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Potentiel des friches industrielles des secteurs de gare pour un développement urbain durable

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par Marianne Thomann
Université de Lausanne - Licence ès Lettres 2005
  

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I

PREMIERE PARTIE: DEVELOPPEMENTS
THEORIQUES

2. Forme urbaine et développement durable

La mise en valeur des friches urbaines peut être abordée à des échelles géographiques différentes:

Au niveau local, qui est le plus directement visible, les friches en milieu urbain portent atteinte à la qualité de vie des lieux, réelle et perçue. Symptômes d'une dévitalisation économique, elles provoquent une rupture dans le tissu urbain, et posent des problèmes d'accessibilité aux usagers de la ville: ce sont des lieux qu'on évite plus qu'on ne traverse. Les friches véhiculent d'autre part une image négative, qui bien souvent affecte l'attractivité du quartier dans son ensemble.

A l'échelle régionale, d'une ville et de son agglomération, les friches, en tant que réserve foncière, représentent une opportunité de développer l'urbanisation à l'intérieur du tissu bâti plutôt que de manière étalée, comme c'est le cas aujourd'hui. Le développement actuel des villes ne satisfaisant pas aux critères d'un développement durable, de nombreuses réflexions sont menées sur la recherche d'une forme urbaine plus à même d'y répondre. Dans ce contexte, l'utilisation des friches industrielles des secteurs de gare prend une dimension tout à fait particulière: non seulement parce qu'elles sont intraurbaines et peuvent orienter le développement de l'urbanisation, mais aussi parce qu'elles sont placées sur des noeuds de transports publics et peuvent influencer les choix de mobilité, qui eux-mêmes ont un impact essentiel sur la forme et la structure urbaine.

Nous allons dans ce chapitre nous consacrer à la seconde échelle d'analyse, et discuter du lien entre forme urbaine et développement durable. Nous aurons l'occasion d'aborder l'échelle locale dans le chapitre 3.

La question qui nous occupe est la suivante: est-ce qu'un développement urbain à l'intérieur du tissu bâti, autrement dit une densification du tissu urbain, peut mener les villes à plus de durabilité ? Pour répondre à cette question, nous allons tout d'abord définir en quoi la forme étalée qui caractérise nos villes est un modèle de développement non durable. Puis nous expliquerons pourquoi le modèle d'une ville plus compacte et ses principales caractéristiques - densité, mixité, structuration par les transports publics - sont sujets à débat. Nous exposerons enfin pourquoi et sous quelles conditions nous nous portons en faveur d'une densification du tissu urbain pour un développement écologiquement soutenable, socialement acceptable et économiquement viable.

2.1 Etalement urbain et durabilité: un constat

There are some who think that the city as we know it has no future (...). However, with an ever-growing majority of the globe 's population living in conurbations we cannot simply abandon the city. (...) We cannot afford not to sustain the city (Frey, 2001: 22). En effet, les enjeux posés par le développement actuel des villes sont cruciaux pour l'avenir de la planète: il est urgent qu'elles prennent une voie plus durable. Mais que sait-on de la ville durable ? Peu de choses si ce n'est que la forme et la structure d'une ville ont une influence sur sa durabilité économique, écologique et sociale. Les politiques territoriales peuvent donc avoir un impact non négligeable sur la durabilité urbaine: l'aménagement

du territoire en particulier, en agissant sur la localisation des activités humaines et les infrastructures de transport, a un rôle primordial a jouer.

Un certitude tout d'abord: nos villes s'étalent. Ce phénomène n'est pas nouveau: avec l'évolution des transports, permettant de parcourir des distances toujours plus longues à temps constant, l'espace-temps s'est contracté. Dans un premier temps, l'étalement urbain fut causé par les transports en commun: les trains puis les tramways ont structuré les villes de l'époque industrielle, et engagé un processus de suburbanisation (Tableau 1). En effet les gares, en permettant une accessibilité aisée aux communes éloignées, ont accéléré la croissance de ces dernières (Ragon, 1984). Cet étalement restait cependant relativement concentré, linéairement ou ponctuellement.

Figure 1. Transports et production d'espaces urbains

(Marcadon, 1997)

Avec l'explosion de l'automobile dès les années 1960, l'étalement atteint alors une autre échelle et change de forme: il n'est plus linéaire et structuré selon les axes de transport en commun, mais devient multidirectionnel et diffus. Beaucire (Certu, 2000) parle d'un urbain aréolaire. La métaphore de la tache d'huile décrit bie n le processus selon lequel les villes semblent s'écouler en une fine couche de faible densité, en grignotant petit à petit les espaces qui les entourent. Si la muraille, puis la continuité du bâti déterminaient la ville d'autrefois, peu à peu, avec l'efficacité des transports qui permet de vivre loin du centre-ville tout en y étant fonctionnellement rattaché pour le travail, les achats et les loisirs, l'appartenance d'un territoire au milieu urbain dépend plus de critères fonctionnels que de critères morphologiques. Pour preuve les couronnes successives du suburbain et du périurbain, peuplées de citadins qui vivent selon un mode urbain et

pendulent vers la ville centre (ou vers un autre point de l'agglomération) (Tableau 1). L'urbain recouvre désormais pratiquement l'ensemble du territoire, de manière continue, déstructurée et étalée.

En outre, l'étalement produit une ville de plus en plus difficile à gérer et à coordonner, dépassant les limites administratives de la commune d'origine pour englober les communes voisines, proches et moins proches. Cette perte de cohérence entre les ensembles territoriaux et les échelons administratifs desquels ils dépendent rend d'autant plus difficile une utilisation parcimonieuse et réfléchie du sol.

Tableau 1. Tableau synthétique des processus historiques d'urbanisation

Processus Période Espace urbain Mesures statistiques

Croissance

1880-1914

Ville (fusions

Statut

urbaine

 

communales)

institutionnel

(Suburbanisation)

1920-1945

Agglomération morphologique

Continuité du bâti

Suburbanisation

1945-1965

Agglomération urbaine

Caractères structurels

Périurbanisation

dès 1965

Région urbaine

Flux (pendularité)

Métropolisation

dès 1985

Métropole - réseau urbain

(régionalisation)

(tableau d'après Schuler, 20 janvier 2003)

L'étalement urbain a des causes identifiables mais ses mécanismes sont encore mal connus, car d'une grande complexité. La voiture individuelle opère comme le moteur du processus en permettant un développement urbain peu dense, une séparation et une dispersion des fonctions (logement, industrie, tertiaire, commerces, artisanat, loisirs), ainsi qu'une ségrégation sociale de la population, en fonction du revenu et de la possession d'une voiture. Cette diffusion ségréguée des personnes et des activités sur un vaste territoire augmente les besoins en mobilité, auxquels, vu la nature multidirectionnelle du tissu urbain, seule la voiture peut répondre. On entre donc dans un cercle vicieux dont le facteur permissif est la voiture individuelle.

Les causes de l'étalement urbain sont de diverses natures (Tableau 2): elles relèvent pour une part de nuisances objectives (pollution et bruit du centre ville), d'aspirations individuelles issues d'une certaine société à un moment donné (« mode ») tels que le désir de vivre près de la nature, la valorisation de l'accession à la propriété d'une maison individuelle ou du confort individuel offert par la voiture, et enfin de politiques publiques à incidences spatiales. Camagni et al. (2002) relèvent que les facteurs suivants favorisent l'étalement de l'urbanisme résidentiel: la détérioration de la qualité de vie de la ville historique, l'investissement des centres par le tertiaire, l'orientation des goûts et styles de vie vers des logements spacieux et décentrés - favorisée par l'augmentation des revenus, ainsi que la facilité tant institutionnelle que financière de construire sur des sites vierges plutôt qu'à l'intérieur du tissu urbain. Mais l'étalement n'est pas causé uniquement par

l'habitat, qui ne représente par exemple que 54% des nouveaux espaces urbains des zones urbaines parisiennes. Les activités économiques tendent également à s'implanter dans des zones plus périphériques pour des questions de prix fonciers, d'accessibilité réduite au centre, ou encore du fait du développement de nouveaux modèles d'offre commerciale basés sur la voiture (Fouchier, 1997) . Naissent alors des espaces urbains « intermédiaires », conçus sur le modèle des déplacements automobiles: ces « edge cities », caractéristiques des Etats-Unis, se retrouvent aujourd'hui dans la plupart des agglomérations européennes. Enfin, les politiques publiques à impact territorial, telles que transport, logement, promotion économique, peuvent également contribuer à encourager l'étalement urbain diffus.

Tableau 2. Facteurs de l'étalement urbain

Nuisances Progrès techniques Tendances sociales Politiques

Prix fonciers

Vitesse des transports

Logements spacieux

Logements (accès
à la propriété)

Congestion

 

Familles

 
 

Coûts voiture/revenu

décomposées

Transport

Bruit

 

Propriété privée

(investissements
route/rail)

Pollution

 
 
 
 
 

Possesion d'une
voiture

Stationnement

 
 

Augmentation du
niveau de vie

 

Structurées selon ce modèle, les villes occidentales ne sont pas durables, tant au niveau local qu'à l'échelle de la planète. Les conséquences au niveau global sont extrêmement négatives. Les villes ne fonctionnent pas en boucle fermée: elles puisent des ressources et rejettent des déchets comme tout métabolisme organique. Nos villes consomment des quantités de ressources naturelles considérables (sol, pétrole, eau etc.), et rejettent des déchets polluants (CO2, ordures, eaux usées). La responsabilité des villes dans le réchauffement climatique ne fait notamment plus aucun doute. La consommation de sol et de ressources premières, ainsi que les nuisances dues au trafic motorisé individuel, sont maximales dans une ville étalée où les bassins de vie s'élargissent au détriment des surfaces d'assolement et agricoles, les structures pavillonnaires de faible densité se développent, et où la pendularité motorisée entre communes périurbaines et centrales augmente. La consommation d'espace par l'utilisation de la voiture (routes, parkings) ainsi que la pollution qui en résulte nuit à l'environnement et à la qualité de vie. L'étalement, en grignotant peu à peu les espaces ruraux, transforme les villes en de vastes agglomérations de faible densité, sans structure, sans véritable qualité ni urbaine ni rurale, où il n'est pas possible de se déplacer autrement qu'en voiture. La ville étalée produit également des ségrégations sociales à travers le territoire: les différentes parties de l'agglomération (le centre, les couronnes, le périurbain, le rurbain) comprennent des populations diverses en fonction des nuisances et avantages prêtés à chaque territoire

selon l'appartenance socio-professionnelle et la position dans le cycle de vie. Les couches aisées de la population partent s'établir « à la campagne » à un certain moment de leur cycle de vie - généralement lié à la naissance des enfants -, participant au processus d'étalement. A l'inverse, le centre et les communes suburbaines de la première couronne des agglomérations tendent à concentrer les couches sociales défavorisées; le concept de A-Stadt pour Alte, Arme, Alleinstehende, Auszubildende, Ausländer et Arbeitslose décrit bien cette situation. Le centre tend de plus à perdre ses habitants sous l'effet de la tertiairisation. Enfin, en termes économiques, la ville étalée coûte cher: la construction et l'entretien des infrastructures sont coûteux, la mobilité motorisée congestionne la ville et son économie, et augmentent les coûts de la santé (pollution, accidents). Plus généralement, la qualité de vie est mise à mal dans une ville étalée, ségréguée, zonée, où la voiture domine.

A partir de ce constat, il semble clair que le développement actuel des villes n'est pas durable et qu'il faut chercher des solutions visant à freiner la diffusion et l'éclatement de l'urbanisation.

Les trois éléments qui sont mis en avant par les opposants à une ville étalée sont de construire plus dense, plus mixte - fonctionnellement et socialement -, et de structurer la ville selon des réseaux de transports publics. L'association de ces trois éléments vise à réduire les besoins en mobilité auxquels seule la voiture individuelle peut répondre. En associant ces trois paramètres, le but est de favoriser une « ville des trajets courts », piétonne, mais aussi une ville où, pour les trajets plus longs, les transports publics sont attractifs.

Des transports en commun attractifs impliquent qu'ils soient efficaces (rapidité, prix, confort) mais aussi capables de desservir les gens et les activités de manière judicieuse. Autrement dit, la correspondance entre la structure du réseau et celle du tissu bâti est primordiale pour que l'utilisation de ce mode soit compétitive. Dans des villes où le bâti est déjà passablement diffus, il s'agit donc de localiser les nouvelles activités et de densifier en priorité les espaces desservis par les transports publics.

Cependant, la promotion de la densité, de la mixité et des transports publics comme outils de frein à l'étalement urbain, voire même la lutte contre l'étalement elle-même, sont des propositions qui ne font pas l'unanimité parmi les chercheurs, bien qu'un consensus politique - au niveau idéologique du moins - semble s'être constitué très rapidement autour du modèle de « ville compacte », dense et mixte, et ce malgré la complexité des enjeux: although the actual effects of many of (the) claimed benefits (of the compact city) are far from certain, for now at least, urban compaction is a policy direction which is being followed (Williams et al., 1996: 83). En effet, suite aux premiers grands jalons que furent le rapport Brundtland en 1987 (United Nations, 4 août 1987), le Green Paper on the urban environment de la CEE en 1990 et la Conférence de Rio en 1992, la non- durabilité du développement actuel a été généralement reconnue et les mérites de la « ville compacte » pris comme argent comptant. Face à cet engouement collectif, certains incitent pourtant à plus de retenue:

Policies for creating higher density development, environmentally friendly design, and reduced reliance on private transport are in place in Europe, the UK and Australia. There is the likelihood of action being taken and solutions implemented, without an accurate understanding of the impacts they may have, nor how sustainable they may turn out to be. The theory would suggest beneficial outcomes, yet despite the advocacy and debate, many questions remain (Jenks et al. 1996: 6)

Breheny nous rend également attentif au fait que toute une série de questions pourtant
primordiales n'ont pas été prise en compte dans le débat: nous connaissons encore mal les

mécanismes de l'étalement urbain, la force du processus, sa durée, sa nature, ses mérites (1996). Thomas et Cousins se demandent d'ailleurs si la « ville compacte » est un modèle successful, desirable and achievable (1996: 53).

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard