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Les implications socio-sémiotiques et esthétiques du partage des photos numériques et des MMS


par Mahdi AMRI
Université Bordeaux 3 - Master 2 R Sciences de l'Information et de la Communication 2006
  

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IMAGES NUMERIQUES

Après une première phase d'exploitation de ses possibilités de manipulation, la photographie numérique ou plus généralement les images numériques se sont faites introduire dès la fin des années 1970, d'une façon échelonnée, aux divers niveaux des médias de l'image faisant naître bien des interrogations et des fantasmes tant dans le champ des médias que chez les chercheurs qui, parfois, les célébraient utopiquement comme une nouvelle ère pour la figuration.26(*)

Mais avant d'étudier les images numériques comme des objets sémiotiques et d'appréhender notamment les processus de signification engagés par ces technologies de représentation, nous croyons primordial d'évoquer d'abord la démarche généalogique de ces images, c'est-à-dire le cadre historique dans lequel sont nées et ont évolué.

Images numériques : naissance et évolution

Introduction

La numérisation de l'image s'effectue dans une configuration informatique où le traitement de l'information est lié à des fonctions de stockage et de transmission. Ces fonctions sont internes à l'ordinateur. Ce sont les mêmes fonctions qui sont mises à contribution lorsque des moyens informatiques sont utilisés pour transmettre des images à distance.

Stockée sous forme d'un fichier numérique, l'image numérique est traitée comme un ensemble de données informatiques. C'est le résultat de millions de calculs binaires s'effectuant dans des circuits électroniques.27(*) La taille du fichier dépend du format de l'image, de sa résolution. La variété des nuances chromatiques enregistrées en mémoire est en relation directe avec le nombre de bits affecté à chaque pixel.

Les images numériques, traitées par des calculs de plus en plus performants, repoussent les frontières du visible et dispensent une lisibilité nouvelle. Issues de différents types de saisie analogique opérée sur la réalité, elles n'ont pas le caractère objectif et passif de la photographie ou de la vidéographie. En codant à l'aide de fausses couleurs les différentes intensités du rayonnement, ces images vont bien au-delà de la simple reproduction du réel : elles sont élaborées dans le but d'apporter des connaissances très précises concernant la réalité observée.

Les images numériques sont le fruit des efforts des militaires, des industriels et des médecins qui se sont conjugués pendant plusieurs décennies.

Cadre militaire

Dans les années qui suivent la Seconde Guerre mondiale, l'instrumentalisation de la science et de la technique s'accentue à tel point que la plupart des projets de recherche ne peuvent plus être conduits sans de puissants outils financiers provenant des pouvoirs politiques ou militaires ; lesquels ne récupèrent plus à posteriori les inventions, mais choisissent, ou non, de les favoriser à long terme en investissant dans la recherche, dont ils deviennent un acteur central.

En effet, aux Etats-Unis et à la Grande-Bretagne, des équipes de chercheurs mettent au point des dispositifs d'images divers qui résultent de la détection et de la numérisation de signaux électromagnétiques mais qui répondent à des projets différents. Les Anglais utilisent le codage numérique dans le dessein de rendre l'image plus précise et surtout plus lisible. De leur côté, les Américains s'attachent à inventer des dispositifs de visualisation qui accroissent l'accès à des informations contextuelles. Des deux rives de l'Atlantique se façonnent ainsi les fonctionnalités des images qui, aujourd'hui, circulent sur le Web ou sont familières des usagers du logiciel Photoshop.28(*)

Les années trente et quarante du 20ème siècle ont connu une très forte implication des chercheurs et des ingénieurs dans des programmes militaires visant à la mise au point de la bombe atomique. La Guerre froide entre les pays occidentaux et l'Union soviétique consolide cette collaboration entre militaires et scientifiques. Dès lors que les deux camps se sont dotés de l'armée nucléaire, les projets de recherche s'orientent aussi vers des objectifs défensifs. L'image numérique naîtra de ce contexte de hautes tensions.29(*)

Se déroulant sur plusieurs décennies, la marche vers la numérisation de l'image est jalonnée par nombre de difficultés que les informaticiens vont résoudre une à une, principalement au rythme des crédits et des besoins de l'armée américaine et de ceux des industries automobile et aéronautique : les militaires comme les industriels ayant toujours besoin de cartes, de schémas ou de dessins.30(*)

En 1949, l'Union soviétique fait exploser sa première bombe atomique expérimentale et s'engage dans la construction de nouveaux bombardiers à long moyen d'action, les Etats-Unis s'inquiètent. L'éventuelle attaque à basse altitude et la menace d'une attaque nucléaire incitent l'US Air Force à rénover son système de défense. Dès décembre 1950, l'état-major est résolu à coordonner et à centraliser l'ensemble des informations recueillis par les différents radars militaires et civils. Ces transmissions, effectuées jusqu'alors par téléphone ou par télégraphe, étaient devenus, du fait de l'augmentation des données, longues, fastidieuses et d'autant moins fiables.

Le réseau américain de défense continentale SAGE, Semi Automatic Ground Environment, sera mis en chantier rapidement. Ce système a besoin de rassembler les données amassées par les radars sous forme d'images afin de permettre une lecture graphique plus rapide et plus efficace. La difficulté du projet consiste à coordonner les détections radars, à les transmettre sans « bruit » à distance, puis à transformer ces informations en message iconique sur un moniteur.31(*) Cette difficulté ne peut être surmontée qu'en numérisant les signaux émis en continu par les différents radars, ce qui implique d'utiliser des ordinateurs plus puissants qui sont alors en usage.

Dès lors, le codage numérique se révélait comme une solution d'autant plus « économique » que les données de description comme les instructions des programmes de traitement relevaient du même codage. Mais, en attendant, pour numériser et transmettre des signaux émis en continu à partir de plusieurs radars, la conception d'un ordinateur conséquent est nécessaire.32(*)

C'est à partir de décembre 1950 que Jay Forrester, ingénieur au laboratoire de servomécanique du MIT (Massachusetts Institute of Technology) à Boston s'attache à construire ce nouvel ordinateur, le Whirlwind, afin de permettre l'affichage graphique instantané de données. Grâce au soutien financier des services de recherche de la marine, le nouveau calculateur est disponible en 1951.33(*)

Convaincue de l'intérêt du Whirlwind, l'US Force propose d'importants crédits à Jay Forrester pour contribuer à la mise au point du réseau continental de défense, qui deviendra opérationnel en 1958. Un programme informatique est alors en mesure de convertir les données de l'écho d'un radar, d'en afficher la représentation graphique sur un écran et d'effectuer simultanément ces mêmes opérations avec les douze autres radars militaires de la surveillance aérienne. Ce programme transmet non seulement des informations mais fournit en même temps une représentation géographique du trafic dans le ciel nord américain.

Cette opération répétée par le nombre des radars en service et fournissant une cartographie opérationnelle du ciel américain, donne naissance alors à la première image numérique.

En fait, la première image numérique est plus qu'une simple carte mise à jour instantanément, avantage indiscutable du numérique sur le papier qui aurait déjà suffi à ce que ce type de cartographie soit universellement adopté. Cette nouvelle image est aussi dynamique : elle évolue en temps réel en fonction des différentes informations fournies par les repérages radar. L'image informatique se révèle donc un outil de connaissance à double titre : en rassemblant sur l'écran des informations éparses et en fournissant des renseignements à la demande. Un outil de communication simple se révèle toutefois indispensable pour dialoguer avec cette image.

Conçu par un autre chercheur, Robert Everett, un crayon optique permet de désigner les bases aériennes figurant sur la carte.34(*) De cette façon, les informations relatives à chacun des avions de chasse prêts au décollage dans les bases militaires du pays pouvaient être obtenues, ce qui autorise un questionnement direct de l'image sans le recours aux cartes perforées ou aux bandes magnétiques, alors en usage.

L'ordinateur, qui conservait en mémoire les coordonnées des appareils disponibles, pouvait calculer et indiquer les itinéraires d'interception. De part son caractère interactif, le graphisme numérique introduit une nouvelle façon de communiquer avec l'ordinateur.

Cependant, la qualité graphique du Whirlwind est très faible : chaque avion est représenté sommairement par un « T » sur l'écran. Les gains en définition, et donc l'acquisition d'une image plus précise, seront obtenues dans le cadre d'un autre projet, d'ordre médical celui-là, quand il s'est agi de numériser les radiographies du corps humain.35(*)

Cadre médical

L'idée de relier un ordinateur et un appareil de radiographie à rayons X est très éloignée, au départ, de toute préoccupation médicale. L'intuition de la pertinence d'un tel couplage revient à Godfrey Hountfield, ingénieur employé par la société d'édition discographique anglaise EMI. En 1957, il a l'ambition d'automatiser une tâche essentielle de l'industrie du disque : l'inspection de conformité des microsillons de vinyle. Parmi les sources d'analyse et de repérage envisagés, Hountfield retient le rayon X, procédé qui a fait ses preuves dans le contrôle de fabrication industrielle des pièces de précision.36(*) Ce projet suscite l'intérêt des milieux médicaux, et très vite, le ministère de la Santé de la Grande-Bretagne ?engage une collaboration avec la société EMI et Godfrey Hountfield afin de mettre au point une nouvelle machine capable de visualiser l'intérieur du corps humain.

L'automatisation du procédé de tomodensitométrie ou scanographie devra, à partir du balayage horizontal de chaque tranche du corps, effectuer des centaines de milliers de calculs pour obtenir une image en trois dimensions. Le codage numérique permet, ici, de faciliter et d'accélérer les multiples opérations nécessaires à l'obtention d'une image. Hountfield et ses collaborateurs s'aperçoivent rapidement des bénéfices que ce choix peut apporter au diagnostic médical en agrégeant un traitement en « fausses couleurs » à l'image du scanner. Ce principe de numérisation du signal s'avère particulièrement fécond, et d'autres types d'images numérisées vont s'en inspirer. Hounsfield, bien que n'ayant jamais suivi d'études médicales, obtiendra le prix Nobel de Médecine en 1979, au moment où il oriente ses recherches vers la résonance magnétique nucléaire.

Le projet de scanographie s'oriente vers une nouvelle forme d'interactivité quand un opérateur a la possibilité de dialoguer avec le support de stockage de l'image pour transformer le message visuel. La séparation entre le stockage et la visualisation est maintenant mise à profit pour opérer des traitements internes à l'image qui n'en altèrent pas l'objectivité, mais qui, au contraire, doivent en améliorer le « rendement » cognitif.

Issue de détections opérées à l'intérieur du corps humain, l'image numérique médicale n'a plus le caractère objectif et passif de la photographie ou de la vidéographie. En codant à l'aide de fausses couleurs certaines intensités de rayonnement, ces images vont au-delà de la seule reproduction du réel pour mettre en évidence certains des caractères de la réalité observée. En coloriant de façon homogène les valeurs de signaux dont on sait qu'elles correspondent statistiquement à une pathologie donnée, comme un niveau de rayonnement, pour certains corps mous ou denses, le diagnostic est alors délégué à l'image.37(*)

Pour s'approcher de la vérité, c'est à dire d'une construction opératoire, les chercheurs et les ingénieurs associent des hypothèses représentationnelles et des traitements automatisés de signaux. Bref, ils n'opposent plus la réalité tangible et les représentations de l'esprit, mais les fusionnent. C'est en fonction du phénomène que l'on cherche à mettre en évidence que les choix chromatiques se décident : ils permettent de visualiser un savoir.

Faibles ou intenses, ondes ou particules, les électrons ou les photons que produisent les rayonnements de la matière peuvent être mesurés et traités par des algorithmes. Ces algorithmes reposent sur la sélection des signaux considérés comme « pertinents » pour ensuite les amplifier et les coloriser. Ainsi le corps invisible lisible grâce à la magie de la « lumière » numérique.

* 26 BABOU I. (1997), « Images numériques et médiatisation des sciences », Hermès, n° 21 , pp. 55-66. http://archivesic.ccsd.cnrs.fr/sic_00000067.html

* 27 BARBOZA P. (1996) , Du photographique au numérique : la parenthèse indicielle dans l'histoire des images, op. cit. p. 101.

* 28 BARBOZA P. (2002), « Petite histoire de l'image numérique : le fil rouge de l'interactivité », Dossier : Quand les images rencontrent le numérique, Médiamorphoses, n° 6 , p. 24.

* 29 Idem. p.24.

* 30 BARBOZA P. (1997) , Les nouvelles images, op. cit. p. 28.

* 31 BARBOZA P. (2002), « Petite histoire de l'image numérique : le fil rouge de l'interactivité », op. cit. p. 25.

* 32 Ibidem. p. 25.

* 33 Ibidem. p. 29.

* 34 BARBOZA P. (1996) , Du photographique au numérique : la parenthèse indicielle dans l'histoire des images, op. cit. p.104.

* 35 BARBOZA P. (2002), « Petite histoire de l'image numérique : le fil rouge de l'interactivité », op. cit. p. 26.

* 36 BARBOZA P. (1997), Les nouvelles images, op. cit. p. 31.

* 37 BARBOZA P. (2002), « Petite histoire de l'image numérique : le fil rouge de l'interactivité », op. cit. p. 27.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius