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Les comportements sexuels et reproductifs des femmes vivant sous antirétroviraux au Cameroun

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par Moustapha Mohammed Nsangou Mbouemboue
Université Yaoundé I - Master en sociologie 2010
  

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II. FEMMES SEROPOSITIVES ENTRE CONTRAINTES AFFECTIVES, FAMILIALES, SOCIALES, ECONOMIQUES ET CULTURELLES

La procréation en temps de VIH malgré les avancées de la recherche au niveau de la PTME s'accompagne toujours d'un certain nombre de contraintes au Cameroun. Ces contraintes peuvent être lues au niveau affectif, familial, social, économique ou culturel. Ces difficultés que rencontrent les femmes séropositives ne leur permettent pas d'appliquer les recommandations formulées par les professionnels de santé. Cette situation entraine ainsi, l'avancée de la pandémie avec la croissance des cas d'infection et de réinfection.

II.1.Procédures de conceptions et difficultés familiales, économiques et culturelles

Avec les nouvelles techniques de procréation, les personnes infectées connaissent encore de nombreuses difficultés liées à leur praticabilité.

II.1.1.Femmes séropositives entre Procédures de conceptions et contraintes socio-familiales

Sur le plan familial, la méthode proposée par la PTME est truffée de plusieurs difficultés liées au partage de l'information, à la pression familiale. Pour les femmes qui n'ont pas annoncé leur statut à leurs partenaires, elles ne disposent pas généralement d'argument pour demander à ceux-ci d'utiliser un préservatif puis procéder à l'insémination à partir d'une seringue. C'est pour cette raison que certaines d'entre elles continuent à entretenir des rapports sexuels non protégés. Comme nous a affirmé Mme 7177/03 rencontrée au CTA de l'HMY attendant ses médicaments :

Je n'ai jamais parlé de ma situation à mon mari parce que c'est un monsieur difficile. Et si subitement je commence à utiliser le préservatif ou à pratiquer la méthode qu'on nous a enseignée ici, il va me taxer de sorcière et me chasser. Je préfère me taire car je sais que c'est lui qui m'a contaminé. Et aussi, je suis déjà un cadavre ambulant je n'ai plus peur de rien, je préfère rester dans mon foyer et garder mes enfants car je ne vis que pour eux249(*).

Pour des femmes qui n'ont pas eu à informer leurs partenaires de leur séropositivité, elles sont confrontées à la difficulté liée à la demande d'enfant par ceux-ci. Généralement dans la plupart des pays subsahariens, la demande d'enfant est souvent impulsée par l'homme. Certaines femmes n'ayant pas suffisamment d'arguments, ne peuvent pas convaincre leurs partenaires d'attendre. Car, nous avons vu plus haut que la procréation chez les femmes séropositives est conditionnée.

De même lorsque le mari est informé de la sérologie de son épouse, il existe toujours une pression au niveau de sa famille ou de sa belle famille de faire un autre enfant. Pour des femmes qui ont encore un taux de CD4 en dessous de la norme thérapeutique pour la conception, elles sont butées par d'autres formes de pression familiale. Car, étant enceinte, la femme se partage son taux de CD4 avec son foetus. A moins de 500 de CD4, elle est très fragile et risque perdre sa vie pendant la grossesse, lors de l'accouchement suite à son état d'immunodépression. Pendant notre enquête à l'UPEC du CMPY, nous avons entendu la major EBALLE, gronder une de ses patientes qui est tombée enceinte alors que son taux de CD4 était à 250 mais développait une TB. Celle-ci alors d'un regard pensif et désespéré s'est mise à pleurer. Ce qui montre que l'idée de tomber enceinte ne dépendait pas d'elle mais d'une autre personne qui pourrait être son partenaire, sa famille ou sa belle famille. Si elles ont des infections opportunistes, le personnel médical leur demandera d'attendre. Cette attente constitue généralement un motif de suspicion dans la famille.

Pour des femmes qui décident de respecter cette consigne médicale, elles ont des difficultés à trouver des partenaires qui acceptent leur faire des enfants dans cette condition. C'est pour cette raison que Mlle 299/09 a affirmé qu' :

Avant de trouver un gars qui a accepté faire un enfant avec moi, j'ai dû aller à trois gars car lorsqu'un d'eux m'abordait et je lui parlais de mon problème il s'éclipsait sans hésitation. Le premier avait fait semblant de compatir à ma souffrance lorsque je lui avais annoncé ma séropositivité trois mois après et s'est retiré en évoquant un voyage fictif. Le second, quant à lui, j'ai émis juste le voeu d'avoir un enfant de lui et le reste allait me regarder. Il m'a répondu qu'un enfant ça peut attendre. Et c'était son départ. Quant au père de mon enfant, il a accepté parce qu'il a fait beaucoup d'études et connait les modes de transmission du VIH250(*).

Quant à Mme ADA Solange, elle nous a affirmé sa discrétion en ces termes :

J'avais conçu de manière discrète en procédant moi-même à l'insémination. Si je parlais de ça au père de mon enfant, il allait avoir des doutes sur moi. J'ai apprêté une seringue, après notre rapport, je lui ai enlevé la capote pour aller mettre à la douche où je devais me nettoyer et une fois là bas j'ai procédé à l'opération. Quand il a constaté que j'étais enceinte alors qu'on utilise toujours le préservatif, il a pensé que je l'avais trompé. Mais cependant, j'ai émise l'hypothèse que le préservatif était peut être défectueux. Un médecin qui était son voisin a confirmé cette hypothèse251(*).

En outre, « le fait d'aller à l'hôpital tout le temps rend le malade suspect et le rend aussi visible252(*) ». Étant donné que dans la procédure de conception telle que stipule le discours biomédical, les partenaires ont des examens à passer. Ces examens ne sont pas fais en un jour avec le retrait des résultats. Des rendez-vous avec le gynécologue dans la cadre du traitement du sperme pour les hommes infectés et à l'insémination chez la femme peuvent créer un climat de suspicion surtout pour des partenaires qui vivent dans une maison commune. En Afrique et surtout au Cameroun, lorsqu'un individu dit qu'il va à l'hôpital, et surtout si c'est récurrent, la société commence à douter de lui.

* 249 Entretien, novembre 2009.

* 250 Entretien, septembre 2009.

* 251 ibidem.

* 252 Communication d'ABE C, dans le cadre de l'inauguration du site de l'agence ARNS, en juin 2009 au palais des congrès de Yaoundé

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard