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La recevabilité des requêtes devant la cour de justice de la CEMAC

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par Apollin KOAGNE ZOUAPET
Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC) - Master en Relations Internationales, option Contentieux International 2010
  

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SECTION II : UNE RIGIDE INTERPRETATION PRETORIENNE DES CONDITIONS DE RECEVABILITE.

Il est juste que l'exercice du procès soit canalisé. La fonction disciplinaire des règles de recevabilité en impose aussi la mise en oeuvre stricte, voire mécanique. C'est en tout cas ce que pense le juge de N'djamena pour qui la méconnaissance des règles de recevabilité est par principe d'ordre public, invocable à tout instant et opposable d'office (paragraphe I) et face auxquelles il ne dispose d'aucune marge de manoeuvre (paragraphe II).

PARAGRAPHE I- L'AFFIRMATION DU CARACTÈRE D'ORDRE PUBLIC DES CRITÈRES DE RECEVABILITÉ.

Concept polysémique,

« le contenu de la notion d'ordre public n'est pas délimité d'une façon précise ; l'ordre public a un caractère exceptionnel et résiduel quant à sa fonction, restreint quant à ses effets et relatif quant à sa nature. Il est par conséquent une notion à contenu judiciaire faisant office de soupape de sûreté, lorsque l'application rigide d'une norme aboutirait à un résultat qui ne peut être admis au regard des principes fondamentaux d'un ordre juridique déterminé. Sur le plan technique, l'ordre public se concrétise donc comme une exception à la règle. Telle semble être son essence. (...) Il est vrai cependant que la notion d'ordre public est parfois également utilisée pour désigner des dispositions impératives auxquelles il n'est pas possible de déroger. Dans ce cas, le contenu et la portée de l'interdiction que ces normes édictent sont connus à l'avance, de sorte qu'il serait préférable d'éviter d'utiliser les termes d'ordre public pour leur préférer ceux de principes impératifs225(*) ».

C'est cette seconde conception que retient le juge communautaire en affirmant l'indisponibilité des conditions de recevabilité (A) et en n'offrant aucune chance de régularisation (B).

A- L'indisponibilité des conditions de recevabilité des requêtes

Le principe général du procès international, écrit le professeur Carlo Santulli, est bien la disponibilité des moyens de recevabilité. Il est rare en effet qu'une condition spéciale de recevabilité soit soulevée d'office par une juridiction internationale. La condition n'est indisponible que si elle est définie comme un élément de la fonction dévolue. Pour l'éminent auteur, sont seules indisponibles de façon classique les conditions générales de recevabilité qui garantissent la fonction juridictionnelle : existence du différend, possibilité d'appliquer le droit, caractère obligatoire de la décision226(*).

Mais comme nous l'avons déjà précisé, la juridiction communautaire n'est pas véritablement une juridiction internationale au sens classique du terme, mais apparaît plutôt comme une juridiction interne : la juridiction interne de la Communauté. Les règles applicables devant elle se rapprochent donc plutôt de celles en vigueur devant les juridictions administratives internes. Sur ce plan, le principe est que les règles de recevabilité des recours sont d'ordre public, ce qui emporte les mêmes conséquences que le caractère d'ordre public des règles de compétence : possibilité pour les parties d'invoquer en tout état de la procédure l'irrecevabilité du recours, obligation pour le juge d'examiner d'office le cas échéant la question de recevabilité, obligation encore pour le juge de relever le cas échéant et en tout état de procédure d'office l'irrecevabilité du recours, c'est-à-dire de lui opposer une fin de non recevoir227(*). C'est bien cette logique que suit le juge de N'djamena qui a à plusieurs occasions réaffirmé le caractère d'ordre public des règles de recevabilité qui ne souffrent d'aucune exception228(*).

Surtout le juge communautaire réaffirme l'indisponibilité des conditions de recevabilité des requêtes en soulevant d'office des moyens non évoqués par le défendeur pour déclarer irrecevable le recours. C'est le cas par exemple de l'inobservation des délais dans l'affaire Dieudonné Nang Eko et autres c/ ISTA alors que l'Institut s'était limité à proposer ses arguments au fond sans objection sur la recevabilité de la requête229(*). Cette approche logique sur le plan du contentieux de la légalité ou de la responsabilité extracontractuelle de la Communauté, car le juge est gardien de la légalité communautaire et préserve celle-ci indépendamment de la volonté des bénéficiaires de la règle édictée, nous semble critiquable en ce qui concerne le contentieux de la fonction publique communautaire où la règle tirée de la pratique des juridictions administratives internationales reste la disponibilité des règles de recevabilité. Ainsi, dans une affaire Desplanque, le Tribunal administratif de la SDN a déclaré que les délais étaient stipulés « en faveur de la partie défenderesse », qu'ils ne « tenaient pas à l'ordre public interne » de la Société et que la partie défenderesse pouvait « renoncer » à se prévaloir de l'inobservation des délais230(*). De même dans l'affaire Kathryn Bernstein c/ UNESCO sus citée, le TAOIT en écartant la forclusion pour cas de force majeure, remarquait que l'organisation n'invoquait pas l'irrecevabilité du recours231(*).

Certes les règlements de procédure de ces différentes juridictions ne sont pas rédigées de façon identique et le juge communautaire ne dispose pas de la même marge et du même pouvoir que les juges administratifs internationaux, mais la Cour de N'djamena contrairement à celle du Luxembourg n'a pas su tiré profit des rares vides textuels pour faciliter l'accès à son prétoire au fonctionnaire communautaire. C'est que encore une fois, la CJC a du mal à se départir de sa rigueur en tant que juge de la légalité communautaire stricto sensu lorsqu'il opère comme juge administratif international, fonction qui requiert davantage de souplesse dans une perspective de protection et de préservation des droits du fonctionnaire communautaire. Cela nous semble d'autant plus critiquable que la souplesse n'est pas antinomique de la légalité. Le juge tout en s'assurant que les règles procédurales sont observées, devrait dans le même moment veiller à ce que celles-ci ne constituent pas un obstacle à l'accès au juge. L'intégration de cette double attitude dans son raisonnement l'amènerait sans doute à excuser certains « errements procéduraux ».

* 225 F. Hubeau « Ordre public », Répertoire de droit communautaire Op. Cit. p1.

* 226 Santulli Op. Cit. pp.198-199.

* 227 Chapus Op. Cit. p372.

* 228 CJ/CJ CEMAC, aff. Galbert A. Etoua Op. Cit.; aff. Asngar Miayo c/ EIED Op. Cit.; aff. Okombi Gilbert c/ CEMAC Op. Cit.

* 229 CJ/CJ CEMAC, arrêt N° 004/CJ/CEMAC/CJ/07 du 02 mars 2007.

* 230 Jugement N° 19 cité par Bastid Op. Cit. p.427.

* 231 TAOIT, jugement N° 21 Op. Cit.

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