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La gestion des sites du patrimoine mondial au Maroc: Le cas du Ksar Ait Ben Haddou (province de Ouarzazate)

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par Hassan ZAKRITI
Université internationale de langue française au service du développement africain - DEPA 2005
  

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3.2.3. Approche préventive : la gestion du risque

L'approche préventive de la gestion du patrimoine consiste à effectuer des actions de prévention, régulières et ponctuelles sur des points précis (dits points clés). Ces interventions sont assez minimes, mais sont susceptibles d'assurer durablement la conservation de biens fragiles. Ces interventions sont pertinentes dans la mesure où elles ont fait preuve de succès dans de nombreux cas ; elles sont peu coûteuses comparées aux opérations de restaurations de grande envergure (où l'intervention est curative), car elles sont échelonnées dans le temps, donc supportables en termes de dépenses.

Le CERKAS, vu l'expérience qu'il a pu cumuler depuis sa création, est en mesure d'intégrer cette composante dans sa démarche de sauvegarde du ksar en repérant les points clés (jugés extrêmement vulnérables et/ou potentiellement porteurs d'élément de consolidation) afin de mener des opérations d'entretien régulier avec le concours de la population et l'autorité locale.

D'autre part, cette approche fait référence à la notion du risque sur les biens patrimoniaux. La gestion du risque - expression empruntée du langage des affaires - est devenue de plus en plus sollicitée dans la gestion des sites du patrimoine mondial en raison d'une part, de leur complexité (les centres urbains), la vulnérabilité de leurs composantes (structures en terre ou en bois) et la fragilité de leur équilibre (les paysages culturels) ; et d'autre part, en raison de leurs enjeux pour l'humanité. Les sites du patrimoine, de ce fait sont jugés - à des nuances près - des zones à risque.

Dans le cas du Ksar Aït Ben Haddou, le risque relève de deux facteurs majeurs : naturel et humains (voir la sous section : 3.4.2. Les facteurs affectant le site, à la Deuxième Partie).

Le risque est classiquement défini comme l'événement aléatoire pouvant entraîner des dommages ; sa réalisation est ainsi génératrice de pertes pour les organisations et

les collectivités1. Il est défini également comme étant un évènement prévisible ou imprévisible à fréquence plus ou moins faible mais de grande gravité2. Le risque est dit

majeur lorsqu'il s'agit d'un événement déstabilisant pour une collectivité donnée3.
La notion du risque est fondée sur trois composantes essentielles :

1. l'aléa : la probabilité d'un événement qui peut affecter les collectivités et les systèmes qui les régissent ;

1 C. Marmuse & X. Montaigne, Management du risque, coll. Vuibert Entreprise, Paris, 1989 (p.45)

2 Le risque majeur, coll. Le livre général, Secrétariat d'Etat chargé de l'Environnement et de la Prévention des Risques technologique et naturels majeurs, s.d. (p.7)

3 id. p.8

2. les enjeux : il s'agit des personnes, des biens, et l'environnement menacés par le risque majeur, susceptibles de subir des dommages ou des préjudices. Ils sont donc de quatre ordres : humains, sociaux, économiques et écologiques ;

3. la vulnérabilité : c'est la mesure des conséquences dommageables de

l'événement, sur les enjeux en présence1.

L'aléa associé à la vulnérabilité des enjeux (personnes, biens ou autres) est un risque, et la probabilité de se réaliser suppose une prédisposition à réagir et en détermine la nature. La connaissance du risque suppose à priori la connaissance des phénomènes dont découle l'aléa, et d'autre part, la connaissance des enjeux pour évaluer l'impact du risque et établir des priorités d'intervention.

Quel que soit le domaine dans lequel elle se réalise, la gestion du risque comporte fondamentalement deux dimensions complémentaires. La première concerne ce que l'on pourrait qualifier de gravité ou de conséquence préjudiciable associée au risque (quantifiée socialement, économiquement et financièrement). La seconde est relative à la décision prise face au risque et le coût associé à cette décision.

En matière de patrimoine mondial, cette approche devient de plus en plus sollicitée. A ce titre, l'ICORP (Conseil International pour la Préparation aux Risques) offre un cadre institutionnel de réflexion et d'intervention dont les professionnels du patrimoine (national ou mondial) doivent s'inspirer. L'ICCROM - de son côté- propose des programmes de formation périodique en matière de gestion du risque dans le cadre de son programme ITUC.

Dans le contexte marocain, la gestion du risque est liée le plus souvent à la gestion des entreprises. En matière d'urbanisme et d'aménagement de l'espace, elle commence à intégrer la conception des urbanistes et des aménagistes, alors que chez les conservateurs du patrimoine, elle n'est pas encore à l'ordre du jour de leur démarche bien que le risque fait partie de leur quotidien.

A titre d'exemple, le Département gouvernemental chargé de l'Urbanisme et de l'Aménagement du Territoire - doté d'une Direction de la Surveillance et de la Prévoyance des Risques - emploie désormais le terme des zones sensibles au lieu des zones à risque pour désigner l'ensemble des espaces soumis à des aléas naturels et/ou technologiques, à fort enjeux humains et économiques, et aussi les secteurs qui méritent d'être individualisés et valorisés de part leurs intérêts économique,

1 id., p. 24

patrimonial et environnemental, et leur sensibilité face à l'action humaine1. Cette définition évoque les sites à vocation spécifique (voir la section 3.4. de la Première Partie ) dont le site du Ksar Aït Ben Haddou fait partie.

La gestion du risque au niveau du Ksar Aït Ben Haddou repose essentiellement sur l'identification des facteurs de risque et sa localisation, la détermination de leur impact une fois le risque réalisé, la probabilité de sa réalisation, et la démarche à suivre au cas où il devient réel. L'identification des points vulnérables au risque est une étape fondamentale dans la gestion du risque. Ces éléments peuvent s'apparenter souvent aux points clé (signalés plus haut) qui peuvent servir d'indicateurs clés sur l'état de conservation du ksar. Les indicateurs clés sont des témoins (généralement en matière plastique tel le plâtre) utilisés pour mesurer l'évolution des fissures sur les structures, ou bien fondées sur des observations visuelles directes des fissures, des glissements de

terrain, des affaissements de rochers, de la salinité des sols et de l'érosion2.

Il faut tenir compte également des risques comportementaux émanant des visiteurs ou dus à des mutations sociales dont l'abandon constitue un risque majeur.

Il ne faut surtout pas perdre de vue que, si la fréquentation des visiteurs présente une opportunité pour l'économie de la localité, il n'en demeure pas moins un facteur de risque pour le ksar, et qu'il faut savoir prendre en compte. A ce titre, l'institution des droits de visite du ksar (billetterie) serait en mesure de quantifier la fréquentation et d'en évaluer le risque.

Mais il faut avant tout, établir une grille d'analyse des risques (inspirée des facteurs affectant le bien) qui sera la référence en matière de détermination des coûts de gestion, de la capacité d'intervenir, et des actions prioritaires. Le tableau ci-dessous illustre les facteurs affectant les sites du patrimoine mondial, et sur lequel peut se fonder la grille d'analyse des risques relative au Ksar Aït Ben Haddou (fig.18).

Globalement, la gestion des deux typologies de risques (naturel et humain) doit

être conçue sous deux angles : celui du risque majeur, et celui lié à la fréquentation des visiteurs.

Les gestionnaires du site auront un intérêt à intégrer dans un premier temps cette composante, et la développer par la suite. Ceci développera certes la sensibilité par rapport au devenir du ksar, ce qui va minimiser les pertes et du coup, réduire les coûts de gestion (en termes d'intervention).

1 Aïcha Benkirane et Abdelghani Tayyibi,« Stratégie du département de l'urbanisme en matière de gestion de risques », intervention aux Ateliers nationaux sur les risques majeurs organisé à Rabat les 26 et 27 février2003 (diffusée sur Internet).

2 Rapports périodiques et programmes régional : Etats arabes 2000-2003, Centre du Patrimoine Mondial-Unesco, 2004 (p.47).

Origine des facteurs de risque

Nature des risques

 

Intégrité visuelle

 

-Pressions urbaines et constructions illicites

 

-Déforestation

 

-Terrains en friche devenant décharges

 

-Régression des jardins (à l'intérieur et/ou autour du site

 

Intégrité structurelle

 

-Infrastructure mal intégrée

Pressions du développement

-Incendies

 

-Déplacement de populations ou refus d'intégration

 

Intégrité fonctionnelle

 

-Activités industrielles polluantes

 

-Soukisation (envahissement des activités artisanales, commerciales et autres..)

 

-Abandon des cultures sèches

 

-Pâturage dans le site

 

- Pollution de l'air

 

-effets éoliens

Contraintes d'environnement

-Vents de sable

 

-Avancée de dunes

 

-Tarissement des sources

 

-Perte d'espèces animales

 

- Séismes

 

- Pluies violents et inondations*

Catastrophes naturelles

- Erosion et corrosion par eau de mer

 

- Vagues intempestives sur falaise

 

- Glissement de terrain*

 

- Sécheresse*

 

- Chutes de pierre de la falaise. *

Pressions visiteurs ou tourisme :

- Piétinement des vestiges

- Fréquentation

-Déchets et ordures

-Accessibilité dans le site

-Vandalisme, pillage, vols

-Pressions par le tourisme

-Augmentation de l'insécurité

-Equipements touristes

-Manque d'infrastructures touristiques*

Fig. 18- Typologie des risques sur les sites du patrimoine mondial

(inspirée des facteurs affectant les sites du patrimoine mondial, in Rapports périodiques et programmes
régional : Etats arabes 2000-2003,
Centre du Patrimoine Mondial-Unesco, 2004.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld