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Potentiel des friches industrielles des secteurs de gare pour un développement urbain durable

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par Marianne Thomann
Université de Lausanne - Licence ès Lettres 2005
  

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2.3.4 Acceptabilité politique

Une question fondamentale doit être posée dans l'évaluation de la durabilité du processus de densification: c'est son acceptabilité politique. Comment organiser le développement d'une ville à forte densité de population en facilitant la circulation des piétons et des cyclistes et l'utilisation des transports en commun, alors que les habitants veulent se déplacer en automobile et vivre dans des maisons individuelles ? (Kaufmann et Jemelin, 2003: 329). Certains répondent en effet qu'une ville compacte n'est pas réaliste car elle va à l'encontre des aspirations de la population, et que cela est non durable en soi (Thomas and Cousins, 1996). Preuve en est que les densités de population des villes européennes ont diminué d'autant plus qu'elles étaient élevées à l'origine (Fouchier, 1997). Il y a eu donc véritablement une volonté de fuir la densité.

Est-ce que vivre en ville va continuer de répondre à une demande ? La périurbanisation n'est en effet pas le résultat de facteurs répulsifs - sur lesquels il est possible d'agir - uniquement: les qualités du périurbain telles que la proximité de la nature, la qualité de vie et la possibilité d'accéder à la propriété exercent une attraction sur les citadins. Quitter la ville, posséder une villa en périurbain et avoir une voiture semble constituer depuis longtemps une aspiration d'une bonne partie de la population.

Il semble pourtant que ce modèle soit aujourd'hui en perte de vitesse; selon une étude récente (APUMP, 2003), le désir de périurbain est aujourd'hui plus lié au cycle de vie (famille) qu'au sentiment de prestige social; d'autre part, le modèle de la maison individuelle ne domine plus autant dans une société où les femmes ont une activité professionnelle et où les couples sans enfants deviennent nombreux. Une enquête française effectuée en 1998-1999 (Kaufmann et Jemelin, 2003) révèle également que le modèle périurbain associant possession d'une automobile, maison individuelle et connectivité (liens sociaux), est un modèle dominant certes, mais qui surtout tend à s'imposer même à ceux qui auraient d'autres aspirations. Une autre enquête effectuée à Zurich (ARE, 2/03) montre aussi cette attraction pour la ville: trois quartiers citadins (caractérisés par une forte densité de construction, une effervescence économique, sociale et culturelle) et deux périurbains sont cités comme les cinq quartiers de l'agglomération où la qualité de vie est la meilleure. La pénurie de logements en ville, le retour de certaines catégories sociales aisées - jeunes cadres célibataires - dans les quartiers centraux attestent de l'attractivité du vivre en ville pour une partie de la population. Seulement, les possibilités soit d'y trouver un logement assez grand et à bon prix (pour les familles), soit d'avoir la possibilité d'accéder à la propriété dans des conditions favorables, y font obstacle. On voit donc que la croissance périurbaine découle autant d'aspirations individuelles que du système d'opportunité et de contraintes du marché du logement. L'attrait généralisé du périurbain n'est alors peut-être pas une fatalité (Kaufmann et Jemelin, 2003).

Un autre argument évoqué et présidant souvent au choix d'un logement en périphérie est le coût: les prix au centre dissuadent d'y résider. Et pourtant, en ce qui concerne la région parisienne du moins, il s'agirait d'un faux calcul si l'on en croit une étude de l'INRETS citée par F. Beaucire (Certu, 2000), qui montre que le budget transport augmente avec la distance au centre de telle manière que le budget transport-logement reste constant en tout point de l'agglomération parisienne.

Ces deux éléments - la perte de vitesse de l'attrait du périurbain et la constance du budget transport-logement avec la distance au centre - poussent à relativiser la pertinence des arguments qui défendent l'étalement urbain sous prétexte qu'il résulte uniquement des préférences individuelles. Nous voyons au contraire qu'il résulte aussi de contraintes, et que les politiques à impacts territoriaux - notamment la politique du logement - peuvent les influencer.

Mais peut-être serait-il bon également de se demander dans quelle mesure la liberté individuelle doit primer sur le bien commun. Car un développement urbain durable constitue sans aucun doute un bien commun. Seulement, il existe un décalage entre la reconnaissance de cet objectif et la responsabilité individuelle qu'il implique. La plupart d'entre nous se plaignent des nuisances (pollution, congestion, dégradation du paysage

par les constructions etc.) et adhèrent aux principes de changement (favoriser les transports publics, construire en ville plutôt qu'à la campagne)... pour les autres: c'est le si répandu syndrome du NIMBY, pour Not In My Back Yard5. Il est certain que, comme le disent Lévy et Fouchier, le chercheur n'a pas à faire des choix à la place des citoyens ou des politiques: son rôle est de « poser les enjeux sur la table » (cités in Certu, 2000: 122). Les changements doivent se faire avec la volonté populaire, c'est là l'essence même de toute société démocratique. Du reste, la légitimité des décisions politiques est la seule garantie de changements durables. Beaucire l'exprime bien au travers de ce discours politique imaginé sur les comportements en matière de transport, qui ne mènerait qu'à prendre les gens en otage: « Attention, pendant trente ans nous avons mis en place un dispositif d'accession et de transport qui vous a encouragé à rouler. Aujourd'hui, une légère erreur dans nos calculs nous amène à voir que l'on s'est trompé et nous allons donc changer la règle du jeu. Veuillez nous excuser pour la gêne occasionnée... » (cité in Certu, 2000: 143). Par contre, il est possible d'agir sur les mécanismes qui poussent les gens à adopter des comportements non durables en les identifiant, et de proposer de véritables alternatives.

En conclusion, nous voyons qu'une ville compacte sans développements à l'extérieur de ses limites n'est pas viable compte tenu des préférences individuelles d'une partie de la population. Par contre, une ville polynucléaire dense et structurée par les transports publics, avec une possibilité, limitée, de créer de nouveaux quartiers périurbains à condition qu'ils soient plus denses et desservis efficacement par les transports publics, est une alternative préférable qui permet de concilier frein à l'étalement urbain et volontés individuelles. Mais surtout, il s'agit de favoriser le vivre en ville par une meilleure qualité de vie et une accessibilité facilitée au logement et à la propriété, pour que ceux qui doivent ou souhaitent vivre en ville puissent le faire dans les meilleures conditions possibles.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery