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La maladie sacrée, les parthenoi dans le regard de la médecine grecque

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par Virginie TORDEUX
Université Rennes 2 - Master 2006
  

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II.3. Les changements politiques

Pour faire avancer notre enquête, il est nécessaire de considérer les changements apparaissant dans le cadre de l'émergence de la cité état. C'est là que le contraste entre le monde grec et le reste du monde est le plus important. La signification de ces différences mérite un examen attentif.

II.3.1. La participation populaire à la politique.

Du VIIème au IVème siècle, la souveraineté est logée dans une foule d'unités autonomes sur le plan politique, instable et turbulente. On y trouve une activité visant à formuler, discuter, réviser et parfois renverser les codes de lois et de constitution.

Les grecs ne sont pas les premiers à faire des codes. Babylone et l'Egypte ont également des chartes mais essentiellement des chartes juridiques. Chaque état est gouverné par un roi absolu soutenu par une bureaucratie puissante qui lui obéissait. Un changement de gouvernement revenait à un changement de personne, pas à une modification du système constitutionnel. Les grecs traitent des relations entre les différents types d'esclaves et les hommes libres mais restent muets sur les droits proprement politiques de ces derniers. (prendre la parole, voter pour les assemblées) On ne peut donc pas parler des constitutions.

En Grèce, il existe une prolifération de formes constitutionnelles. Elles vont de la monarchie constitutionnelle à la plus extrême démocratie en passant par l'oligarchie. A partir du VIIème siècle, beaucoup de cités-Etats sont affectées par des bouleversements constitutionnels.

Dans les nouvelles cités-Etats, les citoyens ont l'habitude de participer pleinement au gouvernement effectif de leur cité, s'engager dans une délibération active sur des problèmes constitutionnels. On peut donner la cité d'Athènes comme exemple car c'est celle pour laquelle nous avons le plus de renseignement. Trois traits la caractérisent : les charges sont tirées au sort, elles ne doivent pas être exercées plus d'une fois et chaque citoyen peut participer au tribunal populaire ce qui lui donne droit à un salaire. Un éventail de texte du V-IVème siècle montre l'intérêt des grecs pour les différents systèmes constitutionnels, sur leur passions pour la liberté et surtout celle de la parole.

Au Vème siècle, ce qui caractérise les grecs des barbares, c'est la liberté, l'autonomie politique, le droit de se gouverner soi-même. Parmi ceux qui expriment cette idée, se trouve l'auteur du traité Airs, Eaux, Lieux273(*). Il oppose peut-être de façon exagéré les grecs et les barbares mais ceci ne diminue pas la valeur du témoignage pour ce qui est de nous renseigner sur la manière grecque d'appréhender cette opposition. Selon l'auteur, ce qui différencie le plus la vie politique de la cité grecque des autres, c'est que le grec est son propre maître.

II.3.2. Des rapports de la science avec la politique

Ces différences entre les grecs et les autres pays sont ils pertinents pour notre problème ? La sphère du droit et de la justice propose d'importants modèles cosmiques. L'univers est un Kosmos, un ordre, les phénomènes naturels sont réguliers, soumis à des séquences ordonnées de causes et effets. Dans cette perspective, c'est une société régie par des institutions juridiques régulières qui fournit le contexte indispensable dans lequel peut se développer l'idée que le monde est un tout ordonné.

Cette proposition se heurte à une difficulté. Les grecs ne furent pas les seuls à élaborer des systèmes juridiques complexes. Il faut souligner les différences dans les attitudes possibles à l'égard du droit, sa nature, de son fondement. Ailleurs, l'ultime sanction des codes de lois est Dieu ou le roi qui le représente sur terre dans le Proche Orient ancien. La justice dépend toujours d'une autorité personnelle. En Grèce, des codes de lois portent le nom de leur auteur, Solon invoque Zeus dans ses poèmes mais l'accent a changé. L'idée selon laquelle la loi est une chose abstraite, impersonnelle à laquelle se trouve soumis le législateur, gagne du terrain. On parle encore d'une vengeance divine mais les dieux perdent leur caractéristique de divinité personnelle et se transforment en pure personnification du gouvernement de la loi. A mesure que cette loi devient l'objet d'un débat ouvert, qu'elle dépend de plus en plus de l'accord des citoyens, la notion d'une autorité personnelle plus haute se trouve ébranlée. L'opposition entre physis nature et nomos, loi établie pas l'homme exprime cette évolution.

Un des traits remarquables de l'expérience politique grecque à partir du VIème siècle est le caractère ouvert des discussions sur la meilleure manière de régler une société, les avantages ou désavantages des différents types de constitutions, discussion qui ne sont pas seulement théoriques. Ainsi, on a la possibilité de contester deux présupposés enracinés à propos de la nature,de soumettre à l'examen des questions comme l'origine du monde. Ici, on ne peut nier un certain parallélisme entre les deux évolutions. La cité-Etat exige, de la part des dirigeants politique l'exercice de savoir faire nouveaux. Ces hommes d'une grande sagesse exceptionnelle l'avaient acquis pour des raisons très variées et auprès de publics différents. Certains le devaient à un charisme personnel, d'autres, à un savoir ésotérique. Toutefois, il est de moins en moins possible de faire accepter des idées uniquement parce qu'elles viennent d'un individu qui a l'autorité. Cela s'applique en politique, en médecine, en philosophie. On a déjà noté la compétition qui se développe. Ce qui passait pour argument convaincant variait d'un groupe à l'autre. L'importance de la participation à la vie politique eut des répercussions importantes sur la vie intellectuelle dans son ensemble. Beaucoup d'écrivains d'époque classique décrivent une assemblée où les citoyens se sont pris d'un intérêt passionné pour leur rôle, leur responsabilité politique et l'exercice de leur droit274(*). Athènes, est, par exemple, le seul endroit où un homme qui ne prend pas part au gouvernement est un homme inutile.Enfin, on oppose domination par la force et domination par la raison ou l'argumentation.

L'idée que tout homme a le droit d'avoir une voix et une opinion dans tous les domaines se retrouve dans quantité de textes philosophiques, historiques et médicaux. Même si les choses pouvaient tourner mal pour les contestataires en raison des étroites relations interpersonnelles qui se nouaient à l'intérieur de la cité-Etat et grâce au nombre élevé de ces cités indépendantes, le monde grec montrait une tolérance entre les divergences d'opinion.

Cependant, si on peut dire que le développement de l'enquête critique en Grèce à un rapport avec l'expérience politique grecque, la thèse se heurte à des objections évidentes dont trois méritent discussion :

-la thèse pourrait faire penser que l'enquête philosophique, scientifique doit être concentrée aux démocraties alors qu'il s'agit d'un phénomène répandu,

-on peut objecter que l'émergence de la pensée spéculative précède le plein épanouissement des institutions de la cité Etat et l'établissement de la démocratie clisthénienne en 508,

-on peut penser que les choses auraient dû aller plus loin. Si on considère que les caractères généraux de la vie politique et sociales grecques ont joué un rôle dans l'émergence de l'enquête critique radicale, comment expliquer qu' aient survécu au-delà du Vème siècle, quantité de pratiques magiques ?

On peut répondre en appliquant à toutes les trois des réserves et des précisions :

Si des institutions comme l'ostracisme275(*) n'apparaissent que dans certaines démocraties, les différences entre cités démocratiques et oligarchiques qui sont pertinentes pour nous ne sont que l'affaire de degré. Démocrates ou oligarques, les grands philosophes ou savants appartiennent tous ou presque à une élite plus ou moins définie. Même si la situation des philosophes est très différente de celle des praticiens de la médecine. Les philosophes et les sophistes recrutent leurs étudiants dans la classe la plus riche, les médecins cherchent à exercer leur pouvoir de persuasion sur leurs élèves ou les auditeurs de leur conférence, mais aussi sur une clientèle potentielle qui s'étendait au-delà de la minorité cultivée. Et pourtant, l'exigence de discussion rationnelle, partie intégrante de l'expérience commune dans la cité-Etat s'imposait à tous et les influençait tous.

Si les productions des premiers philosophes milésiens, Thalès276(*) et Anaximandre277(*) contemporains de Solon278(*) et de Pisistrate279(*) sont antérieures à l'introduction à Athènes de la démocratie à la suite des réformes de Clisthène280(*), quantité de traits qui apparaîtront plus tard dans la discussion politique sont déjà présents ou esquissé dans les poèmes de Solon. Ensuite, nous avons souligné le caractère limité de ses avancées. Dans deux grands pans de l'enquête physique, mathématique, éthique, c'est au milieu du Vème siècle que s'institue un grand débat. Il en est ainsi, par exemple de la controverse sur la nature et la convention, le principal texte qui s'en prend aux croyances magiques en médecine date de la fin du Vème siècle au plus tôt. La conclusion s'impose : dans les deux cas, les changements dont nous avons traité ont été progressifs, ils ont mis du temps à s'imposer et leur installation ne se fit pas sans retour en arrière intermittents.

On a tenté de prouver que l'expérience du débat critique radical dans le domaine politique et juridique avait accompagné et influencé le développement d'une enquête également critique et radicale, dans d'autres champs de pensée. Or, l'existence de certaines institutions politiques, d'un climat général de l'opinion publique autorisant la critique fondamentale ne signifie pas que le spectre des croyances populaires sera soumis à un semblable examen, que toute les manifestation de l'irrationnel seront mises sur la sellette. Trois observations s'imposent :

Tout d'abord, la capacité des arguments rationnels à déraciner des convictions établies est assez limitées.

Ensuite, le succès des nouveaux professionnels de la parole suscite des réactions hostiles chez Aristophane281(*) ou Platon282(*). Les citoyens avaient l'occasion d'exercer leur compétence de juges en matière d'habileté à manier les arguments mais à la fin du Vème siècle, ils étaient souvent mis en garde contre la rhétorique dans son ensemble.

Enfin, on fut obligé de reconnaître qu'il y avait d'autres restrictions d'ordre général à l'expansion de l'enquête critique : dans le domaine politique, seuls les hommes libres pouvaient exercer la politique. En médecine, les idées des médecins et des philosophes combattaient les croyances populaires partagées par les hommes, les femmes, les libres et les esclaves. La révolution de l'enquête critique est un phénomène circonscrit par les barrières créées par les divisions sociales, politiques, par l'analphabétisation et l'ignorance. La vraisemblance des arguments de Maladie sacrée sont étudiés pour le public auquel ils sont destinés. Tous le monde ne les a pas jugés convaincants et l'ensemble des personnes qui tombaient malade était plus considérable que celui des participants à la vie politique de la cité-Etat.

Même si au Vème siècle, les croyances traditionnelles furent attaquées, elles perdurent chez les gens du commun et même chez certains représentants des lumières283(*) comme Hérodote. Selon lui, les maladies peuvent être le fait du mécontentement divin. Il est donc possible d'enquêter sur la nature des différents phénomènes tout en croyant que les maladies sont envoyées par les dieux.

Il n'est pas question ici, de parler d'une quelconque victoire de la rationalité sur la magie, celle-ci n'ayant jamais eu lieu. C'est la raison pour laquelle la critique de la magie a trouvé une certaine audience. Les attaques de l'auteur s'inscrivent dans un contexte de compétition entre deux types de guérisseurs. Pour quantité de croyances traditionnelles, une telle situation avait peu de chance de se produire, beaucoup de croyances ayant été rationalisées et incluses dans la philosophie de la nature, dans la médecine hippocratique ou dans les deux. Enfin, si les arguments utilisées dans Maladie sacrée appartiennent à une catégorie propre à les rendre convaincants dans certains milieux, il ne s'ensuit pas que les purificateurs ou les praticiens de la médecine des temples furent réduits au chômage. Les faiblesses de certaines de leurs prétentions furent dénoncées par des auteurs extrêmement vulnérable à des objections. S'il ne faut pas mésestimer la nature exceptionnelle de ce changement, il ne faut pas non plus en exagérer la portée en voyant dans l'approche de la critique radicale une caractéristique de la pensée grecque tout entière.

En effet, notre deuxième partie va s'attacher à montrer à quel point les mythes ont pu imprégner leurs marques dans la société et comment on retrouve ces marques dans le corpus hippocratique.

QUATRIEME PARTIE

LA PARTHENOS, PROLOGUE DE LA FEMME, RACE A PART

Pourquoi parler de race à part ? C'est que, dans l'imaginaire des hommes du cinquième siècle, le mythe de Pandora a contribué à installer les femmes dans un écart originel. Comment appréhender plausiblement ce qu'est une parthenos pour un médecin si l'on ne sait, puisqu'une aucune autopsie ne semble avoir été pratiquée, quelle vision pouvait avoir un homme du corps d'une femme au cinquième siècle. Car bien que la méthode hippocratique soit basée sur l'observation, on verra que les croyances traditionnelles, notamment pour les femmes, persistent dans le Corpus.

Il m'a semblé nécessaire de rappeler le mythe de Pandora qui donna, culturellement parlant, naissance aux femmes ; qui justifie, de par son contenu, une nature différente et donc la nécessité d'une médecine à part, pour conclure par le renforcement que la médecine apportent aux règles régissant la vie d'une parthenos, puis d'une gyné, à savoir la soumission à son époux.

CHAPITRE I

PANDORA, NAISSANCE DE LA RACE DES FEMMES

Parce que Prométhée avait trompé Zeus, celui-ci envoya aux hommes un fléau. Prométhée avait volé le feu, Zeus envoya aux hommes un feu voleur. On verra ensuite comment un autre auteur, Sémonide d'Armogos, explique la nature des femmes à travers leurs défauts.

* 273 Selon le traité Airs, Eaux, Lieux, si les peuples asiatiques sont plus doux, c'est à cause du climat de leur pays, de leurs coutumes et de leurs institutions : ils sont gouvernés par des despotes qui manque de courage et d'énergie.

* 274 Selon G.E.R. Lloyd dans son libre précédemment cité, cette idée serait récurrente chez Aristophane.

* 275 Ostracisme : à Athènes au Vème siècle, procédure d'exclusion temporaire à l'égard d'un citoyen jugé dangereux pour la démocratie.

* 276 Thalès : (fin VII-deb VIème siècle), mathématicien et philosophe grec de l'école ionienne.

* 277 Anaximandre :(610-547), philosophe grec de l'école ionienne.

* 278 Solon (640-558), législateur et poète athénien.

* 279 Pisistrate :(600-527) tyran d'Athènes.

* 280 Clisthène : (VIème siècle avant JC) homme politique athénien.

* 281 Aristophane : (445-380) poète comique grec.

* 282 Platon : (428-348) philosophe grec, disciple de Socrate.

* 283 G.E.R. Lloyd, Magie, raison et expérience, Paris, Flammarion, 1990, 448p.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci