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Michel Foucault ,Psychiatrie et médecine

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par David Labreure
Université Paris 1 panthéon sorbonne - Ma??trise 2004
  

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2 L'archéologie du discours médical dans Naissance de la clinique

I : GENESE ET ELABORATION DE NAISSANCE DE LA CLINIQUE:

On ne sait pas très précisément où, ni quand, Foucault fit ses recherches concernant Naissance de la clinique ; il se peut toutefois qu'il les ait faites en même temps que celles pour Histoire de la folie, Foucault ayant eu accès pour son premier livre à nombre d'archives et de documents médicaux. Telle est la supposition de David Macey dans son Foucault. La parution des deux livres étant séparée d'à peine deux ans, l'hypothèse est plausible. Foucault lui même parle de « chutes d'Histoire de la folie » concernant Naissance de la clinique. En tous les cas, l'ouvrage, fourmillant de références, fait montre de recherches très assidues, comme en témoigne sa bibliographie très exhaustive et il en est de même pour Histoire de la folie. D'ouvrages médicaux en archives, décrets et autres documents, Foucault a rassemblé un matériau de très grande diversité et d'une très grande richesse. Tout cela en fait un essai très technique, le plus technique que Foucault ait écrit jusque là, de par l'emploi fréquent du vocabulaire médical. C'est le moins apte en tout cas à toucher un grand public. Le livre n'en est pas moins réussi de part la richesse et la précision du matériau sur lequel il a travaillé. Toutefois,Naissance de la Clinique, au contraire d'Histoire de la folie est paru dans une indifférence quasi générale, à l'exception d'un petit nombre de commentateurs spécialisés, en histoire de la médecine notamment . L'horizon théorique abordé par Foucault semble lui, en revanche, totalement nouveau par rapport à ses écrits antérieurs ; c'est le premier et d'ailleurs unique ouvrage entièrement consacré à la médecine, un sujet pourtant transversal dans l'oeuvre de Foucault. Naissance de la clinique s'inscrit en outre dans la tradition de Canguilhem : il sert en quelque sorte de pendant historique au grand ouvrage de ce dernier, Le Normal et le Pathologique qui explique la signification des concepts de base de la médecine moderne. Certaines thèses de Canguilhem sont d'ailleurs reprises voire précisées dans Naissance de la clinique .D'une part, le fait qu'un concept ou qu'une notion n'a de sens que dans un contexte donné et d'autre part que l'histoire de la médecine ne doit pas être une histoire de « saints » de la médecine, une sorte de chronologie consensuelle qui mettrait en avant certains personnages au détriment d'autres. La continuité entre ces deux ouvrages est donc d'abord de nature thématique, puisqu'il s'agit de pratiquer autrement l'histoire de la médecine .Les deux ouvrages proposent en commun une forme d'analyse originale, différente en tout cas des analyses classiques des historiens de la médecine. Foucault, d'ailleurs, ne manquera pas de reconnaître sa dette envers Canguilhem : « (...) C'est à lui que je dois d'avoir compris que l'histoire de la science n'est pas prise forcément dans l'alternative :chronique des découvertes ou descriptions des idées (...) mais qu'on pouvait, qu'on devait faire l'histoire de la science comme d'un ensemble à la fois cohérent et transformable de modèles théoriques et d'instruments conceptuels »40(*).Dans Naissance de la clinique , il s'agit de donner au regard clinique (c'est à dire l'observation directe et savante d'un cas) du XIX éme siècle un regain d'intérêt, la vertu d'une pure attention au malade et à sa souffrance ; un « rapport immédiat à la souffrance et qui la soulage »41(*).Il y a là l'idée que la médecine clinique ne peut redevenir vraiment une science qu'en retrouvant son aspiration d'origine, c'est à dire soigner et être attentif à la souffrance et à la douleur ,ce que le court épisode de la médecine clinique a su faire selon Foucault. Le projet se veut « à la fois historique et critique »42(*): Il s'agit de déterminer les conditions de possibilité de cette expérience médicale radicalement nouvelle et inédite, de décrire ce qui peut être perçu et dit par le médecin à un moment donné. Foucault s'interroge sur le comment un tel regard a pu émerger, et énonce l'idée selon laquelle ce discours médical précis ne peut être perçu qu'à l'intérieur d'un certain champ de discours. Le regard clinique suppose ainsi un certain nombre de conditions à la fois scientifiques, politiques, philosophiques et linguistiques ; c'est à l'intérieur de ces savoirs que la médecine clinique va prendre naissance véritablement. C'est également dans Naissance de la clinique que, pour la première fois (si l'on excepte la première préface d'Histoire de la folie), Foucault emploie le mot « archéologie » : faire cette Archéologie, c'est à dire comprendre les structures, le langage qui, à un moment donné, vont permettre ce nouveau regard. Naissance de la clinique va donc faire l'histoire de cette médecine moderne à travers le concept de clinique qu'il voit émerger vers 1800 -1830.Il va en outre s'agir d'étudier la genèse historique du savoir médical de la formation du discours sur la maladie et son rapport avec des éléments extérieurs. Foucault réfute la conception d'une histoire évolutionniste des idées sur la clinique. C'est un événement radical au XVIII éme siècle qui a permis une mutation dans le savoir médical, et un nouveau rapport de l'expérience du médecin. En effet, à un moment donné, il y a eu mutation du savoir médical rendant ainsi possible de nouvelles articulations (notamment grâce à la médecine de Bichat).C'est un ensemble de réorganisations qui va produire un nouveau type de regard et de discours et qui va complètement modifier la représentation de la maladie.On peut parler de réorganisation du discours possible sur la maladie. L'archéologie « veut montrer non pas comment la pratique politique a déterminé le sens et la forme du discours médical mais comment et à quel titre elle fait partie de ses conditions d'émergence, d'insertion et de fonctionnement »43(*) . Grâce à la méthode archéologique, Foucault veut aller au-delà d'une analyse des causes : il veut décrire le changement, mettre en avant les discontinuités et analyser les différences, les difficultés.

Naissance de la clinique peut se lire comme une suite directe à Histoire de la folie : en effet, il étend à la médecine en général les analyses qu'il a pu pratiquer sur la maladie et la médecine mentales, c'est à dire observer leurs conditions d'émergence et d'apparition, et de possibilité. L'idée de saisir une cassure qui s'instaure au moment de son institution rappelle quelque peu Histoire de la folie dans le sens où celle ci cherchait à saisir le moment de la césure entre raison et déraison .Naissance de la clinique cherche à  « saisir la mutation du discours quand elle s'est produite » (préface) quand Histoire de la folie avait pour ambition de « parler de ce geste de coupure, de cette distance prise (...) entre la raison et ce qui n'est pas elle »44(*).L'idée commune est celle d'une archéologie ,terme que Foucault emploie dès 1961 dans la première préface de Histoire de la folie :Foucault parle d' « archéologie de ce silence » à propos de la relation entre raison et folie .L'analyse repose en outre sur la même étude exhaustive d'un très vaste ensemble de documents ,dans un cas comme dans l'autre ;il n'est pas étonnant que l'on fasse remonter la genèse  de Naissance de la clinique à la même époque que celle d'Histoire de la folie :Les deux bibliographies ont beaucoup de similitudes, de nombreux ouvrages leur étant communs (celui de Pinel Nosographie philosophique par exemple, ou encore la Médecine pratique de Sydenham).Le champ de recherche est identique et la même méthode est appliquée: saisir ce qui va rendre possible tel ou tel type de discours sur un objet précis à un moment précis. Toutefois, les ressemblances entre les deux ouvrages, si elles existent indéniablement, ne sauraient masquer de nombreuses divergences, faisant tout aussi bien de Naissance de la clinique une transition entre Histoire de la folie et les livres suivants .D'une part Histoire de la folie couvrait plusieurs siècles, du Moyen Age à nos jours, au cours de 600 pages. Naissance de la clinique est d'un format beaucoup plus réduit (200 pages seulement) qui ne couvre qu'un petit nombre d'années (environ 30) au début du XIX ème siècle car, selon Foucault, « la médecine clinique s'est défaite aussitôt qu'elle est apparue ».D'autre part le sujet du livre diffère également : Dans Histoire de la folie, le sujet - la folie - est intemporel, il traverse les époques et ne trouve sa forme médicale que très tardivement. Naissance de la clinique est, quant à lui, l'histoire précise d'une discipline de connaissances, la médecine clinique. Il s'agit d'étudier la conception d'une discipline de connaissance à un moment de l'Histoire ; l'histoire de la clinique du XIX ème siècle n'a rien à voir avec une relation intemporelle entre le médecin et le patient comme pourrait être comprise la relation entre le monde occidental et la folie, ou de la raison avec la folie.

La première phrase de la préface résume à elle seule de quoi il va s'agir ici : « il est question dans ce livre de l'espace, du langage et de la mort ;il est question du regard ».Puis, suit abruptement la description de deux pathologies par deux médecins (Pomme et Bayle) à deux périodes différentes (1769 pour le premier et 1825 pour le second).On est saisi, à cette lecture, par la différence très marquée entre les deux récits seulement séparés d'une cinquantaine d'années :Pomme semble encore englué dans les principes de l'ancienne médecine, des vieilles expressions utilisées encore en son temps, peu précises, et pas d'une rigoureuse véracité scientifique .Bayle ,en revanche , fait montre d'une grande précision quant à la description de la lésion qu'il observe, qui n'est pas sans rappeler les diagnostics actuels : « chaque mot de Bayle guide notre regard dans un monde de constante visibilité alors que le texte précédent nous parle le langage (...) des fantasmes »45(*).Que signifie cette entrée en matière plutôt surprenante ? La stratégie de Foucault consiste à nous faire prendre conscience que le premier récit de Pomme qui a pu passer à son époque pour un modèle de scientificité et d'objectivité nous semble à présent, à nous, dénué de sens, et finalement à nous montrer que nous avons tort de croire que même à notre époque nous touchons à cette objectivité. C'est là un des points fondamentaux de l'archéologie foucaldienne : l'archéologue doit opérer une distanciation, une relativité vis à vis de chaque discours ou de chaque savoir sur le sujet dont il fait l'archéologie, qu'il vienne de l'âge classique, de l'âge moderne ou de notre propre époque. Toutefois l'archéologie n'est pas seulement basée sur cette distanciation :elle nous permet aussi de comprendre que chaque discipline ,à quelque époque que ce soit ,a son ordre systématique propre, même si elle nous semble incompréhensible avec notre regard à nous, forcément façonné par notre époque. En bref, il faut donc garder à l'esprit que la médecine selon Pomme vaut bien celle qui se pratique actuellement et qui apparaît comme régie par les différents contextes socio culturels. Pourquoi serait elle donc moins vraie ? Moins scientifique ? : « Qui peut nous assurer qu'un médecin du XVIII ème  siècle ne voyait pas ce qu'il voyait »46(*) interroge Foucault : Pourquoi donner moins de crédibilité à Pomme qu'à Bayle ? La vérité se trouve à l'intérieur même du discours ; Foucault réfute la notion de commentaire qui vient se greffer sur le discours, ce qui reviendrait à admettre quelque chose de non formulé par le langage : « Commenter c'est admettre (...) un reste nécessairement non formulé de la pensée que le langage a jeté dans l'ombre »47(*). Foucault rejette ce qui serait un double fond de l'argumentation : le sens se trouve dans le discours et pas ailleurs. L'archéologie s'arrête au discours et à ce qui l'a rendu possible et ne traite en aucun cas du commentaire qui « double » ce discours.

* 40 Michel Foucault, L'ordre du discours, Gallimard, Paris, 1969, pp.73 et 74 .

* 41 Michel Foucault, Naissance de la clinique, PUF, Paris, 1963, pp.53 et 54.

* 42 Ibid. Préface p.XIV.

* 43 Michel Foucault, Archéologie du savoir, Gallimard, Paris, 1969, p.213.

* 44 Michel Foucault, préface 1961 d'Histoire de la folie in Dits et Ecrits, Vol I et II, Quatro Gallimard, Paris, 1994, p.188.

* 45 Michel Foucault, Naissance de la clinique, PUF, Paris, 1963, préface p I.

* 46 Michel Foucault, Naissance de la clinique, PUF, Paris, 1963, Préface p.VI.

* 47 Ibid.p.XII.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote