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L'identité cosmopolitique. Etude de cas: citoyens du monde

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par Sebastian Peà±a Marin
Université de Poitiers - Master I Conception de projets en coopération pour le développement 2010
  

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b) Le cosmopolitisme et l'acte migratoire comme expérience multiculturelle : Les voies de l'Identité cosmopolitique

Nous sommes enfin arrivés à l'Identité cosmopolitique, terme qui donne son titre à ce mémoire. Pour comprendre de quoi il s'agit, il faut bien garder à esprit les soixantedix pages qui précédent celle-ci.

L'Identité cosmopolitique est le résultat de la transformation que subit le sentiment d'appartenance nationale, chez certaines personnes, comme conséquence de la reconfiguration de l'identité suite à une expérience multiculturelle liée à un acte migratoire. L'Identité cosmopolitique exprime la possibilité d'être natif d'un lieu et de toucher à l'universalité, ce qui se traduit par un sentiment d'appartenance au-delà des nations. Cette définition parait encore très vague, nous allons l'expliquer point par point.

Dans le champ cosmopolitique, se profile une nouvelle typologie de l'identité. Les typologies précédentes ne sont plus aptes à décrire une réalité de l'existence qui est de plus en plus transnationale, marquée par les appartenances multiples qui transcendent les barrières des pays et des nationalités. L'Identité cosmopolitique met directement en question l'un des piliers les plus fondamentaux de la représentation de la société : l'étatnation. En effet, elle constitue un déplacement des identités nationales ainsi que des revendications politiques, sociales et culturelles qui se situent désormais au-delà des appartenances territoriales fondées sur l'échelle des États-Nations. Il s'agit d'un regard dialogique capable de saisir les ambivalences au milieu des anciennes distinctions qui s'évanouissent, un regard consensuel dominé par l'ouverture d'esprit et la tolérance pour saisir les défis que pose notre façon à tous de vivre ensemble dans une situation de mélanges culturels.

Avant de continuer, nous allons préciser la signification de l'expression « expérience multiculturelle ». Dans le cadre de cette étude nous entendons par expérience

multiculturelle le fait de s'insérer dans un espace culturellement différent, situé en dehors des frontières de l'état-nation d'origine. Autrement dit, nous allons établir un angle d'approche culturel : l'acte migratoire entendu comme une « expérience multiculturelle ». Pourquoi cette expérience doit-elle nécessairement être en dehors des frontières de l'état-nation? Parce qu'étant donné que nous sommes en train d'étudier l'appartenance nationale et que celle-ci est le résultat du jeu de signes et de symboles du national et de son système de représentations, quitter les frontières permet de se mettre directement en rapport avec un autre univers national et culturel, auquel on n' « appartient » pas, en établissant ainsi une expérience dialectique consubstantielle avec la différence.

De toute évidence, un voyage touristique peut s'avérer très fécond et constructif du point de vu du vécu multiculturel ; il peut déclencher des réflexions et des émotions très variées à propos du fait national et avoir ainsi des répercussions importantes au niveau du sentiment d'appartenance nationale et de l'identité nationale ; cependant ce type de déplacement ne sera pas inclus dans le concept d' « expérience multiculturelle » que nous voulons traiter ici, et qui fait partie de l'Identité cosmopolitique, principalement parce que les enjeux liés au tourisme ne sont pas du tout les mêmes que dans l'acte migratoire, quel que soit sa typologie. S'insérer par exemple dans un mode de vie transnational, où le migrant met en place des relations sociales, culturelles et économiques, et des activités qui dépassent les frontières classiques, sera considéré comme une expérience multiculturelle. Dans un déplacement à titre touristique il n'y a pas de véritable détachement organique de l'état, au sens de Durkheim. Le fait de disposer d'un statut d'étranger, par exemple, et les documents qui vont avec (ou leur absence) dans la société dans laquelle on vit révèlent des enjeux qui sont propres à l'acte migratoire.

Nous préférons parler d' « acte migratoire » entendu comme « expérience multiculturelle » afin d'échapper à la typologie de la migration. En effet, une personne qui possède une double nationalité, par exemple, et qui décide d'aller vivre dans le pays qui correspond à sa deuxième nationalité réalise un acte migratoire dans le strict sens du terme, mais dans la société d'accueil et selon la typologie de l'immigration elle n'est pas

considérée comme un immigrant67, toutefois il s'agit bien d'une expérience multiculturelle.

L'expérience multiculturelle incite à une interprétation et à une réinterprétation constante des milliers de signes et de figures qui composent un univers culturel distinct, ce dernier étant différent et semblable à la fois. Toutefois, affirmer que l'expérience multiculturelle entraine nécessairement une réorganisation de l'identité ou un bouleversement du sentiment d'appartenance national serait inexact et équivaudrait à partir d'une fausse prémisse. Notre intention est d'analyser les conséquences d'une telle expérience.

Il y a d'innombrables éléments qui jouent dans le rapport à l'identité et à l'appartenance. Nous avons analysé l'arsenal symbolique de l'état-nation et sa dynamique au sein d'un système d'interprétation, nous avons vu comment cet arsenal se conjugue avec des principes objectifs et non objectifs tels que la race et le territoire, ou les documents et la citoyenneté. Bien que ces éléments soient, en principe, communs à toutes les appartenances nationales, l'expérience multiculturelle ne va pas être vécue de la même façon par chaque ressortissant d'un état-nation. En effet, diverses possibilités existent selon les circonstances extérieures ou les souhaits et les tendances des personnes concernées. Ensuite, entrent en jeu les conditions liées aux situations, qui sont à proprement parler politiques, sociales, économiques et culturelles, ainsi que les différentes phases de l'existence, dont le rôle est lui aussi important. Les expériences de vie ne peuvent pas être normatives, de ce fait il faut tenir compte que l'expérience multiculturelle va être vécue d'une façon radicalement différente, s'agissant de la même personne qui immigre en Grande Bretagne, ou Allemagne, ou aux Emirats Arabes Unis. De même pour un Algérien, il vivra forcement ce type d'expérience différemment en France qu'au Canada. Nous pouvons continuer ainsi de suite avec tous les origines possibles envers toutes les destinations possibles sur terre et avec autant de combinaisons imaginables qu'il y a de réalités culturelles et humaines dans le monde. Nous pouvons citer également les conditions et les raisons qui ont motivées l'acte migratoire, car la situation n'est pas comparable entre un exilé politique et un aventurier. Les contraintes logistiques jouent aussi un rôle important : les moyens de financement, les distances

67 Typologies de la migration selon l'Organisation internationale pour les migrations. Source site web www.iom.int juin 2010

géographiques, les conjonctures administratives qui déterminent les différents droits et devoirs, de même que les difficultés linguistiques, la capacité d'adaptation et le sens du relationnel, la signification de la couleur de peau en fonction du pays d'accueil, les expériences personnelles et les besoin émotionnels, sans oublier le hasard qui est un facteur important, etc. Tenant compte de la pluralité de ces situations, comment peut-on alors saisir les répercutions de l'expérience multiculturelle chez un individu ? Pour cela, nous allons aborder d'abord les aspects qui sont communs, indépendamment des circonstances.

Selim Abou par exemple nous dit que la prise de conscience de l'identité culturelle nécessite la confrontation avec un autre groupe qui possède une autre identité culturelle. Ce principe est commun à toutes les figures d'expériences multiculturelles : la conscience du soi ethnique et culturel émerge uniquement lorsque des systèmes culturels s'affrontent, elle n'émerge que grâce à la rencontre interethnique. En d'autres termes, l'identité culturelle ne prend totalement conscience d'elle-même que là où apparaît la différence, par opposition ou par négation de celle-ci.

Il s'agirait donc d'un premier pas vers l'Identité cosmopolitique : le processus de prise de conscience de sa propre réalité culturelle commence par l'immersion dans un univers culturel différent ou méconnu (une expérience multiculturelle), il s'établit ainsi un double jeu ou feedback68. Elle submerge l'individu dans une interaction quotidienne avec un nombre infini de signes culturels distincts qui, par contraste et par opposition, permet de révéler à soi-même son propre héritage culturel. Celui-ci conditionne inconsciemment les façon d'agir ainsi que les multiples manières de penser, de sentir et de vivre son rapport à l'absolu, en tenant compte des singularités des situations. Cette interaction et ce processus de découverte peuvent s'étendre dans le temps de façon presque infinie car il y a autant de signes et de figures culturelles à découvrir que de combinaisons de situations où se manifeste la culture.

La suite d'une expérience multiculturelle peut prendre plusieurs chemins (dont Selim Abou offre une typologie remarquable), il s'agit d'un véritable éventail de possibilités. Toutefois nous allons nous concentrer sur celles qui concernent l'Identité

68 Formule anglophone qui décrit un effet de retour ou rétroaction.

cosmopolitique. En même temps que l'on découvre sa propre identité culturelle, un dialogue s'établit, une négociation constante de l'identité, car l'affirmation de l'identité est d'abord un acte de revendication, une autodéfense. Dans la typologie de la réorganisation culturelle qui domine69, Selim Abou parle d'une acculturation à fort caractère positif, c'est-à-dire d'une résolution lente et progressive d'un conflit de culture. Dans cette lutte interne/externe pour réussir un aménagement identitaire, la capacité d'adaptation à la différence culturelle, la capacité de gestion des besoins émotionnels et du mal du pays sont rudement mises à l'épreuve. Une acculturation harmonieuse est la voie offerte par ce conflit, elle débouche sur un enrichissement de la personnalité et non sur sa destruction. Cette évolution a surtout la propriété d'introduire l'individu dans un mouvement de réorganisation constante de l'identité. Vivre une expérience d'acculturation positive est donc une deuxième étape vers l'Identité cosmopolitique.

Quel est le rapport entre l'Identité cosmopolitique et le processus d'intégration ou d'acculturation d'un immigrant ? Il est difficile de l'établir, premièrement car dans cette étude je ne dispose pas d'un recueil d'éléments empirique suffisamment largue, qui serait nécessaire pour avancer des hypothèses ou des conclusions en ce sens. Deuxièmement, l'Identité cosmopolitique est une identité émancipée des prémisses du nationalisme méthodologique, c'est-à-dire que les typologies de l'intégration (ou de l'acculturation) ainsi que le phénomène qu'elles essayent de décrire ne répondent pas à la même catégorie d'analyse. Le concept d'intégration reste tributaire des conceptions nationales. Cependant, il est certain que l'Identité cosmopolitique dépend ou est rattachée à un niveau ou à une forme d'intégration. Dans le cas contraire, l'échange culturel qui lui est indispensable existe dans un degré extrêmement insuffisant.

Le concept d'intégration désigne l'insertion des nouveau-venus dans les structures économiques, sociales et politiques du pays d'accueil. Deux chercheurs canadiens A. Archambault et J.-C.Corbeil, distinguent trois niveau : « après un niveau d'intégration de fonctionnement, c'est-à-dire le niveau où l'adulte est capable de communiquer (dans la langue du pays) et de gagner sa vie en toute autonomie... » Le deuxième niveau est «... l'intégration de participation, l'adulte est actif dans la société et il veut jouer un rôle dans un domaine d'activité quelconque : la politique, le syndicalisme, les mouvements

69 Selim Abou, L'Identité culturelle, Beyrouth, Ed Perrin - Presses de l'Université Saint-Joseph, 1995

sociaux, etc. enfin le troisième niveau d'intégration c'est l'intégration d'aspirationl'adulte décide de lier son avenir et celui de ses enfants aux projets d'avenir du groupe, comme membre à part entière dans la société 70».

En ce qui concerne le premier niveau d'intégration, l'Identité cosmopolitique trouve largement son compte : dans l'expérience multiculturelle, l'Identité cosmopolitique s'engage dans la recherche d'une harmonie culturelle au milieu de la tension dynamique qui se trouve entre l'ouverture à l'autre et le retour à soi. Elle s'appuie fermement sur les principes et les postulats du cosmopolitisme, non seulement pour négocier le caractère mouvant de l'appartenance et de l'identité, mais aussi pour défendre la légitimité politique d'être soi-même un acteur privilégié de cette réalité cosmopolitique du monde en pleine élaboration. La démarche critique du cosmopolitisme ainsi que l'affranchissement du nationalisme méthodologique sont des principes intrinsèques et essentiels à l'Identité cosmopolitique. Ils sont des instruments indispensables afin de saisir les agencements qui permettent de trouver l'équilibre dans la dialectique vivante entre soi-même et l'Autre.

Revenons sur la typologie de l'intégration reprise par Sélim Abou et le deuxième niveau de l'intégration celui de la participation. L'Identité cosmopolitique implique certes un niveau de conscience politique mais pas forcement une activité ou une démarche politique au sens strict du terme. La notion d'intégration, telle que nous l'avons décrite, est tributaire du nationalisme méthodologique, pour comprendre ce point il suffit de répondre à la question suivante : a quoi est-on sensé s'intégrer ? À l'étatnation en question évidement. Alors, si la participation politique, sociale ou culturelle dans la société d'accueil est dominée ou motivée par le désir de contestation des préceptes de l'état-nation lui-même, peut-on continuer à parler sur le même registre de la notion d'intégration ou de participation? Certainement pas.

Il y a environs trois siècles on demandait à un étranger de faire preuve de dévotion religieuse pour être accepté en tant qu'être humain, et il fallait assister à la messe du dimanche. Aujourd'hui on lui demande d'assister aux réunions du Modem (ou autre) ou de faire des travaux d'intérêt collectif pour recevoir la bénédiction des citoyens et de

70 Selim Abou, L'Identité culturelle, Beyrouth, Ed Perrin - Presses de l'Université Saint-Joseph, 1995

l'administration. L'Identité cosmopolitique ne s'articule pas forcement à partir des notions d'intégration.

Enfin, le troisième niveau d'intégration, l'aspiration, est incontestablement lié à l'idée de « communauté de destin », composante essentielle de l'identité nationale. Nous arrivons au même paradoxe que celui de la participation. L'acteur de l'expérience multiculturelle, a-t-il le droit de se sentir d'avantage partie d'une communauté de destin global plutôt que nationale ? La notion d'intégration à première vue ne parait pas donc très pertinente et ne figure pas dans parmi les critères essentiels pour estimer les agencements de l'Identité cosmopolitique. La notion d'intégration est un élément transversal à l'Identité cosmopolitique.

Le point d'encrage de l'Identité cosmopolitique se situe dans les identités qui se recoupent, qui se réorganisent et qui se réinventent comme les fruits des échanges et des confrontations propres de l'expérience multiculturelle. Ainsi, réordonner les expériences, les objections et les conflits qui se présentent et les replacer dans la grille de lecture du cosmopolitisme est essentiel pour que les frontières, les certitudes et les distinctions que l'on pensait éternelles se brouillent en laissant ainsi la voie libre à une interprétation tolérante et ouverte des réalités culturelles.

L'Identité cosmopolitique n'a aucunement la prétention de croire qu'elle détient la compréhension suprême de la différence culturelle, ni d'être l'expression ultime de l'altérité multiculturelle. Au contraire, elle assume ses propres limites. Elle est consciente de sa propre ignorance et fait acte d'humilité face à l'impossibilité cognitive de se procurer toutes les clefs et tous les éléments d'interprétation nécessaires au travail de décryptage et de décodage des univers culturels. Elle est consciente, grâce aux connaissances empiriques acquises au long des expériences précédentes, qu'avancer des conclusions prématurées ou des conclusions sur les caractères culturels amène forcement à des erreurs. Ainsi, l'Identité cosmopolitique rompt radicalement avec l'ethnocentrisme qui contamine profondément les regards sur le monde des autres, elle rompt aussi avec la tentation de faire appel au nationalisme méthodologique et à la conscience nationale pour interpréter et pour se positionner face à la différence. L'ethnocentrisme et le nationalisme méthodologique cherchent à détenir le monopole du sens et à garder en otage la vision d'un monde naturellement divisé en nations. L'Identité cosmopolitique,

elle, reconnaît le caractère instable des représentations sociales et culturelles. L'Identité cosmopolitique, c'est aussi savoir marcher sur les ruines de nos certitudes tout en intériorisant les visions des autres.

Identité cosmopolitique ne veut pas dire déracinement : le principe de l'inclusion additive pense le social, le politique mais surtout le culturel à l'aide de catégories qui peuvent se combiner, avec un caractère cumulatif. Ainsi, grâce au principe d'inclusion additif qui domine, elle permet d'être attaché au terroir et en même temps de participer et de sentir une empathie globale. Elle permet de regarder les origines avec estime, mais sans vénération, et de faire évoluer le sentiment d'appartenance multiple sans rivalités. L'Identité cosmopolitique signifie savoir redonner un sens au monde et aux contradictions culturelles.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams