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La recevabilité des requêtes devant la cour de justice de la CEMAC

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par Apollin KOAGNE ZOUAPET
Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC) - Master en Relations Internationales, option Contentieux International 2010
  

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SECTION II : LE JUGEMENT SUR LA RECEVABILITE DE LA REQUETE.

Le prononcé de la décision par le juge (paragraphe II) est précédé d'une phase d'analyse et d'instruction au cours de laquelle le juge examine véritablement les arguments des parties sur la recevabilité et le cas échéant la défense du demandeur aux exceptions d'irrecevabilité et fins de non recevoir (paragraphe I).

PARAGRAPHE I- L'INSTRUCTION DE LA RECEVABILITÉ.

Selon les termes de l'article 24 des Règles de procédure de la Chambre judiciaire, dès transmission du dossier, un juge rapporteur est désigné pour instruire la procédure. Il s'agit là de la soumission de la juridiction communautaire à ce que le professeur Chapus désigne comme « le principe de l'obligation d'instruire avant de juger175(*) ». Le principe est en effet que les affaires dont une juridiction administrative est saisie ne puissent être jugées sans avoir fait l'objet d'une instruction propre à les mettre en état d'être réglées par cette juridiction en aussi bonne connaissance de cause que possible. L'importance du principe explique qu'il ne peut céder que dans l'hypothèse précise où il apparaît au vu de la requête introductive d'instance, que la solution de l'affaire est d'ores et déjà certaine. Au centre de l'instruction de la CJC se trouve le juge rapporteur (B) qui doit observer dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice certains principes (A).

A- Les caractères généraux de la procédure d'instruction.

L'instruction devant le juge rapporteur de la CJC est écrite, contradictoire tout en demeurant inquisitoriale.

Le principe du caractère écrit de la procédure d'instruction est une garantie de bonne justice176(*). Il permet, en effet, au juge communautaire comme aux parties d'être pleinement et constamment au courant du déroulement de l'instruction du procès. Il prévient les surprises « et si, bien entendu, une procédure orale peut être disciplinée de façon à satisfaire aux exigences de la nécessaire contradiction, une procédure écrite est de nature à y satisfaire plus naturellement et sûrement177(*) ».

Le principe d'inquisitorialité de l'instruction renvoie de façon traditionnelle et usuelle au principe selon lequel le déroulement de la procédure d'instruction est sous la maitrise, non des parties, mais du juge. Le juge rapporteur dirige l'instruction ou plus précisément, il la dirige seul. Ce rôle directeur du juge communautaire pendant la durée du procès est symbolisé au début même de l'instance par la technique de sa saisine, la requête. C'est dire que le demandeur ne procède pas, comme cela se fait en principe en matière civile devant les juridictions internes, en faisant « assignation » à son adversaire de se présenter devant le juge. Il s'adresse directement et exclusivement au juge communautaire. C'est celui-ci qui aura la charge d'assurer la communication de la requête au défendeur178(*), et, en somme de mettre ce dernier en rapport avec le requérant. Une fois l'instance engagée, toute initiative n'est sans doute pas interdite aux parties ; elles peuvent notamment demander des mesures d'instruction. Il est normal qu'elles ne soient pas réduites à la passivité, mais la conduite de l'instruction leur échappe179(*).

Le principe du contradictoire dérive justement de cette nature inquisitoriale de l'instruction comme le démontre le professeur Elisabeth Zoller en le distinguant de l'égalité des armes :

« la règle du contradictoire opère dans le champ de la procédure inquisitoire, celle de l'égalité des armes fait sens dans le champ de la procédure accusatoire. La règle du contradictoire retire son venin à la procédure inquisitoire, en donnant un droit de réponse au justiciable face à ses juges, elle lime, pour ne pas dire, elle sape la figure de l'Etat dans le prétoire, elle le rabaisse au rang d'un justiciable ordinaire. L'égalité des armes retire son venin à la procédure accusatoire ; en donnant aux parties le droit d'être à égalité, elle dépouille le représentant de l'Etat de sa position traditionnellement « supérieure » à celle du justiciable dans le prétoire et sape, elle aussi, la position de l'Etat dans la procédure 180(*)».

Selon la Cour européenne des droits de l'homme, l'égalité des armes « implique l'obligation d'offrir à chaque partie une possibilité raisonnable de présenter sa cause... dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire181(*) ». Ainsi compris, le principe de l'égalité des armes « constitue un élément de la notion plus large de procès équitable, qui englobe aussi le droit fondamental au caractère contradictoire de la procédure pénale182(*) ».

Le principe du contradictoire permet de faire des Etats membres et des institutions et organes communautaires, des justiciables comme les autres, humbles et soumis à la toute puissance du droit communautaire et de son représentant, le juge. Ce principe garantit d'abord aux parties le droit d'être informées. C'est leur droit à savoir. Cela emporte un droit d'information sur l'instance par ceux contre qui elle est dirigée, et non moins au cours de l'instance sur l'ensemble du dossier d'instruction. Ainsi aucun document ne saurait être régulièrement soumis au juge sans que les parties aient été à même d'en prendre connaissance. Il n'appartiendrait pas de même au juge communautaire de prendre de lui-même en considération des éléments qui n'auraient pas été communiquées à la partie défenderesse. Le contradictoire implique d'autre part pour les parties un droit d'informer ; c'est alors leur droit de faire savoir, donc de répondre aux observations de leur adversaire, avec la garantie, pour que ce droit soit effectif, de disposer à cet effet d'un délai suffisant pour cette réplique. La question peut se poser sur les moyens d'ordre public soulevés par le juge ou encore du cas de l'Avocat général.

S'agissant de l'Avocat général, la Cour de justice des Communautés européennes a souligné que l'avocat général a le même statut qu'un juge, qu'il n'est pas chargé de la défense de quelque intérêt que ce soit et que ses délibérations ouvrent la phase du délibéré de la Cour. La CJCE affirme que « l'avocat général participe ainsi publiquement et personnellement au processus d'élaboration de la décision de la Cour et, partant, à l'accomplissement de la fonction juridictionnelle confiée à cette dernière ». En conséquence, « eu égard aux liens tant organique que fonctionnel entre l'avocat général et la Cour », la jurisprudence précitée de la Cour européenne des droits de l'homme -- examinée par le juge communautaire -- « ne paraît pas transposable aux conclusions des avocats généraux à la Cour 183(*)». Les conclusions de l'avocat général ne sont donc pas soumises au principe du contradictoire. Quant à la seconde question qui est de savoir si les moyens d'irrecevabilité soulevés d'office par le juge doivent être soumis au principe du contradictoire, nous penchons, dans la logique de la « communauté de droit » et du procès équitable, pour une réponse affirmative. Le juge de N'djamena devrait suivre l'exemple du juge administratif français où depuis un Décret du 22 janvier 1992, les moyens d'ordre public susceptibles d'être retenus d'office doivent avoir été préalablement communiqués aux parties, et s'ils n'apparaissent qu'au délibéré, ils ne sauraient être retenus sans que l'instruction ait été rouverte afin qu'ils soient débattus184(*). Cette démarche permettrait au juge rapporteur de présenter un rapport éclairé et objectif.

* 175 Chapus Op. Cit. p729.

* 176 Ibid. p.731.

* 177 Ibid.

* 178 Articles 25 et 27 RPCJ.

* 179 Chapus Op. Cit. pp.734-735.

* 180 E. Zoller « Procès équitable et due process of law », Recueil Dalloz, N° 8, 7281ème, 22 février 2007, p.522.

* 181 Cité par F. Sudre (dir.) « Droit communautaire des droits fondamentaux », Chronique de la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes, 2000, disponible sur http://www.rtdh.eu/pdf/2001797.pdf (consultation le 3 février 2010).

* 182 Ibid.

* 183 Ibid.

* 184 Pacteau Op. Cit. pp. 298-299.

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