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Le secteur informel à  l'épreuve du droit des affaires OHADA

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par Thierry Noël KANCHOP
Université de Dschang - DEA en droit communautaire 2009
  

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PARA II : L'APPLICATION DU DROIT DES PROCEDURES COLLECTIVES AUX COMMERÇANTS INFORMELS.

L'Acte Uniforme du 10 avril 1998 portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif, publié au journal officiel de l'OHADA le 1er juillet 1988150 et entré en vigueur le 1er janvier 1999, vient reformer l'état du droit des procédures collectives dans les pays de la zone franc en substituant un droit uniforme aux législations nationales antérieures, généralement vétustes,

149 Voir supra, p. 52

150 Voir J.O., OHADA, N°7, 1er juillet 1998, p. 13.

incertaines et disparates151. Comme tous les autres actes uniformes de l'entreprise OHADA, celui sur les procédures collectives d'apurement du passif a été salué par les praticiens du droit, acclamé par les entreprises et félicité par toutes les parties prenantes à des opérations commerciales, en raison du compromis qu'il réalise entre le paiement des créanciers, le paiement des salariés et le sauvetage de l'entreprise. C'est sans doute dans la mêlée de cette appréciation positive que certains auteurs ont avancé que l'Acte Uniforme organisant les procédures collectives a été rédigé de telle sorte qu'il puisse « régler le maximum de questions ».152 Toutefois, cette exaltation de l'AU.PCAP ne doit en rien occulter les quelques critiques qui peuvent être dirigées à l'endroit des experts de l'oeuvre OHADA. En effet, l'Acte Uniforme est muet sur l'épineuse question du secteur informel si important en Afrique mais qui, pour l'essentiel, n'est pas à mesure de supporter le coup et la complexité de la procédure153. On est tenté d'objecter au législateur OHADA d'avoir manqué d'originalité et de réalisme sur cette question de l'informel, ou tout simplement de n'avoir pas saisi l'occasion pour manifester avec force détails, le caractère adapté du droit OHADA aux réalités africaines, comme le rappellent les juristes africains dans une formule aux allures génériques tirées de l'article 1er du traité OHADA154.

La question de l'application des procédures collectives aux opérateurs du secteur informel présente une complexité particulière, car dans les précédents cas, (concernant la perte des privilèges des procédures), il apparaissait nettement

151 SAWADOGO (F.M.) Présentation du Droit des procédures collectives, in " OHADA-Traité et Actes Uniformes commentés et annotés", juriscope, 2002, p. 811.

152 SAWADOGO (F.M), Présentation du Droit des procédures collectives, in " OHADA-Traité et Actes Uniformes commentés et annotés", juriscope, 1999, p. 877: Dans l'ensemble, on peut l'apprécier (l'Acte Uniforme) positivement du fait de l'effort fait pour résoudre le maximum de questions comme celles ayant trait aux procédures collectives internationales ou à l'ouverture d'une seconde procédure. ».

153 SAWADOGO (F.M), Présentation du Droit des procédures collectives, in " OHADA-Traité et Actes Uniformes commentés et annotés", juriscope, 2002, P. 818.

154 C'est à la lumière de l'article 1er du Traité que l'on peut observer chez la quasi-totalité des juristes africains l'affirmation selon laquelle, l'harmonisation du droit des affaires OHADA se traduit principalement par l'adoption des règles simples, modernes et adaptées aux économies nationales.

que la norme était éditée en faveur du commerçant. Il était dès lors évident que ces règles ne devaient pas bénéficier aux commerçants qui ne sont pas immatriculés au RCCM. En matière de procédures collectives, rien n'est aussi simple et clair car la jurisprudence en la matière fait état d'une application distributive des procédures collectives aux opérateurs de l'informel (A) ; ce qui peut conduire à discuter des incertitudes liées à cette application des procédures collectives au secteur informel, en raison de l'esprit général qui gouverne de telles procédures. (B).

A- UNE APPLICATION DISTRIBUTIVE DES PROCEDURES COLLECTIVES AUX OPERATEURS DE L'INFORMEL

Il s'agit de l'application sélective du droit des procédures collectives aux commerçants informels. A l'époque où la faillite était jugée infamante155, les tribunaux n'hésitaient pas à la prononcer à l'égard des commerçants de fait156. Il aurait été injuste que la personne négligente soit mieux traitée que le commerçant immatriculé, la logique de la théorie du commerçant de fait était fort respectée157. Actuellement cette raison n'est plus pertinente, le redressement n'est pas une sanction; il permet de bénéficier des reports d'échéance accordés par les créanciers et autorisés par le tribunal. Son application aux commerçants de fait ou de l'informel peut donc être tout autant un avantage qu'une contrainte.158 En France, cette position jurisprudentielle a été implicitement consacrée par la loi n°85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaire des biens. L'article 189 de cette loi accorde en effet au tribunal la faculté de prononcer la faillite personnelle de « toute personne ayant exercé une activité commerciale contrairement à une interdiction prévue par la

155 CHAPUT (Y.), La faillite, PUF, 1981, p. 9.

156 Com, 2 février. 1970, op.cit.

157 ELHOUEISS (J.L), op.cit., p. 6.

158 GUYON (Y.), Droit des Affaires, T 2, economica, 6e éd, 1997, N° 1097.

loi » 159, or puisque ce texte renvoie expressément à l'article 185160 de la même loi, son application suppose que l'intéressé ait préalablement été l'objet d'un redressement judiciaire. La position du législateur OHADA sur le sujet est bien semblable. En effet, l'article 196 de l'AU. PCAP accorde à la juridiction compétente de prononcer à toute époque de la procédure, la faillite personnelle des personnes qui ont commis des actes de mauvaise foi ou des imprudences inexcusables, ou qui ont enfreint gravement les règles et usages du commerce tels que définis par l'article 197. Il faut préciser que ce dernier article dispose que sont présumés actes de mauvaise foi, imprudences inexcusables ou infractions graves aux règles et usages du commerce, l'exercice d'une activité commerciale contrairement à une interdiction prévue par les actes uniformes ou par la loi de chaque Etat partie161.

Le problème est qu'une faillite ne concerne pas seulement le failli, il faut également tenir compte des intérêts d'autres parties principalement les créanciers et même les salariés. En effet l'exclusion du commerçant informel ou illicite du champ des procédures collectives priverait les premiers des procédures de concours et les seconds des dispositions des articles 95et 96

159 Cet Art 189 de la loi du 25 jan 1985 disposait en substance que: « A toute époque de la procédure, le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée à l'article 185 contre laquelle a été relevé l'un des faits ci-après :

1. Avoir exercé une activité commerciale, artisanale ou agricole ou une fonction de direction ou d'administration d'une personne morale contrairement à une interdiction prévue par la loi :

2. Avoir, dans l'intention d'éviter ou de retarder l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, fait des achats en vue d'une revente au-dessous du cours ou employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds ;

3. Avoir souscrit, pour le compte d'autrui, sans contre-partie, des engagements jugés trop importants au moment de leur conclusion, eu égard à la situation de l'entreprise ou de la personne morale ;

4. Avoir payé ou fait payer, après cessation des paiements et en connaissance de cause de celle-ci, un créancier au préjudice des autres créanciers ;

5. Avoir omis de faire, dans le délai de quinze jours la déclaration de cessation de paiement. ».

160 Cet Art dispose en effet que: « Lorsqu'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les dispositions du présent titre sont applicables:

1° Aux personnes physiques exerçant la profession de commerçant, d'artisan ou d'agriculteur ;

2° Aux personnes physiques, dirigeants de droit ou de fait de personnes morales ayant une activité économique ;

3° Aux personnes physiques, représentants permanents de personnes morales, dirigeants des personnes morales définies au 2° ci-dessus. ».

161 Art 197 al 1er AU.PCAP.

AU.PCAP qui aménagent le privilège des salariés162. Comment donc protéger les intérêts de ces personnes sans que le commerçant informel n'en tire avantage? Le problème est complexifié par le fait que le commerçant informel ne bénéficie pas des règles relatives aux baux commerciaux, plus que tout autre, il est donc exposé au risque de la perte de clientèle et par voie de conséquence à la faillite. Pour dissiper cette difficulté il faudrait sans doute prendre en renfort la solution jurisprudentielle française affirmée dans un arrêt de la chambre commerciale du 25 mai 1997163. Cet arrêt prend en compte le fait que l'ouverture d'une procédure peut être requise par quatre intervenants: le débiteur commerçant de fait, les créanciers, le procureur de la république ou le tribunal qui dispose en la matière d'une très rare capacité d'auto saisine164. Selon cet arrêt, seuls les trois derniers peuvent demander le redressement de fait, le débiteur ne pouvant plus selon la cour, réclamer lui-même le bénéfice du redressement judiciaire165. Il s'agit donc ici de ménager créanciers et salariés sans conférer d'avantages aux commerçants de fait. Ainsi, le débiteur commerçant informel ne pourra pas bénéficier du règlement préventif qui est une procédure destinée à éviter la cessation d'activité et à permettre l'apurement de son passif au moyen d'un concordat préventif166. Il ne se verra pas non plus appliquer les dispositions qui aménagent le redressement judiciaire car ce dernier à pour but principal de restructurer l'activité du commerçant, de le

162 En effet, les Articles 95 et 96 AU.PCAP précisent respectivement que: « Les créances résultant du contrat de travail ou du contrat d'apprentissage sont garanties, en cas de redressement judiciaire ou de liquidation des biens par le privilège des salaires établi pour les causes et le montant définis par la législation du Travail et les dispositions relatives aux sûretés. »

« Au plus tard, dans les dix jours qui suivent la décision d'ouverture et sur simple décision du Jugecommissaire, le syndic paie toutes les créances super privilégiées des travailleurs sous déduction des acomptes déjà perçus.

Au cas où il n'aurait pas les fonds nécessaires, ces créances doivent être acquittées sur les premières rentrées de fonds avant toute autre créance.

Au cas où lesdites créances sont payées grâce à une avance faite par le syndic ou toute autre personne, le prêteur est, par la même, subrogé dans les droits des travailleurs et doit être remboursé dès la rentrée des fonds nécessaires sans qu'aucune autre créance puisse y faire obstacle. ».

163 Rev. Soc., 1997, p. 601.

164 Ibid.

165 ELOUIESS (J.L), op.cit., p. 7.

166 Art 2 al 1 AU.PCAP.

sauver de ses difficultés afin qu'il retrouve meilleure fortune. Puisqu'il n'est pas question d'aider un commerçant informel à bénéficier des avantages d'une telle procédure, le droit des procédures collectives fera abstraction de ses dispositions pour lui appliquer uniquement celles qui s'apparentent comme des sanctions. A la fin, c'est la liquidation des biens qui est appliquée à de tels commerçants car cette procédure à pour seul objectif le désintéressement du ou des créanciers. Cette solution logique peut bien être exploitée dans le cadre de l'OHADA en ce qui concerne l'applicabilité des procédures collectives au secteur informel.

Toutefois une difficulté pourra se faire ressentir car l'article 26 AU. PCAP dans la continuité de l'article 25 AU.PCAP, dispose que le débiteur doit déposer le bilan dans les trente jours suivant la cessation des paiements. L'arrêt précité posera problème car il interdira au débiteur ce que la loi lui impose. En toute clarté, il s'agira de l'application des procédures collectives aux opérateurs informels à titre de sanction. D'où l'inquiétude de savoir si l'application de ces procédures à titre répressif ne serait pas incertaine parce que difficilement compatible avec l'esprit général des procédures collectives167.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille