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La gestion des sites du patrimoine mondial au Maroc: Le cas du Ksar Ait Ben Haddou (province de Ouarzazate)

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par Hassan ZAKRITI
Université internationale de langue française au service du développement africain - DEPA 2005
  

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2.1. La valorisation du site

2.1.1. Sensibilisation et promotion

La valorisation - élément de transition à la réhabilitation - s'inscrit dans la

continuité du thème de la conservation. Lorsque les gens accordent un intérêt à un élément patrimoine, ils développent généralement des comportements respectant son

existence1. D'où, la nécessité de mener une politique de vulgarisation à tous les niveaux dans le cas du Ksar Aït Ben Haddou afin que toute action dans le site soit soutenue et

1 Pierre De Maret (dir.), Plan de sauvegarde du patrimoine de l'Afrique francophone, ULB, 1997, (p.96)

permanente et moins onéreuse. La valorisation dans notre cas doit s'adresser à deux publics :

Le premier est la population locale. Partant du fait que l'intérêt est porté par les gens à leur patrimoine local plutôt qu'à un patrimoine lointain ou qu'il ne connaissent pas. La population du site du Ksar Ben Haddou s'identifient par rapport à leur village ancien : il constitue non seulement leur héritage, mais également leur identité. Ce sentiment est très remarqué chez les adultes ; c'est donc au niveau du jeune public qu'il faut mener l'action de valorisation. Sensibiliser les personnes en âge de scolarité est une action prioritaire car il s'agit de la meilleure manière d'assurer la préservation du ksar à long terme et renforcer l'intérêt des générations futures pour sa gestion au niveau local.

Malheureusement, il y a une seule école sur le site (situé dans le village issiwid) ; elle sera amenée à devenir une interface entre les jeunes écoliers et leur patrimoine, qui risque d'échapper à leur appréhension du fait que la jeune génération n'a pas vécu dans le ksar. Les locaux de l'école sont susceptibles d'être des supports pédagogiques : il convient ici d'enrichir ces locaux par des photographies et des peintures sur mur, pour illustrer le capital culturel du ksar et de son environnement. Les acteurs culturels sont amenés à jouer le rôle d'animateur ou de médiateur au sein de l'école. En parallèle, il y a un travail similaire à fournir au niveau des établissements scolaires (collèges, collèges) dans lesquels les enfants du village poursuivent leur scolarité. Les acteurs culturels (l'administration chargée des affaires culturelles notamment) sont invités à travailler dans ce sens conjointement avec l'administration provinciale chargée de l'éducation et la jeunesse.

Quant au second public, il s'agit des gens étrangers au site : qu'ils soient des nationaux de proximité, originaires d'autres localités ou de visiteurs étrangers au pays ; et d'autre part, des acteurs institutionnels (à l'échelle provinciale, régionale ou nationale). Il y a tout un effort à fournir en matière de valorisation et de promotion à ce niveau. Il est paradoxal que le site du ksar soit valorisé par les instances internationales (à l'image de l'Unesco et du PNUD) et ne le soit pas au niveau national. Il est à rappeler que l'inscription sur la liste du patrimoine mondial engage l'Etat marocain et non seulement un département ministériel (le ministère de la Culture en l'occurrence).

Le label Patrimoine Mondial et son logo doivent tout au moins figurer sur le site (par exemple par le biais d'une bannière ou d'une enseigne appropriée ; un concours entre artistes devrait être lancé à ce titre), ainsi que sur les panneaux de signalisation ou de balisage qui indiquent le chemin du ksar pour assurer une meilleure lisibilité et visibilité du site. Des slogans peuvent également figurer sur le site et sur tous les supports pédagogiques ou d'informations et de promotion concernant le site. Le

message doit avoir une forte teneur en sensibilisation à un patrimoine fragile. Un slogan du genre : Héritage partagé, responsabilité commune revient souvent

dans la littérature de l'Unesco1.

Par ailleurs, il y a plusieurs pistes potentielles à exploiter, notamment les médias (les chaînes de télévision, les stations de radiodiffusion, la presse écrite, etc.) l'administration postale (émission de timbres poste), les télécommunications (émission de cartes téléphonique illustrant les potentialités culturelles, architecturales et

paysagères du site)2.

Photo. 10- l'un des rares panneaux d'indication du Ksar Aït Ben Haddou (cliché: Luc Fougere)

1 Ce slogan fut, à l'occasion de la célébration du 30 ème anniversaire de la Convention de 1972, l'intitulé du Congrès international organisé par le Centre du Patrimoine Mondial et le Bureau régional pour la Science en Europe ( Venise, du14 au 16 novembre 2002).

2 La Deuxième chaîne marocaine 2M - émise sur satellite- lance souvent un spot de promotion d'un paysage architectural d'une vallée verdoyante et d'un ensemble architectural en terre filmé en plongée très réussie. L'opérateur marocain des télécommunications Maroc Telecom avait émis récemment une carte téléphonique illustrant la ville d'Essaouira, Marrakech, et un paysage ksourien de la vallée du Draa, il convient également que le ksar des Aït ben Haddou soit représenté dans une carte similaire à un prix abordable (10 dhs=1Euro ou 18 dhs) ou étendre l'émission à toute la gamme tarifaire pour assurer une large diffusion. L'administration postale marocaine Barid Al-maghrib émet souvent des timbres en série limitée des monuments connus du Maroc et de certains paysages, il est peut-être temps qu'elle s'intéresse au paysage ksourien des vallées à l'image du Ksar Aït Ben Haddou et procéder à de larges émissions de timbre.

Fig. 15 - exemple de carte téléphonique illustrant
un paysage ksourien de la vallée du Draa

2.1.2. Les vecteurs in situ de médiation

La promotion des potentialités du site du Ksar Aït Ben Haddou est susceptible de

drainer davantage de visiteurs pour lesquels il faut non seulement assurer l'accueil dans de bonnes conditions, mais également une bonne communication des valeurs du site.

a. écomusée ou musée communautaire ?

Certains y voient la pertinence de créer un écomusée au niveau du ksar1. A ce titre,

la structure muséale parait la formule la plus sollicitée, pour créer une dynamique de communication, car elle revient souvent dans la littérature relative à la valorisation des sites culturels. Entre musée classique (archéologique, muséographique, thématique, etc.) et musée de reconstitution, l'écomusée est le modèle qui a plus de notoriété, car le plus théorisé et le plus adapté à des contextes socioculturels, géographiques, et

écologiques extrêmement variés2.

Inspirés des musées communautaires, ou une simple dérivée de ceux-ci, l'écomusée a acquit ses titres de noblesse grâce à l'apport de Georges-Henri Rivière (premier directeur de l'ICOM en 1946), et à la dimension sociale qu'il se veut porteur pour la communauté détentrice des valeurs patrimoniales, à travers les expériences menées dans différentes régions du monde.

L'écomusée, selon les termes de G-H. Rivière, est « un instrument qu'un pouvoir et une population con çoivent, fabriquent et exploitent ensemble. Ce pouvoir, avec les experts, les facilités, les ressources qu'il fournit. Cette population, selon ses aspirations, ses savoirs, ses facultés d'approche.

Un miroir où cette population se regarde, pour s'y reconnaître, où elle recherche l'explication du territoire auquel elle est attachée, jointe à celle des populations qui l'ont précédée, dans la discontinuité ou la continuité des générations. Un miroir que

1 F. DeMicheli, op. cit., p.

2 André Desvallées, «Novelle muséologie», in Encyclopaedia Universalis, ed. 1998 (p.922)

cette population tend à ses hôtes, pour s'en faire mieux comprendre, dans le respect de

son travail, de ses comportements, de son intimité »1.

Il serait à la fois une interprétation de l'espace, un laboratoire de recherches

pluridisciplinaires, un conservatoire, et une école2.

Ce type de << musée » devrait être dirigé par un conseil d'administration comprenant des représentants de trois collèges : celui des usagers, celui des scientifique et celui des gestionnaires. Il revient à cette structure d'établir un statut adapté au contexte du site et à ses occupants, soulignant son mode de fonctionnement.

Dans une telle démarche, il ne s'agit pas de << délivrer un message universel à un public indéterminé, mais de mettre la population en contact avec ses propres

valeurs »3.

Il faut reconnaître que cette démarche n'est pas du tout facile, vu les enjeux importants qui pèsent sur l'environnement du ksar des Aït Ben Haddou sur le plan social, culturel et économique. En outre, l'expérience des écomusées ou des musées communautaires au Maroc est assez récente, et n'a pas encore révélé ses éléments de réussite ou d'échec.

Les premiers sont liés surtout à des sites naturels ou à des aires protégées et se prêtent à confusion avec les musées de plein air. Quant aux seconds, les musées communautaires, on ne dispose à l'heure actuelle qu'une seule expérience : celle du village des Aït Iktel dans le Haut-Atlas menée par l'anthropologue marocain: Ali

Amahan4.

b. les maisons thématiques

Dans cette dynamique, la population est appelée à créer en concertation, des

structures révélatrices des valeurs (intrinsèques et extrinsèques) du site en rappelant la fonction majeure et originelle du ksar : l'habitat. Ainsi, des structures d'animation devraient se décliner en plusieurs formes de désignations selon qu'il s'agisse d'habitat (Maison des Aït Ben Haddou, des Aït Aïssa, des Aït Bahaddou, des Aït Lahçaïne, des Aït Ou Gourram, des Aït Ali Ou H'mad, des Aït Saïd, entre autres),

1 (( Images de l'écomusée », in Muséum, n°148, 1985, cité par J-P Laurent.

2 ibid

3 Marc Alain Maure (1976), cité par A. Desvallées, op. cit., p. 922

4 Mr. Amahan est vice-président de l'ICOM-Maroc et inspecteur au Ministère de la Culture ; son expérience est décrite dans : Ali Amahan, (( Développement : un modèle de musée communautaire dans un village du Haut-Atlas », in Les musées : construire les communautés, Acte de la Journée internationale des musées (18 avril 2001) et également A. Amahan, La face humaine de la pauvreté, Document présenté dans le Mediterranean Development Forum, 3-6 Sept. 1998. (les deux documents sont diffusés sur Internet).

d'ateliers de tissage (Maison de tissage), ou de salle d'exposition filmographique du site (Maison de Cinéma), etc.

c.

le centre d'interprétation1

Il s'agit d'une structure destinée à « fournir au public l'information qu'il désire sur le site qu'il visite, à lui donner des points de repère et des clés de lecture lui

permettant de restituer par la pensée les fonctions disparues »2.

Les centres d'interprétation sont nés en Amérique du Nord, dans le but de pallier le manque d'objets originaux ou d'animer des parcours de parc naturels. Par la suite, ces centres se sont retrouvés liés directement aux sites archéologiques notamment en France, et assimilés souvent à des musées de site (en Espagne où ceux-ci s'intitulent eux même des « Centres d'interprétation ») où des ensembles archéologiques et monumentaux qui se rapprochent de la définition des parc archéologiques (dans les pays scandinaves).

Une panoplie d'outils pédagogiques et d'information est mise à la disposition des visiteurs : panneaux, photographies, maquettes, audiovisuels, etc.

Le vocable désignant le centre d'interprétation -terme générique parait-il- peut se décliner en plusieurs formes, selon le contexte où l'on se situe, et selon la finalité de l'action.

Dans le cas du village communautaire des Aït Ben Haddou, une telle structure semble pertinente dans la mesure où elle fait défaut et le visiteur se retrouve dans le site sans aucune information, devant une population en phase de rupture latente avec son passé, avec ses traditions et avec ses valeurs.

Le choix de l'emplacement de cette entité dépend du circuit de visite à aménager sur le site. Sa désignation varierait selon qu'elle va se situer dans la rive opposée au ksar (Centre d'information) ou dans le ksar lui-même (Maison d'information). Il convient au CERKAS d'assurer cette tâche par le biais de l'antenne qu'il envisage installer dans le site, vue l'expérience qu'il a cumulée dans ce domaine (le cas de la Qasba de Taourirt à Ouarzazate).

d.

la dynamique scientifique

Dans un chapitre précédent (chapitre 1/ 1.1.a) il était question de reconsidérer les

valeurs du ksar et d'accompagner l'évolution de ses valeurs. Il en est ressorti que le ksar, avec les vestiges révélés à proximité, l'abandon quasi-total de la fonction

1 Le cours de Mme Myriam Morel-Deledale - lors de son passage à l'Université Senghor- m'a inspiré ce modèle de structure de médiation dans le site du Ksar Aït Ben Haddou, à partir des exemples rencontrés dans le monde (cours également diffusé sur Internet).

2 Michel Colardelle, « les musées de site : Recherche, reconstitution, préservation du patrimoine, aménagement du territoire », Acte de la Rencontre ICMAH, Thessalonique, 1997 (p.176).

d'habitat, la phase de rupture avec le passé, est dans un stade assez proche d'un site archéologique de l'habitat présaharien. D'où, le choix de l'appellation : Site protoarchéologique.

Les autorités de tutelle sur la recherche archéologique (Direction du Patrimoine culturel et l'INSAP) sont en mesure d'établir un programme de recherche étalé sur dix années à raison d'une mission d'un mois ou plus par année, ou de deux missions le cas échéant (en Septembre et/ou en Mai).

Les étudiants de l'INSAP devraient être intégrés à ce programme étant donné que chaque année, une mission de fouille est programmée pour eux (pendant le mois de

mai de chaque année)1.

Ces missions pourraient être cofinancées par des organismes universitaires nationaux ou étrangers à l'instar des missions qui sont menées dans différentes régions du Royaume. Les PROTARSCE financés intégralement par le Département chargé de la recherche scientifique, offre une opportunité de financement pour de tels programmes.

Ces missions seront susceptibles d'animer le site et d'engendrer une dynamique sociale et économique tout autour (restauration, des centaines de journées de travail, etc.), à l'image de nombreux villages où des missions similaires sont menées systématiquement. La population du site est amenée à découvrir une nouvelle facette des valeurs de leur site, et qui échappent encore à leur conscience.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams