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Sécurité et sureté maritime : de l'élaboration des textes à  la difficulté de mise en oeuvre

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par Mohamed Saà¯d HAFFAF
Université d'Angers - Diplôme d'Etudes Supérieures Spécialisées en droit maritime et des transports 2002
  

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SOUS SECTION II : LES ACTEURS DE LA CHAÎNE DE SECURITE MARITIME

« Chaîne de sécurité maritime : idée qui tend à faire croire qu'en la matière se trouverait une succession de maillons ayant tous la même force et la même valeur. Pourtant chacun à sa propre responsabilité et son propre rôle à jouer. Chaque acteur doit assumer sa part de responsabilité » : cette définition donnée par Monsieur Francis Vallat (36) nous permet d'entamer une réflexion sur les différents acteurs de la sécurité maritime qu'ils soient étatiques ou privés.

CHAPITRE PREMIER : LES ETATS

§1.1 L'ETAT DU PAVILLON : ENTRE OBLIGATION ET DELAISSEMENT

Le contrôle des normes et règlements en matière de sécurité maritime consiste essentiellement en un contrôle des navires. Depuis quelques années maintenant, le management d'un navire et de manière plus étendue le management de la société de l'armateur, est également considéré comme un élément clef de la sécurité maritime.

Le premier niveau de contrôle en matière de sécurité maritime se trouve donc être l'Etat du pavillon pour ce qui concerne les navires battant pavillons de cet Etat et par extension l'Etat dans lequel est enregistré l'armateur pour le contrôle du management.

a) Les devoirs des Etats du pavillon :

Les règles coutumières du droit de la mer confient le contrôle des navires à l'Etat du pavillon, cette compétence repose en fait sur le principe de la territorialité. Le rattachement du navire à un

(36) : F.Vallat : Président de l'institut français de la mer et représentant de la France à l'Agence Européenne de Sécurité Maritime.

ordre juridique, susceptible de le contrôler, permet ainsi de prévenir et de sanctionner les abus auxquels les principes du libre usage de la haute mer et de la liberté de navigation pourraient donner lieu. Cette compétence exclusive de l'Etat du pavillon est énoncée à l'Art. 6 al 1 de la convention internationale du 29 avril 1958 sur la haute mer.

Expression de la souveraineté de l'Etat sur ses navires, la loi du pavillon n'est pas seulement une source de droits (droits de passage). En matière de sécurité maritime, elle est surtout une source de devoirs. Les obligations de l'Etat du pavillon sont principalement définies par les conventions des Nations Unies sur le droit de la mer et précisées dans les instruments spécialisés de l'Organisation maritime internationale (OMI) et de l'Organisation internationale du travail (OIT) relatifs à la sécurité maritime :

Ainsi la convention de 1958 sur la haute mer et son art 5 al 1 impose aux Etats du pavillon l'obligation de s'assurer que les règles de sécurité sont effectivement appliquées à bord des navires relevant de leur autorité : « L'Etat doit notamment exercer sa juridiction et son contrôle dans les domaines technique, administratif et social sur les navires battant son pavillon ».

L'Art 94 et l'Art 217 de la Convention des Nations Unies de 1982 sur le droit de la mer précisent à nouveau l'obligation de contrôle effectif de l'Etat du pavillon et les pouvoirs de l'Etat du pavillon dans le domaine de la protection du milieu marin et de la sécurité maritime.

L'obligation du contrôle par l'Etat du pavillon est encore repris dans les deux conventions de l'OMI que sont la convention internationale SOLAS du 17 Juin 1960 et la convention internationale MARPOL du 2 Novembre 1973, convention qui prévoient deux types d'obligations, la première concernant les visites et inspections des navires et la deuxième la délivrance des certificats correspondants.

La dernière des obligations qui a sans doute contribuée à l'amélioration des normes de sécurité est l'obligation d'enquête après accident qui découle tant de la convention de 1982 sur le droit de la mer que des conventions de l'OMI.

Il ressort de cette énumération de conventions que tous pays signataires de celles-ci ne peuvent échapper à leur obligation de contrôle et si tel était le cas les accidents maritimes ne serait pas supprimés, le risque zéro n'existe pas, mais serait dû pour la plupart à une erreur humaine ou un évènement fortuit et ne serait en tout cas pas le fruit d'un délaissement liée à des critères économiques.

b) Ce qu'il en est réellement :

En effet le délaissement de leur obligation de contrôle de certains états est un facteur aggravant de « l'insécurité maritime ».

L'armateur totalement libre du choix du pavillon, effectuera ce choix en fonction essentiellement des critères économiques, s'il s'agit d'un pavillon de libre immatriculation ne requérant pas des critères de nationalité : taxes, nationalités des équipages et bien sûr coût du au respect de la réglementation technique. Ces critères sont donc compressibles à l'inverse bien souvent du prix du fret qui lui est un prix de marché.

L'OCDE a démontré qu'un armateur qui parviendrait à ne pas respecter les règles de sécurité pourrait économiser jusqu'à 30% de ses charges d'exploitation et au minimum 10% des charges globales. On comprend donc tout l'intérêt pour des armateurs « douteux » d'immatriculer leurs navires sous pavillon de libre immatriculation qui devient pavillon de complaisance lorsque les défauts de moyens, et bien plus souvent l'absence de volonté de contrôle, permettent de faire de substantielles économies. Et ceci sans compter que beaucoup de ces pavillons procurent des avantages fiscaux importants et que les contrôles, en particulier ceux portant sur le respect du droit du travail sont très assouplis.

C'est ainsi qu'après la deuxième guerre mondiale sont apparus les pavillons de complaisances : pays bien souvent peu industrialisé, pauvre ou paradis fiscaux, qui ont pu de part

leur politique maritime très peu taxé et très peu regardante de la qualité des armateurs et navires qui arboraient leur pavillons, se constituer une flotte importante.

Aujourd'hui dans les dix premières flottes mondiales, l'on retrouve le Panama, le Libéria, Malte, les Bahamas, Chypre alors que parmi les dix premières flottes par nationalités l'on note l'Etat Grec (69% sous pavillons étrangers), Japonais (81% sous pavillons étrangers), Norvégien, Américain .....Les premiers ont une mauvaise réputation dans le milieu maritime pour ce qui concerne le contrôle du respect des critères techniques soit par manque de moyen, soit par volonté politique.

Des chiffres établis en 1998 lors des inspections du Mémorendum de Paris, sujet traité au prochain chapitre, montre que 9% des inspections ont donné lieu à des immobilisations et que 20% de ces 9% étaient des navires pavillon Maltais alors que le pavillons Chypriote représentait 19,4%. Il est évident que ces Etats manquaient à leurs obligations de contrôle.

A l'échelon Européen, une amélioration est en vue avec la future adhésion de Malte et Chypre, Malte ayant déjà retiré le certificat relatif au code ISM à l'une des compagnies principales résidentes à Malte.

c) Les solutions :

L'OMI et l'Europe sont conscients de ce problème mais comment s'assurer qu'un Etat souverain fasse bien respecter les conventions auxquelles il adhère.

L'OMI n'ayant aucun organe de répression a opté pour la solution d'assistance technique, la déficience technique étant une des composantes du non contrôle de l'Etat du pavillon , l'autre étant la non volonté.

En 1997, l'OMI reconnaît combien il est important de garantir l'application efficace des instruments qu'elle adopte. Elle devint le premier organisme à institutionnaliser un Comité de coopération technique. Elle a ainsi aidé de nombreux pays à créer des académies de formation maritime et créé l'Université maritime mondiale de Malmö en 1993.

On commence à apercevoir sur la scène internationale un début de contrôle qui s'exerce par le biais des « obligations de notification » lesquelles obligent chaque Etat à donner des informations sur la manière dont il compte appliquer les conventions qu'il a ratifié. Il y a donc par là un droit de regard de l'OMI à travers son sous-comité sur l'application des conventions par l'Etat du pavillon.

Certaines conventions, notamment celle sur la certification des équipages vont très loin puisque l'on demande à l'Etat de prouver qu'il a effectivement mis en oeuvre les dispositions des conventions qu'il a ratifié . Dans le cas contraire il ne sera pas admis sur une « liste blanche » qui va conditionner la reconnaissance, par tous les autres Etats, des certificats qu'il va délivrer.

Aujourd'hui l'OMI s'achemine vers une évaluation de la performance de l'Etat du pavillon à travers des directives et des formulaires d'auto évaluation. Mais il ne s'agit encore que de simples Résolutions n'ayant pas de caractère obligatoire.

On parle également actuellement de la certification des administrations des Etats du pavillon. Le problème étant de savoir quelle autorité va pouvoir certifier les obligations de l'Etat du pavillon.

L'Europe quant à elle a réagit suite au naufrage de l'Erika et à choisi la voix du contrôle de la compétence des états du pavillon par le biais de l'Agence Européenne de Sécurité Maritime(37). .

Mais la première mesure qui a été prise, l'a été au sein de l'Europe pour pallier à la déficience des Etats du pavillon, il s'agit d'un transfert des obligations de l'Etat du pavillon à l'état du port où un navire fait escale.

§1.2.L'ETAT DU PORT : SUBSTITUT DE L'ETAT DU PAVILLON

A la différence de l'Etat du pavillon chargé de faire appliquer la réglementation en vigueur de l'Etat aux navires arborant le pavillon de ce même état, le contrôle par l'Etat du port concerne les inspections de navires étrangers par les autorités d'un Etat afin de s'assurer que ce navire respecte

(37) : Règlement 1406/2002/CE du 27 juin 2002

les normes internationales en vigueur tant sur le plan technique que sur le plan humain et maintenant sur le plan du management.

En fait son introduction dans le système a été nécessaire pour palier les déficiences de certains Etats du pavillon à remplir ses obligations notamment ses obligations de contrôle et d'inspection. Ces mêmes Etats que nous avons vu ratifier promptement la plus part des réglementations internationales.

Ce contrôle sert aujourd'hui de rôle de « gendarme » sur la scène maritime car c'est l'Etat du port qui va pouvoir inspecter les navires étrangers qui fréquentent ses ports, demander l'examen des certificats et procéder à des inspections plus approfondies s'il estime qu'il y a un risque pour la sécurité. Il a le droit de fixer des conditions quant à l'autorisation d'appareiller et surtout le droit, et l'obligation, quand il estime qu'un navire est dangereux pour la sauvegarde de la vie humaine en mer ou pour l'environnement, de retenir le navire au port.

Il s'agit bien d'un droit mais aussi d'une obligation.

a) Aspect juridique :

Il existe à ce jour 7 grands cadres d'accords régionaux qui régissent ces contrôles, accord dit Memorendum Of Understanding ( MOU) et le plus connu pour notre part est le « Mémorandum de Paris » ou MOU Paris.

Le Memorendum d'entente de Paris (terme Français) sur le contrôle des navires par l'Etat du port a été signé le 26 Janvier 1982 sous les auspices de l'OMI.

Le contrôle par l'Etat du port est également institué par la directive Européenne relative au contrôle par l'Etat du port (95/21 /CE) et a fait l'objet d'une proposition de modification, proposition qui fait parti du train de mesures proposées à la suite du naufrage de l'ERIKA.

Les principales mesures de cette proposition de modification de la directive concernent le ciblage des navires qui doivent faire l'objet d'un contrôle. Le choix des navires ne sont plus discrétionnaires mais rendu obligatoires en fonction de critères d'âge du navire, du type et de ses antécédents.

Ils prévoient aussi d'interdire l'accès aux ports de l'Union Européenne à certains navires à risques.

Ces mesures sont entrées en vigueur le 22 Juillet 2003.

Plus généralement ces accords d'entente prévoient une coopération régionale entre les différents Etats d'une même zone afin d'harmoniser les procédures de visite des navires et d'exiger, de la part de ces autorités, qu'elles inspectent un minimum de navires. Le Mémorandum de Paris a fixé ce quota d'inspections minimales à 25% de navires étrangers qui fréquentent les ports des Etats européens au cours de l'année.

Les Etats Européens mettent également en commun une base de données où sont décrites les déficiences majeures qui nécessitent soit une immobilisation immédiate du navire soit une rectification de cette déficience pour la prochaine escale déclarée.

Les autres principaux memorendum d'entente sont le MOU Tokyo pour la région asie/pacific,signé le 1er décembre 1993, le MOU viña del mar (chilie) pour la région sud américaine, signé en 1992, et le MOU Indian ocean signé en 1999.

Au niveau national les modalités et obligations du MOU Paris ont étés reprises par la division 150, parue au JO le 20 Novembre 1996. Ces obligations ont échues aux Centres de Sécurité des navires.

b) Les problèmes de mise en oeuvre :

Les deux problèmes majeurs rencontrés depuis l'instauration de ce système concernent le nombre de contrôles réalisés et l'efficacité de ces contrôles.

Sur le premier point la France, bien que s'étant engagée à inspecter 25% des navires faisant escale dans un des ses ports, s'est montré plutôt mauvais élève en 2002 ; en novembre 2002 elle n'avait

effectué qu'environ 12% d'inspections de navires, quant à l'Irlande et à la Belgique ils n'avaient pas atteint les 10%. Le Danemark, les Pays Bas, le Portugal et la Suède n'avaient pas atteint le quota de 25 %.

En avril 2003 la France avait réalisé le contrôle de 30% des navires faisant escale dans un port Français. Les remontrances de la part de l'Union européenne ont peut être été le fait générateur de cette importante augmentation.

En ce qui concerne le deuxième point, il est très difficile, voir impossible pour un inspecteur de contrôler en une escale qui peut ne durer qu' une dizaine d'heures la structure même du navire c'est-à-dire les oeuvres vives et les varangues et lisses du navire. Ainsi l'inspection est plus axée cosmétique et certificats du navire, la principale amélioration étant la prise en compte de l'aspect management qui peut également être un facteur de risque, malheureusement les deux derniers évènements maritimes majeurs ont été causé par des défauts de structure.

Il est vrai que l'état de propreté et de vétusté du navire peut traduire l'état de maintenance du navire mais de nombreux armateurs sont passés maître dans le maquillage et de nombreux navires possèdent un pont et une coque extérieure très propre et bien peinte sans posséder un quelconque plan de maintenance.

Un personnel sous qualifié et suffisamment nombreux peut réaliser des miracles.

Il existe un fameux adage à bord des navires qui peut traduire cet état de fait qui dit, excusez moi des termes employés: «  peinture sur merde égal merde » .

Le seul moyen pour s'assurer que le navire possède des structures en bon état reste le contrôle des certificats de classe qui font suite aux visites des navires ou réparation en dry dock, et là nous entrons dans la polémique qui suivi le naufrage de l'ERIKA et qui a amené l'Union Européenne à proposer une directive qui concerne une meilleur transparence des sociétés de classification (38).

(38) : directive 2001/105/CE du 19 décembre 2001

Pour les deux points précédemment évoqués, il est aussi nécessaire que les inspecteurs soit suffisamment nombreux et qualifiés, ce qui en France et en Europe constitue un réel problème de l'aveu même des membres du corps des administrateurs maritimes et de la commission européenne. En effet la commission estimait à 270 en 2000 le nombre d'inspecteurs chargés du contrôle par l'Etat du port. Pour la France le nombre d'inspecteur maritime , 54 en 2002, ainsi que les moyens mis à leur disposition (certains centres de sécurité de navire n'ont même pas de voiture de fonction selon les propos de Jacques Loiseau, président de l'association française des capitaines de navires (Afcan)) sont trop faibles pour pouvoir tenir le quota des engagements pris lors du mémorendum de Paris , et dernièrement la direction des affaires maritimes a du s'attacher les services de vacataires recrutés parmi les commandants à la retraite, ce qui permet d'atteindre les deux critères précédemment cités : augmenter le nombre des inspecteurs ,et du fait le nombre d'inspections, et avoir des inspecteurs qualifiés ;

Comment peut on définir un inspecteur qualifié ? La complexité du « système navire » est telle qu'il s'agit d'une petite ville ; production d'électricité, propulsion, opération commerciale, cuisine, hôpital, et stabilité du navire, tous ces facteurs se superposent à bord et il faudrait, je cite Monsieur Bottala Gambetta (39) lors de son intervention au colloque IMTM organisé dans les locaux de la faculté de droit d'Aix en Provence en juin 2003, plus de cinq ans pour former des inspecteurs aptes à faire face à la complexité d'un contrôle d'un navire.

Cela demande du temps et malheureusement les échéances de mémorendum de Paris n'en laisse pas, une autre solution étant de recruter des marins professionnels avec quelques années de navigation d'expérience mais ici le problème devient économique, le salaire des navigants possédant cette expérience est celui d'un second capitaine voire d'un commandant sans commune mesure avec celui d'un inspecteur.
Voici donc les difficultés rencontrées au sein de l'Europe et plus particulièrement au sein de la France pour l'application des critères du Memorendum de Paris.

(39) : Administrateur en Chef des Affaires Maritimes

Dans cette partie nous avons donc étudié les acteurs institutionnels qui jouent un rôle dans le contrôle de la réglementation mais la chaîne de sécurité maritime ne peut être composée que de ces acteurs, même les Etats les plus consciencieux en matière de sécurité maritime ne pourront jamais maîtriser dans sa totalité le problème, soit du côté technique soit du côté économique : des acteurs privés ont également un rôle à jouer. Et c'est peut être de ce côté que le plus grand changement a eu lieu : l'évolution du comportement des acteurs privés du transport maritime soit par le fait de la pression médiatique ou en leur laissant le bénéfice du doute par le fait d'une prise de conscience générale.

Le prochain chapitre sera donc consacré aux acteurs privés qui ont un rôle à jouer en matière de sécurité maritime.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry