III-4 L'INTENDANCE DE L'HOMME DANS LA CRÉATION
L'homme a été créé pour vivre en
relation avec Dieu, et cela est bien sûr valable dans la mise en oeuvre
concrète de sa mission sur cette terre. En effet, le Seigneur et le
Maître de la Création n'est pas l'homme, mais Dieu. L'auteur nous
l'a maintes fois répété lorsqu'il nous montrait Dieu
nommant les réalités qu'il venait de créer : « Dieu
appela la lumière jour, et les ténèbres nuit » (Gn
1,5). Or, dans la mentalité biblique, « donner un nom » c'est
être le Seigneur et le Maître de la réalité que l'on
nomme. Si la vocation de l'homme est de « dominer » la terre, cette
vocation ne pourra donc que s'exercer dans le cadre plus général
de l'unique Seigneurie de Dieu.
L'homme apparaît donc ici comme « l'intendant de
Dieu », « son mandataire libre et responsable ». De plus, dans
ses prises de décisions, il devra toujours se référer
à son Seigneur et aux valeurs qui sont les siennes, car c'est Lui et Lui
seul qui sait ce qui est bon ou pas, ce qui est bien ou pas. Il est l'unique
« Juge » de l'univers. La recherche du
« bien », du « beau »du
« bon » ne pourra donc que se réaliser dans le cadre
d'une relation avec Celui-là seul qui est à l'origine du
« bien » du « beau », du
« bon », Dieu lui-même. Ce n'est qu'ainsi que l'homme
pourra « cultiver et garder » la terre (Gn 2,15), deux verbes
hébreux que l'on pourrait aussi traduire par « servir et
protéger ». Alors il sera vraiment « à l'image et
ressemblance » de son Créateur et Père.
Précisons maintenant le sens de ce mot « adam
» en Gn 1,26. Lorsque Dieu dit : « Faisons l'homme, na`aséh
`adam », ce singulier « Adam » est aussitôt suivi d'un
verbe au pluriel : « et qu'ils dominent ». « Adam » ne
renvoie donc pas ici à une personne humaine unique, mais à
l'humanité tout entière. Chaque personne humaine a donc
été créée à « l'image et ressemblance
de Dieu » mais c'est aussi l'humanité en son ensemble qui est
appelée à l'être.
Seul le Nouveau Testament permettra d'approfondir cette
perspective en nous révélant que Dieu est Mystère de
Communion de Trois Personnes divines distinctes dans l'unité d'un
même Esprit. Tous les êtres humains, issus d'un même
Père et donc tous frères, sont ainsi appelés par Dieu
à ne former qu'une seule et même famille, un seul et même
Mystère de Communion dans l'unique Esprit, à l'image et à
la ressemblance de Dieu. S'agissant de la famille humaine, cette maison c'est
la terre, le milieu que le Dieu Créateur nous a donné pour que
nous y habitions de manière créative et responsable. Nous devons
avoir un ardent souci pour l'environnement : il a été
confié à l'homme pour qu'il le garde et le protège dans
une liberté responsable, en ayant toujours en vue, comme critère
d'appréciation, le bien de tous.
Cette perspective d'une humanité « Mystère
de communion » à l'image et à la ressemblance de Dieu «
Mystère de Communion » appartient déjà à
l'ordre des réalités si l'on fait référence au
second récit de la création où la vie de l'homme nous est
présentée comme prenant sa source dans la Présence de
Dieu, au plus profond de son être Divin, son Esprit Saint, cet «
Esprit qui vivifie » (Jn 6,63 ; cf. Ga5, 25). Cette communion de vie unit
ainsi chaque être humain à Dieu et à son semblable. Mais
puisque nous sommes sur cette terre des êtres en devenir, tout notre
travail consiste à faire en sorte que cette potentialité qui nous
habite déjà puisse pleinement s'épanouir dans toutes les
dimensions de notre être. Ainsi, tout ce qui unit les hommes entre eux,
tout ce qui les réunit, tout ce qui contribue à les faire
travailler ensemble au bien commun de tous, appartient au projet de Dieu.
L'humanité est une multitude d'êtres différents, dont les
différences nourrissent d'ailleurs les relations, unis dans la communion
d'une même Vie et travaillant ensemble au bien de tous. Et ce « bien
» est perceptible à tous car c'est la présence de ce souffle
de Dieu, de cet Esprit de Dieu à la racine du Mystère de notre
Être, qui est à l'origine de ce que nous appelons notre «
conscience ». Cette « loi inscrite dans le coeur de tout homme, la
loi naturelle inscrite dans le coeur de l'être humain et
manifestée à lui par la raison » qu'on nomme conscience, est
la conséquence directe de la Présence de l'Esprit de Dieu au plus
profond de chaque être humain. Un Esprit qui nous donne de participer
à l'insondable richesse de Dieu Lui-même. Et cet Esprit apporte
avec Lui toutes les valeurs inhérentes au Mystère de Dieu :
altruisme, bienveillance, droiture, justice, vérité, patience,
respect et tolérance pour le bien être de la famille humaine.
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