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Essai de synthèse des nouveaux modes de légitimation du recours à la force et de leurs relations avec le cadre juridique de la Charte des Nations Unies

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par Anis Ben Flah
Université du Quebéc à Montréal - LLM 2008
  

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2.1.2. Les problèmes d'interprétation

L'interprétation de la notion de légitime défense par les États et par la doctrine, depuis l'adoption de la Charte des Nations Unies, n'a pas été des plus heureuses malgré la clarté de l'article 51. En effet, on a assisté à un certain élargissement de ce concept.

64Ibid., à la page 122, par. 237.

65Voir ONU, Doc, A/56/10 août 2001. Commentaire de la Commission du droit international sur le projet d'articles sur la responsabilité de l'État pour fait internationalement illicite.

66Sicilianos, supra note 57, à la page 44.

Comme on l'a déjà mentionné la légitime défense consiste en une riposte armée face à une agression armée, toutefois certains auteurs considèrent que l'agression armée ne constitue pas une condition sine qua non pour se situer dans le cadre de l'article 51 puisque « whilst it is conceded that the right of self-defence generally applies within the context of force, it is neither a necessary nor accurate conclusion that the right of self-defence applies only to measures involving the use of force »67. C'est dans ce sens que l'on commencé à parler de « légitime défense économique », d'embargo ou de boycottage comme mesures de légitime défense. Cette thèse extensive n'est qu'une simple confusion conceptuelle, et n'a pas de base dans la pratique étatique. Elle revêt malgré tout un caractère dangereux car elle étire considérablement et d'une façon potentiellement illimitée la notion d'agression et, par conséquent, la notion de légitime défense qui en est un corollaire. D'ailleurs, dans l'affaire des Activités Militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, la CIJ a refusé d'une part, d'assimiler l'embargo à une mesure de légitime défense et, d'autre part, de donner à cette dernière une portée englobant des mesures à caractère économique68.

Dans le même ordre d'idées, on a essayé de multiplier les faits illicites ouvrant la voie à la légitime défense et ce, en cherchant des fondements et des arguments en dehors du système de la Charte. C'est ainsi qu'a été évoqué en particulier le droit coutumier antérieur à l'adoption de la Charte. En d'autres termes, selon cet argumentaire, cette dernière n'aurait pas affecté le droit coutumier de légitime défense qui lui est antérieur69. Pour les défenseurs de cette interprétation, les États ont, par exemple, le droit de recourir à la force non seulement pour se défendre contre une agression armée, mais encore pour protéger leurs ressortissants à l'étranger et leurs biens70. Or, dans le droit international classique, aucune place n'était, à proprement parler, réservée pour la notion de légitime défense, puisque le recours à la force était permis dans n'importe quel but. De ce fait, selon les termes du professeur Sicilianos, cette interprétation :

67Derek Bowett, Self-defence in International Law, Manchester : Manchester University Press, 1958, à la page 270.

68Nicaragua c. États-Unis, supra note 27, pp. 377-378.

69Bowett, supra note 67, pp.22-25.

70Ibid., à la page 11.

[s]e fonde sur des prémisses douteuses [...] [L]a quasi-totalité de la pratique étatique citée à l'appui de l'idée selon laquelle la Charte n'aurait pas reflété le droit coutumier antérieur, se situe au XIXe siècle, c'est-à-dire à une époque où la notion de légitime défense n'avait pas acquis une autonomie conceptuelle et juridique. Étant donné que ladite notion n'a pu émerger en tant que justification de l'emploi de la force qu'a partir du moment où celui-ci venait précisément d'être réglementé [...] plusieurs éléments conduisent à penser que durant la période critique de l'entre deux guerres la légitime défense était généralement conçue comme une réaction face à une attaque, une invasion ou une agression armée71.

L'exigence d'une agression armée formulée par l'article 51 comme critère nécessaire de la légitime défense ne « faisait que traduire et cristalliser la tendance claire »72 qui se dégageait de la pratique étatique entre les deux guerres, et que cette période a été critique pour la formation du droit coutumier en la matière73. Cela nous pousse à affirmer qu'il existe, sous le régime de la Charte, un lien indissoluble entre l'agression armée et la légitime défense comme faculté. Cette manière de voir a été corroborée par l'évolution contemporaine du droit de légitime défense. En effet, dans l'affaire des Activités Militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, la C.I.J a déclaré que :

Si un État agit d'une manière apparemment inconciliable avec une règle reconnue, mais défend sa conduite en invoquant des exceptions ou justifications contenues dans la règle elle-même, il en résulte une confirmation plutôt qu'un affaiblissement de la règle, et cela que l'attitude de cet État puisse ou non se justifier en fait sur cette base74.

En d'autres termes, il n'est pas nécessaire « pour qu'une règle soit coutumièrement établie, [que] la pratique correspondante doive être rigoureusement conforme à cette règle»75. Les propos de la Haute Juridiction viennent infirmer l'idée selon laquelle le droit coutumier, en matière de légitime défense, s'est modifié dans un sens plus permissif depuis l'adoption de la Charte des Nations Unies.

71Sicilianos, supra note 57, à la page 297.

72Ibid., à la page 299. 73Ibid., à la page 298. 74Nicaragua c. États-Unis, supra note 27, à la page 98, par. 186.

75Ibid.

L'arrêt de la C.I.J a également clarifié un autre point d'une importance capitale, à savoir la mention dans l'article 51 du « droit naturel » (en anglais « inherent right ») de légitime défense puisque, pour la Cour, l'article 51 de la Charte n'a de sens que s'il existe un droit de légitime défense « naturel » ou « inhérent », dont on voit mal comment il ne serait pas de nature coutumière, même si son contenu est désormais confirmé par la Charte et influencé par elle76. Certains auteurs ne partagent pas l'avis de la Cour et considèrent que « la qualification du droit de légitime défense comme "naturel", "inherent" ou "immanente" [en espagnol] n'a pour but que de souligner dans ce contexte son caractère fondamental »77. Pour Sicilianos, cette minimisation de l'importance de la mention du « droit naturel » de légitime défense, dans l'article 51, vise essentiellement à repousser le point de vue opposé qui fait de ce terme son principal argument78.

Toutefois, nous sommes d'avis que reconnaître un caractère coutumier à la légitime défense ne signifie pas que l'on doit accepter son invocation en dehors d'une agression armée. Autrement dit, le droit coutumier continue d'exister à côté du droit conventionnel.

L'autre problème ayant suscité la controverse au sein de la doctrine est celui de la valeur juridique de l'article 51 ou, en d'autres termes, la question de savoir si les dispositions de cet article sont impératives ou non. D'une façon plus claire il s'agit de répondre à la question suivante : Peut-on écarter le jeu de la légitime défense ?

Étant donné que la légitime défense implique toujours le recours à la force, et que le principe de non-recours à la force constitue une règle de jus cogens par excellence c'est-à-dire qu'on ne peut y déroger ou le modifier en aucun cas, nous pouvons arriver à la conclusion que les deux ont la même valeur juridique. Tout traité qui écarte la légitime défense en cas d'agression armée serait frappé d'une nullité absolue. On trouve la confirmation de ce point de vue dans le projet de la CDI sur la responsabilité des États et, plus précisément, dans son

76Ibid., à la page 94, par. 176.

77Jaroslav éourek, L'interdiction de l'Emploi de la Force en Droit International, Genève : Institut Henry-Dunant, 1974, à la page 97.

78Sicilianos, supra note 57, à la page 302.

commentaire de l'article 34 puisque « se sont aussi créées les conditions de l'affirmation définitive de l'autre règle, parallèlement et également impérative, qui prévoit que la légitime défense comme limitation à l'interdiction dictée par la première règle [interdiction du recours à la force] »79.

Il est à préciser que dire que la règle autorisant la légitime défense revêt un caractère impératif ne signifie en aucun cas qu'elle soit illimitée, puisque sa portée s'étend « jusqu'à ce que le Conseil de sécurité ait pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales »80, comme nous l'avons déjà vu.

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