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Les dons, phénomène anthropologique au coeur des élections au Burkina Faso: une analyse des comportements électoraux dans la ville de Ouagadougou

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par Oumarou Kologo
Université de Ouagadougou - DEA de sciences politiques 2007
  

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§2- La Déstabilisation des partis politiques

Il est admis que « les moeurs démocratiques imposent le respect de l'opposition, lui reconnaissent le droit de contester le pouvoir, de critiquer le gouvernement, mais lui imposent en même temps les obligations entre autres, de respecter les règles du jeu démocratique, et de présenter une véritable alternative politique au pouvoir, en élaborant des objectifs clairs crédibles et pratiquement réalisables79(*) ». Comment se comportent les partis politiques sur la scène politique burkinabè ? Quelle est la place des dons dans la déstabilisation des partis ?

Il apparaît que chaque parti politique engagé dans le processus électoral développe une stratégie d'action qui définira les moyens à utiliser pour les atteindre. Le parti au pouvoir est généralement bien nanti et bien représenté sur la scène nationale ; ce qui lui offre un net avantage. « Le parti au pouvoir se confond à l'Etat et le chef de l'Etat est l'Etat »80(*). Au regard de cette situation de confusion entre l'Etat et le parti, le parti au pouvoir dispose de plus de moyens et de facilités que les partis de l'opposition. L'opposition n'ayant rien de concret à proposer assiste dans le silence à un marché de la part du pouvoir qui se résume à disposer des biens et de services dont il n'est pas le propriétaire. Bagoro y voit une volonté affichée du parti au pouvoir d'effacer la vraie opposition. C'est pourquoi il note qu' « il est permis de douter de la volonté du pouvoir d'avoir en face de lui une opposition réelle et vitale »81(*).

Loada confirme cette analyse en remarquant qu' «il n'est de secret pour personne que le pouvoir actuel joue un rôle dans la division, la querelle et la cassure des partis d'opposition »82(*). Selon cet auteur, sous les dehors de la démocratie consensuelle, il existe une stratégie d'étouffement de l'opposition institutionnelle dont l'enjeu est de consolider les bases de l'entreprise de domination en cours depuis l'avènement du régime sankariste. L'opposition burkinabè subirait depuis lors les coups du parti au pouvoir. Selon W.L. «Ayant des bases assez solides sur le plan économique et une main mise sur l'appareil d'Etat, le parti au pouvoir se sert de tous ces atouts pour manipuler à sa guise les partis d'opposition malheureusement encore peu soudée ». Dans ce sens, les dons que pourrait offrir le parti au pouvoir s'inscrivent dans ses stratégies électoralistes. C'est ce que soutient Z.R en ces termes : « Les dons sont des gestes calculés en fonction de la stratégie »83(*).

Les raisons qui sous-tendent la création des partis politiques, les mobiles inavoués des opposants et leur situation d'inconfort sur le plan économique seraient stratégiquement exploités par le parti au pouvoir dont l'objectif principal est de rester le seul maître de l'arène politique. Pour ce faire, les dons (matériels ou symboliques) sont mis en branle pour maintenir captifs les opposants qui pouvaient encore paraître crédibles. L'explication du « nomadisme politique » croissant au Burkina se trouverait dans cette ruse du pouvoir.

De nombreuses défections ont été constatées dans les rangs des partis d'opposition. Certains démissionnaires se sont retrouvés quelques temps après insérés dans le parti au pouvoir. Les législatives du 24 Mai 1992 avait donné 77 sièges sur 107 au CDP (ODP/MT à l'époque), mais il faut noter qu'avant la fin de

son mandat en 1997, l'Assemblée National comptait plus de 80 députés de la mouvance présidentielle à la faveur du nomadisme politique qui a gangrené les partis d'opposition. 

La capture des opposants ou des responsables politiques des autres partis par le parti majoritaire n'a pas commencé ces dernières années. En effet, avant la fin de la première législature, le parti au pouvoir avait réussi à attirer de nombreux leaders dont Marc Yao de l'ex CNPP/PSD, Juliette Bonkougou de l'ex UDS et Alain Yoda de l'ex RSI. Cette réalité montre la fragilité de l'opposition et l'inconstance de ses hommes. Les départs récents de l'opposition vers le parti au pouvoir ont concerné Salvador Yaméogo qui a créé le RDF et Boniface Zango, ex membre de la CPS (convention Panafricaine Sankariste) s'était retiré pour créer l'UPD. Il se présentera sous la bannière de l'UPR aux législatives de 2007. Un autre cas flagrant est celui de Nana Tibo, président du RDP (de l'opposition radicale), il a soutenu la candidature de Blaise Compaoré avant de se présenter sous la bannière de l'ADF/RDA pour les législatives de 2007.

Cette attitude des opposants qui consiste à changer constamment de position est bien décrite par le Quotidien Le pays du 11 avril 2007 en ces termes : « On assiste à une valse d'étiquettes des hommes politiques. Ils changent de partis comme ils changent de chemises. Tant pis pour les convictions politiques et les professions de foi. Comme des oiseaux migrateurs, ces hommes politiques émigrent sous des cieux plus cléments, dans de verts pâturages où leurs intérêts seraient les mieux protégés. Leurs intérêts et non ceux des électeurs84(*) ». Abandonner sa famille de pensée et quitter le navire quand on vous fait des propositions (avances, offres) n'est ce pas, vendre la voix de ceux qui vous ont élu. Un élu démissionnaire de sa formation politique comme le prévoient par exemple les constitutions nigérienne et sénégalaise, perd son mandat au profit du parti sous la bannière duquel il a été élu. Une telle règle réduit sans doute le phénomène de nomadisme tout en instaurant une certaine équité dans les rapports entre les partis politiques. Cette préoccupation a été vainement posée en terme de revendication par l'opposition burkinabè depuis la première législature.

Devrait-on en vouloir à ces opposants qui passent tout le temps à retourner la veste ou à ce parti au pouvoir auquel il est reproché de déstabiliser l'opposition? Le champ politique comme on peut le remarquer avec Bailey ne se caractérise pas seulement par des règles normatives. Il est marqué par des règles pragmatiques ou stratégiques. L'exploitation de ces dernières implique la ruse et l'expérience. Le rapport de force est la règle principale même si on tente de l'éluder. Dans la sociologie des organisations, il est une vérité générale que  le pouvoir est un mécanisme quotidien que nous utilisons sans cesse dans nos rapports avec nos amis, nos collègues, notre famille, etc. Ceux qui savent l'exploiter de manière stratégique en tire plus d'avantages. Le parti au pouvoir semble mieux maîtriser ces règles du jeu. L'exemple le plus remarquable que l'on a observé se situe à quelques mois avant la présidentielle de 2005.

L'opposition burkinabè a vécu durant ces mois des remous considérables. L'opposition burkinabè Unie (OBU) est divisée tandis que le PAREN, membre de cette coalition connaît la défection de deux de ses députés. Ces crises ont conduit à la division du PAI conduisant à l'existence de deux tendances : le PAI tendance Soumane Touré et le PAI tendance Philippe Ouédraogo. On note dans la même logique la scission de l'ADF/RDA avec le départ de Hermann Yaméogo lequel est allé créer l'UNDD ; le PDP/PS n'a pas échappé à cette dynamique avec le départ d'Emile Paré et la création du MPS/PF par ce dernier.

Qui est fautif ? L'opposition ou le parti au pouvoir ? Pour certains acteurs politiques, nul doute que le pouvoir est le seul responsable. Mais peut-on continuer d'indexer le seul parti au pouvoir quand on observe bien la scène politique et surtout quand on lit avec objectivité les revirements de situation permanemment observés du coté des opposants ?

En réponse, Loada estime qu'il n'y a pas lieu de jeter la pierre au seul parti au pouvoir dans cette situation car «  la profusion et la scissiparité de ces prétendus partis politiques tiennent à l'ingéniosité ou au cynisme d'acteurs politiques qui choisissent ou acceptent de tirer ces ressources de leur clientélisation envers le régime en place ».85(*) Il est évident que le pouvoir ne peut développer sa stratégie de domination et de division des partis d'opposition s'il n'avait pas eu de partis d'opposition disposés à lui donner un coup de main. Le quotidien Le pays n0 3848 relève à cet effet que certains opposants portent une double tunique. «  La plupart de ces leaders sont compromis. Ils sont légion ces leaders de l'opposition qui portent des casquettes : conseillers du pouvoir la nuit venue, ils deviennent son pourfendeur une fois le soleil levé. Le pouvoir ne les craint nullement. Mangeant dans deux râteliers, ils trahissent la cause de l'opposition »86(*). Hormis ce double jeu de certains opposants, il faut noter les crises de leadership ou les querelles d'intérêts de tout genre qui érodent les liens entre opposants. Ces tensions amènent l'opposition à évoluer en rangs dispersés puisqu'elle n'arrive pas à « surmonter ses clivages idéologiques, parfois teintés d'inimitiés personnelles »87(*).

On note cependant que le champ politique se caractérise par un ensemble de rapport de force, un ensemble de luttes qui opposent des unités en compétition pour des enjeux, pour des biens rares et susceptibles d'engager dans la compétition des ressources particulières. Les dominants accumulent ainsi un capital symbolique qui garantit leur position sociale. Une meilleure analyse de l'action des acteurs politiques consiste à s'inscrire dans une démarche systémique qui permet d'interpréter le comportement humain comme l'expression d'une stratégie dans un jeu, dans un ensemble de contraintes à découvrir. La théorie des systèmes décrit la réalité observée et suggère d'établir des liens logiques entre les facteurs. Elle permet ainsi de découvrir que les causalités linéaires simplistes ne sont pas suffisantes pour expliquer les choses et que les corrélations établies entre les facteurs sont très nombreuses. Un parti politique est une forme d'organisation, or, l'organisation n'est pas une « donnée naturelle  mais un construit social ; il faut en étudier les enjeux, les intérêts, les règles du jeu et comprendre les stratégies développées par les acteurs »88(*).

Il faut signaler que les partis d'opposition sont confrontés à une véritable insuffisance voire à l'absence de certaines ressources pour jouer efficacement leurs rôles. Le Rapport de l'International Institute for Democracy and Electoral Assistance (IDEA) confirme cela quand il relève que « le recul de l'opposition s'explique non pas parce que le pouvoir l'empêche de le faire mais parce qu'elle manque de militants, de cadres et de ressources financières pour affirmer sa présence. Les carences sont également propres aux partis politiques d'opposition qui n'intègrent pas la durée dans leurs stratégies politiques89(*)». Le parti au pouvoir n'est donc pas le seul responsable de la situation déplorable des partis en général et de l'opposition en particulier. L'absence de démocratie interne au sein des partis politiques, l'émiettement de l'opposition politique qui compromet l'alternance ainsi que le nomadisme au sein des formations politiques sont autant d'aléas qui contribuent à affaiblir les partis d'opposition. Caractérisée par de multiples crises en son sein, l'opposition au Burkina éprouve des difficultés énormes pour convaincre l'électorat à lui accorder ses voix lors des différentes échéances électorales. Comme le révèle le Rapport de l'DEA, l'opposition burkinabè a du mal à s'affirmer sur la scène politique à cause de « son éparpillement, son inconstance et son inconsistance » mais aussi « son manque de réalisme et de lucidité 90(*)».

En somme, que ce soit dans le cadre des alliances ou celui des scissions des partis, les intérêts sournois, les gains et les objectifs insoupçonnables des acteurs en sont les déterminants. Comme le signifie Socpa « certains leaders politiques reçoivent des sommes d'argent pour fusionner leur parti avec le parti au pouvoir, ou déstabiliser un parti politique bien implanté dans une région à enjeu électoral important. Cela semble vérifier les revirements spectaculaires dans le comportement et les déclarations publiques de certains hommes politiques 91(*)»

* 79 M. C. Houngnikpo, L'illusion démocratique en Afrique, Paris, l'Harmattan, 2004, p111. Dans le même ordre d'idée, J-F. Médard remarque que l'institutionnalisation de la démocratie suppose notamment que les partis s'ils existent, aient intériorisé les principes de la relation très spécifique qui lie, tout en les opposant, la majorité et l'opposition dans le système démocratique, à savoir que la majorité respecte l'opposition, et ce qu'on oublie souvent, que la minorité respecte la majorité( ...) » cité par Loada,, in « Burkina Faso, les rentes de la légitimation démocratique », Afrique politique,Paris, Karthala, 1995, p30.

* 80 Voir « périodes électorales en Afrique. Quand les pouvoirs se nourrissent de l'ignorance des populations », Le pays n0 3848 du 13 au 15 avril 2006, p31.

* 81 Voir B. Bagoro. op cit p57.

* 82Voir « Burkina Faso, les rentes de la légitimation démocratique », A M-G. Loada, in l'Afrique politique, Paris, Karthala, 1995, p 219.

* 83 Z.R., président du Rassemblement des forces indépendantes/Parti des Jeunes du Burkina et vice président de la CFD/B.

* 84Voir « Nomadisme politique au Burkina, halte au brigandage !» www.allafrica _com du 11 Avril 2007, voir aussi www. Lepays.bf,

* 85 Voir «Burkina Faso, les rentes de la légitimation démocratique », A.G. Loada, op. cit. 219.

* 86 Voir «Périodes électorales en Afrique. Quand les pouvoirs se nourrissent de l'ignorance des populations  » Le pays n0 3848 du 13 au 15 avril 2006, p31.

* 87 B. Bagoro. op cit. p59.

* 88Voir « L'acteur et le système » Sciences Humaines Hors-série N° 42, Septembre-octobre-novembre 2003, p2.

* 89 Rapport IDEA, La démocratie au Burkina Faso, Stockholm, 1998, p32. Dans le même sens, le Rapport souligne que les partis d'opposition « sont fréquemment formés par une personnalité politique plus qu'autour d'une vision d'avenir et d'un programme de gouvernement. Leurs liens avec les citoyens sont souvent faibles et irréguliers ». P32.

* 90 Rapport IDEA, op.cit. p71.

* 91 Voir « les dons dans le jeu électoral au Cameroun », A. Socpa, cahier d'études africaines n0 157, 2000, p9.

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