'une méta-pathologie qui appliquerait à la médecine organique et à la médecine mentale les mêmes méthodes et les mêmes concepts. Foucault propose un déplacement vers une réflexion de l'homme sur lui-même axée sur l'analyse existentielle de sa maladie ainsi que sur une approche historique et culturelle. Ainsi, un malade n'est il pas aliéné de par sa maladie mentale mais plutôt par un contexte historico-culturel qui l'aura aliéné auparavant. Selon Foucault, la psychiatrie s'est ainsi interdite de voir qu'elle est avant toute chose « une projection de thèmes culturels »161(*). L'objectif de Foucault, au début de son oeuvre, est d'abord de mettre en cause la prétention de la psychiatrie à être une science comme une autre ou en tout cas se baser sur les mêmes méthodes qu'une science pour développer sa pratique. La psychiatrie doit se libérer de certains postulats pour prétendre à la rigueur scientifique. Il en va un peu différemment dans l'ouvrage remanié Maladie mentale et psychologie. Si Foucault considérait la maladie mentale d'après son environnement social concret dans son ouvrage de 1954, il s'agit d'analyser, dans celui de 1962, un contexte, des pratiques historiques dans lesquelles une psychiatrie est pensable (voir le chapitre « la constitution historique de la maladie mentale »).La dimension historique a pris le pas, en 1962, sur une étude de la folie comme structure globale.

L'Histoire de la folie à l'âge classique ne traite pas à proprement parler de psychiatrie comme l'a souvent rappelé Foucault, mais cherche à comprendre l'émergence d'une constitution possible de la folie comme maladie mentale. C'est une histoire culturelle, ou plutôt une histoire de choix culturel. Il ne s'agissait donc pas de faire une histoire de la psychiatrie comme discipline mais de ce qui a permis qu'elle s'installe comme savoir positif sur la folie, soit essentiellement comme la résurgence d'anciennes structures autoritaires, aliénantes et punitives, ce qui en a fait un savoir scientifique peu sûr, voire douteux. Toutefois si la psychiatrie est convoquée, elle ne l'est pas encore sur le terrain qui sera celui du cours de 1973/1974.Il ne s'agit pas encore d'interroger la psychiatrie dans ce qu'elle peut avoir comme effet de pouvoir, voir constituer elle même une forme de pouvoir.D'après Jacques Lagrange (voir l'annexe « enjeux du cours »,à la fin du Pouvoir psychiatrique), le déplacement conceptuel constaté dans les cours sur le pouvoir psychiatrique de 1973 s'est opéré selon deux modalités ayant à voir avec Foucault lui même, c'est à dire dans une continuité logique qui l'a progressivement amené à s'interroger sur ces questions de pouvoir ainsi que son intérêt croissant pour les expertises médico-légales, qui sont déjà un lien entre médecine et pouvoir, et le contexte intellectuel de l'époque (la charnière 1968/1970).Ce contexte, c'est celui d'une remise en cause profonde de la discipline psychiatrique à la fin des années 1960 et au début des années 1970,simultanément à ce revirement conceptuel propre à Foucault. Pourquoi ces problèmes n'ont ils pu être posés avant et surtout pourquoi ne le sont ils pas spécialement par les médecins de cette discipline eux mêmes ? Il y a eu certes des tentatives, à partir des années 1930/1940 notamment par un psychiatre tel que Lucien Bonnafé et par le mouvement désaliéniste mais ces interrogations, voire ces remises en cause, ne dépassaient pas le cadre de la profession et ne remettaient pas en cause le fond véritable de la discipline et ses rapports avec le pouvoir. Il a ainsi fallu que, du dehors, un certain nombre de mouvements et d'évènements ait pu poser des questions relatives à la psychiatrie et à son pouvoir supposé. Ce sont des mouvements, principalement extérieurs, très politisés qui vont prendre en charge au début des années 1970,soit en même temps que Foucault, la contestation de la psychiatrie en tant que pouvoir :les mouvements dits « antipsychiatriques ».Michel Foucault reconnaîtra d'ailleurs le rôle important que ces courants ont pu jouer sur ses propres travaux : « L'importance de l'anti-psychiatrie réside en ce qu'elle met en question le pouvoir que le médecin détient de décider de l'état de santé mental d'un individu » .

* 159 Michel Foucault, le pouvoir psychiatrique, Gallimard seuil, Paris, 2003, p.35.

* 160 Michel Foucault , « Usage des plaisirs et techniques de soi » in Dits et Ecrits, Vol IV,Gallimard,Paris,p.545 cité par Jacques Lagrange in Le pouvoir psychiatrique,Gallimard-Seuil,Paris,p.355.

* 161 Michel Foucault, Maladie mentale et personnalité, PUF, Paris, 1954, p.75.

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