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La reformulation Rawlsienne des principes de la justice

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par Pénéloppe Natacha MAVOUNGOU
Institut catholique de Toulouse - Master 2 de philosophie 2011
  

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Section 2- La structure de base de la société comme objet de la justice : Deuxième justification

Si le premier type de raison s'est attaché à montrer le caractère purement social de la théorie de la justice en insistant sur la justice distributive, dans cette deuxième partie il reconsidère cette idée, mais en insistant davantage sur l'égalité équitable des chances. Pour y parvenir, il commence par pointer le genre d'inégalités qu'une société juste se doit d'éviter. Il le souligne, lorsqu'il introduit le second type de raison : « nous cherchons à savoir quelles sont les inégalités qu'une société bien ordonnée autoriserait ou celles qu'elle chercherait particulièrement à éviter »119(*). La justice comme équité, telle que conçue par John Rawls accorde une place prépondérante aux inégalités, parce qu'elles existent dans la société ; il faut en tenir compte, le plus important étant de savoir comment. En ce qui concerne les lieux de l'implication des inégalités, Rawls pense que ces dernières sont importantes, lorsque les perspectives de vie des personnes sont affectées par des contingences. Il énumère donc trois lieux où l'on constate facilement l'existence des injustices : la classe d'origine, les dons innés ainsi que la bonne ou la mauvaise fortune.

Ce qui intéresse le plus Rawls, c'est de ne pas exclure qu'il peut arriver que même la structure de base ne tienne pas compte de ces trois contingences. C'est pourquoi il affirme que « le simple fait de souligner l'existence de ces trois sortes de contingences ne suffit pas bien entendu, à montrer de manière concluante que la structure de base de la société est l'objet approprié de la justice politique »120(*). Ce qui veut dire que pointer du doigt les contingences est bien trop insuffisant pour pouvoir prétendre à la connaissance de toutes les inégalités existant dans la société. Ainsi, il faut aller plus loin en reconnaissant ces inégalités qui existent entre les perspectives de vie des personnes. Reconnaître ces inégalités impliquerait la recherche d'une solution vivable pour tout le monde.

Pour l'auteur de Théorie de la justice, il n'est pas logique de regarder sans réagir, les inégalités. Il faut, dit-il, « instituer les réglementations nécessaires pour préserver la justice du contexte social »121(*). Tant qu'il y a des inégalités sociales, il n'est pas possible de parler de justice équitable, et l'expression utilisée par Rawls-lui-même souligne que négliger de considérer les inégalités, c'est créer le chaos, se décrédibiliser: « [...] Si nous ignorions les inégalités [...], nous ne prendrions pas au sérieux l'idée de société conçue comme un système équitable de coopération entre citoyens libres et égaux »122(*). Cette prise de position nous renvoie au contenu des principes de justice que nous verrons plus loin123(*). Du reste, ces principes s'attacheront davantage à examiner les aspects distributifs de la structure de base. Personne, en effet, ne peut être privé d'un bien quelconque, du seul fait de sa place défavorable dans la structure de base, car Rawls considère que la justice est la première vertu des institutions sociales. Ce qui montre, qu'il ne considère pas, bien sûr, l'existence d'autres vertus dans la structure de base, bien que la justice en soit la première. Par conséquent, c'est « seulement la répartition adéquate des droits, devoirs, avantages et charges qui est déterminée par les principes de la justice »124(*). À la suite de cette idée de défense des inégalités, Rawls souligne l'importance du rôle d'une conception politique. Il estime en effet que le rôle de celle-ci n'étant pas limité à des questions de répartition, son élargissement ne doit pas être relégué au second plan. C'est ainsi que l'éducation à la reconnaissance mutuelle du fait de la liberté des individus, de l'égalité entre eux doit être considérée comme une tâche prioritaire de la justice politique. Dans sa fonction d'éducateur, la conception politique de la justice « fait partie de la culture politique publique »125(*). John Rawls reprend cette notion de la justice publique pour signifier le lien étroit qui existe entre les principes de la justice et la structure de base de la société. Ce n'est qu'en prenant en compte la dimension publique de la structure de base que les citoyens peuvent se prétendre libres et égaux.

Reconsidérant la question des trois contingences, Rawls montre leur conséquence sur les objectifs des personnes. Selon lui, les humains évaluent leurs perspectives de vie par rapport à la place qu'ils occupent dans la structure de base. De même chaque objectif que l'on peut se fixer doit absolument tenir compte de ce qui existe déjà, et même de la position qu'on occupe. On ne peut espérer au-delà de ce qui est déjà à notre portée ou bien au-delà de ce que nous sommes. Ce qui lui fait dire que « le fait d'être rempli d'espoir et optimiste pour le futur plutôt que résigné et indifférent dépend donc à la fois des inégalités associées à notre position sociale et des principes publics de justice que la société, en plus de professer, met en oeuvre plus ou moins efficacement pour régir les institutions de la justice du contexte social »126(*).

Cette affirmation de Rawls ouvre la justice à ce qu'il convient d'appeler ici « l'avenir », parce qu'elle ne se limite pas au contexte actuel, mais elle est aussi tournée vers l'avenir, c'est-à-dire « un arrangement qui produit d'autres désirs et aspirations dans le futur »127(*). Pour Rawls, ce futur se caractérise dans le présent où ce qui se réalise aujourd'hui est une continuité au sens où il a des effets sur toute l'existence de l'individu et s'étend à toutes les générations. Rawls souligne ici l'importance du caractère social de la structure de base qui transcende le temps. Prenant l'exemple des dons innés, l'auteur de Théorie de la justice affirme que, en dépit de leur caractère inné, ils ne sont pas figés. Ils sont dynamiques. Il estime, en outre que ces dons n'existent pas que « potentiellement et ne peuvent pas arriver à une maturation indépendamment des conditions sociales »128(*). Ce qui voudrait dire que ce sont les conditions sociales qui donnent un sens aux dons innés et à leur réalisation, ils prennent la forme des conditions sociales elles-mêmes. De la sorte, tout ce qui peut être réalisé par des personnes, porte une empreinte personnelle, certes, mais qui ne peut en fin de compte se réaliser que dans un contexte social.

Comme nous l'annoncions dans notre introduction de cette deuxième partie, la structure de base de la société est le cadre de l'application des deux principes de la justice. Son importance peut s'expliquer par le fait qu'elle est un préalable à l'analyse des principes de la justice qui va constituer les chapitres suivants de ce mémoire. Considérée comme un complexe d'institutions unique au sein duquel les deux principes de justice doivent s'appliquer, la structure de base constitue, sans conteste, l'un des sujets majeurs de la position originelle. C'est dans la position originelle et derrière le voile d'ignorance que sont choisis les principes qui s'appliqueront non pas de manière personnelle à des individus ou à des associations en particulier, mais à la structure de base de la société prise comme un tout. Ce qui signifie, en fin de compte, que les principes de la justice ne s'appliquent pas de façon séparée à chaque institution de la structure de base. Ils s'appliquent à toutes les institutions de manière commune: « ce qui est particulier à la structure de base de la société, c'est qu'elle procure le cadre d'un système autosuffisant de coopération au sein duquel une variété d'associations et de groupes aide à la réalisation des fins essentielles de la vie humaine »129(*). Ce qui signifie que la structure de base est organisée en un seul système des institutions majeures.

Relativement à la thématique de la position originelle, Rawls souligne l'importance qu'il lui accorde en tant qu'expérience de pensée. De fait les individus vivent dans une société régie par les principes qu'ils ont eux-mêmes choisis. Le dépouillement (sens de la neutralité) moral qui caractérise les partenaires fait de ces principes, des principes pouvant s'appliquer à toutes les personnes au sein de la structure de base. C'est une société où les « membres y entrent seulement à la naissance et la quittent à leur mort »130(*). Bien que cela relève de l'abstraction, Rawls pense que c'est une abstraction qui éloigne les partenaires de toutes les autres idées non essentielles, pour se focaliser sur le choix des principes. Il est donc clair que chez l'auteur de Théorie de la justice, les principes de la justice sociale sont ceux choisis non pas pour une période donnée, mais pour toute la vie, quelles que soient les générations, parce que la société à laquelle ils s'appliquent est « un système continu de coopération équitable à travers le temps, sans commencement défini ni terme qui soient pertinents du point de vue de la justice politique »131(*). Cependant, pourquoi John Rawls introduit-il l'idée d'une position originelle dans la théorie de la justice comme équité ?

L'argument dont découlent les deux types de raison pour considérer la structure de base comme objet de la justice obéit au souci de Rawls de penser les principes de justice à l'intérieur d'un système institutionnel. Par ailleurs, cette idée de la structure de base se comprend mieux avec l'idée de position originelle qui constitue le cadre du choix des principes de justice. C'est ce qui fera l'objet de la prochaine section.

* 119 Idem, La justice comme équité, op .cit., p. 85.

* 120 Ibid., p. 86.

* 121 Ibid.

* 122 Ibid., p. 86.

* 123 Rawls annonce déjà ici la couleur que prendront les principes de justice, notamment une couleur de justice distributive.

* 124 Véronique Munoz-Dardé, La justice sociale, op. cit., p. 80.

* 125 John Rawls, La justice comme équité, op. cit., pp. 86-87.

* 126 Ibid., p. 87.

* 127 Ibid., p. 87.

* 128 Ibid., p. 87.

* 129 John Rawls, Libéralisme politique, op. cit., p. 358.

* 130 Ibid., p. 36.

* 131 Id., La justice comme équité, op. cit., p. 85.

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