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Les implications socio-sémiotiques et esthétiques du partage des photos numériques et des MMS


par Mahdi AMRI
Université Bordeaux 3 - Master 2 R Sciences de l'Information et de la Communication 2006
  

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La photographie

La photographie est une image fixe qui suspend le temps. Si son dispositif reproduit artificiellement certains mécanismes de la vision, il donne lieu à une vue qu'aucun oeil n'a jamais observé dans la réalité. L'immédiat de la perception humaine ne se propose jamais sous une forme stable, mais dans un flux perpétuel. La photographie arrête le temps au présent, elle le stabilise, mais n'en conserve qu'une trace, aussitôt considérée comme une présentification du passé, son embaument. En fabricant de l'instantanéité, la photographie manipule la temporalité et seul le vieillissement du support trahit l'écoulement du temps.16(*)

L'apparition de la photographie a représenté l'un des tournants médiologiques majeurs de l'histoire de l'humanité. En favorisant l'essor d'un nouveau régime de vérité fondé sur une expérience inédite de la présence et du temps, l'édifice technologique, symbolique et idéologique de la culture écrite s'est alors vu déséquilibré par l'introduction d'un nouveau paradigme : celui d'une indicialité généralisée , où le symptôme, l'empreinte ou le document valent plus que l'aveu, l'éloquence ou l'analyse critique.17(*)

Marquant une rupture décisive dans l'histoire des images, la photographie permettait pour la première fois de reproduire la réalité avec une totale objectivité grâce à la mise en oeuvre de divers automatismes mécaniques et chimiques18(*), ce qui faisait accéder l'image au statut de preuve. Elle constitue aujourd'hui selon Alain MONS « un contrepoint remarquable à un ordre médiatique trépidant, par la fixité des choses qu'elle produit en arrêt (sur image) et le silence qui émane d'elle ».19(*)

Avant que l'histoire la reconnaisse comme une alliée, la photographie naissante associe inventeurs, auteurs et spectateurs dans le même rêve d'élargir la vision du monde20(*) et d'en garder la mémoire à travers un système d'inscription, de conservation et de reproduction de la réalité.

L'appareil photographique est connu depuis le 11ème siècle. La camera obscura, simple boîte percée d'un petit trou, ou sténopé, produit des images lumineuses que la Renaissance améliore avec l'emploi du premier objectif. Avec l'idée géniale de disposer au fond de cette chambre noire un papier imprégné de nitrate d'argent noircissant à la lumière, l'Anglais Thomas Wedgwood aurait pu réaliser les premières images photographiques si le simple fait de les observer au jour ne les transformait pas en plaques totalement noires. A la suite de recherches entreprises en 1816 et en recourant à une plaque de verre enduite de bitume de Judée, Nicéphore Niepce est le premier en 1822 à fixer l'image projetée dans la chambre noire. Dans son jardin à Saint Loup de Varennes, sa « table servie » a nécessité plusieurs heures de pauses par beau temps ; Niepce appellera son invention « l'héliographie », l'écriture par le soleil.21(*)

Le procédé intéresse Louis Daguerre, créateur du spectacle Diorama qu'il exploite avec succès à Paris. Les deux hommes s'associent en 1829 pour faire prospérer l'héliographie. Malgré la mort de Niepce en 1833, Daguerre améliore le procédé, élabore une surface sensible constituée d'une plaque de cuivre argentée et frottée d'iode, transformée par l'action conjuguée de la lumière et de la vapeur de mercure produite dans la chambre noire. Cette première substance révélatrice permet de réduire la pause à quelques minutes. L'invention du Daguerréotype est solennellement présentée par Louis Arago devant les deux Académies des Sciences et des Beaux-Arts, le 19 août 1839, que l'histoire retient comme la date de naissance de la photographie.

Le succès du Daguerréotype est prodigieux. Le monde entier s'arrache ces images dont la finesse remarquable fait oublier qu'elles sont renversées comme dans un miroir, qu'elles prennent un rendu négatif si on les oriente d'une certaine manière et qu'elles sont produites en exemplaire unique.22(*)

C'est en 1841 que le système photographique devient complet lorsque l'Anglais Fox Talbot, avec le calotype, met au point un procédé en négatif. Peu après les premiers essais de photographie en couleur de Louis Ducos du Hauron et de Charles Cros, la forme moderne du procédé négatif-positif voit le jour au début des années 1870 avec l'émulsion au gélatino-bromure d'argent utilisé par Richard Maddox et Peter Mawdeslet. Ce qui permettait de reproduire la réalité sur une image et effectuer par projection des tirages en série de cette même image.23(*)

Dès lors, l'engouement pour la photographie est immédiat et sa portée internationale. Des studios photographiques ouvrent leurs portes dans les villes du monde entier pour « tirer des portraits ». Avec la baisse des appareils photo qui permet à chacun de constituer ses propres archives, la vogue s'amplifie.

La fidélité de la reproduction photographique en fait très tôt un fait scientifique de premier ordre, tandis que sa nature documentaire familiarise comme jamais le public avec les paysages et les populations exotiques. Le lointain s'en trouve rapproché et divers perfectionnements techniques assureront, dès la fin du siècle, le succès du photojournalisme qui remise très vite la gravure de presse au rang des antiquités.24(*)

Par ailleurs, au début des années 1890 la photographie revendique sa place dans l'art, avec la constitution de groupes comme le Linked Ring à Londres ou le Wiener Camera Club de Vienne. La référence à la peinture, le clair-obscur, l'usage du flou et les interventions au laboratoire ont donné un nom à ce premier courant artistique, le pictorialisme. Représenté par Frederyk Evans, Robert Demachy, Constant Puyo, Alfred Stieglitz ou Edward Steichen, le pictorialisme disparaîtra avec l'émergence des avant-gardes, vers 1920.

En 1929, l'exposition « Film und Foto » de Stuttgart qui rassemble les contemporains du monde entier révèle la maturité d'une photographie qui croise le mouvement surréaliste à Paris autour de Man Ray et à Prague avec Karel Teige, Jaromir Funke ou Jindrich Styrsky. En Union Soviétique, Alexandre Rodchenko conduit le courant constructiviste où la nouvelle esthétique s'associe à l'élan industriel et social du jeune Etat. Aux Etats-Unis, la Farm Security Administration commande à des photographes tels Walker Evans et Dorothea Lange une vaste enquête sur les ravages de la crise de 1929, dont plusieurs images seront exemplaires de la tradition humaine.

Dans les années 1940, le pouvoir reconnu à la diffusion de la photographie intéresse les gouvernements de l'Allemagne nazie, l'Italie fasciste ou plus encore l'Union soviétique qui se sont fortement servis de la technique photographique dans leur propagande. Dans la même décennie, l'Américain Robert Capa dont les photos ont fait le tour du monde « couvre » les moments les plus forts du débarquement des forces alliées du 6 juin 1944. Et pour garantir la photographie d'une exploitation incontrôlée et parfois mensongère, Capa fonde trois ans plus tard (1947) l'agence Magnum Photos, la première de son genre gérée par les photographes eux-mêmes.

Au début des années 1960, quand les Actionnistes Viennois associent la photographie aux performances corporelles, Bernd et Hilla Becher photographient en Europe les hauts-fourneaux comme des sculptures monumentales, William Eggleston s'intéresse à l'environnement banal de l'état de Tennessee. L'enseignement des Becher, le succès tardif d'Eggleston en 1974 annoncent un courant où la photographie, en grand format brillant et en couleur, s'applique à donner du paysage urbain ou sauvage une vision souvent frontale, plus neutre que contemplative, et à produire des portraits semblables à des photos d'identité géantes.25(*)

* 16 BARBOZA P. (1996) , Du photographique au numérique : la parenthèse indicielle dans l'histoire des images, Idem. p. 29.

* 17 MERZEAU L. (2002), Des images à écrire, Dossier : Quand les images rencontrent le numérique, Médiamorphoses , n° 6, p. 50.

* 18 BARBOZA P. (1997) , Les nouvelles images, op. cit. p. 20.

* 19 MONS A. (1998 ), « Le silence de la photographie, la brûlure de l'image » , Idem. p. 115.

* 20 LE GOFF H. ( 2003) , La photographie, Paris, Cercle d'Art, p. 5.

* 21 Idem. p. 5.

* 22 Ibidem. p. 5.

* 23 BARBOZA P. (1997) , Les nouvelles images, op. cit. p. 20.

* 24 Op.cit. p. 21.

* 25 LE GOFF H. ( 2003) , La photographie, op. cit. p. 7.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams