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Les dons, phénomène anthropologique au coeur des élections au Burkina Faso: une analyse des comportements électoraux dans la ville de Ouagadougou

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par Oumarou Kologo
Université de Ouagadougou - DEA de sciences politiques 2007
  

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Chapitre II.  La contribution des dons à l'institutionnalisation de la démocratie

La construction démocratique est un processus caractérisé par des moments de balbutiements indispensables à la consolidation du système, c'est à dire son institutionnalisation. Entrés dans le jeu démocratique sous l'impulsion du discours de la Baule, les Etats africains n'ont pas tardé à découvrir les énormes difficultés qui les attendaient. Parmi ces grandes questions qui minent cette jeune démocratie africaine, il y a le financement des activités politiques. Face à ces préoccupations, quel rôle pourraient jouer les dons pour faciliter l'ancrage de la culture démocratique ? Les dons dans l'ancrage du processus démocratique (Section I) et leur apport dans la formation (sectionII) feront l'objet d'analyse dans ce chapitre.

Section I  L'importance des dons dans l'ancrage de la démocratie

L'importance des dons dans la construction de la démocratie pourrait se mesurer à travers leur utilisation comme mécanisme de financement des activités des partis politiques (§1) et la valeur que le champ électoral leur confère (§2).

§1- Les dons comme mode de financement des partis politiques

La loi n0 012-2000/AN du 02 mai 2000, modifiée par la loi n0 12-2001/AN du 28 juin 2001, conformément à l'art 13 de la constitution, dispose en son article 1 que : « les partis politiques ont la mission constitutionnelle de concourir à l'animation de la vie politique, à l'information et à l'éducation du peuple ainsi qu'à l'expression du suffrage». L'atteinte de ces missions assignées aux partis n'est possible que si ces derniers sont mis dans les conditions idoines. Dans cette optique, la même loi dispose en son article 2 que : « dans l'exécution de leur mission, les partis politiques bénéficient de financement public dans les conditions fixées par la présente loi ». Aucun parti politique ne peut fonctionner normalement, c'est-à-dire en jouant le rôle qui lui est dévolu, sans un minimum de moyens.

Il faut cependant noter que le financement public tel qu'il est accordé est insignifiant pour assurer la vie des partis. Les sommes débloquées par l'Etat dans le cadre du financement public des partis ont connu certes une évolution mais elles restent très réduites pour être la seule véritable source de financement des partis. Selon le comptable du PDP/PS, le financement de l'Etat est passé de 200 millions à ses débuts à 500 millions en 2006. On peut remarquer que la répartition de ce financement public offre aux trois partis ayant obtenu chacun 5% des suffrages la somme à partager de 50 millions et seulement 50 millions sont répartis entre l'ensemble des partis. En somme, pour le fonctionnement, les partis ont reçu chacun la somme de 694 444 francs147(*) tandis que pour le simple entretien de leurs sièges, le PDP/PS et le MPS/PF dépensent respectivement 400 milles francs et 175.000 par mois.

Selon P.E. du MPS/PF, les activités prévues par son parti coûteraient 450 milles francs le mois mais l'insuffisance de financement rend ce programme irréalisable. En effet, ce parti a dans son programme d'activités hors campagnes une sortie par mois vers les structures décentralisées budgétisée à hauteur de 100 milles francs. Cette activité n'a jamais été respectée. De l'avis de P.E. du MPS/PF, « C'est une situation propre à tous les partis sauf le CDP. Par exemple après son succès aux élections présidentielles, législatives et municipales, il a initié des sorties de remerciement à ses électeurs. Les autres partis auraient aimé faire ces mêmes tournées, car même s'ils ont échoué, ils devraient remercier leurs fidèles électeurs afin de garder le contact pour les combats à venir ». Face à la faiblesse du financement public, les partis ne peuvent croiser les bras et attendre une solution miracle.

Pour palier cette insuffisance du financement public, les partis attendent de leurs membres ou militants des contributions diverses. Malheureusement, les partis ont non seulement peu de membres fidèles mais aussi, ceux qui leur sont fidèles ne paient pas toujours les cotisations ou contributions. Cette assertion est confirmée par N.A148(*). Il souligne en effet que : « les cotisations prévues ne rentrent pas comme les partis le souhaitent. Cela s'explique sans doute par le fait que la plupart des partis politiques ont des sympathisants et des admirateurs mais peu de militants ».

P.E. du MPS/PF note que pour faire face à cette situation, son parti ainsi que la plupart des partis politiques burkinabè exercent un certain nombre d'activités lucratives afin d'acquérir le minimum ne serait-ce que pour le loyer du siège. C'est ainsi que certains partis rencontrés (RFI/PJB, MPS/PF, PDP/PS) auraient développé des buvettes ou bars. Quelle que soit la portée de ces activités, elles ne peuvent couvrir l'essentiel des besoins de fonctionnement.

Hormis les activités de fonctionnement, les activités de campagnes électorales ont besoin de financement. En effet, sur les 500 millions mis à la disposition des partis, 400 millions ont été investis dans l'organisation des campagnes électorales. Ce financement avait pour seul critère le nombre de listes pour le cas des législatives. Certains partis d'opposition comme l'ADF/RDA, le PARIS, le PDS, le RDEB, l'UNDD, et l'UNIR/MS, ont chacun obtenu à cet effet plus de 20 millions environ pour les législatives de 2007. C'est le type de financement par lequel beaucoup de partis politiques accèdent à des sommes importantes. Mais ces sommes ne reflètent véritablement pas la représentativité des partis. Nombre d'entre eux ne sont pas dans certaines localités, mais ceux-ci trouveront toujours des personnes dans ces milieux pour former des listes en vue d'accéder au financement.

Si par ce canal des partis se dotent d'une somme consistante pour les activités électorales, dans le cas des élections présidentielles, les partis dont les candidatures ont été validées ont reçu chacun la somme de 7.692. 307 francs CFA après avoir déposé une caution de 5 millions. En d'autres termes, les partis n'ont eu chacun qu'environ 3 millions de francs si l'on extrait les 5 millions qu'ils auraient déposé comme caution.

Il convient de signaler que la loi sur le financement public n'autorise pas la réaffectation des fonds. Ainsi, les fonds reçus pour les campagnes ne peuvent en aucun cas, être utilisés à d'autres fins. En plus, toutes les rubriques de dépense ne sont pas prévues dans les lignes de vérification de la Cour des Comptes. Par exemple, les partis se sont toujours plaints que l'institution de contrôle leur demande des pièces justificatives pour des dépenses portant sur l'achat des produits artisanalement vendus. C'est le cas essentiellement de la boisson, cas du dolo très prisé par les populations et pour lequel les partis déboursent d'importantes sommes. Selon P.E, il débourserait pour le dolo, la somme de 20.000 Franc par meeting. Durant les campagnes, où il est appelé à faire plusieurs meetings, il dépenserait au minimum 40.000 francs par jour. A l'issue de chaque meeting, les responsables des partis attribuent des billets aux danseurs et à tous ceux qui y sont venus pour exécuter des prestations. Bien que non pris en compte dans les lignes de dépenses prévues par la cour des comptes, l'achat de boissons, les « gestes » de reconnaissance pour les prestations des acteurs sont des éléments structurant du champ social et politique. Toutes ces dépenses dont il est fait cas sont plus élevées lorsqu'elles sont effectuées à Ouagadougou.

Dans l'impossibilité de trouver des pièces justificatives pour ces catégories de dépenses, les partis devraient trouver ces moyens ailleurs, par le biais d'autres canaux. Les partis peuvent-ils ne pas compter sur les financements et les autres appuis (services) privés ? Les dons venant d'autres acteurs politiques (partis amis), des opérateurs économiques et de simples amis ou parents proches se présentent dès lors comme un sésame pour pallier cette situation d'insuffisance.

Bien qu'officieux ou occultes, ces dons sont d'une importance capitale pour bon nombre de partis au Burkina. En outre, les dons privés sont soumis à une gestion flexible. Les ressources qui en découlent peuvent être en effet réaffectées dans d'autres domaines ou activités. C'est ainsi que les dons reçus dans le cadre des élections peuvent être réutilisés pour le fonctionnement du parti après lesdites élections. Il faut en effet noter que le manque de flexibilité dans la gestion du financement public rend son exploitation peu efficace. En effet, certains partis auraient aimé réserver une partie de l'argent obtenu pour les campagnes en vue d'assurer le fonctionnement de leurs sièges et l'animation de la vie politique, mais ils sont obligés de l'injecter totalement dans les dépenses de campagne. Quels que soient les objectifs des donateurs, les partis politiques dans le besoin semblent s'agripper à leurs dons d'autant plus qu'ils ne trouvent aucune autre solution à leur situation.

Le financement privé paraît dès lors indispensable au fonctionnement des partis. C'est dans ce sens que certains partis politiques que nous avons accostés (CDP, PDP/PS, MPS/PF) ont souligné qu'il n'y avait pas lieu de supprimer le financement public, qui est incontestablement vital pour les partis. Ils reconnaissent, cependant la nécessité de l'encadrer par des normes juridiques. Ces normes pourraient ainsi envisager un plafonnement des dons privés et l'obligation de justifier leur utilisation par des pièces comptables. Il est vrai que nous reconnaissons les limites de l'encadrement juridique, mais laisser libre cours aux partis de recevoir de toute part les dons et de les dépenser sans un suivi consisterait à officialiser la corruption électorale.

* 147 Cf. Arrêté 2007-34/MATD/MFB du 10 Avril 2007.

* 148 Conseiller régional CDP du Centre et conseiller de Tanguin Dassouri

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