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La gestion des sites du patrimoine mondial au Maroc: Le cas du Ksar Ait Ben Haddou (province de Ouarzazate)

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par Hassan ZAKRITI
Université internationale de langue française au service du développement africain - DEPA 2005
  

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Chapitre 3. Les mécanismes potentiels de gestion

Il est de toute évidence que les potentialités du ksar des Aït Ben Haddou, ses

impératifs de sauvegarde et de réhabilitation appellent à être gérés de la manière la plus adéquate. La durabilité de sauvegarde et de réhabilitation doit être assurée par les mécanismes de gestion des plus appropriées.

En fait, la gestion d'un site du patrimoine mondial tel que le ksar des Aït Ben Haddou se fonde sur une analyse détaillée de son intérêt, tel qu'il a été identifié au cours de la procédure d'inscription. D'après B.M. Feilden et J. Jokilehto, la gestion des sites du patrimoine mondial comprend les éléments suivants :

- faire comprendre à tout le personnel du site les valeurs culturelles à préserver sur ce site ;

- élaborer des directives spécifiques en fonction de la définition de l'intérêt du site ;

- établir un inventaire complet de toutes les ressources culturelles du site ;

- organiser des inspections régulières conduites par des professionnels qualifiés et expérimentés, qui rédigeront un rapport officiel ;

- élaborer un plan stratégique de maintenance débouchant sur la formulation de projets sur divers éléments qui s'inscrivent dans un programme annuel de travail en fonction de leur priorité ; et

- respecter, dans toute intervention, les principes éthiques de la conservation, les

recommandations de l'Unesco et les directives contenues dans la charte de Venise1.

La gestion au niveau du site en question est la capacité d'assemblage de ces éléments. De ceux-ci se dégagent deux tendances qui se recoupent à plusieurs niveaux : il s'agit de la gestion planifiée et la gestion intégrée.

3.1. La gestion planifiée

La gestion planifiée d'un site du patrimoine mondial fait référence à un outil fondamental : le plan de gestion. Il s'agit d'un instrument de gestion destiné à organiser la conservation et à appuyer les actions de développement par rapport à

l'environnement du site2.

Depuis 2000, le Comité du Patrimoine Mondial ne cesse de réitérer sa recommandation d'élaborer un plan de gestion pour le Ksar des Aït Ben Haddou sous

1 Bernard M. feilden et Jukka Jokilehto, Guide de gestion , p.1-2

2 ibid.

peine d'être inscrit sur la liste du patrimoine mondial en péril. En 2001, les acteurs locaux se sont réunis à maintes reprises pour élaborer un plan conforme aux normes de l'Unesco pour qu'il soit finalisé en 2002. Mais cette action n'a pas abouti jusqu'à présent. Ainsi, le Maroc s'est retrouvé confronté à une dernière échéance formulée par le Comité du Patrimoine Mondial (la session de 2004). En dépit de cette sommation, le

Maroc a réussi encore à repousser l'échéance1.

Dans cette démarche de planification, trois composantes sont à mettre en place : une structure de gestion du Ksar Aït Ben Haddou, un groupe de travail pour l'élaboration du Plan de gestion, et enfin le Plan de gestion proprement dit.

3.1.1. La structure de gestion

C'est la structure qui sera chargée de la gestion du site. La commission de gestion du site aura pour rôle de gérer le site, d'assurer son entretien et sa mise en valeur et de conserver les valeurs pour lesquelles il a été inscrit au patrimoine mondial. Elle veillera ainsi à l'application de la Convention du patrimoine mondial.

Cette entité potentielle ne comportera au début que les membres désignés à participer au groupe de travail qui sera chargé d'établir le plan de gestion du site; Après il sera constitué une structure plus large qui veillera à l'exécution et au suivi du programme de conservation et de mise en valeur du site conformément au plan de gestion.

Indépendamment de la commission qui existait déjà au niveau local et qui avait

pour mission d'exercer une surveillance régulière sur le site2, il a été recommandé de créer une structure désignée par Commission de gestion ou Commission du site du ksar de Alt Ben Haddou composé d'administrateurs et de spécialistes en divers domaines : architecture, patrimoine, droit, géographie, agronomie, urbanisme,

1 En fait, la planification de la gestion du site remonte à 1990 où une Commission du plan-cadre pour la réhabilitation du ksar des Aït Ben Haddou instituée à l'échelle de la Province pour examiner un document de travail élaboré par le consultant de l'Unesco Jean-Louis Michon en concertation avec le CERKAS. Ce document, qui dressait une première liste des divers éléments devant entrer dans le Plan-cadre de réhabilitation du ksar, comportait 3 grands volets portant sur :

- l'aménagement du site et ses accès (pont, voiries..) ;

- les infrastructures et les équipements de base (eau potable, électricité, télécommunication..) ;

- la réhabilitation architecturale.

Jean-Louis Michon rapporte qu' un consensus semblait atteint sur la démarche à suivre pour permettre à chaque intervenant de préciser la tâche qui lui reviendrait dans l' action commune, d' établir des prévisions de dépenses et un calendrier d'opérations, le tout devant être intégré dans un plan global lorsque, pour des « raisons inconnues », le Directeur du CERKAS a cessé de participer au travail de ladite commission, mettant un terme à l'élaboration du Plan-cadre. Cf. Sauve garde et réhabilitation du ksar Aït Ben Haddou, rapport de mission établi par J-L. Michon pour le Centre du Patrimoine Mondial, Août 2000.

2 Durant mon séjour scientifique de trois mois au CERKAS, aucune commission de surveillance régulière, n'a été sur place, ce qui explique un relâchement au niveau de cette action qui, de toute façon, manquait d'efficience et de moyens assurant sa continuité. Cette entité ne pourrait s'occuper de la gestion proprement dite vu qu'elle ne dispose pas d'un statut légal lui permettant de bénéficier de ressources financières.

économie, etc. Ces compétences techniques et scientifiques émaneront des départements concernés, des collectivités locales, des structures scientifiques et de la société civile.

La tâche première de cette commission sera de conserver et de gérer le site. Son rôle consistera notamment à orienter les décisions concernant des points qui peuvent influer sur l'authenticité et la valeur culturelle du site et à déterminer les formes d'entretien, d'action et d'utilisation les mieux adaptés à la nature du site et les plus acceptables pour la population locale.

La commission devra se conformer aux chartes et conventions internationales et les appliquer tout en tenant compte des règlements et usages locaux et elle se tiendra en contact avec le Centre et le Comité du patrimoine mondial duquel, en cas de besoin, elle pourra obtenir aide et conseil.

La commission de gestion doit être régi par une réglementation appropriée (le cas échéant complété par un règlement intérieur) et d'un budget régulier financé par l'Etat et/ou les collectivités locales (Conseil de la Région, Conseil Provincial, la Commune), et eventuellement par des recettes des droits d'entrée.

Les ressources financières reposent sur la capacité des collectivités concernées à fournir le cadre favorable qui garantirait la pérennité de la gestion en termes de crédits de fonctionnement. Une structure autonome vis-à-vis de ces collectivités nécessite un cadre légal et un statut juridique particuliers tel celui d'un établissement public, ou d'une association reconnue d'utilité publique (telle qu'elle a été proposée par le Gouverneur). Dans les deux cas, la procédure de la mise en place est assez compliquée.

Néanmoins, les autorités locales sont favorables à ce que le rôle de la commission de gestion du site telle qu'il est proposé par l'expert de l'Unesco soit assumé par deux organes distincts. La formule proposée était la suivante:

- un Comité technique provincial ou Conseil de gestion chargé d'élaborer les directives et les orientations de base pour la sauvegarde et la mise en valeur du site. Ce comité aura également le pouvoir de statuer sur toutes les décisions concernant l'avenir du site. Ce sera l'organe consultatif.

- une association chargée de la mise en application de ces orientations. Elle jouera également un rôle important au niveau de la sensibilisation et de communication.

Suite à ces décisions, une commission technique provinciale a été mise en place pour la préparation du dossier de création de cette association qui aspire accéder au statut d'utilité publique.

Certains ont proposé que la gestion du site soit confiée au conseil communal. D'autres ont suggéré que l'association existante Alt Alssa assume cette responsabilité. Il a été soulevé que celle-ci ne représente qu'une fraction ethnique et qu'elle vit des problèmes avec le reste de la population. Le Gouverneur de la Province a proposé alors la création d'une association reconnue d'utilité publique qui s'occuperait de la sauvegarde et la sa mise en valeur du site du ksar Alt Ben Haddou en particulier et de l'ensemble du patrimoine architectural de la province, en impliquant des personnalités influentes. La proposition était ambitieuse mais n'a pas fait l'unanimité de la population. Aux yeux de certains habitants, l'hypothèse d'une telle association animée par des personnes influentes mais étrangères au site (voire même à la région) risque de modifier la nature des préoccupations de la population locale, essentiellement exprimée en termes d'amélioration de conditions de vie et de leur environnement immédiat.

Il conviendrait de laisser la gestion proprement dite du site a la commune d'Alt Zineb toute en gardant la première structure qui fera office d'organe consultatif et d'orientation, et doter cette commune de ressources nécessaires à la mise en oeuvre des orientations de la première entité (en termes de financements et de compétences techniques). L'action de la population se situera à deux niveaux : au niveau de la commune par le biais de leurs élus, et au niveau du comité provincial, du fait que les représentants des familles du site soient de droit représentés au sein de cette structure.

Dans tous les cas, il faut que la structure de gestion proprement dite du site soit doté de ressources permanentes (budget, personnel, etc.) et conforme à un cadre juridique et institutionnel qui assure sa pérennité et qui favorise pleinement l'association de la population locale à cette gestion. Les autorités locales sont amenées à trouver la formule qui répond à ces deux impératifs.

3.2.2. Le groupe de travail

Le groupe de travail est crée au sein de la commission de gestion du site et sera

chargé spécialement de l'élaboration du plan de gestion, instrument indispensable pour la conservation des valeurs du site et de sa mise en valeur. Il sera composé d'un bureau et de membres associés. Il serait préférable qu'il soit dirige par un architecte ou amenagiste urbaniste familiarisé avec les problèmes de conservation, de réhabilitation et de gestion des biens patrimoniaux et, si possible, de l'architecture en terre.

Une fois le groupe désigné, Une première réunion sera organisée pour informer l'ensemble des membres les objectifs de ce plan et la stratégie adoptée pour son accomplissement. Les différents intervenants seront invités à proposer des projets pour la mise en valeur du site avec estimations des dépenses et de la durée d'exécution.

Les rédacteurs se chargeront, avec consultation des autres membres du groupe, d'esquisser une première version du plan de gestion qui sera soumise à la Commission de gestion et éventuellement au Centre du Patrimoine Mondial.

Il est envisagé que la préparation du plan de gestion soit confiée à un expert ou un bureau d'études spécialisé, mais cette démarche est en mesure de mobiliser des crédits et engendrer des dépenses (lancement d'un marché) et risque de ne pas impliquer les acteurs pertinents (population locale, élus, universitaires, compétences techniques locales..).

3.2.3. Le plan de gestion

 
 

Le plan de gestion vise à organiser les activités sur le site et à maintenir

l'équilibre des fonctions. Il s'agit d'un document par lequel les collectivités locales (régionales, provinciales, et communales) et les autorités déconcentrées (administratives, techniques et scientifiques), s'engagent à mettre en oeuvre des projets identifiés ; ce qui suppose un diagnostic précis, une identification des actions, des financements garantis et des responsabilités bien déterminées, ainsi que l'existence d'un mécanisme de sauvegarde approprié.

Dans le cadre de la préparation de ce document, le CERKAS a procédé à l'inventaire de toute la documentation relative au site, en prospectant les documents et les archives disponibles. Il était question d'entamer les étapes suivantes :

- Relevé du site (topographique, architectural, photogrammétrique) ;

-Description du site et définition de ses limites ;

-Identification et estimation des valeurs du site (historiques, architecturales, communautaires, économique, culturelles, etc.) ;

- évaluation de la dynamique démographique et économique;

- description des modes de production et de gestion des terres ;

- description des régimes fonciers ;

- identification des facteurs affectant le site ;

Les étapes majeures d'élaboration du plan de gestion proprement dit se présentent selon un calendrier tel qu'il a été proposé en 2000 par le consultant de l' Unesco J-L.Michon:

- le groupe de travail, en examinant les plans d'actions sectorielles, procèdera aux ajustements nécessaires pour réunir dans un Avant-projet de plan de gestion.

- L'avant-projet est adressé au président de la Commission de gestion et au Centre du Patrimoine Mondial pour observations et suggestions éventuelles.

- les dernières rectifications sont effectuées, à la lumière des observations formulées, pour la rédaction finale du Plan de gestion.

- la version finale est achevée sous forme de maquette, assortie des illustrations nécessaires. Elle doit être imprimée et diffusée à travers les canaux de communication. Les exigences de forme du Plan de gestion feront référence à:

- la formulation d'objectifs et évaluations des contraintes ;

- la définition de projets ;

- la désignation des sources sûres de financements ;

- la désignation des maîtres d'ouvrages ;

- l'établissement du plan annuel (plan de travail : gestion, entretien régulier, etc.);

- le programme d'action à moyen terme (dans 5 ans)

- le programme d'action à long terme (le cas échéant de 5 ans à 30 ans)

- les modalités d'exécution des travaux ;

- l'évaluation des besoins en compétences et de personnel ;

- les modalités d'établissement de rapport, d'examen de résultats et d'évaluation de l'impact des projets réalisés;

- les modalités de révision des plans (annuels, à moyen terme et à long terme)

- la description du procédé de stockage des informations et des données ;

- le mode de gestion des visiteurs;

- l'identification des interventions minimes;

- la désignation de la structure de gestion;

- la pro grammation de la recherche sur le site;

- le mode de promotion et de valorisation culturelle du site ;

- la révision de la description du site et réévaluation ;

- la modalité de participation de la population locale dans la gestion.

Elles doivent être classées en section thematiques et le cas échéant en sous-sections. Quant à celles du fond, elles doivent mettre en évidence:

- la méthodologie adoptée dans l'élaboration du Plan;

- le niveau de faisabilité par rapport au contexte social, economique, juridique et institutionnel;

- l'adaptabilité et la conformité avec les plans urbains, notamment: le SDAU du Grand Ouarzazate, le PDAR de la Commune d'Aït Zineb, ainsi que le Plan d' Aménagement de la Commune Rurale d'Aït Zineb (en cours de préparation par les services de l'Agence Urbaine d'Agadir).

Il s'agit en fin de compte d'un document où tous ses éléments sont réunis. D'un autre côté, le plan de gestion devra permettre de faire ressortir une méthode de travail qui consiste à programmer les actions à entreprendre annuellement ; à moyen et à long

terme : respectivement dans 5 ans, et jusqu'à 2020 ; date qui correspond à l'horizon du SDAU du Grand Ouarzazate. En outre, il prendra en considération les documents urbains en vigueur et se conformera aux chartes et aux conventions internationales en matière de conservation de patrimoine. Par ailleurs, et au vu de l'évolution des différents paramètres, le plan de gestion doit être périodiquement réactualisé et réévalué. Malheureusement, au stade où nous en sommes, le plan de gestion est encore en gestation et affronte de nombreuses difficultés. Il est loin d'être prêt avant la prochaine session (2005), voire même pas avant celle de la session d'après (2006).

Néanmoins, la planification de la gestion du site du Ksar Aït Ben Haddou - en termes de sauvegarde, protection et réhabilitation- soulèvent des questions récurrentes relatives notamment : au financement de la gestion, au rôle du CERKAS, à la participation de la population du site.

Vu la fréquentation du site par un nombre important de visiteurs, le ksar est amené à engendrer des recettes de visite à l'instar de nombreux biens patrimoniaux dont l'accès est payant à l'image - non loin du site - de la Qasba de Taourirt située dans la ville de Ouarzazate. Il est vrai que ce bien est la propriété de la municipalité de la ville, mais cela n'empêche pas le ksar - avec les statuts fonciers qui le régissent- de bénéficier de recettes de visites. Il reste à trouver un consensus au niveau des propriétaires fonciers, sur la formule de collecte qui convient, sur la structure qui sera chargée de la collete (la Commune ou le Fond national de l'action culturelle/FNAC) et sur le régime de distribution adéquat de cette ressource. A ce titre, Le prix du billet de rentrée doit être étudié et abordable aussi bien pour les visiteurs nationaux qu'étrangers.

D'autre part, le plan doit faire mention des interventions régulières que la structure de gestion doit envisager. Il s'agit de repérer d'abord les points-clés (une tâche qui revient à la structure de sauvegarde) sur lesquels il faudra des interventions légères et régulières, sans avoir à recourir à des opérations de restauration qui engendrerait des dépenses importantes (voir section sur l'approche préventive de la gestion).

Il est, par ailleurs, essentiel de veiller à ce que le site soit documenté systématiquement avant, pendant et après toute intervention. Une fois qu'une intervention a eu lieu, ce qui a été modifié est perdu pour touj ours si la documentation n'a pas été convenablement réalisée. La documentation est une activité permanente pendant tout le processus de la gestion du site.

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"Le don sans la technique n'est qu'une maladie"