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La Répression de la concurrence déloyale en République Démocratique du Congo : cas de la ville de Bukavu de 1996 en 2006

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par Justin BAHIRWE MUTABUNGA
Université Catholique de Bukavu (UCB) - graduat en Droit 2006
  

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§2. Le rôle des instances judiciaires.

L'action législative s'achève à l'élaboration des normes ; leur application permanente étant assurée par les juridictions.

A. Le rôle du juge congolais dans la répression de la concurrence déloyale à Bukavu.

Le juge congolais, dans les limites de l'Ordonnance législative de 1950 examinée ci-contre, a pour fonction, de confronter les faits relatifs à la concurrence déloyale aux dispositions légales aux fins de dégager une conséquence juridique. De ce fait, le dispositif de son jugement doit non seulement protéger les intérêts des parties en cause, mais également les consommateurs et l'ordre public économique en général doivent y retrouver leur compte.

A Bukavu, l'efficacité des solutions apportées par le juge n'est vraiment pas consistante. Ceci est lié au fait que la lenteur de la justice ne permet pas aux opérateurs économiques d'être restauré dans leurs droits. C'est la raison d'ailleurs pour laquelle la jurisprudence en la matière est presque inexistante à Bukavu. Pour raison d'illustration, nous essayerons de voir comment le juge du TGI de Bukavu s'était positionné face aux actes de concurrence déloyale que la SONAS se prétendait en 2003. Il sied de rappeler que dans cette affaire, il s'agissait non seulement de la concurrence déloyale mais également, d'une atteinte au monopole étatique. Cette affaire parte le R.C. 6042 au greffe civil du TGI/Bukavu.

B. Résumé de l'Affaire SONAS contre SCAR.

La SONAS est une entreprise publique créée par Ordonnance n° 66/22 bis du 23 novembre 1966. Elle a son siège à Kinshasa et une succursale à Bukavu. En date du 02 octobre 2003, elle avait assigné à bref délai la SCAR sarl, ayant son siège à Goma et une succursale à Bukavu, d'avoir à comparaître par devant le TGI de Bukavu, siégeant en matière civile et commerciale au premier degré au local ordinaire de ses audiences le 27 octobre 2003 à 9h du matin.

La SONAS a soutenu qu'attendu que par Ordonnance-loi n° 66/620 bis du 23 novembre 1966, elle fut créée ;

Que cette loi n'a jamais été abrogée ;

Q'attendu que sous le couvert d'une décision n'ayant pas force de loi du RCD n° 018/RCD/CUPSG/2003 du 28 mars 2003, une société par action dénommée SCAR s'est instituée d'abord en violation de la loi ensuite au mépris du Décret du 27 février 1887 qui dispose que nulle sarl ne pourra se fonder au Congo qu'après avoir été autorisée par Décret ;

Que contre toute atteinte, la SONAS de nullité absolue a ouvert ses portes à Bukavu et tente d'allécher la clientèle par des prospectus fallacieux distribués dans la ville et aux environs aux fins de lui extorquer des fonds en lui faisant miroiter des services et autres interventions chimériques ;

Qu'aussi, cette société nulle au voeu de la loi ne peut exercer des activités en RDC ;

Qu'attendu que bien plus, la décision du RCD portant libéralisation des assurances n'a pas de valeur de texte législatif et ne peut pas combler un vide s'il eut en matière des assurances ;

Qu'il échet dès lors de dire nulle et inexistante ladite société et qu'en conséquence d'ordonner la destruction de tous documents nuls et frauduleux que détiendrait la société fictive ainsi que ses points de vente ;

Que par ailleurs sur les ondes d'une radio locale, il s'était fait allusion au discrédit de l'exposante au mois de septembre 2003, par le fait de l'assignée ;

Que les agissements de la société nulle ont porté ombrage à l'honorabilité de l'exposante, dès lors la SCAR devra être condamnée à tous les tords causés à la modique somme de l'équivalent en franc congolais de 100.000 U$ ;

Qu'au vu de ce qui précède, plaise au tribunal :

De dire recevable et fondée la présente action et y faisant droit ;

Dire nulle et inexistante la Société SCAR ;

S'entendre à indemniser pour tous les préjudices confondus à l'équivalent en franc congolais de 100.000 U$ de dommages-intérets ;

S'entendre condamner la citée à la publication à ses frais dans des organes de presse du Nord et Sud-Kivu, ainsi qu'au Journal officiel de l'intégralité de la décision à intervenir ;

Et ça sera justice.

Dans sa note de plaidoirie du 03 novembre 2003, la défense est revenue sur les actes de concurrence déloyale ci-après :

1. Attendu que du fait de la Société SCAR, la SONAS a subi et continu à subir des préjudices allant même à la discréditer et à raconter sur les ondes de la radio qu'elle était la meilleure, plaine d'efficacité par rapport à la concurrente ;

2. Que c'est ainsi que la Société SCAR a commencé même à débaucher les clients de la SONAS, une Société réellement congolaise ;

3. Que c'est ainsi qu'au pied de l'art. 258 du CCC LIII elle sollicite la réparation par une modique somme de 100.000 U$ ou son équivalent en franc congolais ;

4. Que la SONAS a le monopole des Assurances à lui accordé par le Président de la République par son Ordonnance-loi n° 240 du 02 juin 1967, et à ce jour cette disposition n'a jamais été abrogée ;

5. Que cette Société ne peut se targuer de son monopole mais encore, elle ne peut oser fonctionner car une sarl ne peut s'installer au Congo qu'en vertu qu'en vertu d'un Décret Présidentiel tel que dispose l'art. 6 du Décret du 27 février 1887 ;

6. Que de ce fait la SCAR n'est pas reconnue, d'où sa nullité absolue, et son existence est de facto car, c'est une société pirate qui est venue s'installer au Congo sous ce couvert.

La défense quant à elle soutenait que l'action mue par la SONAS doit être déclarée irrecevable pour cinq raisons :

1. Que le tribunal saisi doit se déclarer incompétent, étant donné que la SCAR estime que, c'est après avoir statué sur le fait de savoir si la décision du RCD créant la SCAR a force de loi qu'on peut alors statuer sur la nullité ou l'existence de cette dernière. Il s'agit donc d'une question préjudicielle que le tribunal devait vider d'abord avant de statuer sur le fond ;

2. Que Monsieur AMSINI IYAO, Président du conseil d'administration de la SONAS, n'a pas qualité pour agir à son nom ;

3. Que la demande introduite par devant le tribunal n'a pas d'objet et qu'elle se fonde plutôt sur l'art. 2 du code d'OCJ ;

4. Que la demanderesse n'est pas bien identifiée, ce qui fait que la demande soit non fondée ;

5. Que le RCD était compétent pour libéraliser les assurances sur le territoire sous son contrôle compte tenu des accords de Lusaka à lui octroyant ces prérogatives.

1. Décision du Tribunal.

En son audience publique du 06 avril 2005, le TGI de Bukavu séant et siégeant en matière civile et commerciale au premier degré a rendu le jugement dont la teneur suit :

Le Tribunal de Grande Instance de Bukavu statuant contradictoirement à l'égard de la demanderesse et par défaut à l'égard de la défenderesse ;

Le Ministère public entendu ;

Vu le Code d'OCJ ;

Vu le Code Civil Congolais Livre III ;

Vu la loi sur les sarl ;

Vu l'Ordonnance n° 66/622 du 23 novembre 1966 créant la SONAS ;

Vu la décision du Président du RCD n° 018/RCD/CUPSG/2003 ;

Reçoit l'action mue par la SONAS et la déclare fondée ;

Y faisant droit ;

Dit nulle et inexistante la SCAR ;

Condamne celle-ci à la somme de franc congolais équivalent à 80.000 U$ à titre de dommages intérêts pour les préjudices qu'elles a causé à la SONAS ;

La condamne en plus à la publication à ses frais dans les organes de presse du Nord et du Sud-Kivu ainsi qu'au journal officiel de l'intégralité de la présente décision ;

Dit en outre que le présent jugement est exécutoire nonobstant tout recours et sans caution en ce qui concerne la fermeture de tous les bureaux de la SCAR ;

Met la masse des frais à charge de la SCAR.

2. Analyse de cette décision.

Nous allons, brièvement, partir des notions générales du droit international public, du droit administratif, de l'accord de Lusaka et de l'accord global et inclusif dont le Gouvernement de la transition est débouché, pour démontrer notre point de vue vis-à-vis dudit jugement.

En droit Administratif, la théorie du fonctionnaire de fait est une dérogation à la règle de la compétence. C'est donc un correctif des conséquences juridiques normales. Le fonctionnaire de fait est un agent incompétent, généralement un individu non investi ou irrégulièrement investi de la fonction mais dont ses actes sont déclarés valides.

En période normale, le fonctionnaire de fait peut intervenir sur base de l'idée d'apparence. En période des circonstances exceptionnelles par contre, la théorie du fonctionnaire de fait est basé sur l'idée de nécessité. Nul n'ignore que pendant la rébellion du RCD nous étions sous ce régime et la décision du RCD libéralisant les assurances était prise dans ce sens ci-contre expliqué.

En droit international public, certaines entités n'ayant pas la qualité d'Etat sont reconnues comme sujet mineur dudit droit, dès lors qu'elles sont sujets des droits et obligations. C'est le cas d'une rébellion qui a une certaine autorité sur la portion du territoire qu'elle dirige.

A partir de l'accord de Lusaka signé entre les parties engagées en guerre en RDC en août 1999, le RCD comme les autres entités avaient l'autorité de l'Etat sur le territoire sous leur contrôle. C'est d'ailleurs sur cet aspect que la partie défenderesse s'était fondée dans l'affaire sous examen. Les articles qui suivent de cet accord illustrent cet aspect :

6.1 Aux termes de cet Accord et à l'issue des négociations politiques inter-congolaises, l'autorité administrative de l'Etat sera rétablie sur l'ensemble du territoire de la République Démocratique du Congo.

6.2 Dès l'entrée en vigueur de cet Accord, il y aura un mécanisme de concertation entre les Parties congolaises qui permettra de poser, sur l'ensemble du territoire national, des actes, et de mener des opérations ou des actions qui relèvent de l'intérêt général, notamment dans les domaines de la Santé Publique (ex. campagne nationale de vaccination), de l'Education (ex. correction des examens d'Etat), des migrations, de la circulation des personnes et des biens.

L'accord global et inclusif dit clairement que la répartition des responsabilités au sein des institutions de la transition et à différents niveaux de l'Etat se fait sur la base du principe de l'inclusivité et du partage équitable entre les composantes et entités au dialogue inter-congolais selon des critères de compétence, de crédibilité, d'honorabilité et dans un esprit de réconciliation nationale. Si le RCD n'était pas reconnu à ce niveau, elle ne ferait partie intégrante de la troisième République.

Après ce bref éclaircissement sur le fondement du RCD et sa compétence en matière de législation sur la partie jadis sous son contrôle, nous pouvons nous inscrire du coté de ceux qui pensent que la vérité juridique ne reflète pas toujours la vérité ontologique. C'est le cas du jugement rendu dans cette affaire. Le RCD était de ce fait compétent et le juge du TGI devait se ranger du coté de la défense en laissant la section administrative de la Cour d'Appel vider d'abord l'incident soulevé par la défense avant de rendre son jugement. Tout comme, la C.A elle-même pouvait statuer sur le principal et l'accessoire en vertu du principe qui peut le plus peut le moins.

L'efficacité des décisions judiciaires sanctionnant la concurrence déloyale à Bukavu est loin d'être certaine. Dans le dispositif, nulle part où le juge a fait référence à l'Ordonnance-loi de 1950 réprimant la concurrence déloyale en RDC, et pourtant la partie demanderesse n'a cessé de se fonder sur les actes de ladite concurrence. Le verdict était tombé sur base de l'art. 258 et ss. du CCC LIII. Les notions ci-contre développées matérialisent encore une fois la politisation des décisions judiciaires par nos juridictions. Cette affaire est pendante devant la C.A de Bukavu. Nous attendons voir la décision du juge du second degré encore qu'il y a aujourd'hui un projet de loi au parlement sur la libéralisation des assurances en RDC.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand