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La recevabilité des requêtes devant la cour de justice de la CEMAC

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par Apollin KOAGNE ZOUAPET
Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC) - Master en Relations Internationales, option Contentieux International 2010
  

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2- La voie de droit visant les Etats : le recours en manquement.

Destiné à assurer le respect par les Etats membres des obligations que leur impose l'appartenance à la Communauté, le recours en manquement revêt aux yeux des professeurs Jean Denis Mouton et Christophe Soulard, des traits les distinguant des règles jusqu'à présent admises en droit international classique, par le rôle déterminant qu'il réserve à la Commission, organe indépendant des Etats116(*). Cette procédure marque une révolution dans le droit d'émanation internationale, en tout cas depuis son institution par les articles 88 CECA, 169 à 171 CEE, 141 à 143 CEEA117(*). Bien qu'elle n'ait pas d'équivalent en droit international, l'action en manquement est souvent considérée comme d'inspiration « internationaliste » parce qu'elle ne peut être mise en oeuvre que par une institution, la Commission, ou par un Etat membre118(*).

Le recours en manquement permet de sanctionner non seulement la violation des règles du Traité, mais également celles du droit dérivé. La violation peut résulter d'un comportement positif de l'Etat, tel que l'adoption d'un texte contraire au droit communautaire, ou d'une abstention, par exemple le défaut de mise en oeuvre d'une directive. Elle peut être le fait soit de l'Etat lui-même, soit d'organes dépendant de celui-ci, même s'il s'agit d' « une institution indépendante 119(*)». Cette responsabilité peut être engagée en l'absence de toute intention fautive. En outre, l'existence d'un préjudice dans le chef des autres Etats membres n'est pas exigée. Pareille condition n'est requise que pour les procédures urgentes120(*).

3- Les procédures urgentes et particulières.

Sans prétendre être exhaustif, nous envisagerons ici l'exception d'illégalité, le référé et certaines voies de rétractation.

Aux termes de l'article 24 alinéa 2 CJC, « toute partie peut, à l'occasion d'un litige soulever l'exception d'illégalité d'un acte juridique d'un Etat membre, d'une institution, d'un organe ou d'une institution spécialisée ». La CJCE a estimé que la principale fonction de l'exception d'illégalité est de corriger les restrictions auxquelles les traités soumettent le recours en annulation des particuliers contre les décisions générales et les règlements et cela compte tenu de la « nécessité d'assurer un contrôle de légalité en faveur des personnes exclues... du recours direct en annulation contre les actes de caractère général au moment où elles sont touchées par des décisions d'application qui les concerne directement et individuellement121(*) ». En revanche, sont repoussées toutes les tentatives des particuliers invoquant l'exception d'illégalité de décisions individuelles dont ils étaient destinataires et qui, comme telles, étaient attaquables au titre et dans le délai du recours en annulation122(*) sauf dans le cas de décision individuelle nulle de plein droit, c'est-à-dire inexistante123(*) ou intégrée dans une « procédure complexe » telle le recrutement d'un fonctionnaire124(*). Les Etats membres et les institutions ont intérêt à disposer de l'exception d'illégalité pour empêcher l'application d'actes généraux illégaux qu'ils auraient pu attaquer mais qu'ils n'ont pas déférés au juge dans le délai du recours en annulation dont ils disposaient. Mais précisément, estimant sans doute que la possibilité d'invoquer l'exception d'illégalité ne peut qu'inciter les Etats membres à ignorer les règlements et à ne pas les attaquer dans les délais prescrits, le juge de la CJCE manifeste une réticence très nette à leur endroit125(*) même s'il est admis que les Etats membres auxquels il est fait grief dans le cadre d'un recours en manquement d'avoir violé un règlement, puissent invoquer pour leur défense l'illégalité de ce règlement126(*). Finalement, note le professeur Guy Isaac, « l'exception d'illégalité est donc essentiellement utilisable par les particuliers pour autant, bien sûr, qu'une autre voie leur a donné accès à la Cour127(*)».

En effet, cette voie de recours incidente se greffe nécessairement sur une autre procédure intentée devant la Cour. Sa raison d'être principale est de permettre aux particuliers, qui n'ont généralement pas le droit d'attaquer directement un règlement, d'en soulever l'illégalité à l'occasion d'un recours formé contre une décision individuelle prise sur la base de ce règlement128(*).

D'autres procédures incidentes sont prévues par les articles 32 et 33 de la Convention CJC : le sursis à exécution et les mesures provisoires ou conservatoires. De façon générale, ces procédures sont soumises aux mêmes règlements même s'il convient de préciser s'agissant du sursis que l'acte attaqué ne doit intéresser ni la sécurité, ni la tranquillité publiques129(*). Le sursis ne peut être demandé que par celui qui a attaqué l'acte par le moyen d'un recours devant la Cour ou qui a formé contre l'arrêt une tierce opposition130(*). Les autres mesures provisoires peuvent être sollicitées par n'importe quelle partie. Dans tous les cas, la Cour doit être déjà saisie du recours principal, qui peut être n'importe quel recours direct. En revanche le référé ne peut se greffer sur un recours préjudiciel car c'est alors au seul juge national, saisi de l'affaire au principal, qu'il appartient d'ordonner d'éventuelles mesures provisoires, par exemple de suspendre les effets d'une loi qui lui apparaît contraire aux dispositions de droit communautaire dont il demande l'interprétation.

S'agissant des voies de rétractation, on pourrait citer le recours en interprétation, le recours en révision, l'opposition et la tierce opposition. L'ordre juridique communautaire consacre deux types d'interprétation : l'une classique régie par l'article 98 des Règles de procédure de la Chambre judiciaire, ouverte en cas de contestation sur le sens ou la portée du dispositif de l'arrêt. La seconde est celle qui ressort de l'article 27 de la Convention CJC, qui est une sorte de « recours dans l'intérêt de la loi » ouvert pour éviter la violation par les juridictions nationales du droit communautaire par des interprétations erronées.

La révision a pour objet de permettre à toute partie au litige, après le prononcé de l'arrêt, de revenir devant la juridiction pour lui demander de modifier sa décision à la suite de la découverte d'un fait nouveau et décisif. L'ouverture du recours en révision est subordonnée à trois conditions qui doivent être établies par le requérant : le fait invoqué doit être antérieur au prononcé de l'arrêt dont la révision est demandée ; il doit être susceptible d'exercer une influence décisive sur la solution apportée au litige et dès lors de modifier l'arrêt rendu131(*). De plus, le juge de N'djamena exclut tout recours en révision contre un arrêt intervenu dans une précédente procédure de révision132(*).

La tierce opposition est une voie de recours extraordinaire ouverte aux tiers contre les arrêts qui portent atteinte à leurs droits. De caractère exceptionnel parce qu'intervenant après le prononcé de l'arrêt contre lequel elle est dirigée et portant, de ce fait, atteinte au principe de l'autorité de la Chose jugée et à la sécurité des relations juridiques, la tierce opposition est soumise à des conditions strictes de recevabilité.

« Le contentieux communautaire a prévu cette voie de droit dans le souci d'assurer une bonne administration de la justice et de conférer notamment une protection juridique à ceux qui, tout en étant demeurés étrangers au litige, ont souffert d'un préjudice consécutif à celui-ci. La tierce opposition vise à mettre à la disposition des tiers menacés ou lésés par l'existence d'un arrêt qui leur est opposable, une voie de droit qui leur permet, s'ils le désirent, de se faire entendre et de solliciter la rétractation de la décision qui porte préjudice à leurs droits133(*) ».

Le droit de former tierce opposition est subordonné à trois conditions : n'avoir pas été appelé à l'arrêt contre lequel la tierce opposition est dirigée, avoir subi un préjudice dans ses droits à la suite de cet arrêt et avoir présenté sa demande dans les délais prescrits. La tierce opposition est cependant toujours irrecevable contre un arrêt de rejet, un tel arrêt ne pouvant porter atteinte aux droits du tiers puisqu'il ne modifie pas les situations juridiques existantes134(*).

Toutes ces voies de droit ordinaires ou extraordinaires doivent en plus de ces conditions qui leur sont spécifiques répondre à certaines conditions de forme.

* 116 Mouton et Soulard Op. Cit. p242.

* 117 Kenfack Op. Cit. p.301.

* 118 Manin Op. Cit. p.362.

* 119 CJCE, 5 mai 1970, Commission c/ Royaume de Belgique, aff. 77/69 ; 18 novembre 1970, Commission c/ Italie, aff. 8/70.

* 120 Voir sur le recours en manquement Rideau Op. Cit. p.88 ; Manin Op. Cit pp.361-362 ; Cerexhe Op. Cit. pp 199-200; Isaac Op. Cit. pp.240-241, 279-281; Boulouis, Darmon Op. Cit. pp.263-295.

* 121 CJCE, 6 mars 1979, Simmenthal, aff. 92/78.

* 122 CJCE, 31 mars 1965, Dalmas, aff. 21/64

* 123 CJCE, 10 décembre 1957, Usines à tubes de la Sarre, aff. 1/57 et 14/57.

* 124 CJCE, 31 mars 1965, G. Rauch, aff. 16/64.

* 125 Isaac Op. Cit. p.261.

* 126 Mouton et Soulard Op. Cit. p.36

* 127 Isaac Op. Cit. p.261.

* 128 Mouton et Soulard Op. Cit. p.36.

* 129 Article 59 RPCJ.

* 130 CJ/CJ CEMAC, arrêt N° 001/R/CJ/CEMAC/CJ/02 du 15/01/2002, Tasha L. Lawrence c/ COBAC, Amity Bank.

* 131 CJCE, 10 janvier 1980, Bellintani c/ Commission, aff. 116/78.

* 132 CJ/CJ CEMAC, arrêt N° 006/CJ/CEMAC/CJ/07 du 24/05/2007, Tasha Loweh Lawrence c/ Arrêt N° 003/CJ/CEMAC/CJ/04 CEMAC et Société Amity Bank Cameroon PLC.

* 133 « Tierce opposition », Répertoire de droit communautaire Op. Cit. p.1.

* 134 Ibid. p.2.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci