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La reformulation Rawlsienne des principes de la justice

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par Pénéloppe Natacha MAVOUNGOU
Institut catholique de Toulouse - Master 2 de philosophie 2011
  

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Section 3-Critique rawlsienne de l'égalité formelle des chances

L'égalité des chances est un critère de la société démocratique qui vise la coïncidence entre les aspirations des personnes avec les positions existantes dans la société, c'est-à-dire que son effort « porte sur le développement du potentiel de chacun sur les possibilités égales offertes à des talents égaux, sans que l'origine sociale ait un impact »35(*). Ce critère pourrait donc être simplifié de la manière suivante : que tous aient la chance d'accéder à tous les postes, sans distinction, de classe, de religion, d'origine. Rawls qui considère cette idée d'égalité des chances comme étant le deuxième principe de sa théorie de la justice, décide d'en critiquer le caractère formel en lui adjoignant une dimension équitable.

D'une façon très générale et comme le souligne Rawls lui-même, l'égalité équitable des chances est « introduite pour corriger les défauts de l'égalité formelle des chances »36(*). C'est donc à ce titre que la critique rawlsienne de l'égalité formelle des chances est capitale, parce qu'elle représente l'un des points fondamentaux de la reformulation de la théorie de la justice comme équité. Pour mieux comprendre cette reformulation, il nous reste à en analyser le ressort. C'est pourquoi il est important de revenir sur le sens de l'égalité formelle des chances, telle qu'exposée par Rawls dans Théorie de la justice. Ce n'est qu'après avoir compris le sens de cette forme d'égalité que nous nous attacherons à analyser l'expression corrigée, à savoir l'égalité équitable des chances.

L'idée principale qui caractérise l'égalité formelle des chances est énoncée pour la première fois par Rawls dans Théorie de la justice37(*). Cette idée fait partie du système de la liberté naturelle (the system of natural liberty) où les carrières sont ouvertes aux talents. Ce système de liberté naturelle prend en compte les capacités et la volonté qu'ont les individus de réussir, de même qu'il prône que les individus ont une chance égale et équitable d'atteindre les mêmes positions sociales. Il l'affirme en ces termes : « Le système de la liberté naturelle affirme qu'une structure de base [...] dans laquelle les positions sont ouvertes à ceux qui sont capables et désireux de faire des efforts pour les obtenir, conduira à une juste répartition »38(*). Ce qui veut dire, en d'autres termes, que l'égalité formelle des chances qui découle du système naturel des libertés implique que chaque personne ait « au moins les mêmes droits (légaux) d'accès à toutes les positions sociales pourvues d'avantages »39(*). Cette conception, selon Rawls, n'exclut pas que, dans l'égalité formelle des chances, les contingences naturelles et sociales peuvent influencer la structure de base. C'est pourquoi le système naturel des libertés, à un certain moment, peut paraître injuste, parce que logiquement, il s'arrête à la forme d'une règle ou d'une loi, sans tenir compte de la réalité. Il finit par engendrer des inégalités. Ce qui nous ferait dire que l'égalité formelle des chances, bien qu'elle vise l'égalité, fait abstraction du cadre de sa réalisation.

L'un des moyens pour éviter l'influence du système de la liberté naturelle pouvant être affecté par les contingences sociales, serait d'empêcher l'accumulation excessive de richesses par certains membres de la société et de garantir des possibilités d'éducation pour tous, parce que tant qu'existeront les classes, les familles aisées et moins aisées dans la société, l'égalité des chances sera toujours formelle ; elle penchera en, effet, toujours du côté des mieux dotées, qui possèdent le pouvoir et la direction des institutions.

En dehors de cet aspect formel, Rawls conteste aussi l'idée de mérite dans l'égalité des chances. Contestation qui fera prendre à la question de l'égalité formelle des chances, déjà en suspens dans Théorie de la justice, une autre direction : l'égalité équitable des chances. Dans la correction de l'égalité formelle des chances, Rawls intègre l'idée d'égalité équitable des chances, parce que l'égalité des chances encourage la méritocratie, et que, même s'il y a égalité des chances, elle n'est que formelle, puisque les plus doués obtiennent une plus grande part que les moins doués. John Rawls considère que le problème ne se limite pas à la classe d'origine, car de la même manière que les classes d'origines sont arbitraires, c'est de cette même manière aussi que sont réparties les talents et les chances pour accéder à une position sociale. C'est pourquoi une répartition qui tient toujours compte de la contribution faite par chacun encourage les inégalités et les injustices et ne donne à aucun membre de la structure de base la chance d'accéder à une position autre que celle de son origine. Contestant une telle façon de voir les choses, Rawls rouvre le débat sur l'égalité grâce au concept d'égalité équitable :

Personne ne mérite ses capacités naturelles supérieures ni un point de départ plus favorable dans la société [...]. La répartition naturelle n'est ni injuste ni juste ; il n'est pas non plus injuste que certains naissent dans des positions sociales particulières. Il s'agit seulement des faits naturels. Ce qui est juste ou injuste par contre, c'est la façon dont les institutions traitent ces faits40(*).

Cette idée de l'égalité équitable des chances permet de montrer comment Rawls considère les avantages que possède chaque individu. Pour lui, ils n'ont de valeur que lorsqu'ils sont mis à la disposition des moins favorisés. C'est cette idée qui fondera le principe de différence41(*). Ainsi pour Rawls, écarter l'idée de mérite est essentielle pour une société juste car une fois mise de côté, les plus avantagés pourront accepter de coopérer avec les moins avantageux, au nom de l'équité. En outre, une juste redistribution, devrait s'appuyer sur la dimension collective de la réussite personnelle de chaque membre de la société. C'est donc à la société de déterminer les règles pouvant régir l'organisation de la structure de base de la société, puisque tel est son rôle et parce qu'elle est le lieu d'application des principes et des règles de justice.

Dans cette détermination des règles organisatrices de la justice sociale, Rawls introduit dans La justice comme équité, l'idée de coopération sociale42(*) faisant partie du système équitable de la société. Cette idée centrale et organisatrice de la coopération sociale comporte trois traits essentiels. La première caractéristique souligne que la coopération sociale ne correspond pas à une activité coordonnée par une autorité absolue. Contrairement à cela, elle est guidée par des règles publiquement reconnues et par des procédures que ceux qui coopèrent acceptent et considèrent comme régissant leur conduite à juste titre. Concernant la deuxième caractéristique, Rawls précise que les termes équitables de la société impliquent une idée de la réciprocité ou de mutualité. Tous ceux qui sont engagés dans la coopération et qui remplissent leur rôle, en tenant compte des procédures et des règles, doivent tirer avantage, d'une manière appropriée, en s'appuyant sur un critère reconnu par tous. En dernier lieu, Rawls estime que l'idée de coopération sociale exige que chaque participant ait une idée de l'avantage rationnel des uns et des autres, c'est-à-dire son bien. Cette idée du bien précise ce que ceux qui sont engagés dans la coopération cherchent à obtenir du point de vue de leur propre bien. En outre l'idée de coopération sociale nous aide à comprendre la distinction faite par Rawls, entre la méritocratie brute et l'égalité équitable des chances43(*).

Ce postulat de l'égalité des chances ayant été posé, de même que l'idée de coopération sociale, l'égalité équitable des chances (equality of fair opportunity) est définie comme « posant l'exigence non d'une simple ouverture, au sens formel, des postes publics et des positions sociales, mais d'une chance équitable pour tous de les obtenir »44(*). C'est pourquoi, une société bien ordonnée qui respecte le principe d'égale liberté se doit d'être réellement équitable et non pas de manière simplement formelle.

L'égalité équitable des chances joue un rôle central, en tant qu'elle conteste l'égalité formelle. Génitrice des inégalités où des individus issus des classes sociales différentes se verront offrir des options différentes, elle (égalité équitable) ouvre la voie à la répartition juste et équitable. L'égalité équitable des chances préconise donc, au sein de la société, de donner des chances de réussite et d'éducation de la même manière à tous, sans se fonder sur les contingences ou bien sur les classes d'origine. Il faut donner à tout le monde la chance de réussir et de réaliser ce à quoi il aspire. Les inégalités ne sont pas seulement le fait d'une injustice sociale, fondées dans les seules origines sociales, mais elles sont présentes tout au long de la vie qu'un humain devra passer dans une société donnée, et Rawls pense qu'il est important de dissiper l'idée qui consiste à croire que c'est l'égalité formelle des chances qui fonde l'égalité.

Garantir l'égalité équitable des chances, c'est garantir leur possibilité réelle, non pas simplement formelle, ce qui justifie le passage du formel à l'équitable. De plus, c'est aussi ce que Rawls entend par « le principe de la juste égalité des chances », c'est-à-dire que tout le monde doit avoir une chance équitable d'accéder à un bien, et non pas seulement qu'une position soit ouverte à tous, de manière formelle. Pour Rawls chaque humain doit avoir la chance de parvenir à une position, car « si les talents sont considérés comme une source commune, les handicaps aussi doivent être considérés comme une responsabilité collective »45(*).

En somme l'égalité équitable des chances dans ce contexte, prend le sens de « l'égalité libérale »46(*), d'autant plus que l'égalité formelle demeure insuffisante dans l'organisation de la structure de base de la société. Il convient de noter ici que le terme libéral est à prendre dans son acception anglo-saxonne et non pas continental. Libéral en anglais ne veut pas dire libéralisme, mais libéralité, dans le sens de prodigalité (Providence, celui qui donne). C'est le sens de l'Etat libéral au sens rawlsien.

Par conséquent, il faut donc certaines conditions au niveau de la structure de base pour que cette égalité soit équitable. Rawls propose à cet effet, des conditions économiques et sociales. D'abord au niveau économique, la durée entre en jeu, de manière à prévenir toute forme de monopole et de suprématie, compte tenu de la concentration excessive des richesses en faveur d'une catégorie de personnes. Ensuite, sur le plan social, il insiste sur les chances égales d'éducation ouvertes à tous, nonobstant les conditions familiales d'origine. La durée doit être comprise comme un usage continu du principe d'égalité équitable des chances, car ce n'est qu'à l'intérieur de la structure de base que peut être mise en pratique ce principe si l'on veut éviter le déséquilibre dans la répartition. On pourrait donc dire que l'idée d'égalité équitable des chances comporte une supériorité sur l'idée d'égalité formelle des chances, au sens où, elle la prolonge, la dépasse, de sa dimension simplement formelle.

La critique rawlsienne de l'égalité formelle des chances que nous venons d'analyser ouvre à la section suivante, consacrée au problème de la justice distributive qui est une des idées essentielles de la justice comme équité. La question se pose dès lors de savoir ce qu'il en est de la justice distributive que Rawls oppose à la justice attributive.

* 35 Catherine Audard, Qu'est ce que le libéralisme, Paris, Gallimard, 2009, p. 444.

* 36 John Rawls, La justice comme équité, op. cit., p. 70.

* 37 John Rawls, Théorie de la justice, op. cit., p. 103.

* 38 Ibid., p. 97.

* 39 Ibid., p. 103.

* 40 John Rawls, La justice comme équité, op. cit., p. 132-133.

* 41Cf. Deuxième partie du mémoire (analyse des principes de la justice).

* 42 John Rawls, La justice comme équité, op. cit., pp. 22-26.

* 43 La notion de méritocratie est analysée dans la deuxième partie du mémoire.

* 44 John Rawls, La justice comme équité, op. cit., p. 71.

* 45 Catherine Audard, Qu'est-ce que le Libéralisme, op. cit., p. 448.

* 46 John Rawls, La justice comme équité, op. cit., p. 71.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery