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Le régime juridique de l'arbitrage commercial international

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par Sourou Tinê Abdel-Kader FADAZ
Université de Lomé (TOGO) - DESS Droit des Affaires et Fiscalité 2008
  

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Section 2 : La possibilité d'exécuter provisoirement la sentence arbitrale

Comme nous avons eu à l'annoncer précédemment, la mise en oeuvre de la sentence dans l'arbitrage commercial international peut être immédiatement obtenue en dépit des recours déposés contre elle ou dans l'attente de l'aboutissement de la procédure d'exequatur finale par le biais de l'exécution provisoire. Mais l'exécution provisoire de la sentence risque d'être une source de difficulté pour la partie bénéficiaire lorsque sa mise en oeuvre n'est pas raisonnablement engagée (§1). La sentence arbitrale peut en outre se révéler particulièrement efficace dans la mise en oeuvre de la garantie bancaire bien que cette efficacité ne soit pas non plus exempte de difficultés (§2).

§1-  Efficacité risquée de l'exécution provisoire

L'exécution provisoire de la sentence arbitrale suscite un grand intérêt en raison du renforcement de son efficacité dans la plupart des instruments juridiques régissant l'arbitrage commercial international (A). En revanche, elle comporte le risque d'engendrer des conséquences désastreuses lorsqu'elle est mal entreprise par le colitigant qui s'en prévaut (B).

A - Renforcement de l'efficacité de l'exécution provisoire de la sentence

L'efficacité de l'exécution provisoire de la sentence est aujourd'hui renforcée en raison de la faculté largement reconnue aux arbitres (1) et aux juges (2) de l'ordonner en cas de besoin.

1°) Le renforcement des prérogatives des arbitres

Un parallèle en droit comparé permet d'observer une tendance favorable au renforcement des prérogatives des arbitres pour autoriser l'exécution provisoire des sentences. Ainsi, l'Acte uniforme de l'OHADA relatif au droit de l'arbitrage leur confère en son article 24 le pouvoir d' « accorder l'exécution provisoire (de) la sentence si celle-ci est sollicitée par une partie ou de la refuser par une décision motivée ». Les droits belges et néerlandais prévoient quant à eux respectivement la possibilité pour le tribunal arbitral de prononcer l'exécution provisoire en cas d'appel de la sentence devant d'autres arbitres164(*). En droit français, le pouvoir des arbitres trouve son fondement dans l'article 1479 du Code de procédure civile qui étend aux sentences arbitrales les règles relatives à l'exécution provisoire des jugements165(*). En droit suisse, la sentence étant exécutoire de plein droit, le recours devant le Tribunal fédéral est tout autant dépourvu d'effet suspensif aux termes de l'article 190 al.1 de la Loi suisse de droit international privé (LDIP).

Les arbitres disposent manifestement d'un large pouvoir d'appréciation dans l'octroi de l'exécution provisoire. Le dispositif de la sentence CCI 8303 rendue en 1998 libellé dans les termes suivants est assez démonstratif à ce propos : « le tribunal arbitral estimant nécessaire que les parties demanderesses puissent obtenir immédiatement le paiement effectif des sommes auxquelles (la défenderesse) est condamnée à leur profit, décident d'ordonner l'exécution provisoire de la sentence »166(*).

Cette largesse n'exclut cependant pas la possibilité d'une remise en cause de la mesure d'exécution provisoire en cas de violation de l'ordre public de l'Etat d'exécution ou d'abus manifeste. En France par exemple, l'article 524 al.1 du Code de procédure civile prévoit que l'exécution provisoire ordonnée par l'arbitre puisse être arrêtée par la Cour d'appel lorsqu'elle est « interdite par la loi » ou s'il y a lieu de craindre « des conséquences manifestement excessives ». En application de ces dispositions, le Premier président de la Cour d'appel de Paris, par une ordonnance en date du 5 février 2003, a fait droit à une demande de suspension de l'exécution provisoire d'une sentence faisant l'objet d'un recours en annulation. Rejetant l'argument de la partie défenderesse contestant la régularité de la demande de suspension de l'exécution provisoire sur le fondement de l'article 28(6) du Règlement d'arbitrage de la CCI, la Cour d'appel précisa que l'engagement des parties d'exécuter sans délai la sentence et la renonciation à toutes voies de recours dans le Règlement « ne saurait (...) priver les parties, non seulement de la possibilité de former un recours en annulation contre la sentence qui est d'ordre public, mais aussi celle corrélative, d'invoquer les textes de droit commun du nouveau Code de procédure civile pour solliciter l'arrêt de l'exécution provisoire lorsque, comme en l'espèce elle a été ordonnée »167(*).

Cette décision mérite d'être approuvée car les dispositions du Code de procédure civile français susvisées s'analysent comme des lois de police auxquelles on ne saurait déroger sur le territoire français. Par ailleurs les arbitres et les conseils des parties devraient toujours tenir compte de l'appréhension de l'exécution provisoire dans l'Etat où sa mise en oeuvre est sollicitée dans la mesure où il existe encore aujourd'hui des systèmes juridiques étatiques où cette procédure est encore inconnue168(*).

Le renforcement des prérogatives s'observe également chez les juges.

2°) Le renforcement des prérogatives des juges

En ce qui concerne la compétence reconnue aux juges nationaux pour ordonner l'exécution provisoire des sentences arbitrales, il faut préciser que cette prérogative est effective dans les systèmes juridiques que nous avons précédemment mentionnés relativement aux prérogatives des arbitres.

Le droit français présente en ce domaine probablement le cas le plus récent de renforcement de l'efficacité de l'exécution provisoire de la sentence par analogie avec le régime appliqué aux jugements. En effet, le décret du 28 décembre 2005 édicté dans ce pays donne en cas d'appel, compétence au président de la Cour d'appel ou au juge de la mise en état saisi par l'intimé de faire procéder à « la radiation du rôle de l'affaire lorsque l'appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d'appel ou la consignation autorisée »169(*).

Cette disposition qui renforce manifestement l'efficacité de l'exécution provisoire en France en ce sens qu'elle fait obstacle aux manoeuvres dilatoires de la partie débitrice tendant à en éviter la poursuite, peut valablement s'appliquer aussi bien aux jugements (en cas d'appel) qu'aux sentences arbitrales rendues en matière internationale (en cas de recours en annulation)170(*).

La réforme opérée en droit français vient s'ajouter à une situation déjà favorable à l'efficacité de l'exécution provisoire offerte par les articles 515, 525 et 526 du Nouveau Code de procédure civile (NCPCF). En vertu de ces dispositions, la Cour d'appel pouvait déjà ordonner l'exécution provisoire lorsqu'elle n'avait pas été demandée à l'arbitre ou que ce dernier avait omis de statuer à ce sujet, en cas de nécessité et de compatibilité avec la nature de l'affaire ou en cas de refus de l'arbitre, s'il y avait urgence.

Toujours dans le souci d'accroître l'efficacité de l'exécution provisoire, il semble que cette mesure puisse être octroyée indépendamment de toute justification légale et sur un fondement purement contractuel. Expressément envisagée en doctrine171(*), cette hypothèse a été confirmée par la jurisprudence française, précisément dans une décision du juge de l'exécution du Tribunal de grande instance de Paris rendue le 11 décembre 2002172(*). En l'espèce, il a été jugé qu'une sentence CCI dont l'exécution provisoire n'était pas prévue par le tribunal arbitral pouvait en bénéficier malgré le recours en annulation dont elle était frappée, sur l'unique fondement de l'article 28-6 du Règlement d'arbitrage de la CCI « relatif au caractère (immédiatement) exécutoire de la sentence » auquel les parties avaient adhéré.

Cette décision est tout à fait conforme à la philosophie de l'arbitrage dont elle rappelle le fondement contractuel. L'efficacité de l'exécution provisoire de la sentence ainsi renforcée apparaît in fine comme un corollaire de l'efficacité de la convention d'arbitrage.

Cependant, l'exécution provisoire comporte un danger consistant dans le fait qu'elle peut se révéler juridiquement désastreuse pour le bénéficiaire en cas d'exécution défectueuse.

B - Conséquences négatives pour le créancier en cas d'exécution défectueuse de la sentence

Corrélativement au fait qu'elle intervient à titre provisoire et qu'elle crée des droits susceptibles d'être remis en cause à l'issue du recours en annulation de la sentence qui lui sert de fondement, l'exécution provisoire est à entreprendre avec prudence car elle est une source potentielle de difficultés pour le colitigant qui en est créancier. L'article 31 de la loi française du 9 Juillet 1991 portant réforme sur les procédures civiles d'exécution qui dispose que « l'exécution est poursuivie aux risques du créancier » est assez édifiant à ce propos173(*).

Ainsi, la responsabilité du colitigant créancier pourrait être engagée lorsque l'exécution provisoire de la sentence se révélait préjudiciable à la partie débitrice. Cette situation est révélatrice de l'insécurité juridique inhérente à l'exécution provisoire. Cette insécurité est particulièrement redoutée en matière d'arbitrage commercial international dans la mesure où elle peut nuire au bon déroulement des affaires internationales.

C'est dans le souci de prévenir tous ces risques et de permettre au colitigant créancier de faire face aux conséquences désastreuses d'une mise en oeuvre défectueuse de la sentence que s'inscrit la constitution de sûretés instituées dans la plupart des systèmes juridiques favorables à l'exécution provisoire des sentences. L'article 517 du Code de procédure civile français en particulier impose la constitution d'une garantie «  suffisante pour répondre de toutes restitutions ou réparations » pouvant résulter d'une exécution défectueuse174(*). On peut réduire de façon anticipée les risques inhérents à l'exécution provisoire en en limitant l'application à une partie seulement de la condamnation175(*). Il est également possible d'éviter l'exécution provisoire et ses conséquences désastreuses en recourant carrément à la solution alternative qui consiste à autoriser la partie condamnée par la sentence au paiement d'une somme d'argent, à consigner des valeurs suffisantes pour garantir la condamnation176(*). Les dispositions autorisant la partie condamnée à solliciter la suspension de l'exécution provisoire sont par ailleurs de nature à limiter les conséquences dommageables pouvant résulter d'une exécution entamée de façon préjudiciable.

Fort heureusement en pratique, les arbitres n'hésitent pas à intervenir souvent pour éviter ou limiter les dommages résultant d'une exécution défectueuse de la sentence. Ainsi, dans l'affaire CCI n°5835 rendue en 1988, les arbitres sont intervenus pour stopper le comportement d'une partie qui exposait l'autre à des dommages sous forme d'intérêts bancaires ainsi qu'à un risque de perte due à des fluctuations de taux de change177(*).

Sur la question de savoir la juridiction compétente pour connaître du contentieux de responsabilité résultant de l'exécution défectueuse de la sentence, ce litige devrait logiquement pouvoir être porté devant la juridiction ayant ordonné l'exécution provisoire étant entendu que ces contestations sont incidentes à la mesure ordonnée en application de la théorie de l'accessoire.

Au regard de toutes les conséquences dommageables pouvant résulter d'une exécution défectueuse de la sentence, « les créanciers bénéficiaires d'une exécution provisoire doivent », ainsi que le recommande à point nommé Me Agathe MOREAU dont nous partageons ici l'opinion, « faire preuve de la plus grande prudence, tant lors de la mise en oeuvre des poursuites qu'en amont lors de la demande de mesures (...) exécutoires, les avocats ayant sur ce point un devoir de conseil renforcé »178(*).

Après l'analyse précédente des risques inhérents à l'efficacité de l'exécution provisoire de la sentence, examinons à présent, son efficacité particulière dans la mise en oeuvre de la garantie bancaire.

* 164 Cf. art. 1709 du code judiciaire belge et art. 1066 WBR (Code de procédure civile néerlandais).

* 165 On peut dans le même sens lire à l'art.13 du Règlement d'arbitrage de l'A.F.A que « l'exécution provisoire est rattachée (à la sentence) de plein droit, nonobstant toute voie de recours à moins que la sentence en ait décidé autrement ». 

* 166 Rapportée par D. HASCHER, « L'exécution provisoire en arbitrage international », in Etudes de procédure et d'arbitrage en l'honneur de J-F Poudret , Lausanne, 1999 p. 404.

* 167 Paris 1ère P., ord. Prem. prés. , 5 fév.2003, Gaz. Pal. 8 nov. 2003, som. jur.p.41 obs. Mourre et Pedone; Rev. Arb. 2003, som. p. 254.

* 168 La loi jordanienne n° 21 de 1952 portant sur l'exécution des jugements et la loi n°18 de 1953 sur l'arbitrage encore en vigueur dans ce pays méconnaît l'exécution provisoire ; idem pour le droit turc (art. 536 du Code de procédure civile, loi n° 2675 de 1982 sur le droit privé et la procédure civile internationale -art.41/II et 44 /II-).

* 169 Cf. art. 526 NCPC tel qu'issu du Décret n° 2005-1678 du 28 décembre 2005 relatif à la procédure civile, à certaines procédures d'exécution et à la procédure de changement de nom en vigueur le 1er mars 2006 (J.O. 29 déc. P. 20350).

* 170 La déduction par analogie repose sur l'article 1479 du NCPCF qui étend aux sentences arbitrales les règles relatives à l'exécution provisoire des jugements.

* 171 V. en ce sens entre autres, D. HASCHER, op. cit. p. 408, Ph. PINSOLLE, « L'exécution provisoire des sentences arbitrales rendues en matière internationale en dépit d'un recours en annulation », Gaz. Pal. 20 Mai 2004 n°141, p. 23

* 172 TGI Paris (JEX), 11 déc. 2002, Rev. Arb. 2003. 245.

* 173 V. dans le même sens, l'art. 32 al. 2 de l'AURVE, dans l'espace OHADA.

* 174 Dans le même sens, cf. art.1066 du WBR néerlandais, art. 1709 du Cod. judic. belge.

* 175 Cf. art. 515 du NCPC en droit français entre autres.

* 176 En droit français notam. cf. art. 521 NCPC.

* 177 Rapporté par A. REINER op. cit. p. 888.

* 178 Agathe MOREAU, « L'exécution provisoire, un avantage dangereux pour le créancier poursuivant », D. 2006, p. 525.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote