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La sexualité en milieu scolaire dakarois: comportements, connaissances et perceptions liés au VIH/SIDA

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par Ndeye Ami Niang
Université Cheikh Anta Diop de Dakar - Master 1 recherche 2007
  

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I-2 Revue de la littérature existante

Le thème de la sexualité se retrouve au centre de notre recherche. On a souvent tendance à l'allier avec celui du comportement sexuel avec qui il reste très lié aussi bien dans le langage parlé que dans la réalité des choses.

A ce sujet, il est important de souligner que la littérature n'est pas très florissante, en tous cas, dans le continent, jusqu'à l'apparition et le développement fulgurant de l'infection du VIH/SIDA. Il faut dire que l'Afrique a toujours souffert du manque de données scientifiques dans ce domaine-ci. Cela est dû à plusieurs raisons d'ailleurs, en premier lieu, pour les nombreuses cultures reconnues à ce continent, la sexualité est un domaine plutôt sensible, en second lieu, le manque de moyens pour reproduire des données scientifiques bien adaptées aux réalités socio culturelles de la région est un fait. En général, les méthodes utilisées pour avoir les résultats des réalités sociales nous viennent d'Europe ou d'Amérique et celles-ci souvent se heurtent à des obstacles dus à la différence de conception d'une culture à une autre.

Du coup, faire une revue de la littérature existante dans ce domaine revient à accomplir une tâche laborieuse.

C'est avec la diffusion et l'impact important de l'infection à VIH/SIDA que les écrits et les recherches à ce sujet vont commencer à affluer.23(*)De plus, ce sujet devait sembler secondaire aux yeux des chercheurs à coté de questions plus urgentes à l'époque comme la pauvreté, le sous-développement, la mortalité maternelle etc. A cette situation qui a fait que très peu d'écrits ont été fournis pour la production dans le domaine de la sexualité, s'ajoute le caractère tabou de la question qui reste tout de même sensible pour nos sociétés. Selon Vellay « pendant des générations, le mystère le plus complet a régné sur la sexualité : elle était fortement imprégnée de peur, d'angoisse, ce qui lui donnait un contexte dramatique 24(*) ». Après ce stade, il a fallu attendre la découverte du Sida associée à une montée fulgurante de nombre de personnes infectées pour que les spécialistes comme les anthropologues, les démographes principalement, accordent de l'intérêt à la sexualité et aux comportements sexuels des populations, encore qu'ils ne se sont penchés que sur les comportements sexuels à risques d'IST/ VIH/ SIDA que sur la sexualité. Malgré les réticences à parler ouvertement de la sexualité dans plusieurs sociétés, les quelques études sur les comportements sexuels à risques révèlent un changement dans la pratique et les perceptions des populations. Ce changement qui est jugé très lent n'était constaté que dans les sociétés occidentales avant l'avènement du VIH/SIDA. A ce sujet, Le Jeune nous dit, « notre comportement en regard de la chose sexuelle est en constante évolution. [...]. La science avance à pas de géant et nous oblige à réviser nos attitudes en fonction des découvertes les plus imprévues et que la sexualité, n'échappe pas à ce dynamisme dans la mesure où telle conception admise hier, est périmée aujourd'hui ; telle certitude d'aujourd'hui sera peut être dépassée demain » 25(*). C'est cette évolution de la conception de la sexualité qui va offrir aux chercheurs l'opportunité de se préoccuper davantage de ce phénomène encore mal connu du fait des fausses idées qui lui sont associées.

En Afrique subsaharienne, par exemple, la plupart des études orientées vers la sexualité se sont concentrées principalement sur les comportements à risques d'une part et de la fécondité d'autre part. Ces études se sont davantage tournées vers les populations adultes (15 -49 ans). Quand celles-ci se font au niveau des plus jeunes, ce qui est rare, chez les adolescents par exemple, les données sont collectées dans le milieu scolaire, en dehors du cadre familial. Parce que dans ces cas là, ils sont plus facilement ouverts au thème, sont moins stressés de parler de sexualité avec à coté la présence des parents, et il est plus évident de les avoir en grand nombre dans ces circonstances. Cette perspective laisse pourtant apparaître quelques failles notamment l'exclusion des jeunes non scolarisés qui a tendance à s'élever en nombre dans les pays africains.

A travers les différents travaux consultés, les concepts privilégies étaient souvent rattachés aux comportements sexuels comme la prévalence, les représentations, les constructions sociales de la sexualité, et du Sida et des IST. Ces concepts étaient valorisés à cause du rôle qu'ils jouaient dans les campagnes de sensibilisations des populations pour l'adoption de comportement sexuel à moindres risques d'IST et de VIH.

En Afrique, la plupart des études traitant de la sexualité repose sur les données des Enquêtes Démographiques et de Santé (EDS). Elles constituent une source importante de données pour l'étude de l'activité sexuelle et du Sida en Afrique. Elles ont touché principalement des femmes d'abord et des hommes ensuite âgés de 15 ans et plus jusqu'à 54 ans. Les centres d'intérêt des ces enquêtes reposaient sur des questions liées à l'utilisation des moyens de contraceptions disponibles, à la bonne santé de l'enfant etc.

Malheureusement, ces enquêtes n'ont pas beaucoup d'informations sur les comportements de la sexualité et les attitudes, et les facteurs de risques. Le volet SIDA a été ajouté à partir de la phase EDS - II qui s'est déroulée de 1990 à 1993 avec 22 enquêtes dont la moitié en Afrique, mais cela n'a pas permis beaucoup d'analyses démographiques des comportements sexuels. Les travaux basés sur ces enquêtes n'ont pas assez exploité les aspects en rapport avec les comportements à risques et du SIDA. Ce qui de plus, fait la faiblesse de ces enquêtes, c'est qu'elles reposent en fait sur la standardisation des questionnaires élaborés à l'intention des populations d'enquête. Elles ne répondent pas spécifiquement aux besoins ou préoccupations des pays dans lesquels elles ont été élaborées car elles sont dans un cadre plutôt international ou régional. A notre avis, il faudrait une considération locale pour chaque pays ou localité. Cette approche ne permet pas une lecture et une bonne compréhension du phénomène, car la sexualité n'est pas la même partout, elle se manifeste différemment d'un groupe social à un autre. Elle n'est pas l'expression de la seule nature mais elle relève aussi du culturel. Elle est à la fois dynamique et est fonction d'un produit culturel, propre à chaque groupe.

Néanmoins, ces enquêtes ont l'avantage de permettre certaines analyses démographiques des comportements sexuels, et concrètement, elles ont permis de révéler les changements intervenus dans la vie sexuelle des Africains.

Par ailleurs, « il existe aussi des travaux sur les connaissances et le Sida réalisés à travers des enquêtes de types CA(C)P ( Connaissances, Attitudes , Croyances et Pratiques ), CAP( Connaissances , Attitudes et Pratiques ) ou RP ( Relations entre Partenaires ) » 26(*) . Ces enquêtes ont été supervisées par l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) entre 1988 et 1990 dans plus de 60 pays dont 21 en Afrique27(*). Elles sont plus centrées sur les comportements sexuels à risques et le SIDA que les EDS, et ciblaient les individus adultes (hommes et femmes) âgés de 15 ans et plus. Les variables principalement visées étaient la transmission contre le VIH/SIDA et la protection.

Cependant, les enquêtes de ce type peuvent sembler insuffisantes pour notre étude car elles ne mettent pas en avant les motivations de enquêtés. Pour nous, il est essentiel d'étudier la sexualité sous cet angle car il est impossible d'étudier les comportements sexuels sans pour autant voir les raisons qui font que les cibles (ici les jeunes) ont des rapports sexuels.

Par ailleurs, on concède à ces études d'avoir donner une certaine idée de l'activité sexuelle principalement sur les comportements sexuels à risques même si cela est sur une courte période.

Il existe aussi d'autres études réalisées dans beaucoup des pays africains mais c'est sur l'Afrique subsaharienne qu'elles ont le plus centrées. Il s'agit des Enquêtes à indicateurs multiples (MICS). Elles étaient destinées à la production statistique nécessaire à l'évaluation des progrès réalisés par le Sommet Mondial des Enfants (SME) tenu à New York en 1990. Ces enquêtes s'intéressent aux enfants et aux femmes, et privilégient en matière de sexualité, les variables directement liées aux comportements sexuels à risques du VIH/SIDA. Les questions posées sur le VIH/SIDA ne concernent que les femmes, à l'exclusion des adolescents, des adolescentes et des hommes. Ces enquêtes portent sur la connaissance du Sida, les moyens de protection, les fausses conceptions qui planent autour de la maladie, les moyens de transmission, les attitudes discriminatoires à l'égard des PVVIH, le niveau de connaissance de la transmission du VIH/SIDA ainsi que la connaissance et la pratique du test du Sida. Sur la sexualité, les comportements sexuels à risques saisis concernent l'âge au premier rapport sexuel, le rapport sexuel occasionnel non protégé ainsi que le multipartenariat. Ces enquêtes ont eu le mérite d'avoir analysé des questions très présentes dans la réalité et qui sont pour la plupart soit liées à la sexualité, soit des corollaires du VIH/SIDA comme la discrimination ou le test de dépistage.

Cependant, comme les enquêtes précédentes, celles-ci sont aussi jugées insuffisantes dans la mesure où elles ne prennent pas véritablement les motivations des enquêtés en compte, de plus elles sont jugées restreintes en raison du fait qu'elles s'adressent exclusivement aux femmes. En plus, elles sont plutôt générales, car n'ont pas assez abordé la sexualité. A cet effet il est important de souligner que pour résoudre une question qui semble aussi délicate que celle de la sexualité, il est important de connaître les sources de la question, et bien entendu, ceci passera des motivations individuelles qui sont un point qui s'avère utile à la compréhension du phénomène en question.

Ces grandes enquêtes internationales à savoir les EDS, les CACP et les MICS ont comme point commun d'être de vastes programmes destinés à faciliter tout type d'enquêtes dans le sens de la santé reproductive. Par ailleurs, cette revue de la littérature nous a permis de voir que ces enquêtes qui ont analysé la sexualité des jeunes ne l'ont abordée que dans une perspective comportementale. Aucune n'a essayé d'analyser ce phénomène dans une perspective dynamique à travers les motivations des individus par exemple, se limitant juste à l'analyser sous l'angle de la constatation. En effet, ces études se contentent de constater le comportement sexuel et ne s'intéressent pas aux causes probables. D'ailleurs, elles n'ont pas tenté de connaître les motifs pour lesquels les jeunes s'adonnent à la sexualité. Des variables comme l'ethnie ou la religion sont saisies de façon implicite ou parfois même inexploitée quand il s'agit de la biographie scolaire ou résidentielle des jeunes. Bref, plusieurs facteurs dont l'analyse permettrait une meilleure compréhension des causes de la sexualité des jeunes et de leur exposition aux risques d'IST et du VIH/SIDA n'ont pas intéressé ces recherches. Et c'est dans cette optique que l'intervention de notre étude s'avère pertinente car les raisons probables des comportements sexuels des jeunes n'y sont pas négligées et nous verrons cela dans les hypothèses, les objectifs et les indicateurs de l'enquête.

Ainsi, sans remettre en cause cette orientation, nous nous proposons une autre lecture de cette sexualité à travers une large littérature fournie par le biais des rapports réalisés à titre individuel ou non, respectivement, des chercheurs ou des organismes mais aussi par les mémoires de recherches d'étudiants en fin de second et /ou de troisième cycle ou d'ouvrages d'ordre académique. Ces recherches sont cependant moins vastes que celles que nous avons vues plus haut mais traitent aussi de questions très intéressantes et qui sont aussi en rapport avec la question que nous traitons dans notre analyse. Cette seconde partie va prendre un autre élan par rapport à la littérature précédente car, elle va plutôt s'intéresser aux données même des enquêtes des ces sources déjà citées mais aussi, des données des EDS, CACP et des MICS. Enfin la dernière étape de cette partie fera étalage des différentes raisons que l'on trouve en Afrique qui justifient les relations sexuelles préconjugales que l'on recense dans le continent et les connaissances des populations liées à l'infection à VIH.

Rappelons juste avant d'aborder le thème en profondeur que, le Sida est l'élément déclencheur de la nouvelle dynamique dans la recherche sur la sexualité en Afrique. En effet, cette infection menace toutes les parties du monde, mais c'est en Afrique et dans le Sud-est Asiatique que l'épidémie prend des proportions plus grandes. D'après le rapport de l'ONUSIDA, presque 70% des PVVIH du monde entier sont recensées dans le continent africain, le VIH se classe d'ailleurs la première cause de la mortalité des Africains. Georges Courade d'ajouter que « Cette tragédie indéniable produit néanmoins quelques raccourcis médiatiques qui laissent supposer que l'Afrique va être rayée de la carte du monde dans les années à venir »28(*).

Parmi les facteurs aggravant le rythme de progression, la migration a été très tôt indexée.  Ainsi, dés le début de l'épidémie, « les relations entre la migration ou la mobilité des personnes et l'extension du VIH ont été abordées dans plusieurs écrits »29(*). Dans le même ordre d'idées, on nous révèle qu' « en Afrique, la mobilité spatiale a été reconnue dans divers travaux comme un facteur de propagation de l'épidémie du VIH »30(*). Il est reconnu à l'Afrique d'être un continent de migrations. Chaque année, on recense des milliers de migrants qui vont vers les autres continents ou d'autres villes pour de longues ou courtes durées,  « Ceux qui migraient avaient plus de rapports extra maritaux que ceux qui ne migraient pas et la majorité de ces rapports avaient lieu pendant la migration, en dehors du village »31(*).

Ces migrations donnaient lieu à des rencontres qui occasionnent des rapports sexuels entre partenaires. Ces rencontres se font le plus souvent entre hommes et femmes, mais aussi entre partenaires de même sexe, d'où parfois les phénomènes de prostitution et d'homosexualité. Ces deux phénomènes sont aussi considérés comme des facteurs de propagation.

Et parmi les modes de transmission de l'infection, le plus répandu, reste la transmission sexuelle « la transmission sexuelle est responsable de plus de 90% des cas de Sida dans le monde »32(*). Au début de la découverte de l'infection, seuls les travailleurs de sexe et les migrants étaient ciblés, aujourd'hui, l'infection cible toutes les couches de la population générale, ce qui fait qu'à l'heure actuelle, personne n'est à l'abri. Depuis ses débuts jusqu'à maintenant, les statistiques tablent sur 18 millions de personnes qui seraient infectées. Mise à part les traitements qui sont proposés, la lutte contre l'expansion du VIH/SIDA se limite seulement au test de dépistage, à l'usage du préservatif, aux campagnes d'informations sur les risques de contamination, un traitement curatif faisant défaut. Les programmes de lutte contre l'infection ont surtout axé leurs politiques de lutte sur la prévention en général et les comportements sexuels à risques en mettant un accent sur l'information et la sensibilisation. Dans cette perspective, la promotion des comportements sexuels à moindre risques telle que l'utilisation du préservatif, l'abstinence ou la fidélité a beaucoup été développée Dans les pays en Afrique subsaharienne, au Sénégal particulièrement, cette politique a connu le jour et des fins heureuses. En effet, en 1998, le Sénégal avait entrepris la première initiative Gouvernementale d'accès aux antirétroviraux en Afrique. Celle-ci a donné des résultats positifs en démontrant la faisabilité et l'efficacité des traitements antirétroviraux dans un contexte de pays en développement. Dans cette initiative qui a été réalisée en phase pilote, la décentralisation de l'accès aux ARV (antirétroviraux) et la mise en place d'équipes compétentes ont été un acquis. Aujourd'hui d'ailleurs, le Sénégal est parmi les premiers pays d'Afrique à avoir bénéficié de la possibilité d'accéder à ces médicaments (ARV) pour soigner les personnes porteuses du virus. Le coût moyen des médicaments nécessaires aux traitements des malades a été réduit de 90 % en 2001.

Les premières enquêtes sur l'épidémie révélaient qu'un nombre assez important de personnes dans le monde n'était pas au courant des moyens de prévention du VIH, ni même des modes de transmission. D'après les EDS, le Sénégal est aujourd'hui considéré comme l'un des pays d'Afrique où la prévalence est moins élevée, soit 0,7 % dans la population générale avec des variations dans les sous populations. Malgré cela, la connaissance du VIH et de ses moyens de prévention y est relativement faible. Les résultats de l'EDS IV révèlent que la connaissance des moyens d'éviter le VIH est positivement associée au niveau d'instruction et d'urbanisation aussi bien chez les hommes que chez les femmes. Les hommes avec un niveau de 77, 5% sont légèrement plus informés que les femmes 75 ,5% sur les moyens à utiliser pour prévenir l'infection.  « Concernant l'influence du niveau scolaire sur la connaissance de la maladie, il apparaît que les femmes analphabètes sont les moins informées »33(*). Dans leur ouvrage qui aborde l'épidémie du Sida du point de vue anthropologique, Isabelle Bardem et Isabelle Gobatto font la différence entre les femmes veuves, divorcées, séparées et celles célibataires ou jeunes filles. Les résultats de leurs enquêtes auprès de leurs cibles à Ouagadougou (Burkina Faso) révèlent une autre différence dans les niveaux de connaissances liées à l'infection à VIH/SIDA. A ce titre, on retient que « La majorité des femmes célibataires ont une bonne connaissance de base de la maladie, particulièrement de son mode de transmission par voie sexuelle. [...]. Les femmes divorcées ou séparées ont elles aussi une bonne connaissance de base de la maladie et de sa transmission hétérosexuelle [......]. Les femmes veuves sont celles qui sont les plus mal informées sur la maladie. En effet, prés de la moitié n'ont pas d'informations précises sur le sida. Même si elles en ont déjà entendu parler de manière formelle, elles n'ont pas retenu ses modes de transmission. [....]. Celles [les jeunes filles] qui ont été scolarisées au secondaire citent souvent l'école comme le lieu où leur a été transmise l'information, ce qui n'apparaît pas chez celles qui ont arrêté au niveau primaire. A coté du milieu scolaire, la télévision et la radio sont les deux moyens privilégiés d'information »34(*). Partant de ces constats, on peut dire que la scolarisation crée alors une disparité sur les connaissances et on remarque que plus les études sont longues, plus les niveaux de connaissances sur l'infection sont élevés. A coté de ces femmes, les auteurs ont aussi fait le point sur les connaissances « des femmes libres » communément appelées les TS.  Les deux auteurs poursuivent que « Si l'on se réfère aux deux premiers groupes constituant le vaste ensemble des jeunes filles et des femmes seules, les femmes libres apparaissent comme les mieux informées. En effet, toutes connaissent le sida, son mode de transmission par voie hétérosexuelle et les principaux symptômes de la maladie déclarée » 35(*). En fait, ce qui est important de savoir sur les femmes TS c'est que, contrairement aux femmes dites « libres » et qui ne sont pas officielles, elles ont pris rapidement conscience de leur exposition aux risques de l'infection à cause de leurs pratiques sexuelles. Ces femmes TS bénéficient d'un encadrement médical pendant leurs suivis dans les structures de santé mises à leur disposition. Cet encadrement est secondé par un dialogue, un échange relatif à la question entre elles et les spécialistes dans ces dites structures. Cela s'est montré très efficace car elles se sont senties concernées et ont réagis en adoptant les comportements préventifs qui leurs étaient proposés.

Par ailleurs, l'utilisation du préservatif qui fait partie de la promotion des comportements sexuels à moindre risques dans la politique de lutte contre la pandémie a été renforcée mais reste encore insuffisante chez les jeunes. Prés de 52% des jeunes hommes de 15 à 24 ans ont déclaré utiliser le préservatif lors des relations sexuelles avec des partenaires non cohabitants. Ce taux est plus faible chez les jeunes femmes du même âge, 35 % d'entre elles ont eu recours aux préservatifs. Néanmoins le recours au préservatif est plus important chez les femmes scolarisées, 53% chez celles du niveau secondaire et plus contre 19 % chez les non scolarisées, cela s'explique par le fait que la non scolarisation occasionne la vulnérabilité aux risques d'infection. Les EDS IV ont montré qu'il y avait une corrélation positive entre l'usage du préservatif et le niveau d'instruction. En fait, les femmes non scolarisées n'ont pas les moyens nécessaires pour négocier avec leurs partenaires l'usage du préservatif au moment des rapports sexuels avec ces derniers, et donc cela les exposent aux risques, ce qui les plus vulnérables. En plus de leurs situations de non scolarisation, on remarque aussi une certaine discrimination dont elles font l'objet notamment une discrimination sexuelle par rapport aux hommes. Généralement quand elles sont non scolarisées, ces femmes vivent aux dépends de leurs maris ou de leurs conjoints et dans ce cas, elles auront encore plus de mal à négocier ou même à exiger à leurs maris ou conjoints l'usage du préservatif. Mac Cormack l'affirme en ses termes, « la situation sociale des femmes fournit un exemple particulièrement pertinent. A juste titre, la position de dépendance sociale et économique que celles-ci connaissent la plupart du temps en Afrique a été soulignée. On a montré que leur vulnérabilité à l'égard de la contamination par le VIH y trouvait son origine »36(*).

Toujours dans la proportion des femmes par rapport à l'usage du préservatif, les travailleuses de sexe (TS) officielles (89 ,8%) qui utilisent systématiquement le condom avec leurs clients dépassent 90%.

La faible connaissance du VIH et la non utilisation du préservatif dans la population générale ne constituent pas à elles seules les facteurs aggravants la progression du VIH au Sénégal, on compte aussi les comportements sexuels notamment la précocité des rapports sexuels.

La sexualité précoce est un constat fait dans beaucoup de pays. On remarque même qu'elle s'opère de plus en plus tôt dans les sociétés dites « modernes ». « Lorsque les premiers rapports sexuels ont lieu à un jeune âge, la période de la vie sexuelle active devient très longue augmentant ainsi la probabilité d'avoir un grand nombre de partenaires sexuels »37(*). Selon Nathalie Lydie et Michel Garene, cette précocité concerne de plus en plus de femmes qui sont les plus concernées,  «les femmes entrent en vie sexuelle plus tôt que les hommes. L'âge au premier rapport sexuel est de 16 ans pour les femmes et de 20 ans pour les hommes »38(*).

Parmi les raisons qui poussent les jeunes à exercer une activité sexuelle, on trouve une liste de raisons diverses et variées.

La valorisation du mariage dans plusieurs sociétés africaines et les récentes difficultés d'accès au stade matrimonial accroissent l'activité sexuelle et devient une stratégie d'acquisition d'un mariage pour les jeunes filles.  « Les récits de vie réalisés auprès des jeunes filles vivant toujours dans leur famille montrent que le mariage est leur première préoccupation ». 39(*)

Au Cameroun par exemple, la jeune fille accepte des relations sexuelles préconjugales comme preuve d'amour afin de mériter la confiance du jeune homme. Là, l'activité sexuelle est vue comme une sorte de test d'amour posée à la fille par l'homme et comme un moyen d'avoir un époux. Cela est plus développé encore au Mali lorsque les filles de 25-30 ans encore célibataires sont taxées « d'invendues ».

De plus, on voit que l'entrée en union se fait de plus en plus tard de nos jours qu'avant, cela explique aussi l'entrée précoce des jeunes dans une vie sexuelle active car ils restent dans la situation de célibat plus longtemps.

Cependant, les garçons n'envisagent pas les relations sexuelles de la même manière que les filles dans d'autres contrées.

Au de-là des raisons matrimoniales, on attribue aussi la sexualité préconjugale des jeunes au dépassement des valeurs traditionnelles et à l'adaptation à la mode, la notion de la virginité étant actuellement « dépassée ». A ce propos, Savage rapporte que « les jeunes filles déclarent être l'objet de moqueries de la part des copines qui les considèrent comme naïves, ignorantes, non modernes, laides ou peu évoluées à cause de leur virginité ».40(*) D'après le même auteur, cette vision de la sexualité n'est pas partagée par certaines filles. C'est le cas de certaines étudiantes de l'université de Douala au Cameroun qui éprouvent de la nostalgie à propos des valeurs traditionnelles en rapport avec la virginité. Elles pensent pour leur part que la virginité est le plus beau cadeau qu'une femme puisse offrir à son mari.

Par ailleurs, on constate aussi que certains rapports sexuels sont conclus uniquement par prestige. Dans ce cas de figure, les jeunes hommes s'adonnent à la sexualité pour confirmer leur « performance » et leur position au sein du groupe de pairs (amis).

On note aussi d'autres justifications à l'activité sexuelle des jeunes, à savoir les raisons financières et matérielles.41(*) D'après ces auteurs, ce sont surtout les filles des ménages à moyens limités qui s'adonnent à la sexualité pour ces seules raisons. En échangent de rapports sexuels, elles acceptent des cadeaux ou de l'argent. Au Cameroun par exemple, le partenaire sexuel souhaité par les jeunes filles, surtout celles aux études plus poussées comme les universitaires, est celui qui a une bonne situation professionnelle et qui donc , peut les aider à trouver facilement un emploi.

Par ailleurs, la sexualité des jeunes bien que justifiée par les raisons susmentionnées, peut aussi être déterminée par l'entourage familial, éventuel facteur inhibiteur.

En résumé, les grandes enquêtes internationales que nous avons exploitées à savoir les EDS, les CACP et les MICS ont comme point commun d'être de vastes programmes destinés à faciliter tout type d'enquêtes dans le sens de la santé reproductive. Par ailleurs, cette revue de la littérature nous a permis de voir que ces enquêtes qui ont analysé la sexualité des jeunes ne l'ont abordée que dans une perspective comportementaliste. Aucune n'a essayé d'analyser ce phénomène dans une perspective dynamique à travers les motivations des individus par exemple, se limitant juste à l'analyser sous l'angle de la constatation. En effet, ces études se contentent juste de constater le comportement sexuel mais, ne s'intéressent pas aux causes probables. D'ailleurs, elles n'ont, jusqu'ici, pas tenté de connaître les motifs réels pour lesquels les jeunes s'adonnent à la sexualité. Des variables comme l'ethnie ou la religion sont saisies de façon implicite ou parfois même inexploitée quand il s'agit de la biographie scolaire ou résidentielle des jeunes. Bref, plusieurs facteurs dont l'analyse permettrait une meilleure compréhension des causes de la sexualité des jeunes et de leur exposition aux risques d'IST et du VIH/SIDA n'ont pas intéressé ces recherches. C'est dans cette optique que notre étude s'avère pertinente, car les raisons probables des comportements sexuels des jeunes n'y sont pas négligées et nous verrons cela dans les parties qui vont suivre dans ce travail à savoir les hypothèses, les objectifs et les indicateurs de l'enquête. De même, notre travail apparaît plus global par le fait qu'elle brosse la question de la sexualité aussi bien du point de vue des comportements et attitudes des enquêtés que du point de vue des perceptions de ces derniers de la question, de même, les connaissances des enquêtés ne sont pas négligées.

* 23 Sauf peut être les premières études sur les comportements  sexuels en Afrique subsaharienne qui remontent à la période coloniale. Celles-ci avaient pour objectif de déceler les causes de l'infécondité et de la stérilité observées surtout en Afrique Centrale. Au cours des années 80, précisément dans la seconde moitié, c'est l'OMS qui prend la décision de relancer ces recherches .Celles-ci eurent à peine le temps d'aboutir que la question du Sida est apparue et a été vite classée en priorité pour l'OMS. A ce titre  beaucoup de spécialistes, des démographes, des cliniciens, des biologistes notamment ont ainsi été soutenus par cette institution pour étudier le virus responsable de la pandémie. Les recherches en Afrique subsaharienne portaient sur les aspects socioculturels et démographiques du Sida et ont fourni d'abondantes informations sur la sensibilisation et les connaissances du VIH, des modes de transmission et de propagation, des attitudes à l'égard des PVVIH, des comportements sexuels etc.

* 24 Vellay, 1979, La vie sexuelle de la femme, Marabout Université, Verviers (Belgique), 283 p.

* 25 Le Jeune (C.), 1973, Tout savoir sur l'information sexuelle, Paris, 3ditions Filipacchi, 155 p. P.8

* 26 Caraël, (M.), 1995 a, Bilan des enquêtes CAP menées en Afrique : Forces et Faiblesses in .Caraël, M, 1995 b, La mesure de l'activité sexuelle dans les pays en développement, in Bajos, N. et al. (Coord.) , Sexualité et Sida. Recherches en Sciences Sociales .p. 57- 59

* 27 Les pays engagés dans les enquêtes CACP(Connaissances, Attitudes , Croyances et Pratiques) et RP( Relation entre Partenaires) en Afrique Subsaharienne sont :Botswana (CACP),Burundi (CACP),Cameroun(CACP) , République Centrafricaine(CACP) , Tchad (CACP),Congo(CACP), Côte-d'Ivoire(CACP/RP), Ethiopie(CACP), Guinée -Bissau(CACP), Kenya(CACP), Lesotho(CACP/RP), Mali(CACP), Maurice(CACP), Niger(CACP), Nigeria(CACP/RP), Rwanda(CACP),  Sénégal(RP), Tanzanie(CACP/RP), Togo(CACP), Ouganda(CACP/RP), Zambie(CACP),

* 28 Courade (G.), 2006 l'Afrique des idées reçues, Editions Belin, p.16

* 29 Dawson, (M.H.), cité par Fréderic Kobelembi dans African Population Studies/Etude de la population africaine, Op.cit, p.13

* 30Séne (M.N.D), 2001, Analyse des conditions socio économiques de vie des enfants infectés par le VIH/SIDA au Sénégal, mémoire de DEA, Université Cheikh Anta Diop de Dakar, Faculté des Lettres et Sciences Humaines, Option Sociologie, p.36

* 31 Le sida en Afrique, recherche en sciences de l'homme et de la société », Avril 1997, ANRS, ORSTOM, p. 18

* 32 Ward (D.), Le guide de l'AMFAR, Op.cit, p.37

* 33Bardem (I.), Gobatto (I.), 1995,  Maux d'amour, vies de femmes, sexualité et prévention du sida en milieu urbain africain (Ouagadougou),  Editions l'Harmattan, Paris, p.90

* 34 Maux d'amour, vies de femmes, sexualité et prévention du sida en milieu urbain africain (Ouagadougou), 1995, Ibid. p.90

* 35 Ibid., p.118

* 36 Mac Cormack, Schoepf, Cité dans ANRS, ORSTOM, Op.cit, p. 13.

* 37 Bilan des enquêtes CAP menées en Afrique : Forces et Faiblesses, 1995, Op.cit .p. 47

* 38 Lydié (N.) et Garenne (M.),2001, Genre et Sida,les dossiers du CEPED n°67, Paris

* 39 Maux d'amour, vies de femmes, sexualité et prévention du sida en milieu urbain africain (Ouagadougou), 1995, Op.cit., p.39.

* 40 Savage, cité par Rwenge (A), 2000, Comportements sexuels à risque parmi les jeunes de Bamenda au Cameroun, article financé par le Programme des petites subventions de l'Union pour les études démographiques africaines, numéro spécial.

* 41 Calvès, Djamba, Meekers et Raynaut, cité par Rwenge (A),2000, dans Comportements sexuels à risque parmi les jeunes de Bamenda au Cameroun, I.bid, p.44

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