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Le contentieux de la propriété intellectuelle: cas de la marque de produits ou de services

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par Nadine Josiane BAKAM TITGOUM
Université de Dschang (Cameroun) - Diplome d'Etudes Approfondies 2008
  

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§2 : LES CAUSES TRADUISANT UNE IDEE DE FRAUDE

S'il est incontestable que la propriété de la marque appartient à celui qui, le premier, en a effectué le dépôt, cette règle cesse de produire effet lorsque ce dépôt a un caractère frauduleux. Il y a fraude si « une marque a été déposée par une personne qui, au moment du dépôt, avait connaissance ou aurait dû avoir connaissance du fait qu'une autre personne avait la priorité de l'usage de cette marque ».

Le texte de l'article 5 alinéa 3 de l'annexe III de l'accord donne la possibilité à la victime d'un dépôt frauduleux de revendiquer auprès de l'Organisation, la propriété de la marque à condition qu'elle effectue le dépôt de ladite marque dans les six mois qui suivent la publication de l'enregistrement du premier dépôt. Or, bien souvent, elle n'aura connaissance de ce dépôt que longtemps après, et ne pourra plus exercer cette action auprès de l'OAPI en raison de la brièveté du délai. Il ne lui restera alors que l'action en revendication de propriété64(*) devant les juridictions civiles.

Sur la base de la fraude, le requérant a à son profit soit l'action en revendication soit l'action en annulation. Celle-ci est fondée sur le principe « fraus omnia corrumpit », « principe supérieur de moralisation du droit »65(*), qui, faisant exception au principe du système attributif du droit, permet d'en éradiquer l'une des faiblesses majeures. Relevons tout de même que l'action en revendication présente l'avantage de subroger le revendiquant dans le dépôt et de lui permettre de profiter de sa date et des renouvellements éventuellement opérés par l'usurpateur alors que l'action en annulation, lorsqu'elle aboutit, fait courir au requérant le risque d'être primé par des tiers jouissant d'un droit antérieur.

Même si l'annexe III ne le stipule pas expressément, les deux actions ci-dessus énumérées peuvent être intentées en cas de fraude aux droits d'un tiers (A) ou en cas de violation d'une obligation légale ou conventionnelle66(*) (B).

A-LA FRAUDE AUX DROITS D'UN TIERS

Qu'elle soit notoire (2) ou quelconque (1), la marque non enregistrée est protégée contre la fraude.

1-S'agissant d'une marque quelconque non enregistrée

Imaginons qu'un commerçant astucieux exerçant dans l'import-export, dépose à l'OAPI une marque non encore enregistrée mais appartenant à un potentiel concurrent situé à l'étranger. Ou bien que la marque ainsi déposée frauduleusement soit en réalité exploitée par un concurrent qui n'avait pas ou s'apprêtait à la faire enregistrer. Le dépôt des marques n'est pas la chose la mieux partagée parmi les opérateurs économiques notamment locaux. Certains par ignorance ou par négligence, d'autres en raison de la taille de la structure envisagée, exploitent souvent leurs marques sans en avoir préalablement effectué le dépôt. Un commerçant habile pourrait devancer ces usagers dans le but de leur opposer l'antériorité de l'enregistrement (frauduleux) et ainsi leur nuire voire les évincer du marché.

Les mobiles sont divers, certains plus insoupçonnés que d'autres. D'où la difficulté de la preuve car dans ce cas la charge de celle-ci incombe à celui qui allègue la mauvaise foi du déposant. Parce qu'il n'existe pas de rapport contractuel entre les parties, aucune présomption de connaissance de l'usage de la marque ne joue contre le déposant. Comme dans toutes les situations de fraude, l'élément intentionnel est difficile à établir et dépendra donc de l'adresse du demandeur.

Cependant, le cas le plus courant est celui de l'industriel ou du commerçant qui dépose à son nom la marque d'usage de son concurrent en connaissance de cause. «En utilisant la loi pour frustrer l'usager alors qu'il pouvait sans inconvénient choisir une autre marque, on peut soutenir qu'il commet un abus de droit en se servant de la loi de façon à nuire à autrui »67(*). En réalité, il s'agit d'un véritable détournement de la loi en ceci que la finalité du droit est diluée, la marque cessant d'être exclusivement un signe distinctif pour devenir un moyen de « barrage » uniquement destiné à rendre le signe indisponible aux tiers qui ont un intérêt à l'utiliser.

L'on peut toutefois déplorer le fait que le législateur OAPI n'ait pas prévu l'action en revendication de la propriété des marques d'usage devant les juridictions civiles comme il l'a fait pour l'action en nullité. Serait-ce à dire qu'il ne reconnaît que cette action s'agissant des marques ? En effet, étant donné que l'action en revendication suppose l'existence d'un droit de propriété, et la propriété de la marque étant conditionnée par son dépôt auprès de l'Organisation, l'action en revendication est en principe inconcevable. Nous en déduisons que le législateur suggère l'action en nullité de la marque en cas de dépôt frauduleux. Cette préférence pour l'action en nullité se vérifie davantage en ce qui concerne les marques notoires.

2-S'agissant des marques notoires même non enregistrées

Aux termes de l'article 6 de l'annexe III, « le titulaire d'une marque notoirement connue au sens de l'article 6 bis de la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle68(*) et l'article 16 alinéas 2 et 3 de l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce peut réclamer l'annulation auprès des tribunaux des effets sur le territoire national de l'un des Etats membres du dépôt d'une marque susceptible de créer un risque de confusion avec la sienne ». De toute évidence, cet article vise à sanctionner l'usurpation de la marque notoirement connue dans un territoire autre que celui dans lequel elle est protégée par un dépôt. Il fait exception non seulement au principe de la territorialité mais aussi à la règle selon laquelle la propriété de la marque s'acquiert par le dépôt de celle-ci.

Cette exception qui permet une protection plus efficace de la marque notoire peut se justifier par le fait que la notoriété même de la marque en a assuré une large publicité, rôle visé par l'enregistrement.

Il faut dire que la marque notoire a une forte propension à être usurpée à cause de son pouvoir attractif69(*). Cependant ni l'accord de Bangui ni les conventions internationales ne donnent une définition de la notoriété ou simplement des critères de la notoriété, laissant cette tâche aux autorités compétentes de chaque pays.

De nombreux auteurs70(*) se sont attelés à dépouiller la notion de son voile mais tous s'accordent à reconnaître qu'il s'agit d'un exercice peu aisé en raison du caractère de fait que revêt ce phénomène. Quoiqu'il en soit, l'on remarque que la notoriété apporte en général à la marque une valeur difficilement estimable mais certaine.

Pour sa part, la jurisprudence française définit fréquemment la marque notoire comme « une marque connue d'une très large fraction du public et qui exerce un pouvoir d'attraction propre indépendant des produits ou services qu'elle désigne... »71(*)

Les facteurs favorisant la notoriété sont multiples et découlent souvent de l'ancienneté, de l'ampleur de sa clientèle et de l'importance des efforts commerciaux et publicitaires de la marque. Sur ce dernier aspect, les technologies de l'information et de la communication aidant, il est facile pour un opérateur économique situé à un point déterminé du globe, de mener une campagne publicitaire à l'échelle mondiale et tellement intense qu'elle rend la marque familière au public quand bien même la marque ne serait pas encore diffusée dans le commerce ou ne s'adresserait qu'à un public limité.

Point étonnant donc que des tiers veuillent profiter de cette notoriété. De toutes les façons, le choix du signe qui constitue la marque notoire a un « caractère fondamentalement frauduleux »72(*). La marque étant notoire, sa reprise dans la spécialité voire au-delà, est frauduleux et parasitaire. Il est clair qu'elle ne peut être déposée de bonne foi, la notoriété supposant que le déposant connaisse l'existence de la marque et des droits antérieurs de son titulaire. En ce sens, la prescription prévue par l'article 6 in fine (« cinq ans à compter de la date du dépôt, lorsque celui-ci est effectué de bonne foi ») est, pour le moins, théorique.

Par contre, pour étendue qu'elle soit, la protection de la marque notoire basée sur l'article 6 de l'annexe III ne bouscule en rien le principe de spécialité, l'action en nullité ne pouvant être mise en oeuvre que lorsque la marque frauduleusement enregistrée concerne « des produits identiques ou similaires »73(*). Est-ce à dire que la marque notoirement connue peut être librement déposée pour des produits ou services différents ? Pas dans tous les cas. Il est permis au titulaire de la marque notoire d'agir en justice sur la base de la responsabilité civile en demandant réparation du préjudice enduré (exemple : diminution de la valeur économique de la marque).

La faute est un peu plus évidente en cas de violation d'une obligation légale ou conventionnelle.

* 64 En réalité, c'est un abus de langage puisque la propriété de la marque n'est acquise que par dépôt de celle-ci.

* 65 A.CHAVANNE, Fraude et dépôt attributif de droit en matière de marque en droit français, in mélange en l'honneur de David Bastian, Librairies Techniques, Paris, 1974, vol. 2, p. 7.

* 66 Nous nous sommes inspiré de l'article 712-6 du Code de propriété intellectuelle français aux termes duquel « si un enregistrement a été demandé, soit en fraude des droits d'un tiers, soit en violation d'une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut revendiquer sa propriété en justice (...) »

* 67 A. CHAVANNE, op. Cit. , p. 11.

* 68 Cet article dispose « Les pays de l'Union s'engagent soit d'office, si la législation du pays le permet, soit à la requête de l'intéressé, à refuser ou à invalider l'enregistrement et à interdire l'usage d'une marque que l'autorité compétente du pays de l'enregistrement estimera y être notoirement connue comme étant déjà la marque d'une personne admise à bénéficier de la présente Convention et utilisée pour des produits identiques ou similaires (...) »

* 69 Par exemple, le public associe immédiatement « Michelin » à des pneumatiques, « Dior » ou « Channel » à des parfums et vêtements de luxe, « Nescafé » à du café lyophilisé...

* 70 Cf. PEROT-MOREL, L'extension de la protection des marques notoires, in RTDC, 1966, p. 14 ; CHAVANNE (A) et BURST (J-J), Le droit de la propriété industrielle, Paris, Dalloz, 2e édition, 1980, p. 409 ; MATHELY (P), note sous Com. 27 mai 1987, Annales 1987, n°1, pp 3-11.

* 71 Paris, 17 janvier 1996, « Concorde » PIBD 1996, n°607. III. 155.

* 72 POLLAUD-DULIAN (F), Droit de la propriété industrielle, Paris, Montchrestien, 1999, p. 576.

* 73 Art. 6 bis de la convention de Paris.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille