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Les comportements sexuels et reproductifs des femmes vivant sous antirétroviraux au Cameroun

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par Moustapha Mohammed Nsangou Mbouemboue
Université Yaoundé I - Master en sociologie 2010
  

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II.2.3.Allaitement et société

Les sociétés africaines sont caractérisées pour la plupart par une solidarité mécanique manifestée au niveau phénoménal.

En effet lorsqu'une femme accouche, elle reçoit des visites non seulement des membres de sa famille, de sa belle famille mais aussi de son entourage (amis, voisins...). Ces personnes au cours de leurs visites exercent deux fonctions : l'une au niveau patent et l'autre au niveau latent265(*).

La première fonction qui s'apparente comme patente est la fonction d'assistance en ce sens que ces personnes viennent témoigner à l'accouchée, leur affection, leur soutien et leur sympathie car, l'accouchement en Afrique est un événement qui se célèbre souvent. Ceci parce que la femme a traversé une étape de risque qui pouvait l'emporter.

La deuxième fonction (latente) qui met en exergue la pseudo solidarité mécanique266(*) évoquée plus haut est la fonction d'espionnage et de vérification. Parmi les visiteurs, certaines personnes viennent vérifier si la mère et le bébé sont bien portants. Cette vérification se lit à plusieurs niveaux parmi lesquels on peut citer la forme de l'enfant, sa ressemblance et son mode d'allaitement. Etant donné que les sociétés africaines pour la plupart sont dans un contexte de soupçon permanent, ou de la prédominance du « je » c'est-à-dire que certaines personnes se plaisent à voir les autres souffrir et vouloir être les seules à être contentes ou à avoir des enfants en bonne santé, lorsque la mère ne donne pas de son sein à l'enfant, elle est entourée de soupçon si elle ne produit pas d'arguments valables. Cette situation pousse certaines femmes séropositives à développer des stratégies pour contourner les normes.

En Afrique, l'allaitement maternel a une valeur sociale et une multitude de symboles. Il est la preuve de la santé de la mère, c'est-à-dire qu'elle n'a aucune maladie parce qu'il est non seulement produit par le corps mais aussi, il est une substance qui sera intégrée dans les représentations du corps267(*).

Dans la même lancée, il inscrit l'enfant dans la parenté en créant un lien social, car il existe une parenté de lait. C'est pour cette raison que MADINA QUERRE affirme que « des enfants qui ont tété le même sein ne peuvent jamais se marier. Un lien de parenté direct est alors établi entre les deux enfants. (...) La filiation par le lait est alors privilégiée au détriment de celle parle sang.268(*)»

De même, l'allaitement symbolise le lien non seulement entre l'enfant et sa mère mais aussi avec celui-ci et ses frères et soeurs. C'est ce qui explique la proximité affective entre les frères et/ou soeurs germains ou utérins que les frères et /ou soeurs consanguins.

Il donne également une force sociale à l'enfant car généralement, les conceptions populaires disent qu'un enfant nourrit au sein est plus considéré qu'un enfant nourrit au substitut de lait. Lorsqu'une femme nourrit un enfant au sein, c'est une preuve que l'enfant lui appartient sauf en cas de décès de celle-ci ou de maladies graves qui poussent des nourrices à faire un lavage de sein pour nourrir l'enfant.

C'est ainsi que voulant contourner cette situation, plusieurs femmes évoquent l'idée de leur profession, c'est le cas de madame SIM Judith qui avait déclaré à son entourage qui lui faisait pression d'allaiter qu'elle travaille et que si elle habituait son enfant à prendre les seins, il y avait risque que celui-ci s'y adapte et refuse le biberon quand elle allait reprendre le travail.

D'autres femmes ou filles quant à elles évoquent l'idée de vouloir préserver leur jeunesse en gardant leur sein en forme comme le cas de Manuela. Cet argument passe généralement avec des filles qui sont encore sur les bancs ou qui sont encore célibataires. La société tolère parce qu'elle estime que la fille n'a pas assez de temps pour allaiter le bébé ou dans l'autre cas, on estime que l'allaitement est souvent source de détérioration de la morphologie de la femme. Or étant célibataire, elle désire se maintenir pour ne pas compromettre ses chances pour le mariage.

Par contre certaines d'entre elles évoquent les maladies fictives de seins. C'est à ce titre que Mme Christine TCHOKOUTE a affirmé qu' :

Il y a des filles qui frottent du mercurochrome sur le bout de leur sein et disent qu'elles ont été blessées. Mais d'autre ne s'en sortent pas. C'est le cas d'une jeune fille qui avait fait l'enfant avec un gars Bassa, elle lui a dit qu'elle avait des problèmes de coulée de sein et de peur que son partenaire aille faire quelque chose qui allait avoir des répercussions sur sa santé a finalement dit la vérité à ce dernier. Ce qui a entrainé une rupture de leur relation.269(*)

Pour les femmes ayant informé leur partenaire et que généralement c'est l'homme qui couvre sa femme en disant que c'est lui qui achète le lait.

Ainsi, il ressort de cette situation que certaines femmes malgré les arguments avancés, ne parviennent pas à évacuer certaines contraintes. Ce qui fait que pour celles qui ne parviennent pas à évacuer préfèrent donner leur sein à l'enfant pour échapper à la suspicion.

Pour des femmes qui ont recours à la nourrice pour l'allaitement de leurs enfants, d'autres difficultés se posent au niveau de la mère et de la nourrice.

Au niveau de la mère, elle est exposée à un risque de stigmatisation car étant en vie et n'étant pas couchée sur un lit de malade ou n'ayant pas des problèmes de seins, la société peut considérer cette attitude comme la résultante de la maladie de la mère.

Au niveau de la nourrice, si elle connait la véritable raison pour laquelle la mère biologique n'allaite pas, elle peut penser à un risque de contagion si le résultat de test de l'enfant n'est pas préalablement présenté.

En définitive, « l'angoisse de mourir sans avoir rien fait »270(*) est le principal sentiment chez les PVVIH. C'est pour cette raison que le désir d'enfant semble être la principale préoccupation chez ces femmes. Cette préoccupation leur permet non seulement de ne pas perdre leur considération ou reconnaissance sociale mais aussi leur permet de retrouver l'espoir qu'elles sont encore des personnes comme les autres. Cependant « Contrairement aux valeurs traditionnelles, la mise sous traitement apparait comme une perspective de construction d'une nouvelle identité sexuelle et reproductive.271(*) » Ces femmes recherchent au quotidien des stratégies pour affirmer leur existence sociale.

* 265 A. TOURAINE, op. cit.

* 266 E. DURKHEIM, De la division du travail social, Paris, PUF, 1996, 3e éd.

* 267 A. DESCLAUX et B. TAVERNE, op. cit.

* 268 MADINA QUERRE, ibid. p.200.

* 269 Entretien, septembre 2009.

* 270 Vivre le SIDA, le livre blanc des états généraux du 17 au 18 mars 1990 à Paris, éd. Du Cerf, Paris, 1992, p.85.

* 271 H. MIMCHE et al, op. cit. p.8.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery