WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La recevabilité des requêtes devant la cour de justice de la CEMAC

( Télécharger le fichier original )
par Apollin KOAGNE ZOUAPET
Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC) - Master en Relations Internationales, option Contentieux International 2010
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

B- L'absence d' « irrégularités excusables »

Le concept d' « irrégularités excusables » renvoie directement à l'idée de régularisation. Cette idée n'est pas elle-même contraire au principe d'indisponibilité des règles de procédure mais contribue plutôt à rendre plus effectif et efficace l'office du juge dans l'ordre juridique communautaire. Il faut tout de même s'assurer que le procès dûment rationnalisé, ne s'en trouve pas rationné. La théorie de la recevabilité se doit d'être raisonnable dans ses principes comme dans ses techniques et dans son maniement concret. « La route du prétoire ne peut être sans discipline ; elle se doit au moins d'être sans pièges »232(*). C'est pour éviter ces écueils et pièges qu'est instituée la régularisation des « irrégularités excusables ».

Stricto sensu, la régularisation vise la possibilité de satisfaire après-coup une condition de recevabilité qui n'était pas remplie au moment où elle aurait dû l'être. Elle ne se confond donc pas avec la possibilité de ne pas déclarer irrecevable une demande, une conclusion, un moyen ou une pièce qui ne satisfait pas certaines conditions de détail, les irrégularités excusables, indépendamment de leur régularisation, ex post233(*). Pour le professeur Santulli, 

« la possibilité de procéder à une régularisation et éventuellement l'obligation pour la juridiction de la rechercher, en effet, dépend de l'appréciation de la discipline du justiciable et donc, en définitive, du caractère « excusable » de l'irrecevabilité. S'agissant, en particulier, des détails de forme et de procédure pouvant affecter la recevabilité des pièces, le principe général met à la charge des justiciables une obligation de diligence pour obtenir une connaissance exacte du droit du procès. Parce que c'est une obligation de diligence, elle implique l' « ignorance excusable » de certaines conditions, et donc la possibilité de les régulariser ou, le cas échéant, de passer outre l'irrégularité234(*) ».

Or la CJC ou tout au moins la Chambre judiciaire de la Cour dans son ancienne formule, à travers la rigueur et la stricte interprétation des conditions de recevabilité dont elle a fait preuve jusqu'ici ne laissait que très peu de place à « l'ignorance excusable » dont parle le professeur Santulli. Bien au contraire, dans une espèce où le but de la règle avait été atteint sans que le requérant n'ait expressément usé des formes prescrites par les textes, le juge de la CEMAC dans un formalisme excessif n'hésite pas à déclarer le recours irrecevable235(*). Le caractère excessif du formalisme découle de l'interprétation que donne le juge de la règle formulée dans le texte. Il se limite tout d'abord à l'intitulé du recours du demandeur qui confond manifestement recours hiérarchique et recours administratif préalable ; et ensuite refuse de se prononcer sur l'argumentation du requérant qui démontre bien qu'en l'espèce si le recours n'est pas formellement celui exigé par les textes, il n'en remplit pas moins la fonction. Pourtant, le juge sans remettre en cause la nature d'ordre public des règles de recevabilité, pourrait faire preuve d'un peu plus de souplesse en examinant d'office les règles de recevabilité et en rejetant le recours si les conditions de recevabilité n'étaient pas remplies, mais seulement après avoir invité le requérant à régulariser la requête lorsque les conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai du recours, à l'exemple du juge administratif français236(*).

En effet, sans qu'il y soit tenu juridiquement, il est devenu courant que le juge administratif français au cas où la requête est irrégulière ou incomplète, parce qu'elle n'est pas motivée, du fait que le ministère d'avocat est nécessaire et fait défaut, parce que la décision attaquée n'y est pas jointe, en raison de ce qu'elle a un caractère collectif ou que son auteur n'est pas régulièrement autorisé à ester en justice, invite le requérant à la régulariser237(*). Cette faculté de sauvetage qui compense l'accroissement des règles de recevabilité s'avère précieuse pour les plaideurs inexpérimentés et c'est sans nul doute pourquoi le Conseil d'Etat français, au nom de « ses obligations dans la conduite de l'instruction » a astreint les juges à inviter les requérants à régularisation avant de leur opposer une irrecevabilité238(*). Au besoin, le juge d'appel, après avoir reproché aux premiers juges de ne pas avoir formulé une demande de régularisation y procédait lui-même239(*). Si cette sollicitude envers les requérants n'existe pas devant la CJC, c'est peut être parce que ses juges sont issus d'ordres juridiques nationaux où la jurisprudence ne fait pas montre de faveur envers le plaideur inexpérimenté, et reproduisent ainsi au niveau communautaire les rigueurs des droits nationaux.

Il s'agit là pourtant de notre point de vue, d'une exigence du procès équitable et d'une bonne administration de la justice qui ne préjudicierait ni aux intérêts du défendeur, ni au bon déroulement du procès. En effet, il n'est point question de faire ici un plaidoyer pour un « libertinage processuel » mais seulement d'humaniser les règles de recevabilité en intégrant les réalités sociologiques pour sauver les recours entachés d' « erreurs excusables » d'un requérant pourtant diligent. Pour cela nous proposerons comme en droit administratif français de distinguer selon la nature de « l'erreur ». D'abord, le juge communautaire d'Afrique centrale sanctionnerait avec la rigueur jusqu'ici observée les « irrégularités insusceptibles de régularisation », c'est-à-dire celles qui par leur nature ou leur fonction s'opposent à ce qu'elles puissent être corrigées : pas de régularisation possible en matière de délai, en cas de violation de l'obligation de préalables procéduraux, et en cas de recours contre un acte qui est précisément insusceptible de recours. Ensuite, il admettrait la possibilité de régularisation jusqu'à expiration du délai de recours des recours non motivés, ou rédigés dans une langue autre que celles retenues devant la Cour. Enfin plus nombreuses seraient les possibilités de régularisation après l'expiration du délai de recours et ce, parce qu'elles sont propres à rendre les plus grands services non seulement au requérant mais dans certains cas aussi au défendeur. L'on pourrait citer à titre illustratif la capacité d'agir en justice à son nom et pour le compte d'autrui, l'obligation du ministère d'avocat, en cas d'erreurs purement matérielles telles que l'omission de signature, ou la non production de la décision attaquée. Dans tous les cas pour ne pas préjudicier au défendeur, la régularisation ne doit être possible que lorsque l'irrecevabilité est soulevée d'office par le juge et pas lorsqu'elle est soulevée en défense.

En consacrant de cette manière la possibilité de régularisation dans le contentieux communautaire, le juge de N'djamena affirmerait sa capacité à interpréter de façon dynamique et souveraine des règles de recevabilité dont on a l'impression parfois qu'elles sont hors de sa portée.

* 232 Pacteau Op. Cit. p.170.

* 233 Santulli Op. Cit. p.193.

* 234 Ibid.

* 235 Aff. Okombi Gilbert Op. Cit. ; voir infra, chapitre IV, section I, paragraphe I, A.

* 236 Pelissier Op. Cit. p.4.

* 237 Gazier Op. Cit. p.3.

* 238 Conseil d'Etat, 26 juin 1959, syndicat chrétien de l'éducation surveillée, cité par Pacteau Op. Cit. p. 267.

* 239 Conseil d'Etat, 29 décembre 2000, caisse primaire d'assurance-maladie de Grenoble, Ibid.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon