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Essai de synthèse des nouveaux modes de légitimation du recours à la force et de leurs relations avec le cadre juridique de la Charte des Nations Unies

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par Anis Ben Flah
Université du Quebéc à Montréal - LLM 2008
  

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INTRODUCTION

Le droit international classique n'a jamais cherché à restreindre l'usage de la guerre. Du XVIe au XIXe siècle, les États jouissaient de la libre appréciation du déclenchement des hostilités. Le recours aux forces armées est considéré comme une manifestation normale de la souveraineté des États1.

Un bref regard historique sur le recours à la force dans les relations interétatiques nous fait constater que l'attitude du droit international vis-à-vis de la guerre a vécu des changements considérables au cours des siècles. Déjà en 1625, en analysant la pratique étatique, Hugo Grotius distinguait différents types de guerre selon que leur cause était juste ou injuste. Pour être considérée comme juste, une guerre doit avoir un but ou une prétention légitime et, de ce fait, seule la guerre juste est légitime2.

Cependant, cette approche est restée purement doctrinale dans la mesure où, selon une idée largement partagée, les États ont toujours vu la guerre comme une expression de leur souveraineté3.

Pour identifier les premières institutions préfigurant le droit de la guerre moderne4, il faut remonter au Moyen-Âge. À cette époque, il existait deux doctrines totalement différentes : d'une part le « pacifisme » qui s'oppose à toute sorte de violence, et d'autre part la doctrine de « la guerre juste » qui légitime la guerre dès lors qu'elle est fondée sur une juste cause et

1Ian Brownlie, International Law and the Use of force by States, Oxford: Oxford University Press, 1963, pp.1 et ss.

2Peter Haggenmacher, Grotius et la doctrine de la guerre juste, Paris : Presses Universitaires de France, 1983, pp. 250 et ss.

3F.H. Hinsley, Sovereignty, Cambridge: Cambridge University Press, 2e edition, 1986, à la page 230. 4Haggenmacher, supra note 2, à la page 277.

déclenchée loyalement, c'est-à-dire sur la base d'une décision de l'autorité compétente. À cette époque, l'évocation par les États des motifs de justification des guerres entreprises ne relèvent pas d'une conviction d'être lié juridiquement.

Au XIXe Siècle, on a enregistré l'incorporation des premières notions limitatives du droit de recourir à la guerre dans le droit positif. Cette évolution juridique s'est surtout concrétisée dans le but d'éviter de donner à toute action armée la connotation de guerre. En d'autres termes, toute utilisation de la force n'est pas juridiquement synonymes de guerre5. Dans beaucoup de cas, les États ont trouvé refuge dans des notions comme les représailles armées, l'autopréservation ou encore l'intervention dite d'humanité. On est encore un peu loin d'une interdiction du recours à la force. Il s'agit plutôt d'une forme de réglementation dans le sens où l'on fait appel à des critères objectifs visant à limiter les cas de guerre « légitime ». En d'autres termes, les États doivent se justifier en des termes qui pourraient ouvrir la voie à un litige et qui pourraient être arbitrés par une personne tierce. Dans le même sens, on a commencé à accepter l'idée selon laquelle la guerre doit être le moyen extrême ; autrement dit il faut épuiser les procédures pacifiques avant de faire appel aux armes. Il est à noter que cette évolution a surtout touché la conduite des hostilités, ce qui a donné naissance au droit international humanitaire.

Cependant, le caractère destructeur et l'intensité des guerres du XXe siècle ont poussé la communauté internationale à franchir un pas décisif vers le bannissement de l'utilisation de la force dans les relations interétatiques. Les premières tentatives de limitation du recours à la force vinrent avec les conférences de la Paix de La Haye, en 1899 et en 1907. La première convention relative au règlement pacifique des conflits internationaux avait pour but « [...] de prévenir autant que possible le recours à la force dans les rapports entre les États »6. Parallèlement, une utilisation jugée abusive des représailles armées a donné naissance à une réaction à travers la deuxième convention de La Haye de 1907, dite Convention Drago-

5Brownlie, supra note 1, pp. 40 et ss.

6Article 1er de la Convention pour le règlement pacifique des conflits internationaux, conclue à La Haye le 18 octobre 1907, [en ligne] : [http :// www.admin.ch/ch/f/rs/i1/0. 193.2 12.fr.pdf] (page visitée le 25 juillet 2007)

Porter, dont l'intitulé officiel est « Convention concernant la limitation de l'emploi de la force pour le recouvrement des dettes contractuelles »7. Cette initiative diplomatique a vu le jour suite aux opérations armées exercées par l'Italie, l'Allemagne et le Royaume-Uni à l'encontre du Venezuela, en 19028. Ce dernier, suite à une grave crise financière, avait suspendu le remboursement de dettes contractées auprès de ressortissants étrangers. Le ministre argentin des affaires étrangères Drago avait formulé à cette occasion un principe selon lequel le recouvrement coercitif des dettes publiques était contraire au droit international. Le diplomate américain Porter a essayé, avec succès, de donner un caractère conventionnel à ce principe lors de la deuxième Conférence de La Haye, d'où le titre donné à cette Convention. L'article 1er de cette Convention stipule que : « les puissances contractantes sont convenues de ne pas avoir recours à la force armée pour le recouvrement de dettes contractuelles réclamées au gouvernement d'un pays par le gouvernement d'un autre pays comme dues à ses nationaux ».

Malgré sa portée limitée, cette Convention constitua tout de même un point de départ pour le bannissement progressif du recours à la force dans les relations interétatiques.

Suite au désastre de la Première Guerre mondiale, et bien que les États ne se soient pas prononcés en faveur d'une interdiction drastique de l'emploi de la force, une volonté de refouler la guerre a fait son apparition.

Dans le Pacte de la Société des Nations (SDN)9, les États ont accepté, dans certaines conditions, de ne pas recourir à la guerre (Préambule). Certaines guerres sont expressément devenues illicites comme, par exemple, la guerre d'agression, interdite en vertu de l'article 10 du Pacte.

7Voir Nico Schrijver, infra note 14, à la page 440.

8Brownlie, supra note 1, à la page 53.

9« Pacte de la Société des Nations » dans Annuaire de la Société des Nations, Genève, Édition de l'Annuaire, 1939.

La première innovation du Pacte réside essentiellement dans le fait que la guerre a été stigmatisée comme un mal à caractère international. L'article 11 par. 1 du Pacte énonce qu' : « il est expressément déclaré que toute guerre ou menace de guerre, qu'elle affecte directement ou non l'un des membres de la Société, intéresse la Société toute entière et que celle-ci doit prendre les mesures propres à sauvegarder efficacement la paix des Nations »10. La deuxième innovation du Pacte consiste en l'instauration d'une procédure de règlement des différends (articles 12 à 15 du Pacte). La licéité de la guerre dans le Pacte est devenue tributaire d'une procédure formelle.

Le pas décisif a été franchi par le Pacte général de renonciation à la guerre du 26 août 1928, dit Pacte Briand-Kellog11. Entré en vigueur le 24 juillet 1929, le Pacte s'appliquait à 63 États en 1939 et, de ce fait, bénéficiait d'une incontestable universalité, compte tenu du nombre des États à cette époque coloniale. L'article 1er du Pacte énonce que : « les Hautes Parties contractantes déclarent solennellement qu'elles condamnent le recours à la guerre pour le règlement des différends internationaux et y renoncent en tant qu'instrument de politique nationale dans leurs relations mutuelles ».

Quant à l'article 2, il stipule que : « Les Hautes Parties contractantes reconnaissent que le règlement de tous les différends ou conflits, de quelque nature ou de quelque origine qu'ils puissent être, qui pourront surgir entre elles, ne devra jamais être recherché que par des moyens pacifiques ».

Par sa formulation générale et son caractère universel, cet instrument international a placé des limites au caractère discrétionnaire du recours à la guerre, en le soumettant à une norme

10Ibid.

11 Voir les Grands Traités de la France, [en ligne] :

[http :// www.diplomatie.gouv.fr/archives/dossiers/grand_traites/XXe/briand_kellogg/traite.htm] (page visitée le 25 avril 2007)

En 1927, la France et les États-Unis ont entamé des négociations dans le but de renouveler un traité d'arbitrage. Briand, alors ministre français des affaires étrangères, a proposé de joindre à ce traité un engagement des deux États de renoncer à tout recours à la force dans leurs relations mutuelles. Kellogg, son homologue américain, a ensuite suggéré d'élargir la négociation à d'autres États en vue de conclure un traité multilatéral d'interdiction générale de la guerre.

conventionnelle multilatérale. Il est une affirmation finale que la guerre et ses motivations ne sont pas la propriété exclusive du souverain, mais qu'elles sont reconnues d'intérêt international. En effet, « the 1928 General Treaty for the Renunciation of War as an Instrument of National Policy became of almost universal application, playing a considerable role throughout that era »12.

En pratique, on peut dire que ce Pacte a constitué un précédent important pour l'idée que le droit international pourrait réglementer l'usage de la force. C'est le tournant définitif entre un ius ad bellum partiel annoncé dans le Pacte de la SDN, et le ius contra bellum de l'après 1928. C'est ainsi que les tribunaux militaires internationaux de Nuremberg et de Tokyo ont pris ce pacte comme base juridique pour condamner les responsables politiques allemands et japonais.

Cependant, bien que le Pacte ait posé le principe de la recherche obligatoire d'un règlement pacifique, il contenait diverses lacunes. La plus importante réside dans le fait qu'il n'a pas interdit le recours à la force d'une façon générale, mais seulement le recours à la guerre. En d'autres termes, les mesures militaires en deçà de la guerre restaient licites. Quoi qu'il en soit, malgré ces lacunes, il faut tout de même apprécier les progrès du Pacte de 1928 par rapport à celui de 1919. En effet, le pacte Briand-Kellog « revêt une importance historique capitale dans le mouvement des peuples et des gouvernements en faveur de la paix. Il consomme une rupture définitive avec la théorie classique du justi hostes [...] Il crée un nouveau droit international de la guerre pour l'éternité »13.

À l'issu de la Deuxième Guerre mondiale, les violations répétées du Pacte Briand-Kellog n'ont pas pu en soi renforcer l'idée que l'emploi de la force est illégal : pour cela, il a fallu « préciser l'obligation de règlement pacifique des différends, interdire tout recours à la force

12Cançado Trindad, « Cours général de droit international public », Académie de droit international de La Haye, Recueil des cours, volume 316, 2005, à la page 124.

13Hans Wehberg, « L'interdiction du recours à la force. Le principe et les problèmes qui se posent », Académie de droit international de La Haye, Recueil des cours, tome I, 1951, à la page 129.

et mettre en place un système effectif de sécurité collective »14. C'est dans ce but que la Charte des Nations Unies a été conçue en 1945. La paix et la sécurité internationales constituent en quelque sorte la raison d'être de cet instrument international. D'ailleurs, ces deux termes ont été cités 28 fois dans le texte de la Charte. Il n'est pas excessif de dire que le système instauré, en matière de recours à la force, par la Charte en 1945 est d'une importance majeure pour l'ensemble du système juridique international de l'après-guerre.

Toutefois, la fin du XXe siècle a soulevé, pour le régime du recours à la force, des défis concernant son exhaustivité et sa pertinence à la fois matérielle et temporelle. L'examen de la validité actuelle du régime en tant que régime juridique intégré et exhaustif implique de considérer de façon systématique à la fois la mécanique du système -- en partant aussi de l'existence de défis traditionnels posés au régime depuis 1945 -- et les développements récents. Ces derniers remettent en question de diverses manières ce système d'une part, en ravivant les critiques traditionnelles et les interprétations moins prohibitives de la Charte en matière de recours à la force et, d'autre part, en y ajoutant des formes de justifications hors Charte.

L'objectif est de voir de quelle manière la promesse de la Charte est mise en jeu à la fois par les développements récents de la politique internationale et les justifications juridiques qu'ils ont fait naître. L'objectif plus circonscrit est de rechercher une approche synthétique, qui part d'une vision systématique de la question de l'usage de la force dans la Charte, pour ensuite rechercher le caractère systématique des modes d'argumentation mettant en question -- d'une manière ou d'une autre -- la compréhension traditionnelle de la Charte. C'est dans ce sens que l'on pourra évaluer si le système de la Charte, au-delà des critiques ponctuelles, est à présent réellement en danger d'être mis dans une situation de caducité.

14Nico Schrijver, « Article 2 paragraphe 4 », dans Jean-Pierre Cot, Alain Pellet et Mathias Forteau (dir. pub), La Charte des Nations Unies, Commentaire article par article, Paris : Économica, 3e édition, 2005, à la page 442.

La Charte a établi une sorte de « contrat social international » en se fondant sur l'idée que la paix est un bien indivis. Savoir si ce « contrat social international » traverse une crise constitue une question très importante. En effet, les récents modes de légitimation du recours à la force montrent l'existence d'une tendance qui vise la mise à l'écart du système de la Charte, au profit de l'action unilatérale. Plus encore, ces nouvelles argumentations se veulent systématiques dans le sens où l'on parle d'usage « légitime » de la force et non plus seulement d'usage « légal » de la force. Évidemment, cela aura un impact sur le caractère exhaustif de la Charte. Aujourd'hui, le défi pourrait résider dans le fait que toutes les nouvelles argumentations se présentent comme un système alternatif.

D 'un point de vue purement méthodologique, notre travail de recherche sera de type exégétique traditionnel. Il s'agit essentiellement de se lancer dans un débat doctrinal d'actualité et de systématiser la production doctrinale récente en matière de réglementation de l'usage de la force, en se fondant sur les interprétations classiques à la fois du système et de ses critiques.

Pour mener à bien notre travail de recherche, nous allons essayer, dans une première partie, de présenter le système de la Charte, en développant les explications sommaires présentées ci-dessus, tout en insistant sur son caractère exhaustif, tel qu'il se manifeste dans les prises de positions des États, des Nations Unies, de la doctrine et de la jurisprudence en la matière. La deuxième partie sera consacrée à l'analyse des nouvelles formes de légitimation, en mettant l'accent sur leur caractère systématique, c'est-à-dire en les considérant comme un ensemble de positions théoriques et doctrinales pouvant être catégorisées, par rapport à leur relation, au caractère exhaustif de la Charte. Cette analyse sera abordée à travers trois domaines ou trois objectifs de l'utilisation de la force : l'intervention humanitaire, la guerre contre le terrorisme et la force préventive.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius