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Les dons, phénomène anthropologique au coeur des élections au Burkina Faso: une analyse des comportements électoraux dans la ville de Ouagadougou

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par Oumarou Kologo
Université de Ouagadougou - DEA de sciences politiques 2007
  

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§2- La promotion de la participation citoyenne

Le concept de participation est souvent suivi de certains adjectifs comme politique ou citoyenne. Pour Braud, la participation politique peut se définir comme un ensemble d'activités, individuelles ou collectives, susceptibles de donner aux gouvernés une influence sur le fonctionnement du système politique. Dans les régimes démocratiques où cette norme est érigée en valeur fondamentale, elle est associée au concept de citoyenneté157(*). L'idée de participation exprime l'exigence d'une implication effective dans les affaires publiques. Le citoyen est un membre d'une communauté politique (Cité, Etat), c'est « un individu jouissant, sur le territoire de l'Etat dont il relève, des droits civils et politiques 158(*)». La participation citoyenne est dès lors l'acte par lequel le citoyen prend part aux activités qui lui permettent d'accomplir ses droits et ses devoirs. Dans le jeu démocratique, l'exécution de telles actions permet au citoyen de s'émanciper et d'être « domestiqué ».

Le citoyen émancipé est celui qui s'est débarrassé des allégeances identitaires, celui qui arrive à surpasser ses attaches socioculturelles en faisant prévaloir librement ses devoirs civiques. Le citoyen domestiqué est celui qui, grâce à la socialisation reçue, a pu dompter ou neutraliser les comportements déviants dont l'incivisme à tous les niveaux. Un citoyen qui a toutes ces qualités ne peut s'obtenir que lorsqu'il participe au processus de socialisation politique composé de pratiques dans lesquelles s'inscrit le vote. Les élections constituent donc l'une des périodes indispensables dans le processus de formation du citoyen.

Selon Loada, cité par Bagoro, la fréquence des élections depuis 1991 semble inculquer dans les moeurs des populations burkinabè une sorte de « routinisation des procédures électorales 159(*)». L'habitude qui se crée par le biais de ces élections est une nécessité pour amener les populations à s'intéresser à la pratique électorale. Nul ne doute que ces répétitions de l'acte électoral dont bénéficient les populations servent de moyen de renforcement de la citoyenneté toujours balbutiante dans les sociétés comme celle de Ouagadougou.

L'installation progressive des pratiques électorales ouvre certes une page glorieuse pour la maturité voire la consolidation de la démocratie, mais, nul n'est besoin de souligner combien ces élections sont coûteuses pour les Etats africains. Leur mise en oeuvre technique impose assez de sacrifices surtout financiers non seulement pour les Etats mais aussi pour les partis politiques majoritairement pauvres. Ces partis doivent en effet convaincre les citoyens par des pratiques distributives ou utiliser tout autre moyen afin de les stimuler au vote.

Ainsi, la contribution du citoyen à la vie politique de la cité semble ne plus être un devoir mais un acte banal par lequel il peut soutirer des faveurs et des biens matériels ou symboliques. Cette banalisation du phénomène électoral au profit des intérêts mesquins et individualistes (comme les questions alimentaires) réduit toute la portée qu'il aurait pu revêtir pour le citoyen. Cette conception ou appréhension des élections s'est non seulement généralisée mais aussi, elle semble s'instituer et orienter les comportements des électeurs.

Si dans certains Etats comme le Bénin, des mesures tendant à protéger les élections ont été prises contre ces tares, au Burkina Faso, il n'existe pas de nos jours des données sur une quelconque tentative d'encadrement dans ce sens. Cependant, ainsi que souligne un journal de la place : « le fait de donner 1000 F ou un sac de riz à quelqu'un en lui disant de voter pour vous, devient un comportement qui s'insère dans les habitudes des populations qui voient maintenant dans les élections, un moyen pour elles de capter la manne électorale, sachant que par la suite il n'y aura plus rien 160(*)». On assiste ainsi à l'apparition d'un type de citoyen, qui attend uniquement une période spécifique de la vie politique (les élections) pour s'y introduire et atteindre ses desseins inavoués. Il est par ailleurs prêt à se retirer du champ politique quand s'achèvent les moments des élections. C'est dans ce sens que s'inscrit cet argumentaire : « on sait qu'après les élections, les hommes politiques n'ont plus affaire à nous. En plus, on n'a plus rien à gagner avec eux. Pendant les périodes mortes (périodes situées entre deux élections), on oublie la politique et on se repose en attendant les échéances futures pour sortir les amadouer et manger161(*)».

Le citoyen qui se développe sous l'action des dons, foisonnant sur le champ électoral contribue t-il réellement à l'ancrage de la démocratie ? Pour S.M.162(*) (dont le parti semblerait opposé aux financements public des partis), les dons électoraux quelle que soit leur provenance sont une véritable menace pour la démocratie. Les partis comme les citoyens en deviennent très dépendants et il est évident que les objectifs premiers de la participation à la vie politique en prennent un sérieux coup.

S'il est vrai que le rôle sacré des partis politiques est d'assurer l'animation de la vie politique et la formation du citoyen, il demeure que les moyens utilisés par les partis pour atteindre ces objectifs sont loin de favoriser l'appropriation des valeurs de la citoyenneté par les populations. Les élections n'étant plus perçues par la plupart des électeurs comme un devoir mais comme un moyen de « manger l'Etat »selon l'expression de Bayart, les institutions qui en découlent ne sont pas de nature à favoriser l'instauration d'une véritable démocratie. Puisque ces institutions ont été mises en place sur la base des relations clientélaires, de la corruption et sous l'effet de la soumission aux allégeances identitaires, elles ne peuvent être ni représentatives, ni efficaces. A cet effet, Loada et Ibriga163(*) soulignent que de telles pratiques  affectent la qualité de la représentation en favorisant l'élection des gens médiocres et corrompus. Or, comme ils le reconnaissent, « des élections corrompues entraînent fatalement des dirigeants corrompus ». Il est aussi à craindre que des dirigeants qui ont été amenés au pouvoir par des pratiques antidémocratiques perpétuent de telles actions et forment les citoyens de demain dans ce même moule.

Il en découle que le type de citoyen qui se développe met en péril la visée démocratique, car il n'y a pas de démocratie sans participation citoyenne. Or, en l'état actuel des choses, les logiques qui sous-tendent la participation des populations aux élections n'expriment pas la maturité de leur citoyenneté. En effet, selon Z.R du RFI/PJB, « l'électeur burkinabè est devenu un être manipulé et sans âme car l'usage des dons ne lui permet pas d'avoir un choix légitime ». Dans le même sens, W.L du PDP/PS remarque que « tant que l'électeur burkinabè sera considéré par les partis politiques comme un bien à acquérir, c'est-à-dire, une marchandise que seul le plus offrant peut avoir, il ne sera jamais un citoyen». Tout porte à croire que les partis sont les seuls responsables du type de citoyen qu'ils ont en face d'eux. Il n'est certes pas aisé de remettre en cause une telle analyse, mais il convient d'observer que l'intérêt que porte l'individu à la vie politique peut développer en lui des germes de citoyenneté.

Le citoyen qui souhaite s'émanciper n'attendra pas que tout lui vienne de l'extérieur ou des autres, ses efforts dans la conquête de la culture civique et politique sont d'une importance capitale pour qu'il accède au statut de citoyen plein. Cette vérité paraît inadmissible pour un citoyen qui voit dans « la redistribution clientélaire une vertu civique, une manifestation de l'accountability164(*) ». Il est nécessaire que des mesures pouvant conduire à une socialisation politique effective des populations, soient prises dans ce sens. Il pourra s'agir des moyens de responsabilisation des citoyens et de valorisation du vote. Parmi ces mesures, on peut citer la suppression des dons dans les campagnes électorales, le plafonnement des dépenses et un encadrement juridique efficace des élections dans tous ses aspects.

« Supprimer les dons permettrait aux partis de développer leurs propres initiatives d'accès aux fonds de financement et de mobilisation électorale dans les conditions saines et honnêtes165(*) ». Mais la suppression dont il est question ici concerne surtout toutes les offres que les partis font à l'électorat. Elle comprend en outre les dons faits de manière démesurée par certains opérateurs économiques aux partis politiques et ce, en l'absence de tout contrôle. Il faut cependant dire que la suppression effective des dons lors des campagnes n'entraînera certainement pas la disparition des dons occultes.

En plus, au regard des besoins si importants des partis pour pouvoir jouer le rôle qui leur est dévolu, la suppression des dons faits par les opérateurs économiques aux partis, n'est pas la meilleure des solutions. Par quels autres moyens les partis pourront se doter des ressources nécessaires à leurs activités politiques. Par exemple, seuls les grands partis, en particulier le parti au pouvoir, peuvent avoir les moyens de se créer des activités rentables à même de financer leurs activités politiques. C'est dire que la suppression des appuis des hommes d'affaires entraînera la disparition de certains partis. Pour éviter cette situation, les dons qui quittent l'électorat vers les partis politiques sont à encourager.

Les dons faits par les hommes d'affaires peuvent certes, exprimer des formes de corruption des futurs dirigeants après leur élection mais, ils peuvent aussi signifier une prise de conscience citoyenne de la nécessité de participer à la vie politique. Quel que soit le sens sournois que ces dons puissent revêtir au fond, l'Etat peut les exploiter à l'avantage de la construction démocratique. En effet, l'Etat pourrait par exemple créer des conditions d'abattement des taxes pour les citoyens qui seraient prêts à financer chaque année et avec une somme fixée les activités des partis politiques. Cela veut dire que l'Etat définit officiellement une somme (X) qu'un citoyen (homme d'affaires ou autre) peut investir au compte des partis politiques pour bénéficier d'un abattement de taxes relatives à ses activités socioéconomiques. Cette somme pourrait être collectée dans un compte spécial166(*) ouvert à cet effet que l'Etat se chargera de repartir aux partis politiques conformément aux dispositions qu'il aurait prises. Il faut souligner qu'une telle mesure est aussi un moyen de formation des citoyens qui pourraient sans doute découvrir un intérêt croissant pour la politique et un engouement à contribuer à l'ancrage de la démocratie. Elle pourrait faciliter l'action de socialisation politique à laquelle devraient se donner les partis dont les moyens font parfois défaut. Nul doute cependant que si des mesures ne sont pas prises, une telle aubaine pourrait entraîner l'augmentation du nombre des partis politiques qui, du reste est déjà élevé167(*). En outre, notons que cette mesure pour être bénéfique aussi bien aux partis qu'à l'Etat devrait être judicieusement étudiée pour éviter ses impacts négatifs sur les recettes de l'Etat. Il conviendrait certes de supprimer les dons que font les partis aux électeurs (dont l'influence a été démontrée), mais pour ce qui concerne les appuis divers des opérateurs économiques, des mesures stratégiques devraient être développées par l'Etat afin d'en tirer un avantage pour faciliter l'institutionnalisation du processus démocratique.

Les dons ne sont donc pas, dans leur ensemble, mauvais pour la démocratie si ceux-ci sont bien encadrés (plafonnés lors de la réception et pendant les dépenses) et si ceux qui les donnent, le font consciemment pour la cause de la construction démocratique. Des donneurs galvanisés sont en eux-mêmes des outils et des moyens de formation des citoyens car ils pourraient sans doute entraîner d'autres citoyens à apporter leur soutien aux partis. Mais il faut signaler que seul un usage de ces dons dans le respect des règles établies pourrait non seulement susciter de nouveaux donneurs mais aussi soutenir efficacement la construction démocratique. De ce qui précède, un encadrement juridique et un plafonnement des dons demeurent nécessaires pour éviter toute dérive.

* 157 P. Braud, Sociologie politique, Paris, LGDJ, 2002, p345.

* 158R. Guillien et J. VincentT, Lexique des termes juridiques, Dalloz, 12e édition, 1999.

* 159 B. Bagoro, op. cit. p 60.

* 160 L'opinion n°502, du 23 au 29 mai 2007.

* 161 Entretien Focus, secteur 29 de Ouagadougou.

* 162 S.M. est membre du bureau politique national de l'UNIR/MS

* 163 A. M.G. Loada et L.M.Ibriga, Doit constitutionnel et institutions politiques, Collection précis de droit burkinabè, PADEG, Université de Ouagadougou, Mars 2007, p465.

* 164 Voir « La marchandisation du vote, citoyenneté et consolidation démocratique au Bénin », R.Banégas, in politique africaine, n0 69,Paris, Karthala, 1998, p87. L'auteur notera que selon une certaine catégorie de citoyens, un leader responsable (accountable) serait celui qui redistribue

* 165 S.M. membre du bureau politique national de l'UNIR/MS

* 166 Le Quotidien le pays n0 3257 du 23/11/2004 relève que sur recommandation de la Cour des comptes, le gouvernement a ouvert, pour compter de l'année 2004, un compte trésor destiné à recueillir uniquement les subventions destinées aux partis politiques. Mais en l'absence de sources de motivation, ce compte s'alimente difficilement. Par exemple pour les subventions remises main à main aux candidats ou aux mandatés des partis politiques, la loi dispose qu'elle doit être versée dans un compte spécial, ouvert à cet effet. Mais cette loi n'est visiblement pas respectée.

* 167 En 2004, la subvention faite aux partis passait de 200 millions à 250 millions. Le nombre de partis bénéficiaires était de 42 dans la même année. En 2007, 72 partis ont bénéficié du financement de l'Etat. Ce nombre correspond en réalité à la moitié presque des partis officiellement reconnus.

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway