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Méagui, une zone de production et de commercialisation des produits vivriers

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par Dagou Hermann Dagou
Université de Cocody/Abidjan - Institut de Géographie Tropicale - Maitrise de Géographie 2009
  

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4. L'organisation spatiale

Comme Paul Claval (1977, p 124) le disait << la nouvelle géographie est ainsi conduite à s'interroger de plus en plus sur les rapports entre l'organisation sociale et l'ordre spatial ». L'agencement de différentes composantes de l'espace de Méagui qui constitue son organisation spatiale, peut être modifié par la dynamique du vivrier. Leurs influences peuvent être lues à différents niveaux. En premier lieu sur l'offre par l'amélioration des échanges, donc la disponibilité alimentaire; puis sur l'environnement économique général en favorisant l'emploi et le pouvoir d'achat, donc l'accessibilité à la nourriture; et enfin sur les circuits commerciaux par l'amélioration de leur efficacité.

> La production et les échanges, donc la disponibilité alimentaire

La croissance de la demande alimentaire urbaine entraîne une concentration très forte d'activités et de marchandises vers les villes. Ce qui a pour effet de stimuler l'émergence de nouvelles formes d'exploitation ou de valorisation des espaces de l'hinterland.

D'abord elle permet la valorisation des bas-fonds, jusque-là délaissés par l'arboriculture mar-
chande. A l'échelle régionale, apparaissent des zones de production plus ou moins spécialisés

et organisées en auréoles concentriques, avec au moins trois secteurs : une zone centrale, intra ou périurbaine, dans laquelle est développée les cultures valorisant fortement le sol, cultures maraîchères et rizicoles ; une auréole où l'emportent les denrées comme le manioc, parfois accompagné d'igname ; au-delà, une dernière auréole, où l'agriculture locale est fortement étendues banane, ou igname (Chaléard 1996, p 47). Ce qui frappe aujourd'hui dans cette population, c'est bien d'une part, le nombre croissant de marchands ambulants itinérants ou semiitinérants et occasionnels et, d'autre part, la forte mobilité spatiale des vendeurs installés. Les distinctions, opératoires autrefois, entre sédentaires et ambulants, réguliers et occasionnels, deviennent de plus en plus floues. Wilhelm ajoute que l'image du vendeur à l'étal attendant son client et de l'ambulant se portant au devant de celui-ci, est aujourd'hui totalement brouillée ( Wilhem 1997a, p 33). Pour ce qui est des aires d'approvisionnement, le cas de Méagui suggère la prévalence des circuits longs sur les circuits courts pour le ravitaillement du centre urbain qu'est Abidjan. Autrement dit, «l'augmentation de la demande alimentaire urbaine n'a pas conduit au développement d'une intense agriculture périurbaine, mais à la stimulation de l'offre en zones rurales relativement éloignées». (Oyep 1997).

> L'environnement économique, en favorisant l'emploi et le pouvoir d'achat

La détérioration des conditions économiques fait augmenter la pression sociale: le chômage pousse une masse sociale consistante vers l'activité commerciale, à la recherche d'occupations et de sources additionnelles de revenus. Ceux qui perdent leur emploi dans le secteur moderne se créent au niveau du secteur informel une autre source de revenu. C'est ainsi que l'investissement dans la restauration est devenu, pour bon nombre de licenciés, une alternative au chômage (Akindès 1991, p 172). On assiste au développement de la restauration populaire de type informel. Ces restaurants sont en général alimentés par du vivrier de moindre qualité ou à la limite de la conservation. Pour Akindès (1991, p 160), l'agrandissement de la ville, conjugué au rythme de vie urbain et à la faiblesse des moyens de transport, enlève aux travailleurs et à la population scolaire la possibilité de prendre leurs repas à domicile. D'ou une orientation vers la restauration populaire où les prix peuvent être négociés en fonction du pouvoir d'achat.

> Les circuits commerciaux, par l'amélioration de leur efficacité.

Selon Moustier (1990 ; p 89): «L'analyse du système de commercialisation révèle une organisation, à l'amont et à l'aval, adaptée à un contexte de forte incertitude, à un marché du crédit et à une information sur l'offre très imparfaits ». Les réseaux commerciaux atomisés, où les relations personnalisées permettent une bonne circulation de l'information entre producteurs et vendeurs et des relations de crédit, sont plus efficaces qu'une organisation centralisée et ano-

nyme. D'autre part, l'existence de points de vente en gros, souvent informels, permettent une confrontation des transactions, et l'intensification de marché de gré à gré. Pour Nassa (2007), cette activité engendre des effets induits très diversifiés sur l'organisation de l'espace. Ainsi le développement de l'espace marchand donne lieu à l'étalement de la ville. La ville prend donc du volume grâce aux marchés routiers et à leur croissance.

Des recherches en Afrique centrale ont été initiées par Pierre Vennetier (1972, p 63). Il met en avant la polarisation de l'espace géographique où l'alimentation des citadins dépend d'apports lointains, ce qui entraîne des difficultés de ravitaillement et un rôle croissant pour les transports. Se référant à l'évolution des fronts pionniers, Chaléard (1996, p 207) constate des localités nouvelles se créer à partir des centres, devenues en quelques années des agglomérations de plus de 5000 habitants, comme Méadji (dans le Sud-ouest) ou Flakièdougou (dans le Nord-est), à partir desquels opèrent des marchands qui rassemblent la production avant de l'expédier sur Abidjan ou Bouaké. Chaléard montre l'importance du transport dans la capacité de réponse des agricultures vivrières locales à la demande des villes, mais également celle des flux d'échange entre agglomérations urbaines et campagnes qui ne sont pas limités à des flux alimentaires à sens unique.

En somme, la littérature sur notre sujet a été abordé dans ces différentes parties prisent individuellement. La production vivrière embryonnaire à l'époque est spécialisée par ethnie est déjà évoquée. Les transports dans la région, a fait l'objet d'étude mais à une époque ou l'activité n'avait pas grande ampleur. Bien que des marchés existent dans la région, ils n'ont pas fait l'objet d'étude à notre connaissance ainsi que l'organisation spatiale. Elle a été intégrée par Chaléard4 dans un cadre plus global du département de Soubré sur le plan géographique et sur le plan sociologique par Schwartz5. De plus, l'actualisation de ces connaissances dans le cadre plus spécifique de la région de Méagui sur les produits vivriers n'est pas encore documentée. La mise en évidence dans cette région du jeu complexe des acteurs du commerce qui combinent : une diversité d'espaces de ravitaillement et de redistribution ; une gamme de produits adaptée à l'instabilité dans le temps de la production et une dissémination des espaces cultivés conduit à notre problématique.

4Temps des villes, Temps des vivres. L'essor du vivrier marchand en Côte d'Ivoire. Paris, Karthala, 661 p

5 Sous-peuplement et développement dans le Sud-ouest de la Côte d'Ivoire : Cinq siècles d'histoire économiques et sociales, Paris, ORSTOM, 488 p

PROBLEMATIQUE

La planète est-elle capable de nourrir un nombre d'habitants en croissance constante ? Telle est la question-clé de notre actualité, qui se traduit partiellement en termes de géographie rurale de la façon suivante : Quels seront les nouveaux rapports villes/campagnes ? Comment nos recherches géographiques peuvent-elles s'intégrer dans cet ensemble ?

La géographie rurale a gardée le privilège de concerner des territoires bien circonscrits : « les espaces hors des villes ». Elle donne à chacun d'y observer les évolutions et les ruptures provoquées par l'ensemble des conditions endogènes et exogènes (Bonnamour, 2003). Nous avons choisi la Côte-d'Ivoire pour observer ce dynamisme. Elle connaît depuis plusieurs décennies une croissance urbaine spectaculaire : le pourcentage de citadins dans la population totale est passé de 3 % en 1940, à 15 % en 1958 et à plus de 50 % dans les années 1990. Ce mouvement s'est traduit par une demande accrue en produits alimentaires, qui a provoqué, en dépit d'un recours non négligeable aux importations, des mutations dans les campagnes. Le relatif développement économique qu'elle a connu dans les années 1960 et 1970 était essentiellement lié à sa performance agricole basée sur le binôme café-cacao. Selon le Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté (D.S.R.P version 2009), la Côte d'Ivoire est un pays dont 57% de la population vit en milieu rural. L'agriculture y représente l'activité principale avec 2/3 des recettes d'exportation et 2/3 des emplois. Elle contribue pour 27% du PIB et a permis de générer des revenus pour l'Etat ; les producteurs et les exportateurs ; et a contribué au développement des secteurs secondaire et tertiaire. Le secteur vivrier occupe 85% de la population active agricole dont 90% sont des femmes. Les principales cultures vivrières sont le riz, l'igname, le manioc, la banane plantain, le maïs et les légumes. La production vivrière, estimée à 9 000 000 de tonnes en 2006, occupe une superficie de 2 448 000 ha.

A partir de 1980, dans le cadre du Plan d'Action de Lagos, est lancé le mot d'ordre d'autosuffisance alimentaire. Il faut attendre la fin de cette année avec le projet soja, auxquels sont associés le riz et secondairement le mais et l'igname, pour que les cultures vivrières prennent de l'importance. Il s'agit à la fois d'assurer la nourriture des ivoiriens en réduisant les importations. Ainsi plusieurs zones de production ou fronts pionniers sont misent en place et identifiés notamment les régions forestières avec la production de banane plantain, de riz, d'igname et de manioc. De plus le désenclavement du Sud-Ouest forestier par le projet A.R.S.O avec la réinstallation des populations déplacées et l'ouverture du port de San-Pedro en 1972, entraîne l'apparition du dernier front pionnier (N'gotta, 2010), dont fait partie Méagui. Par le développement d'une production destinée à nourrir les villes, les cultures vivrières apparaissant de plus en plus comme de véritables cultures spéculatives (Douka 1981, p 125)

avec la hausse continue et soutenue de la demande urbaine. En effet, l'insuffisance de l'offre nationale en produits alimentaires rend vulnérable notre système alimentaire. Dès lors il devient important de se pencher sur les greniers ou plus précisément les bassins de productions vivrières en Côte d'Ivoire au nombre desquelles se trouve la région de Méagui.

Le choix de cette région s'est fait sur la base d'une pure curiosité scientifique. Celle-ci a été renforcée par rapport à son importance sociodémographique (population hétérogène) et économique (cultures de rentes). Elle constitue aujourd'hui une zone très stratégique pour le pays du fait de son statut de boucle des produits d'exportation en particulier le cacao. Du point de vue démographique, la localité compte un fort potentiel humain (42914 habitants en 1998 (I.N.S. 1998) pour une superficie de 362 Km2 soit une densité de 118 habitants au Km2). On y rencontre une forte présence de communautés allogènes et étrangères constituées de plusieurs couches ethniques ivoiriennes (Baoulé, Yacouba) et de ressortissants des pays de la C.E.D.E.A.O (Guinéens, Maliens, Burkinabés, Togolais...). Ces populations sont les plus importantes de la localité (96% de la population totale). Sur le plan naturel, la localité bénéficie d'un climat véritablement humide avec une pluviométrie très élevée (2000mm de pluie en moyenne) qui rythme bien la vie des planteurs et les travaux champêtres. Le relief est constitué de nombreux bas-fonds argileux qui sont favorables aux cultures vivrières. L'abondance des pluies, la richesse du sol et surtout l'immensité de la forét lui confère de nombreuses aptitudes culturales et font de cette zone un lieu de développement agricole.

Au sujet de vivrier, Chaléard (1990, p 324) affirmait qu'autour de Méagui, les ventes sont importantes en tonnages mais faibles en valeur, les prix étant très bas, et les pertes dans les champs considérables. Les paysans producteurs sont en situation de faiblesses dans le négoce locale puisqu'incapable de vendre ou d'acheminer leurs récoltes sur d'autres centre de collecte comme celui de Yabayo. Les commerçantes se retrouvent souvent en situation de monopsone6 pour certains produits difficiles de conservation (maraicher et fruits). Dès lors, le faible pouvoir d'achat local et le bon état relatif des axes routiers sont ici les causes principales de l'attrait des villes comme Abidjan. Ainsi, nous avons cherché à savoir comment une région de cultures de rente, fourni-t-elle une production vivrière et organise un commerce au-tour de cette production ?

6 Etat d'un marché où le jeu de concurrence est faussé au niveau de la demande du fait de la présence d'un seul acheteur.

3. Objectifs de l'étude

- Objectif général : La présente étude veut contribuer à une meilleure connaissance du bassin vivrier de la région de Méagui.

- Objectifs spécifiques :

_ Identifier la nature des produits vivriers et évaluer leur importance dans la région de Méagui _ Analyser l'organisation des acteurs autour de l'activité vivrière ;

_ Décrire les circuits de commercialisation des produits vivriers et les dysfonctionnements liés à cette filière.

4. Hypothèses de l'étude

Première hypothèse : Les féculents et les fruits sont les principales denrées produites dans le bassin vivrier de Méagui.

Deuxième hypothèse : La faible autonomie financière des producteurs et de détaillants à l'égard des grossistes freine l'essor du commerce des produits vivriers.

Troisième hypothèse : L'inadéquation des moyens de transport et les tracasseries routières limitent les quantités de produits vivriers qui transitent par les principaux circuits commerciaux.

METHODOLOGIE DE COLLECTE ET TRAITEMENT DES DONNEES

La méthodologie suivie dans le cadre de cette étude se base sur trois éléments fondamentaux. Il y a d'abord, l'échelle des unités d'observation puis de la collecte des données décomposées en phase exploratoire et en une phase de terrain et enfin le traitement et l'analyse des données recueillies.

1. Echelle d'étude et unités d'observation

La démarche de base de cette recherche est simple : il s'agit de noter la manière dont les hommes emploient leur temps et utilisent l'espace. Elle se fait donc dans un cadre spatial limité à la sous-préfecture de Méagui et plus récemment celle d'Oupoyo. Donc pour nous, ces deux circonscriptions constituent la région de Méagui. On y note la nature de l'activité, le lieu où il se déroule, les flux qu'elle implique ou qu'elle crée, les relations proches ou lointaines qu'elle met en oeuvre. Comme cette région n'est pas en autarcie, les marchés de Yopougon, d'Adjamé et d'Abobo, lieu de destinations de ces flux ou de ces relations constituent d'autres lieux à l'échelle de la commune.

Dans le but de vérifier les hypothèses, plusieurs unités d'observation ont été retenues.

- Concernant l'origine et la nature des produits vivriers vendus sur les marchés de Méagui, nous allons d'abord mener nos observations dans les plantations, les bassins de production (Méagui et villages ciblés), ensuite sur les marchés de la ville qui les réceptionnent.

- Quant au fonctionnement du bassin et ses composantes, les acteurs, les voies et moyens de communications, les ventes sur les marchés et les points d'activités économiques ont servi d'unité d'observation.

- Pour l'impact de ce bassin sur le développement de l'espace de Méagui, nous avons évalué l'intensité du commerce, le nombre de convoies de vivriers destiné à Abidjan, observé le cadre de vie des populations de la région de Méagui ainsi que le niveau d'équipements.

2. La collecte des données

La documentation utilisée peut classer en deux séries. La première rassemble celles qui appartiennent déjà à la géographie, les monographies locales ou régionales et les études à portés géographiques. La seconde, pose les problèmes plus délicats des informations extérieurs à elle mais indispensables pour son information tels les recueils statistiques, les études économiques sociologiques ou ethnographiques. Nous avons dans un premier temps, recherché la documentation composée d'ouvrages généraux et de référence sur la question du vivrier au sens large.

L'autre étape a été la recherche de données primaires par des enquêtes de terrains vue l'obsolescence des chiffres et la prise en compte des réalités actuelles.

2.1. La préparation de l'enquête :

L'objectif était d'être mieux équipé face à des interlocuteurs peu disposés à perdre du temps. La phase préliminaire se décompose en recherche documentaire et entretiens exploratoires.

2.1.1. La recherche documentaire

Cette documentation a contribué à nous faire comprendre le sujet dans sa globalité. Les ouvrages consultés proviennent respectivement de la bibliothèque de l'Institut de Géographie Tropicale (I.G.T.) de l'Université de Cocody Abidjan, des bibliothèques de l'Institut Recherche pour le Développement (I.R.D.) pour les articles et travaux d'enseignants et étudiants sur la géographie rurale (épistémologie, méthode, perspectives de recherche...) et sur le vivrier (nomenclature, évolutions, répartitions régional...). A l'Institut National des Statistiques (I.N.S.) des données sur l'évolution (1975-1998) de la population des localités d'étude (sexes, ethnies, nationalités, activités). Auprès des directions de l'Office d'aide à la Commercialisation des Produits Vivriers (O.C.P.V.), du Ministère de l'Agriculture et la Production Animale détaché à Méagui et de l'Agence Nationale d'Appui au Développement Rural (A.N.A.D.E.R.), nous avons obtenus les données sur l'agriculture (types de produits, provenance, destination, prix sur le marché, état de l'utilisation des espèces améliore et des engrais). A cette liste, il faut ajouter les archives de la mairie et de la sous-préfecture de Méagui pour des organismes internationaux.

2.1.2. Les entretiens exploratoires

En complément à la lecture de ces documents et dans l'objectif de nous familiariser avec le terrain étudié, nous avons fait une reconnaissance durant le mois d'octobre 2008 pour connaitre l'espace d'étude. Cette pré-enquête a eu pour but de faire l'état des lieux en répertoriant les différentes unités d'observation nécessaires à notre étude et à tisser des premiers contacts. C'est aussi par ce biais que nous avons « négocié » notre entrée dans l'univers des chargeurs, des déchargeurs et des porteurs.

En juin 2009, nous y avons fait un très court séjour pour rencontrer le responsable de l'O.C.P.V. (pour obtenir des données chiffrées) et la responsable d'une coopérative agréée. Ainsi, dès notre arrivée à Méagui, nous avons cherché à faire la connaissance des différents responsables de certains services tels que l'A.N.A.D.E.R. et l'O.C.P.V. Dans ces différents

services, nous basant sur les premières informations livrées (2007-2008), nous avons établi l'inventaire des zones de production et estimé les volumes des produits convoyés vers les marchés urbains.

2.1.3. Variables d'analyse

Les unités d'observation ainsi définies, nous avons privilégié trois grands groupes de variables pour mener les enquêtes. Ces différentes variables serviront à renseigner nos hypothèses afin de les infirmer ou de les confirmer.

-Variables relatives aux caractéristiques démographiques

Pour étudier ce bassin, un préalable est de connaitre les acteurs qui animent les activités de ce bassin de ravitaillement. Il a donc été primordial de renseigner les variables suivantes :

Le sexe ; La tranche d'age ; Le niveau d'instruction ; La première profession ; Le village d'origine ; La situation matrimoniale ; Le nombre d'enfants et de résidents ; et L'ethnie. Pour cette variable « ethnie», la question n'était pas posée mais renseigner de façon informelle.

-Variables relatives à la nature, à l'origine et l'ampleur des produits vivriers.

Pour collecter des informations portant sur la nature de ces denrées, nous nous sommes intéressés aux types de produits vivriers cultivés dans la région de Méagui et convoyés sur les marchés. Cette étape permet de faire la classification de ces denrées alimentaires et d'observer leur état et leur fréquence. En outre, pour être fixé sur l'origine de ces cultures, il faut identifier les producteurs intervenant dans la production vivrière pour être situé sur les types de produits cultivés, la pratique de leur activité champêtre et sur l'évaluation des volumes produits.

Pour apprécier l'ampleur de la mise en valeur des terres, l'intérêt sera porté sur :

-La taille des exploitations ;

-Les superficies cultivées et leurs rendements,

-Le temps de rotation des cultures et calendrier agricole ;

-L'investissement réalisé et revenus obtenus ;

-La place du vivrier dans le système de production global des agriculteurs.

Aussi, le niveau d'encadrement des producteurs aidé à comprendre l'environnement dans lequel cette activité se pratique. A ce stade, les données de l'A.N.A.D.E.R. et l'O.C.P.V. ont été d'une grande utilité.

-Variables liées aux acteurs et au fonctionnement du bassin de ravitaillement.

Il faut préciser que les producteurs ont été identifiés plus haut. Aussi, un préalable sera de faire un inventaire des acteurs du transfert des produits vivriers vers la ville et leur importance res-

pective dans le fonctionnement du bassin de ravitaillement (Méagui) et des marchés Abidjanais.

Pour appréhender le fonctionnement de ce bassin, les variables choisies sont : Le réseau de transport utilisé pour les échanges vivriers;

-Les potentialités non utilisées de réseaux ;

-Les flux des produits depuis le producteur jusqu'à la ville: entrepôts et marchés, volumes, étapes et ruptures de charge ;

-L'état des véhicules ;

-La formation des prix et les marges obtenues par les différents acteurs le long des flux observés.

Cela a conduit à visiter les lieux suivants : les différentes gares routières, Les lieux de stationnement des véhicules, aux abords des marchés et aux différents lieux de productions dans les champs pour saisir les modes de transport en vigueur.

Pour comprendre la stratégie commerciale des détaillants et des grossistes, les variables suivantes sont retenues :

-Les lieux de provenance et de destination ;

-Les produits les plus convoyés ;

-Les lieux d'approvisionnement ;

-Les relations avec les autres acteurs ;

-Les organisations, et Les difficultés rencontrées. Ces informations vont permettre de comprendre si les acteurs opèrent individuellement ou en réseau sur les aires de commerce et s'ils appartiennent à des organisations de commerçants et de savoir les lieux d'approvisionnement.

Au niveau des marchés, les variables sont :

-Les modalités d'installation,

-Les lieux de stockages (entrepôts et marchés) et de conditionnements ;

-La répartition géographique des activités des détaillants.

Cela servira pour appréhender les procédures d'installation des détaillants et des grossistes exerçant dans le domaine du vivrier et d'être situé sur le genre de places qui leur sont attribués dans les différents marchés.

- Variables liées à la commercialisation et à l'ampleur de ce commerce.

Une importance particulière sera accordée à la description et à l'explication de l'organisation des espaces avec pour principale variable l'extension spatiale de la ville.

L'aide des services techniques de la mairie de Méagui a permis de percevoir l'impact de cette filière sur le développement du bassin de ravitaillement (Méagui et ses villages). Les variables retenues sont :

-L'état des lots mis en valeur et /ou partiellement mis en valeur ;

-Répertorier les équipements,

-Évalué l'état de la voirie, de l'habitat et des infrastructures socio-économiques. Auprès des ménages de la région de Méagui, comme variables on a :

-La consommation alimentaire et son évolution ;

-Une estimation de l'utilisation des revenus de la production vivrière commercialisée. Á Abidjan, les marchés de Treichville, de Youpogon, d'Abobo et d'Adjamé seront visités ainsi que les acteurs qui y opèrent et les coopératives. Les espaces particuliers comme Abobogare et Yopougon-gare seront parcourus. Les variables retenues sont :

-Le type et le volume de vivrier en provenance de Méagui et de sa région ; -La fréquence et la période de ravitaillement ;

-La suffisance en quantité et en qualité de la desserte et lacunes dans le réseau.

Tout ceci aura pour but d'évaluation de la quantité et la qualité de l'approvisionnement en provenance de la région de Méagui. Les commerçantes-voyageuses qui descendent des cars seront interviewées.

2.2. L'enquête proprement dite.

2.2.1. Echantilonnage

Nous avons la structure de la population selon les documents du Recensement Général de la Population et de l'Habitat de 1998. Cela constitue notre base de sondage et notre choix se porte sur les méthodes empiriques. Cette base de sondage n'est pas une statistique récente et occulte certaines réalités comme les nouveaux bassins de productions. Déjà en 1977, Claval (1977, p 43) notait que « les recensements (...) négligent certains aspects essentiels de la vie des groupes». Ils convient donc de mobiliser d'autres sources. De plus, le fait que notre es-pace d'étude comprend des villages disséminés dont on ne connait pas le nombre exact de chef de ménages nous impose d'utiliser la méthode des quotas. Elle utilise le raisonnement pour opérer le choix à partir de critère défini de telle manière à avoir tous les cas de situation possible dans notre échantillon. Ainsi, l'accent sera mis sur le choix des villages, des chefs de ménage ayant une exploitation.

-Choix des villages

Il s'est fait parmi les villages que compte la sous préfecture de Méagui : dans le secteur communal et dans le secteur non communal (I.N.S. 1998). Les critères utilisés sont la taille, le type de cultures et la proximité de la voie principale qui est bitumée.

- La taille : il s'agit de l'effectif des populations issues des statistiques du recensement général de la population et de l'habitat fait en 1998.

- Le type de cultures : La répartition en fonction du type de culture a pu être possible grâce aux données issues de l'O.C.P.V. (2007-2008). Dans ces statistiques, nous avons retenues après traitement les zones de grandes productions de différentes cultures (féculents, fruits, maraichers, oléagineux et céréales).

- La proximité de la voie principale : la notion de prix de transport et l'accessibilité des zones de production ont été privilégiée. En effet, la plupart de ces zones de production sont situées en bordure de la voie bitumée. Pour voir quelle est l'influence de cette voie sur l'accès des produits vivriers aux marchés, un village dont l'accès est difficile est choisi : Gnititouagui 2.

En croisant ces différents critères, nous avons choisit d'enquêter 10% de l'ensemble des ménages de 5 villages. Ce choix est guidé par la contrainte financière et le temps imparti à cette étude. La répartition est la suivante :

Tableau 0.1 : Constitution de notre échantillon d'études

 

Localités

Populations
résidentes

Ménages i enquêter

Proportions

Secteur
communal

Méagui

3282

3282*10%

 

328

328/586 * 100 55,97%

Touagui 2

753

753*10%

 

75

75/586 * 100 12,80%

Secteur non
communal

Oupoyo

1291

1291*10%

 

129

129/586 * 100 22,01%

Robert-Porte

222

222*10%

 

22

22/586 * 100 3,75%

Gnititouagui 2

323

323*10%

 

32

32/586 * 100 5,46%

 

5871

586

 
 

100,00%

Source : (I.N.S., 1998)

-Choix des acteurs

L'approche par l'acteur est privilégiée pour confronter les logiques et les pratiques antagonistes. Les données ont été recueillies auprès des producteurs, des commerçants grossistes, des détaillants et des chauffeurs ou propriétaires de véhicules. Le choix de réaliser trois types d'enquêtes s'explique par la complexité de l'objet et de la société étudiée et le souci de contribuer au mieux à la compréhension du système.

- L'enquête auprès des grossistes : Pour étudier les réseaux, nous avons considéré comme
grossistes dans les différentes filières, ceux qui font le va-et-vient entre les zones de produc-

tion et la ville de Méagui d'une part et les marchés Abidjanais d'autre part. De manière générale, il s'agit de 12 commerçants grossistes choisis à partir du nombre de déplacement et qui travaillent avec plusieurs partenaires en ville ou à la campagne. Nous n'avons pas retenu le chiffre d'affaires dans la mesure où cela était impossible à établir avec la méme fiabilité pour tous les commerçants mais plutôt le type de produits commercialisés, la zone d'approvisionnement, le marché fréquenté, le nombre de chargements par semaine effectués dans les lieux de collecte pour approvisionner un marché.

- L'enquête auprès des détaillants inclue les vendeuses de rue, il s'agissait de mieux cerner les pratiques de survie des populations urbaines les plus pauvres. Pour cette catégorie d'acteurs, il n'y avait pas de base de sondage possible pour l'effectif des vendeurs à enquêter ou la taille de l'échantillon. Parce que la majeure partie de la population de la ville pratique cette activité, nous avons optés pour un échantillon par grappes en retenant comme critère d'échantillonnage le produit vendu, le marché fréquenté à Méagui et l'importance du commerce des vivres frais sur le marché considéré. Nous avons enquêtés 180 acteurs.

- L'enquête auprès des chauffeurs et des propriétaires de véhicules de transport reflète leur rôle fondamental. En raison de la grande mobilité de ces acteurs, nous avons utilisés la technique des échantillons stratifiés en fonction de la catégorie de transport (transport urbain, interurbain ou entre la ville et les villages) et de la zone fréquentée (axe Soubré-Méagui ou axe Méagui San-Pédro). Cette enquête a été complétée par des entretiens avec les autres auxiliaires de transport (chargeurs, déchargeurs, pousseurs et porteurs). Leur nombre est de 45 acteurs repartit dans les cinq localités d'étude.

2.2.2. Outils d'enquête

-L'interview

Nos interlocuteurs sont aussi bien des responsables, agents des services publics et privés que des particuliers dont les activités professionnelles ont trait à la production agricole, à la distribution et à la commercialisation des produits vivriers. Les instruments utilisés pour cette enquête sont un guide d'entretien et un questionnaire.

La première phase a concernée les autorités politiques, les services administratifs et techniques locaux pour avoir des informations sur les acteurs du vivrier et les infrastructures (des marchés et voiries). Mais également sur la gestion des marchés de Méagui, comprendre les enjeux de pouvoir. Pour ces autorités, les lieux visités et les acteurs rencontrés sont :

· La direction régionale de l'agriculture et des ressources animales (le Directeur)

· La mairie (le Maire)

· L'agence de l'A.N.A.D.E.R.-zone de Méagui et le C.N.R.A. (Des agents de terrain)

· L'agence locale de l'O.C.P.V. de Méagui (le Directeur et deux enquêteurs)

· Les coopératives (2 responsables et des membres)

Les questions ont concerné l'identité et l'entrée dans l'activité, le mode d'approvisionnement, la vente des produits vivriers et les problèmes rencontrés au cours des transactions dans la filière vivrière.

La seconde phase s'est déroulée auprès des acteurs de la filière pour avoir des informations relatives à leurs activités. Pour la visite dans les différents villages, notre contact sur place, un professeur d'anglais à faciliter notre insertion. En effet certaines réticences ou méfiances peuvent être observées. Un questionnaire à été administré à ces différents acteurs. Ce sont : Les producteurs de vivriers ; Les transporteurs ou propriétaires agricoles ; Les commerçants grossistes ; Les commerçants détaillants.

-L'inventaire

L'inventaire a été nécessaire pour connaître les différentes activités liées à la filière du vivrier, le nombre de marchés urbains et ruraux de la région. L'agent enquêteur de l'O.C.P.V. a permis de faire un inventaire des produits vivriers sur le marché de Méagui et de Robert-Porte. Cela a servit à élabore un fiche des prix (bas - moyen - élevé) et aussi d'avoir une idée du nombre de commerçants. De plus, la liste de grossistes et de transporteurs fut actualisée par rapport à celle détenus par la mairie. On dénombre donc 12 grossistes dont 6 appartiennent à une association sans dénomination et 45 transporteurs permanents.

-L'observation directe

Cette technique nous met en situation de spectateur. Elle nous permet d'observer la composition sociologique des différents groupes d'acteurs (producteurs, détaillants, grossistes) les faits et les gestes quotidiens de notre population d'enquête. Sur les différents corridors à l'entrée de la ville, le contrôle douanier a permis d'observer la présence dans les coffres à bagages, de sacs de bananes plantain et de manioc embarqués depuis la veille. Sur les routes de champs, des micros points d'achats bord champ sont présents et segmentés soit par ethnies ou par parentés. L'utilisation des bas fonds commence à prendre plus d'importance, mêlant féculents et céréales. En effet, une année avant lors des entretiens exploratoires et la situation sous nos yeux justifie cette affirmation. Des photos illustratives ont été prises.

3. Traitement et analyse de données

Ce processus comprend deux étapes : la première concerne l'organisation et la seconde relève de l'interprétation. Dès l'étape de l'organisation des données, des décisions ont été prise pour repérer ce qui s'avère signifiant dans les propos qui ont été tenus lors des entretiens. Les indicateurs statistiques simples permettent de caractériser les tendances et de mesurer de manière synthétique leurs répartitions. Toutes les informations sont intégrées dans la rédaction du travail et présentées parfois sous forme de tableaux statistiques, des diagrammes ou des graphiques. Avec le développement de l'informatique, des logiciels spécialisés en analyses qualitatives de données aident à cette tâche. De la mise en forme du questionnaire jusqu'aux tableaux statistiques, le progiciel Sphinx2 Lexica V5 a été utilisé. Si on est bien d'accord pour admettre que l'approche géographique se fonde sur le paysage et que son outil d'excellence est la carte, on comprendra que l'ensemble de la connaissance et que la réflexion du géographe passent à un moment ou un autre par la cartographie, ce qui implique une absolue rigueur dans la fabrication et le maniement de la carte. A cette fin, la conception des cartes a été confiée au Laboratoire de Traitement de l'Information Géographique (LA.T.I.G.). De manière à savoir ce qui, de son interprétation, relève d'une lecture sans incertitude et ce qui relève d'une lecture spéculative dont les leçons doivent être balisées (René de Maximy 1995, p 112).

DIFFICULTES RENCONTREES

Une contingence majeure à été l'information auprès des administrateurs de la ville et des ministères détachés. Obtenir une carte de la ville était quasiment impossible. Celle qui était proposée date de 2004 et des localités d'étude n'y figure pas (Gnititouagui 2 et Touagui 2). Ce handicap a été une difficulté majeure dans le travail. Mais comme dans le sujet, « Méagui » doit être compris comme une région et non la ville de Méagui, cela a permis de pallier cette contrainte.

1ère PARTIE

POTENTIALITES ET DISPONIBILITES
DES PRODUITS VIVRIERS À MEAGUI

Que par définition la géographie fasse de l'espace terrestre l'objet méme de ses recherches, est une évidence qui n'est mise en doute par personne. Notre espace d'étude est la région de Méagui dont nous présentons l'historique et la situation géographique dans le chapitre 1.

Création continue de la société, la région de Méagui est un produit social qui se reproduit en s'adaptant au cours des générations. Il a connu des mutations mais c'est l'action humaine, surtout celles des populations immigrées qui a remis en cause l'ordre sur lequel s'est fondée cette symbiose entre les populations Bakwé et leur espace. Il sera présenté dans le chapitre 2, les potentialités naturelles, humaines et économiques de la région de Méagui.

Le milieu s'est adapté à la mise en place du peuplement. Des activités de production et des moyens de circulation se sont mis en place pour assurer la vie des hommes qui exploitent cet aménagement particulier. Dans le chapitre 3, il est mis en exergue la production vivrière de la région.

Chapitre 1 : CREATION ET SITUATION GEOGRAPHIQUE DE MEAGUI

Le contexte historique de la zone va prendre en compte le peuplement de Méagui. Il s'agit ici de voir les circonstances du peuplement, les mouvements de migrations vers la zone d'étude, et l'avènement du site de Méagui.

1.1. Création du site

Le peuplement de Méagui été le fait d'une volonté politique du pouvoir en place d'alors. En effet, jusqu'à l'avènement des indépendances en 1960 la localité était encore une zone isolée et impénétrable. A l'origine, Méagui était l'un des cantons de la subdivision de Soubré, et cette subdivision était composée des cantons Brokoua, Akuya, Bogouo, Lobre, Kousier, Guibouao et le canton Bakwé. La population autochtone Bakwé est rattachée au groupe linguistique Krou originaire du Nord et du Nord-est de la Côte d'Ivoire actuelle. Les populations autochtones Bakwé y vivaient de façon dispersée dans ce vaste espace forestier. Cet espace leur sert en fait plus de domaine de chasse que de territoire de cultures. D'ailleurs la taille des regroupements était de vingt (20) à trente (30) individus au maximum (Schwartz 1993, p 97). Après les indépendances, il y eut une volonté politique de développer toute la zone forestière du Sudouest dont fait partie Méagui. Des politiques de développement ont été mises en place à travers l'A.R.S.O. (Autorité pour l'Aménagement du Sud-ouest). Dès 1965, un pont reliant Soubré et partant du reste du réseau national a été créé ; ce qui permettait désormais un accès facile à cette zone. Ainsi, des sociétés d'exploitation s'y sont implantées à travers les scieries. Cependant, pour le fonctionnement de ces sociétés, d'autres populations ont été sollicitées compte tenu de la faible densité des populations autochtones. De plus jusqu'en 1965, la localité de Méagui ne connaissait aucun développement en matière d'infrastructures. Cette absence va rendre difficile la commercialisation du cacao et du café, pourtant introduits dès le début du siècle. Il était nécessaire de repeupler cette zone avec d'autres populations afin que celle-ci bénéficie des infrastructures.

Ainsi, la zone de Méagui a commencé à enregistrer la présence des étrangers car « ils

étaient de préférence la meilleure main-d'oeuvre des chantiers et la plupart avaient enregistrédes engins ». Les Bakwé occupés par les activités de navigation, et aussi, de peur qu'un pro
blème de cohabitation se pose, n'ont pas voulu accueillir les chantiers. Alors les chantiers se
sont construits en dehors des sites d'accueil qui sont les villages Bakwé. Les employés de ces
chantiers étaient composés à 90% d'étrangers non Ivoiriens. Dans ces conditions la région va
connaître une forte émigration des jeunes actifs masculins. Un peu plus tard, les employés ont

créé un marché dans leur zone d'habitation. Par la suite, il y a eu l'envie de créer un gros village composé d'abord des employés des scieries. Le marché étant devenu l'atout principal, les autochtones que sont le patriarche Kato, ensuite la vielle Wawa, puis le vieux Kato Pierre ont eu besoin de se déporter sur ce nouveau site qui est devenu aujourd'hui Méagui. Cette forte émigration n'a pas favorisée une augmentation de l'emprise foncière des terroirs autochtones. Elle n'a pas conduit non plus la prise de conscience de la valeur de la terre et de la nécessité de préserver l'avenir pour les jeunes générations. La terre n'ayant jamais été une source de revenus intéressants, on s'explique que certains villages aient cédé des superficies considérables. On voit par conséquent se dessiner les conditions d'une infériorité économique des autochtones par la réduction de la capacité de travail potentielle. Par ailleurs, le contrôle de leur es-pace par les Bakwé est rendu très difficile par la faiblesse de la population, sa mauvaise répartition, et la petite dimension des villages (60 à 80 hts en moyenne)7.

Aussi, faut-il rappeler que la facilité de peuplement de la zone était liée aussi à des évènements qui ont joué sur la psychologie des Bakwé. Il y avait d'abord la guerre contre le fétichisme avec l'introduction de la religion chrétienne à travers le Harrisme dans la période de 1965 et en 1970, la guerre du Guébié qui était des populations voisines8 (Schwartz 1979a, p 67). Ensuite le souci de bénéficier au développement pourrait être considéré comme des facteurs explicatifs de l'acceptation et de l'introduction de nouvelles populations dans la région. Enfin il fallait donc coopérer avec le pouvoir en place, favorable aux Baoulé pour régner sur son village. Ainsi des mobilités considérables se sont faites observées dans la localité et les vagues migratoires ont infiltré de façon progressive la zone de Méagui. Ces vagues étaient constituées en grande partie par les Akans notamment les Baoulé. Ils avaient été aidés dans leur pénétration par les autorités administratives en charge de la dite zone, et étaient à cette époque tous d'origine Akan (Baoulé). Il s'agissait en effet du moniteur de l'agriculture, originaires de Bocanda, du capitaine des eaux et forêts, originaires de Sakassou, du sous-préfet originaire de Bouaké. Le commandant de brigade et le juge étaient également des Baoulé. Ainsi les mouvements de populations de Bocanda (les Agba), de Sakassou (les Walèbo), de Bouaké (les Fafouê) et un peu plus tard, ceux de Daoukro sont arrivés. Comme on le re-marque, dans toute la zone de Méagui, beaucoup de campements portent un nom Akan en

7 Schwartz, 1976, Le peuplement du canton Bakwé en Mai 1975, Abidjan, ORSTOM.

8 Le lundi 27 octobre 1970, un groupe d'hommes d'une tribu Bété -la tribu Guébié- de la région de Gagnoa, monte à l'assaut d'un centre de regroupement Baoulé en tenue de guerre traditionnelle. A leur tête, un jeune "intellectuel" de la tribu, Gnagbé Opadjlé qui avait maintes fois manifesté son hostilité au régime du Président Houphouet-Boigny.

souvenir du lieu d'origine. C'est le cas de Petit Bocanda, Petit Daoukro, N'Drikro (en souvenir du sous-préfet d'alors).

C'est le canton Bakwé qui prend plus tard le nom de Méagui en mémoire de l'ancêtre emblématique du nom de ME. Méagui signifie donc les descendants de ME (unis par un ancêtre commun, Méa). Au total, les stratégies mises en place pour l'occupation de la zone de Méagui, à savoir le choix des autorités de la zone et de leurs ethnies ont permis à la population d'accueillir et de réserver dès les premières heures un espace de communication favorable à l'installation des étrangers. La pénétration de la zone de Méagui s'est faite de façon violente sur la base de l'étranger accueilli. Par ailleurs l'arrivée des populations a occasionné la création du site de Méagui.

1.2. Situation géographique

La zone de recherche choisie est la localité de Méagui. Elle est située dans la zone forestière de la Côte d'Ivoire dans la région du Bas-Sassandra précisément dans le département de Soubré. C'est une localité issue de l'éclatement de la Sous-préfecture de Soubré. Erigé en souspréfecture sous le décret n° 86-1021 du 24 Septembre 1986 avec Grand-Zattry, elle couvre une superficie de 2400Km2. La sous préfecture de Méagui se limite, (voir figure 1.1) : Au nord par la Sous-préfecture de Soubré, Grand Zatry et Buyo ; Au sud par la Sous-préfecture de San Pedro ; A l'est, par les sous-préfectures de Okrouyo et de Sassandra ; A l'ouest, par les Souspréfectures de Grabo et de Taï (Parc national).

La commune de Méagui est distante d'environ 440 Km de la capitale économique Abidjan, de 270 Km de la capitale politique de la Côte d'Ivoire, de 47 Km de Soubré son chef-lieu de département et de 80 Km de San-Pedro, zone portuaire. Le décret N°95-941 du 13 décembre 1995 organise la localité en commune sur une superficie de 362 Km2 avec 11 quartiers dont Grutel, Commerce, Kaboré Bila, Kato, Wawa, Bayard, Nogbolo, Bako, Netro, Kobiti, Gbooulio. Les localités étudiées se situent au nord de la sous-préfecture pour les villages de Robertporte et Oupoyo sur l'axe Méagui-Soubré. Toujours au nord mais beaucoup plus proche de Méagui (2 Km), on a le village de Touagui 2. Au sud, sur l'axe Méagui San-Pedro, se trouve le village de Gnititouagui 2. Pour y arriver, il faut d'abord descendre à Krohon puis emprunter une voie non bitumée de 7Km pour y parvenir. Sur la carte ci-dessous, ces localités ont été identifiées en rouge.

Figure 1.1 : Situation des localités enquêtées

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille