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Compatibilité du régionalisme et du multilatéralismeĀ : le cas de l'ALENA

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par Benoit ILLINGER
Université Pierre Mendès France (Grenoble II Sciences Sociales) - Maà®trise Sciences économique Mention économie et Gestion des Entreprises 2001
  

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2.3 ALÉNA : Conséquence du déclin du GATT, complémentaire au GATT.

Les causes du déclin du GATT sont donc d'un autre ordre. Krugman voyait en 1992, quatre principaux facteurs qui, en canalisant des intérêts particuliers, auraient érodé l'efficacité du GATT.

Premièrement, le déclin de la prééminence des États-Unis a contribué à l'érosion de l'efficacité du GATT. Auparavant les États-Unis avaient les moyens (et les utilisaient) d'exercer des pressions et d'offrir des concessions qui coïncidaient avec les objectifs du GATT. Mais comme peu à peu la part du PIB des États-Unis dans le monde a diminué, et comme sa prééminence en matière technologique s'est estompée, le pays à perdu le pouvoir et la volonté de régenter le monde.

Deuxièmement, la complexité croissante des problèmes auxquels le GATT est confronté, a contribué à éroder son efficacité. Il est de plus en plus fréquent que les discussions du GATT portent sur des points qui dépassent les politiques de chaque nation à leurs frontières. Le GATT doit aborder des problèmes relatifs à la valeur ajoutée intellectuelle qui prend une part croissante par rapport à la valeur ajoutée traditionnelle, des problèmes relatifs aux politiques d'aide à la R-D...

Le troisième problème est posé par le protectionnisme qui prend de nouvelles formes. Le grand courant libéral d'après guerre dans le camp occidental a démantelé peu à peu toutes les barrières traditionnelles. Aussi, aujourd'hui ces obstacles qui sont presque inexistants (sauf en agriculture) ont laissé place dès les années soixante-dix aux restrictions volontaires d'exportations, à des normes et des obstacles bureaucratiques, et à tout un arsenal protectionniste beaucoup plus incommode à surveiller et à réglementer pour le GATT.

Le quatrième et dernier facteur qui a contribué, selon Krugman, à l'érosion de l'efficacité du GATT est l'importance croissante des nouveaux intervenants - notamment le Japon - qui sont institutionnellement assez différents des partenaires passés. Le GATT est un système qui, comme nous l'avons vu, a été imposé par la puissance hégémonique de l'après-guerre, les États-Unis, et donc crée à leur image. C'est un « système légaliste » qui s'intéresse plus au moyen d'obtenir un résultat qu'au résultat lui-même. Et cette démarche ne fonctionne pas avec des États comme le japon qui, de part leur structure institutionnelle collusoire, où des liens étroits régentent les entreprises entre elles, conservent un protectionnisme latent.

Et ce sont tous ces obstacles au fonctionnement du GATT qui expliqueraient pourquoi on a vu se développer les accords régionaux de libre-échange et non le contraire. D'ailleurs la relation est peut-être inverse. En effet, en observant les raisons de ce déclin relatif, on se rend compte que l'option régionaliste semble être une réponse adéquate à ces problèmes pour garder la même orientation libérale que dans le GATT108(*).

En effet, on notera tout d'abord que le déclin des États-Unis n'entre pas en compte dans les accords régionaux109(*) puisqu'il existe en son sein soit la prééminence d'un partenaire local, soit une conjonction de forces qui rend sans objet une telle prééminence. Ce problème n'en est donc plus un au niveau régional.

Les raisons deux et trois du déclin du GATT sont également plus aisément évitables au niveau régional qu'au niveau mondial. En effet, les accords régionaux comprennent en leur sein des clauses qui impliquent une certaine convergence qui évitera les obstacles nouveaux au commerce et qui permettra de régler plus simplement les problèmes rencontrés.

Enfin, par rapport au dernier problème qui a contribué au déclin du GATT, Krugman affirme simplement que « des voisins se comprennent et se font confiance ». Ainsi ils ne peuvent que mieux, dans des négociations multilatérales complexes, aborder des points de détails et mieux remédier aux différences culturelles qui sont moins profondes.

Nous venons donc de voir que l'ALÉNA n'est pas une cause mais bien une conséquence de ce déclin puisque au niveau régional les problèmes qui ont affaibli le GATT n'existent plus. Et, comme nous l'avons déjà vu l'objectif du cas d'espèce est identique à celui d'un accord multilatéral, c'est à dire le libre-échange. C'est pourquoi nous pouvons affirmer que nos deux accords sont complémentaires. 

Cette affirmation est appuyé par les propos de Jean-Marc Siroën. L'ALÉNA apparaît comme une intégration minimaliste110(*) car il n'est pas une fin en soi. Par contre, c'est bien « l'économie » qui est une fin et non un moyen.

On constate que la libéralisation avec le Mexique et le Canada prolonge la stratégie de croissance par les exportations des États-Unis.

Dans cette conception minimaliste, le régionalisme est considéré comme une étape vers une libéralisation des échanges plus globale. Le succès qui découle de cette libéralisation régionale devrait favoriser le ralliement des pays tiers à cette dernière et également accélérer le multilatéralisme car les pays hésitants en verraient ainsi les avantages. Cette conception du régionalisme correspond à celle du GATT. L'article XXIV, §4 relate d'ailleurs à ce sujet que « Les parties contractantes reconnaissent qu'il est souhaitable d'augmenter la liberté du commerce en développant, par le moyen d'accords librement conclu, une intégration plus étroite des économies des pays participants à de tels accords. Elles reconnaissent également que l `établissement d'une union douanière ou d'une zone de libre-échange doit avoir pour objet de faciliter le commerce entre les territoires constitutifs et non d'opposer des obstacles au commerce d'autres parties contractantes avec ces territoires.111(*) » Cette conception du minimalisme qui est visible dans les textes du GATT, concerne deux domaines :

- Un nombre limité de formes d'association est toléré112(*). Mais cet obstacle est plus formel que réel car souvent, si les pays en question ont un pouvoir conséquent, les parties contractantes du GATT accordent des dérogations.

- Les préférences régionales, dans ce cadre s'affaiblissent inéluctablement. L'impossibilité de renforcer la protection vis-à-vis des pays tiers implique l'affaiblissement mécanique de la préférence régionale à chaque avancée des négociations multilatérales.

Il y a pleine donc compatibilité du régionalisme minimaliste avec le multilatéralisme113(*). En effet celui-ci est une étape vers le multilatéralisme. L'ALÉNA étant un Accord régional de type minimaliste, il n'est donc en aucun cas contraire au multilatéralisme. On remarque d'ailleurs que, sur de nombreux points, le mode de fonctionnement du GATT est reproduit dans cet accord114(*). Cet accord semble être selon les termes de Siroën « un mini-GATT régional » d'ailleurs connecté au GATT réel dans le sens où ce dernier intervient dans les conflits intra-zones comme une sorte de tribunal de dernière instance. Les pays de l'ALÉNA ne constituent donc pas une zone d' « extra-territorialité » du multilatéralisme puisque le GATT est susceptible de trancher les différends internes115(*).

En conclusion, L'ALÉNA, qui est compatible avec la logique multilatérale de type universaliste, s'insère aussi à ses débuts dans une éventuelle stratégie de reconquête du leadership américain sur le multilatéralisme.

* 108 Comme nous l'avons vu à la section 1 de ce chapitre.

* 109 Mis à part pour l'ALÉNA, mais à cette échelle régionale, la prééminence des États-Unis n'est pas remise en cause.

* 110 Terme utilisé par opposition à la conception fédératrice de l'union européenne où le régionalisme est une fin en lui-même.

* 111 Article XXVI, §4 du GATT in SIROËN J.-M. (1995) Régionalisme contre multilatéralisme, Les cahiers français, 269, janvier.

* 112 Par exemple, les accords de préférence de type Accords de Lomé ne sont pas conformes à la lettre de l'article XXVI dans le sens la zone de préférence Europe-pays Afrique-Caraïbes-Pacifique (ACP) ne constitue ni une zone de libre-échange, ni une Union douanière. Ils n'obéissent pas non plus à l'exception du système généralisé de préférence puisque bien que non réciproques, ils ne concernent pas l'ensemble des PVD (principe de non-discrimination) mais un ensemble déterminé de pays (les pays ACP).

* 113 SIROËN J.-M. (1995) Régionalisme contre multilatéralisme, Les cahiers français, 269, janvier.

* 114 Notamment la procédure de règlement des différends, la clause de sauvegarde, les règles anti-dumping...

* 115 Dès juillet 1994 il y avait eu 4 conflits portés devant un groupe spécial du GATT ( sur 26 au total ) qui opposaient les États-Unis avec le Canada ou le Mexique.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault