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Immigration volontaire ou forcée des allemands et des alsaciens-lorrains dans les Vosges (1911-1920)

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par Clément Thiriau
Université Nancy II - Master 2 d'histoire contemporaine 2007
  

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II - La mobilisation des Allemands et des Alsaciens-Lorrains.

Dès le début de la guerre, de nombreux étrangers demandent à s'enrôler dans l'armée française, apportant ainsi au pays un précieux témoignage de sympathie. Par un décret du 3 août 1914, les engagements d'étrangers dans les régiments étrangers sont autorisés pour la durée de la guerre, au lieu de la durée réglementaire de cinq ans207. L'engagement dans l'armée française, notamment dans la Légion étrangère, constitue alors le plus sûr moyen de se soustraire à l'internement, et même d'y soustraire les membres de sa famille208. Certains Allemands ne vont pas hésiter à s'engager, alors qu'un certain nombre de leurs compatriotes vivant en France répondent à l'ordre de mobilisation de leur patrie. Mais leur cas posent un problème particulier car la convention de La Haye du 18 octobre 1907, reconnue par la France en 1910, interdit à tout belligérant d'obliger les ressortissants du pays adverse à se battre contre ce dernier. Aussi les légionnaires allemands sont-ils envoyés outre-mer, notamment au Maroc. Du 21 août 1914, date de l'ouverture des listes d'engagement pour les étrangers, au 1er avril 1915, 22 000 étrangers « choisissent » cette voie, dont 1 396 Austro-Hongrois et 1 072 Allemands. Parmi eux se trouvent beaucoup de Tchèques et de Polonais209.

L'introduction de quelques éléments suspects fait apparaître bientôt les inconvénients d'une confiance trop largement accordée. Une loi du 16 août 1915 vient interdire les engagements dans l'armée française, au titre de la légion étrangère, de nationaux appartenant à des Etats en guerre avec la France ou avec ses alliés210.

Il est alors spécifié que ces mesures ne s'appliquent pas aux Alsaciens-Lorrains dont le cas est réglé par les deux premiers articles de la loi du 5 août 1914. Les instructions de janvier 1913 avaient précisé déjà les mesures à prendre à l'égard des Alsaciens-Lorrains en cas de mobilisation211.

La loi du 5 août 1914, « relative à l'admission des Alsaciens-Lorrains dans l'armée française », autorise le gouvernement par son article 3 à naturaliser, sans conditions de résidence, les étrangers qui contractent un engagement volontaire pour la durée de la guerre. La loi ne concerne ni les descendants de ceux qui avaient opté pour la France en 1871-1872 ni ceux qui, depuis, sont venus vivre à l' « intérieur » et se sont fait naturaliser. L'expression « AlsacienLorrain » s'applique donc uniquement aux ressortissants du Reich212. La même loi précise, en outre, que le bénéfice de cette règle sera étendu aux légionnaires alsaciens-lorrains qui, sous les

207 H. Mauran, op. cit., p. 441.

208 Ibid, pp. 233-278, chapitre V « La mise en place de l'internement ».

209 J. Ponty, op. cit., pp. 91-122.

210 Ibid.

211 H. Mauran, op. cit., pp. 233-278.

drapeaux au moment de la déclaration de la guerre, en feront la demande. Le dispositif comporte des mesures spéciales pour favoriser les naturalisations des femmes et enfants majeurs ou mineurs des engagés213.

Cet engagement s'inscrit donc au titre de la Légion étrangère mais ce n'est là qu'une formalité: la demande de recouvrement de la nationalité française confère à l'engagé volontaire le droit de réclamer son incorporation dans un régiment français. A l'inverse de la naturalisation stricto sensu, ce mode d'accès à la nationalité française ne comporte aucune restriction : il confère non seulement l'intégralité des droits civils, mais aussi les droits politiques y-compris l'éligibilité214. Sitôt engagés, les Alsaciens et Mosellans sont déclarés Français et, en principe, versés dans d'autres corps. Ainsi, les Alsaciens installés dans le département des Vosges avant la déclaration de guerre sont souvent confrontés à l'alternative suivante : engagement ou internement. Leur nombre est estimé à 13 000 dans tout le Nord-Est et ils formaient, dans l'arrondissement de Remiremont, une colonie relativement nombreuse. Il ne faut pas les assimiler aux Alsaciens émigrés au lendemain de la défaite de 1871, qui ont opté dès leur installation sur le territoire français et qui ont été rapidement intégrés. Ceux-ci sont venus pour des raisons nationales, ceuxlà pour des raisons économiques, la plupart travaillant dans l'industrie textile215.

Dès le 1er août, les « évadés » d'Alsace-Lorraine affluent dans les bureaux de recrutement. En juillet-août 1914, si l'on est loin du « soulèvement des populations alsaciennes-lorraines fidèles à la cause française » escompté par l'Etat-Major, pas moins de 3 000 jeunes gens quittent immédiatement et de manière clandestine le Reichsland d'Alsace-Lorraine pour s'engager du côté français216. Bien que minoritaire, ce geste implique une rupture de l'individu avec la légalité : il se rend coupable de désertion vis-à-vis de sa patrie. Dans les Vosges, un certain nombre d'hommes originaires de la vallée du canton de Thann ont passé la frontière afin de contracter un engagement dans l'armée française. Ils ont été évacués de la zone de front par « mesure de sûreté ou de police » ou ont préféré fuir un secteur trop exposé. Dans l'arrondissement, ils sont peu nombreux et éparpillés. Trente personnes se sont installées à Remiremont même et sont victimes, comme c'est le cas dans toute la France, d'un premier triage. Jusqu'au 21 août, les évadés et volontaires alsaciens-lorrains doivent se présenter dans l'un des bureaux de recrutement prévus. A partir du 21, ils se présentent au bureau le plus proche de leur résidence. Le 31, le commissaire spécial de Remiremont a dirigé 169 Alsaciens sur le centre de mobilisation de Besançon217.

212 J. Ponty, op. cit., pp. 91-122.

213 H. Mauran, op. cit., p. 412.

214 Ibid.

215 Ibid.

216 Ibid.

217 R. Martin, op. cit., in Le Pays de Remiremont, 1979, pp. 62-65.

A l'aube de la guerre, un bon Alsacien est donc un Alsacien soldat. Non seulement il recouvre la nationalité de ses ancêtres, mais il évite aux siens l'internement réservé aux sujets allemands sur le sol français. Tant pis pour les familles qui ne comptent que des filles ou aucun garçon en âge de s'enrôler.

Au sein du ministère de la Guerre, le Service des Alsaciens-Lorrains, créé sur proposition du général Gallieni, gouverneur militaire de Paris, et placé sous la direction d'Albert Carré, est particulièrement compétent concernant les engagés volontaires. Ce service crée dans chacun de ses bureaux une commission d'identification chargée de veiller à l'application des directives et d'examiner les postulants. Au début de la guerre, les engagés volontaires sont divisés en deux catégories, désignées par les lettres A et B. La catégorie A est composée de ceux qui acceptent de servir directement sur le front. A partir du 20 août, quelques centaines sont employées comme guide par le général Dubail qui opère dans les Vosges et par le général Pau, commandant en chef l'armée d'Alsace. Par ailleurs il y a ceux qui, classés sous la lettre B, sont versés dans les bataillons alpins et les régiments faisant partie du corps d'observation placé sur la frontière italienne218.

Le texte de la loi du 5 août 1914 aborde également le cas des réformés et des inaptes. Les réformés, quelle que soit la durée de leur incorporation, peuvent revendiquer le bénéfice de cette législation au même titre que les engagés demeurés sous les drapeaux219. Vingt-neuf AlsaciensLorrains se sont engagés au titre d'engagement volontaire pour la seule ville d'Epinal ; ce fut le cas de Theobald Auguste Bruker220.

Enfin, l'engagement concerne une autre catégorie : celle des prisonniers et des déserteurs « allemands », originaires d'Alsace-Lorraine221. La question se pose dès les premiers jours du conflit. 1650 prisonniers allemands se seraient réengagés dans les rangs de l'armée française. A partir d'août-septembre 1914, les jeunes gens retenus dans les camps d'évacués mobilisables, notamment Landsturmiens, ont aussi été invités à s'engager dans l'armée française222.

218 R. Martin, op. cit., pp. 62-65.

219 Maxime Leroy, Le statut civil et administratif des Alsaciens-Lorrains pendant la guerre, p. 22.

220 A.D.V., 4 M 495, Recensement étrangers de nationalités ennemies (1915).

221 H. Mauran, op. cit., p. 413.

222 H. Mauran, op. cit, pp. 414-415.

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