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La responsabilité du banquier dispensateur de crédit

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par Aristide CHACGOM FOKAM
Université de Dschang - Master 2 en droit des affaires et de l'entreprise 2011
  

Disponible en mode multipage

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    Ministère de l'Enseignement Supérieur République du Cameroun

    Ministry of Higher Education Republic of Cameroon

    Université de Dschang Paix - Travail - Patrie

    University of Dschang Peace- Work- Fatherland

    Faculté des Sciences Juridiques et Politiques

    Faculty of Law and Political Sciences

    LA RESPONSABILITE DU BANQUIER

    DISPENSATEUR DE CREDIT

    Thèse en vue de l'obtention du diplôme de Master en Droit
    Option : Droit des Affaires et de l'Entreprise

    Présentée et soutenue publiquement par :

    CHACGOM FOKAM Aristide

    Maîtrise en Droit des Affaires et de l'Entreprise

    Sous la direction de :

    M. NGUIHE KANTE Pascal
    Docteur d'Etat en Droit Privé
    Chargé de cours à la Faculté des Sciences
    Juridiques et Politiques de l'Université de Dschang

    Juin 2011


    ·

    DEDICACE

    A mes parents monsieur FOKAM Isidore et madame FOKAM née METIEGAM Rachel, qu'ils trouvent ici le fruit de leurs multiples efforts.

    REMERCIEMENTS

    Au moment où ce travail s'achève, il est agréable d'adresser mes sincères remerciements et ma vive reconnaissance à l'éternel tout-puissant et à tous ceux qui de près ou de loin ont contribué à sa réalisation.

    Il s'agit particulièrement :

    - De mon directeur de mémoire, le Docteur Pascal NGUIHE KANTE, qui a suscité en nous l'enthousiasme dans la recherche. Pour ses conseils, sa disponibilité et ses observations dans l'orientation de ce travail.

    - Du professeur François ANOUKAHA, pour son sens élevé du devoir dans la conduite de la FSJP de l'Université de Dschang.

    - De tous les enseignants, qui n'ont cessé de nous encourager sur la voie de la recherche, et surtout par la qualité des enseignements dispensés.

    - Des attachés de recherche, Patrice KAGOU KENNA, Eric MOHO FOPA, Hervé TCHABO, pour leur collaboration.

    - Du doctorant Gervais KEMMEGNE KOUAM, pour ses précieux conseils et ses pertinentes remarques qui ont permis de réaliser ce travail.

    - De toute ma famille FOKAM : Serge, Olivier, Gisèle, Madeleine, Béatrice, Diane, Dominique, Richard, Ange Lionel et Vannelle pour le soutien qu'elle m'a toujours apporté, ainsi qu'a la famille MANI à Yaoundé.

    - De mes ami(e) s promotionnaires : Emmanuel TSAGMO TAMEKO, Corneille KAMLA, Carol KENSON, Elodie ATONFACK, Anita Suzy YIMDJO, Stéphane TALLA, et tous les autres pour leurs solidarités et encouragements. Nous n'oublions pas Simplice MBAH, Stéphanie MASATSA, Laetitia MAGOUA SIMO, Dorice LOYEM, Estelle PEMBIA, Elvis BIDIAS, Josée BAKAM, Juldas BOUCKINDA pour leur soutien.

    - De toutes les âmes de bonne volonté qui ont bien voulu nous prêter leurs concours à la réalisation de ce travail.

    PRINCIPALES ABREVIATIONS

    AJBEF. Association des juristes de banque et établissements financiers.

    Al. Alinéa.

    Art. Article.

    AUPCAP. Acte uniforme relatif aux procédures collectives d'apurement du

    passif.

    AUSC. GIE Acte uniforme relatif aux sociétés commerciales et groupements

    d'intérêt économique.

    Bull. civ. Bulletin des arrêts de la cour de cassation, chambre civil.

    CA Cour d'appel.

    Cass. Civ. 1° Première chambre civile de la cour de cassation.

    Cass. Com. Chambre commerciale, financière et économique de la cour de

    Cassation.

    D. Recueil Dalloz.

    Dr. et Patrim. Droit et Patrimoine.

    Ed. Edition.

    Gaz. Pal. Gazette du Palais.

    JCP E Juris classeur périodique ou semaine juridique édition entreprises.

    JCP G Juris classeur périodique ou semaine juridique édition générale

    Numéro.

    Obs. Observation.

    OHADA. Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des

    Affaires

    Rev. Revue.

    RTDciv. Revue trimestrielle de droit civil

    RTDcom. Revue trimestrielle de droit commerciale.

    V. Voir

    Vol. Volume.

    SOMMAIRE

    INTRODUCTION GENERALE 1

    PREMIERE PARTIE : UN FONDEMENT DEROGATOIRE AU DROIT COMMUN
    DE LA RESPONSABILITE CIVILE 9
    CHAPITRE 1 : LES OBLIGATIONS DU BANQUIER A L'EGARD DU CLIENT . 11

    Section1. L'appréciation de l'opportunité du crédit 11

    Section 2 : La surveillance des fonds prêtés 22

    CHAPITRE 2 : LES OBLIGATIONS DU BANQUIER A L'EGARD DES TIERS. 28

    Section 1 : Les conditions objectives du soutien abusif 29

    Section 2 : Les conditions subjectives du soutien abusif: La connaissance de la

    situation de l'entreprise 34 DEUXIEME PARTIE : UNE RESPONSABILITE DU BANQUIER EMPRUNTANT AU DROIT COMMUN DE LA RESPONSABILITE CIVILE AU NIVEAU DE LA

    SANCTION 37

    CHAPITRE 1 : LA MISE EN OEUVRE DE LA SANCTION 38

    Section 1 : Le préjudice et le lien de causalité 38

    Section2 : Les demandeurs à l'action 45

    CHAPITRE 2 : LE REGIME DES SANCTIONS 54

    Section1 : La sanction patrimoniale : l'octroi des dommages intérêts 54

    Section2 : Les sanctions extrapatrimoniales : la déchéance des sûretés 58

    CONCLUSION GENERALE 61

    INTRODUCTION GENERALE

    Le développement du crédit depuis un demi-siècle a conduit la jurisprudence, la doctrine et les pouvoirs publics à porter la plus grande attention à l'attitude du dispensateur de crédit. Il peut s'agir d'un associé, d'une société mère ou d'un fournisseur. Le plus souvent, il s'agit du banquier1. Le terme banquier employé ici ne doit pas être pris dans son sens premier. En effet, il ne s'agit pas du préposé de la banque, personne physique, employé, qui travaille pour le compte de la banque. Mais, plutôt, l'entreprise, personne morale qui l'emploi, c'est-à-dire la banque.

    Aussi, la banque doit être comprise dans un sens général, comme faisant partie d'un grand ensemble appelé établissement de crédit2. De manière générale, la banque peut être définie comme « un commerçant qui spécule sur l'argent et le crédit »3. Plus spécifiquement, la banque est une personne morale ou une entreprise qui effectue à titre de profession habituelle des opérations de banque4.

    La banque est au coeur de l'activité économique. Elle a pour rôle majeur de collecter des dépôts d'argent, puis de les utiliser sous forme de crédits ou investissement. C'est en cela que la banque fait partie de ce que l'on nomme intermédiaire financier. L'intermédiation financière désigne le rôle des établissements financiers qui reçoivent l'épargne des ménages et qui la redistribuent sous forme de crédit. La banque constitue en quelque sorte cette « passerelle » entre ceux qui souhaitent sauvegarder leurs avoirs d'une part, et ceux qui, d'autre part, voudraient obtenir du crédit pour le financement de leurs activités. De nos jours, aucune activité ne peut visiblement prospérer sans le concours des banques qui, à cet effet, accordent

    1 La banque n'est pas la seule structure qui accorde des crédits à une entreprise. Souvent à la fin d'une procédure de liquidation des biens d'une entreprise, le passif fournisseur est le plus élevé.

    2 On regroupe sous le vocable établissement de crédit, les banques, les établissements financiers, les sociétés financières d'investissement et de participation, la caisse d'épargne postale, les banques mutualistes et les établissements de micro finance. Ainsi tout au long de notre devoir nous utiliserons indistinctement les termes banque, banquier, établissement de crédit pour désigner cette personne morale qui fait le commerce de l'argent.

    3 Cf. RIPERT (G.) et ROBLOT (R.), Traité de droit commercial, T.2, par DELEBECQUE (Ph.) et GERMAIN (M.), LGJD, 17°éd. 2004, n°2216.

    4 Cf. Article 14 al. 2 du décret n°90/1469 de 9 novembre 1990, portant définition des établissements de crédit. Ces opérations comprennent entre autres : la réception des fonds du public, les opérations de crédit et la mise à la disposition de la clientèle ou la gestion des moyens de paiement. A coté de ces opérations dites principales, il en existe d'autres, plutôt accessoires. On tient pour opérations de banque celles qui se rattachent à la circulation de la monnaie ou à la distribution du crédit. Au Cameroun, l'exercice de l'activité bancaire est réglementé par l'ordonnance N°85/002 du 31 août 1985 relative à l'exercice des établissements crédit. Ce texte de base a subi plusieurs modifications et compléments notamment avec les lois N°88/008 du 15 juillet 1988 et N°90/019 du 10 août 1990. Plusieurs textes ont été adoptés par la suite. Cette législation nationale a été subrogée en partie par la législation communautaire CEMAC.

    des crédits nécessaires à sa réalisation ou sa consolidation5, ou encore pour sécuriser les fonds en les gardant. Les banques sont pour les entreprises non seulement des temples où elles gardent leurs ressources, mais aussi des sources de trésorerie6. Cet ainsi que, le banquier se voit attribué le plus souvent plusieurs casquettes. Il peut être souvent mandataire7, dépositaire8, gardien de coffre-fort9, mais surtout dispensateur de crédit.

    Comme dispensateur de crédit, le banquier est celui-là qui met à la disposition de son client les fonds sollicités par lui, et qui sont nécessaires à la réalisation de ses projets. Le crédit peut être défini comme toute opération par laquelle une personne agissant à titre onéreux, met ou promet de mettre des fonds à la disposition d'une autre personne ou prend dans l'intérêt de celle-ci un engagement par signature tel qu'un aval, un cautionnement ou une garantie10. Il ressort de cette définition que le crédit11 comporte une multitude de techniques allant du prêt d'argent, au cautionnement et à l'aval bancaire. Le rôle du crédit est sans précédent dans l'économie mondiale et plus particulièrement dans nos pays africains en développement12. Monsieur STOUFFLET écrivait d'ailleurs en ce sens qu' « il demeure que la banque crée et véhicule une valeur qui n'est pas une marchandise comme les autres : la monnaie. C'est le sang de l'économie. Les actes et les abstentions du banquier ont de ce fait des conséquences sans commune mesure avec les comportements des autres agents économiques »13.

    L'attribution d'un tel crédit dépend largement de la confiance que le demandeur inspire au banquier. Prenant le risque à l'occasion de chaque opération de crédit, le

    5 Les banques partagent ce rôle avec les marchés financiers (bourses) qui sont des marchés sur lesquels des titres sont vendus et achetés.

    6 Cf. TIANI (F.), « les entreprises face aux banques dans le contexte actuel au Cameroun », in Juridis info, n°06 avril-mai-juin 1991, p. 71

    7 Comme mandataire, le banquier doit se conformer aux ordres de son client et agir selon ses recommandations. C'est par exemple le cas lorsque le banquier assure la gestion et les moyens de paiement d'une entreprise.

    8 Comme dépositaire, le banquier reçoit ou collecte les recettes du client pour les conserver dans un compte bancaire. Il s'agit en général des dépôts des clients dans des comptes bancaires.

    9 Comme gardien de coffre-fort, le banquier par un contrat appelé contrat de location de coffre fort assure la garde des biens de ses clients dans son coffre fort. Lui étant le bailleur de coffre fort et le client le locataire. Cette activité n'est pas encore exercée par les banques camerounaises.

    10 Cf. Article 14 alinéa 1 du décret de 1990 précité.

    11 Le crédit peut être à court, moyen ou long terme.

    12 Les entreprises africaines ont grand besoin des crédits pour pouvoir se développer et faire concurrence avec les grandes firmes occidentales.

    13 Cf. STOUFFLET (J.), « Devoirs et responsabilités du banquier à l'occasion de la distribution du crédit », rapport aux journées de droit bancaire de l'Université de Paris I, 10 et 11 février 1977

    banquier s'assure au moment de l'accord, que son contractant présente des capacités de remboursement14. Aussi, doit-il s'assurer que le crédit ne comporte aucun risque tant à l'égard du client que des tiers, de peur de voir sa responsabilité engagée.

    La responsabilité peut être ainsi définie comme l'obligation pour une personne de réparer le dommage causé à autrui15, par un acte contraire à l'ordre public. Le terme responsabilité est tiré du latin « responsus », participe passé de « respondere », qui signifie « se porter garant, répondre ». La responsabilité représente donc « l'obligation de répondre d'un dommage devant la justice et en assumer les conséquences civiles, pénales, disciplinaires... soit envers la victime, soit envers la société16 ». La responsabilité est au coeur de notre droit comme elle est au fondement des rapports humains. Par conséquent, toute activité aussi importante fût-elle, l'octroi du crédit ne peut déroger à une éventuelle responsabilité du dispensateur.

    L'idée que la responsabilité du banquier pouvait être retenue du fait du crédit a choqué plus d'un. « On est sans doute, en dessous de la réalité si l'on parle d'émotion pour caractériser la réaction qu'a suscité dans la profession bancaire, l'affirmation, par la jurisprudence, il y'a une trentaine d'années, du principe d'une responsabilité d'un préteur...Le terme scandale traduirait mieux le sentiment qu'éprouvèrent les banquiers lorsque les premières décisions furent rendues »17. Les banques répugnent en effet à voir le juge s'immiscer dans ce qui constitue « l'âme même de leur métier »18, la liberté d'appréciation du risque. Désormais, le risque couru par le banquier est double : lorsque le banquier octroi du crédit il ne risque plus seulement l'insolvabilité du débiteur, il risque aussi de voir sa responsabilité retenue.

    Certes, il parait surprenant que celui qui sollicite un service et l'obtient puisse s'en plaindre par la suite. En effet, celui « qui obtient ce qu'il a demandé, souvent avec insistance, est mal venu de s'en plaindre ensuite ». La réflexion doit être menée d'un point de vue juridique. Le droit enseigne que chacun est garant du dommage qu'il

    14 Cf. GATSI (J.), « Le recouvrement des créances bancaires en droit OHADA », in L'effectivité du droit OHADA, PUA, janv. 2006, p. 130

    15 Le droit de A à Z, Dictionnaire juridique pratique, EJE, 3°éd. 1998

    16 Cf. CORNU (G.) et CAPITANT (H.), Vocabulaire juridique, PUF, 8°éd. 2007.

    17 Cf. STOUFFLET (J.), « Retour sur la responsabilité du banquier donneur de crédit », in Mélanges Cabrillac, Dalloz-Litec, 199, p. 517.

    18 Cf. STOUFFLET (J.), article précédent.

    cause à autrui. C'est d'ailleurs dans cet esprit qu'est rédigé l'article 1382 du Code civil19 qui dispose que : «tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.» Ce texte n'est-il pas rédigé en des termes assez généraux pour qu'on n'en retienne qu'une interprétation restrictive et qu'on exclut de son domaine l'octroi du crédit? La responsabilité n'estelle pas l'obligation de réparer le dommage causé à autrui par un acte contraire à l'ordre juridique20, que ce dommage soit recherché ou non?

    Bien avant l'apparition des banques sous leur forme actuelle, il a été constaté dès le IIème siècle après J-C, la première forme de mise en jeu de la responsabilité du banquier. Celui-ci, lorsqu'il présentait à ses clients des arrêtés de compte volontairement inexacts ou réclamait plus qu'il ne lui était dû, il perdait sa créance, en capital et en intérêts21. Mais aussi, l'on évoque l'arrêt de la Cour de cassation du 1er août 1876 qui rejeta le pourvoi formé contre un arrêt de la Cour d'appel. Cet arrêt condamnait des banquiers à réparer le préjudice causé au fournisseur de l'un de leur client, client auquel ils avaient octroyé un crédit apparent dissimulant le passif dont il était accablé22.

    La responsabilité du banquier dispensateur de crédit peut être recherchée aussi bien sur le plan pénal, civil ou disciplinaire. Le principal cas de responsabilité pénale du banquier dans le cadre de son activité de crédit est la complicité de banqueroute par l'utilisation de moyens ruineux, quand le crédit a eu pour objet d'éviter ou de retarder l'ouverture d'une procédure collective23. Par ailleurs, la responsabilité disciplinaire du

    19 Cet article est considéré comme l'article le plus important du code civil et le socle de la responsabilité civile.

    20 Cf. TOURNEAU (Ph.) et CADIET (L.), Droit de la responsabilité, D. 1999, p. 1.

    21 Cf. LHOSPICE (A.) et MEISSONNIER (M.), « La responsabilité du banquier fondée sur l'octroi de crédit excessif » in Cahier de recherche ESC PAU n° 3, p. 33

    22 Cf. MILOGA (J.), « Responsabilité du banquier dispensateur de crédit », séminaire de l'AJBEF du 05 au 09 novembre à Douala, www.ajbef.info

    23 Il s'agit du délit de banqueroute prévu par l'AUPCAP et réprimé au Cameroun par la loi de n°2003/008 du 10 juillet 2003portant répression des infractions contenues dans certains Actes uniformes. L'article 25 alinéa 1 de cette loi dispose : « est coupable de banqueroute simple et puni d'emprisonnement d'un mois à deux ans, tout commerçant, personne physique, en état de cessation des paiements qui, (...) emploie des moyens ruineux pour se procurer des fonds » ; l'article 28 quant à lui dispose que, « sont punis d'un emprisonnement d'un mois à deux ans les dirigeants visés à l'article 27 ci-dessus, qui en cette qualité, et, de mauvaise foi, ont (...) employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds dans l'intention de retarder la constatation de cessation des paiements de la personne morale (...) » Par conséquent, sera puni des mêmes peines, tout banquier qui aurait fourni des moyens ruineux soit à une personne physique ou morale dans l'optique de retarder la cessation des paiements.

    Article 231 al 2 de l'AUPCAP

    banquier est l'oeuvre de l'organisme qui assure la surveillance des établissements de crédit24, des pouvoirs publics25 ou même l'association professionnelle des établissements de crédit26. Sans toutefois dénier l'intérêt qu'on pourrait tirer de l'étude de ces deux cas de responsabilités, un accent particulier devrait être mis sur la responsabilité civile du banquier.

    La responsabilité du banquier dispensateur de crédit peut être retenue lorsque celui-ci met le crédit à la disposition du client ou en cas de rupture abusive du contrat de crédit. La responsabilité du banquier pour rupture abusive du crédit est essentiellement fondée sur le contrat de crédit. Chaque fois où le banquier ne mettra pas ou rompra à tort le crédit, il verra sa responsabilité engagée27. Seule l'hypothèse de responsabilité où le banquier met effectivement le crédit à la disposition du client sera examinée dans cette étude.

    La principale fonction de la responsabilité civile est la réparation en nature du dommage causé28.

    Cette responsabilité était fondée sur l'idée que les banques seraient « l'instrument d'un service public de distribution et de régulation du crédit » et leur responsabilité était appréciée en fonction de la notion de « service public ». Elle était par conséquent basée sur la présomption de responsabilité. C'était au banquier de rapporter la preuve qu'il n'a pas commis de faute. Le professeur BOULOC, à cet égard, écrivait: « on éprouve le sentiment que, pour les tribunaux, le banquier tend à être présumé toujours responsable quelles que soient les circonstances et les conditions dans lesquelles le banquier a été emmené à consentir un crédit »29. Comme le remarque par ailleurs un auteur, c'est une idée assez fausse et il n'est pas possible d'assimiler, même approximativement, l'activité bancaire à une activité de

    24 Dans le cadre de la CEMAC, cette fonction est assurée par la Commission Bancaire de l'Afrique Centrale (COBAC).

    25 Au Cameroun c'est le Ministère des finances à travers le Conseil National du Crédit, qui assure la tutelle des établissements de crédit.

    26 La réglementation bancaire actuelle issue de l'ordonnance de 1985 a prévu la mise sur pied d'une association professionnelle regroupant à la fois les banques et les établissements financiers. L'adhésion y est obligatoire.

    27 Les cas d'exonération possible de la responsabilité du banquier en cas de rupture du contrat de crédit sont : l'arrivée de l'échéance en cas de contrat à durée déterminée ; une modification importante intervenue chez le crédité ; il en est de même lorsque la situation de crédité est irrémédiablement compromise.

    28 La responsabilité a aussi une fonction préventive. Voir à ce propos TOURNEAU (Ph.) et CADIET (L.), ouvrage précité, p. 1.

    29 Cf. BOULOC (M.), cité par MILOGA (M.), article précité, p.2

    service public, bien qu'elle fasse l'objet d'une réglementation particulière et contraignante30.

    Par la suite, cette responsabilité de la banque a été fondée sur la notion de faute. Il revenait au demandeur de prouver la faute de la banque. C'est cette conception de la faute prouvée qui prévaut actuellement au Cameroun et dans le droit de l'OHADA en générale. Elle est évoquée par les articles 118 de l'Acte Uniforme portant organisation des Procédures Collectives et d'Apurement du Passif et 22 alinéa 1 et 2 de la loi camerounaise n° 85/ 002 du 31 août 1985 relative à l'exercice de l'activité des établissements de crédit. Le premier texte dispose, « les tiers, créanciers ou non qui, par leurs agissements fautifs, ont contribué à retarder la cessation des paiements, à diminuer l'actif ou à aggraver le passif du débiteur peuvent être condamnés à réparer le préjudice subi par la masse sur l'action du syndic agissant dans l'intérêt collectif des créanciers... ». Le second article quant à lui précise que « l'établissement de crédit n'est tenu de respecter aucun délai de préavis, que l'ouverture de crédit soit à durée indéterminée ou déterminée en cas de comportement gravement répréhensible du bénéficiaire du crédit, ou au cas où la situation de ce dernier s'avérerait irrémédiablement compromise. Le non respect de ces dispositions peut entraîner la responsabilité pécuniaire de l'établissement de crédit. »

    L'article 118 ne fait expressément allusion au banquier, puisqu'il parle de « tiers, créanciers ou non... ». C'est souvent et très généralement en ses qualités que la banque voit sa responsabilité engagée31.

    Cette responsabilité du banquier peut être contractuelle à l'égard du client et délictuelle à l'égard du tiers, mais ce sera toujours une responsabilité fondée sur la notion de faute32. Cette responsabilité du banquier commence là où cesse l'exercice normal de son activité qui est principalement financière. Cette responsabilité est généralement mise en cause à l'occasion de la défaillance de l'entreprise cliente.33

    30 Cf. MARTIN (L-M.), Traité de droit commercial, Banque et bourse, T.7, III° éd. p. 400.

    31 « Dans la pratique, cette solution n'a pas conduit à de fréquentes condamnations des banquiers, qui auraient eu pour effet de les inciter à réduire leur concours aux entreprises en difficulté au moment où elles en ont le plus besoin », souligne SAWADOGO (F-M.), in OHADA, Traité et actes uniformes commentés et annotés, Juriscope 2002, p. 902.

    32 La faute peut être définie comme la violation d'une obligation légale.

    33 Sous le coup d'une procédure collective.

    L'étude de cette responsabilité du banquier, nous permettra de montrer dans quelle mesure les normes légales et jurisprudentielles qui régulent la distribution du crédit peuvent permettre de dégager une ligne de conduite destinée au banquier. Ceci se passera par la mise en relief d'un ensemble de règles de prudence qui s'imposent au banquier, dans l'octroi et dans le suivi du crédit. Nous pourront par conséquent définir le degré de risque « acceptable pour l'économie, c'est-à-dire pour les tiers34 ». Etant donné de l'absence de la jurisprudence camerounaise et africaine adéquate en la matière, nous justifieront nos propos plus par la jurisprudence française.

    La responsabilité du banquier dans son principe respecte les canaux classiques de la responsabilité civile. Ainsi, celui qui se plaint des agissements fautifs du banquier doit prouver l'existence d'une faute, d'un dommage et d'un lien de causalité. L'activité bancaire est une activité spécifique, professionnelle, en ce sens qu'elle est régie par un droit qui lui est propre35. Cette spécificité de la banque déteint fortement sur l'application stricto sensu des règles de droit commun et tend à les colorer de traits originaux. Cette responsabilité du banquier dispensateur de crédit n'est donc pas identique point par point à la responsabilité civile de droit commun. Par conséquent, son régime juridique36 doit être déterminé.

    La réglementation bancaire est assez diversifiée et éparse. L'étude de ce régime s'effectuera à travers cette multitude de législations, aidée en cela par la doctrine et la jurisprudence. Il ressort nettement des différents textes que la véritable difficulté réside dans la définition de la faute du banquier. Il s'agit de l'appréciation de la faute d'un professionnel avec à sa charge de nombreuses obligations.

    C'est l'élément le plus original de la responsabilité bancaire et elle est dérogatoire au droit commun de la responsabilité (première partie). Tel n'est pas le cas en ce qui concerne ses conséquences qui sont empruntées au droit commun de la responsabilité civile(deuxième partie).

    34 Cf. STOUFFLET (J.), « retour sur la responsabilité du banquier donneur de crédit », précité, p. 517.

    35 Il s'agit du droit bancaire.

    36 L'étude du régime juridique d'une notion est l'étude de l'ensemble des règles applicables à cette notion.

    PREMIERE PARTIE : UN FONDEMENT DEROGATOIRE AU

    DROIT COMMUN DE LA RESPONSABILITE CIVILE

    La faute est l'élément le plus original de la responsabilité du banquier, et, elle sera, selon le cas, de nature contractuelle ou délictuelle ; mais ce sera toujours une faute appréciée in concreto37 par rapport au comportement du bon banquier38. Cette faute est originale d'autant plus qu'il s'agit d'apprécier le comportement d'un professionnel. Elle prend une connotation particulière et sa définition n'est plus aisée. Il s'agit donc d'une faute professionnelle et la principale difficulté c'est de la définir.

    Au lieu de procéder à une démarche explicative des différentes fautes pouvant être reprochées au banquier, nous adopterons plutôt la démarche préconisée par un auteur39, qui est celle d'établir les différentes obligations incombant aux banques dans le cadre de l'octroi de crédit. L'idée que les banques « s'apparentent à un service public » pousse les tribunaux à exiger des banques une grande rigueur et un devoir discernement, qui ne va pas jusqu'à un devoir de clairvoyance économique absolu40. Pour cela, le crédit doit être dénié de tout risque, aussi bien pour le crédité que les tiers. Ainsi le banquier est tenu d'obligations aussi bien à l'égard du tiers (chapitre 2), que du client (chapitre 1)

    Chapitre 1 : Les obligations du banquier à l'égard du client

    Chapitre 2 : Les obligations du banquier à l'égard du tiers

    37 Selon le Lexique des termes juridiques l'appréciation in concreto se dit de la manière d'apprécier le comportement d'une personne dans une situation donnée, en ne tenant compte que de ses propres aptitudes, sans références à ce qu'aurait été le comportement standard d'une personne avisée.

    38 Cf. GAVALDA (Ch.) et STOUFFLET (J.), ouvrage précité.

    39 Cf. RIVES-LANGE (J-L.) et RAYNAUD (C.), Droit bancaire, D. 1986, n°546, p. 678.

    40 RIPERT (G.) et ROBLOT (R.), Traité de droit commercial, T. 2, n° 227, cité par GAVALDA (Ch.) et STOUFFLET (J.), ouvrage précité.

    CHAPITRE 1 : LES OBLIGATIONS DU BANQUIER A

    L'EGARD DU CLIENT

    Le crédit est le support de la faute et doit par conséquent être «digne» et ne revêtir aucun caractère fautif. Tout d'abord, il peut paraître inopportun et constituer une faute. Le banquier doit apprécier l'opportunité du crédit (section1). Ensuite, le banquier doit procéder à une surveillance du crédit octroyé. Son défaut constitue par conséquent une faute (section2).

    Section1. L'appréciation de l'opportunité du crédit

    Lors de l'octroi du crédit, le banquier doit s'informer non seulement sur la situation de l'entreprise, mais aussi sur l'objet du crédit. Il faut admettre, en effet, que la prudence d'un « bon banquier » l'oblige à veiller au caractère rationnel du crédit et de son opportunité pour le débiteur. Ainsi, la question de l'opportunité ou de l'inopportunité du crédit semble être un principe dont il convient de préciser le fondement (paragraphe 1), après quoi nous examinerons une donnée essentielle dans l'appréciation de la responsabilité du banquier, à savoir la prise en compte de la personnalité du débiteur (paragraphe 2).

    Paragraphe1 : Le principe de l'opportunité du crédit

    L'étude du contenu (A) de ce principe va précéder celui de son fondement (B)

    A- Le Contenu du principe de l'opportunité du crédit

    La difficulté apparaît particulièrement lorsque la nature et les modalités des crédits apportés sont d'une importance considérable. En effet, un concours très court, trop cher ou trop réduit, ne fera que provoquer des difficultés, aggraver la situation alors que s'il avait été bien adapté, il aurait pu permettre la poursuite de l'exploitation.

    Les tribunaux devront, pour retenir la faute du banquier, constater qu'au moment de l'octroi du crédit, ce dernier ne pouvait qu'inévitablement conduire à la

    cessation des paiements. En d'autres termes, il faut que le crédit soit incompatible avec toute perspective de rentabilité41.

    Le montant n'est pas à lui seul révélateur d'une faute. Aussi, un crédit remboursé sans incident pendant plusieurs années n'est pas constitutif de faute. Le critère de la faute est plutôt celui de l'inadéquation. La proportion du soutien financier doit correspondre à la situation économique de l'entreprise. Ainsi, le banquier doit veiller à ce que le montant ou le coût du crédit ne soit pas hors de proportion avec les facultés financières de l'emprunteur. Les termes utilisés par les juges pour qualifier cette faute sont assez variés, mais expriment la même réalité ou sont très proches : il s'agit du crédit « excessif », « dépassant manifestement » les capacités de remboursement de l'emprunteur ou révélant une « disposition manifeste », « hors de proportion », « incompatible », « sans rapport » avec les ressources de l'entreprise. La détermination du caractère inapproprié du crédit ne peut résulter que de la confrontation de son montant et de ses caractéristiques financières à un ensemble permettant d'analyser au plus près la situation de l'emprunteur lors de l'octroi du prêt.

    Ainsi, pour apprécier cette disproportion, on tient compte, en général, des fonds propres42, du fond de roulement, de l'évolution du chiffre d'affaires. Mais, la faiblesse des fonds propres n'est pas à elle seule suffisante pour établir la faute du banquier, sinon, le banquier ne pourrait jamais financer la création d'entreprises43.

    S'agissant particulièrement de la création d'entreprise ou d'un projet nouveau, le banquier se doit de s'assurer tout simplement qu'il a en face de lui un projet viable. Il doit faire preuve d'un grand discernement. Ce discernement doit être relatif, non pas à la situation financière de l'entreprise, mais au crédit lui-même. Puisque la société peut être en formation, et il est par conséquent impossible pour lui de se baser sur son passé. Il est seulement possible de prendre en compte des projections. La jurisprudence admet dans ce cas la responsabilité du banquier, au motif qu'avant de mettre à

    41 Redressement et liquidation judiciaire (Responsabilité du banquier), J-CI Banque-crédit-bourse, 2000, fasc. 520, n°14.

    42 Cf. JEANTIN (M.), « La situation du banquier dispensateur de crédit », Revue Procédure Collectives ; 1991 p. 141.

    43 Cf. Cass. Com. 18 juin 1996, RTD com. 1996, P. 701, obs. CBRILLAC (M.).

    disposition des moyens de paiement44, le banquier devait apprécier si le projet était ou non dépourvu de toute crédibilité.

    La banque est un partenaire incontournable qui ne peut financer n'importe quel montant ou des projets trop hasardeux. C'est sur cette base qu'il faut comprendre l'appréciation de l'opportunité du crédit, dont le fondement a été précisé par la jurisprudence.

    B- Le fondement juridique

    Un constat d'évidence se dégage : un emprunteur ne peut engager la responsabilité du banquier du seul fait que le prêt sollicité a été accordé et qu'il se soit retrouvé ultérieurement dans l'impossibilité de le rembourser. S'il lui est permis de le faire c'est parce qu'il fonde son action sur un élément essentiel du droit des contrats : le devoir de conseil. Le fondement de la responsabilité pourrait alors être le manquement du banquier à un devoir de conseil qui lui incomberait. L'existence d'un tel devoir a été reconnue par la cour de cassation elle-même dans un arrêt de sa Première chambre civile en 199545 (1). Mais les arrêts postérieurs n'y font plus référence, et l'existence d'un tel devoir est très critiquée en doctrine, à tel point qu'il faille peut être trouver ailleurs un autre fondement de cette responsabilité (2).

    1- L'apparition d'un devoir de conseil dans l'octroi du crédit

    « Il y a quelque chose de choquant à voir une entreprise chercher à faire supporter à sa banque les conséquences de ses propres erreurs de gestion »46. Cette précision d'un auteur est également valable pour un crédit consenti à un particulier. Que l'emprunteur lui-même se plaigne d'avoir obtenu ce qu'il demandait, semble à

    44 Il s'agit de la délivrance de formule de chèque, mais la solution vaut, par analogie, pour l'ouverture de crédit

    45 Cf. Civ. 1ère, 27 juin 1995 ; D. 1995, 621, note PIEDELIEVRE ; DEFRENOIS 1996 P. 689 note SCHOLASTIQUE (E.). Dans cet arrêt, la première chambre civile affirme : « la présentation d'une offre préalable conforme aux exigences de l'article 5 de la loi du 13 juillet 1979 ne dispense pas l'établissement de crédit de son devoir de conseil à l'égard de l'emprunteur, en particulier lorsqu'il apparaît à ce professionnel que les charges du prêt sont excessives par rapport à la modicité des ressources du consommateur ».

    Selon certains auteurs, la cour de cassation avait déjà reconnu ce devoir implicitement, sans le nommer comme c'est le cas dans l'arrêt : Civ. 1ère, 8 juin 1994 : JCP E, 1995, II, 652, note LEGEAIS.

    46 Cf. STOUFFLET (J.), « Retour sur la responsabilité du banquier donneur de crédit » in Mélanges Cabrillac, Dalloz-Litec 1999, n° 17.

    première vue déconcertant. S'il lui est tout de même permis de le faire, c'est parce qu'il se situe sur un terrain bien connu du droit des contrats en général : le devoir de conseil.

    Le même auteur rappelle que « le conseil est une obligation que la jurisprudence moderne considère comme inhérente à tout contrat bancaire avec bien entendu, un contenu variable selon la nature et le degré de complexité de l'opération et le niveau d'expérience du client. Aucune raison ne justifie que les opérations de crédit échappent à ce devoir de conseil dont peuvent se prévaloir le client lui-même et ses cautions... »47.

    Autrement-dit, lors de l'octroi du crédit, le banquier doit fournir à son client toutes les informations possibles, afin que les actes qu'il passe se fassent sans incident. La banque se doit non seulement de rechercher toutes les informations nécessaires à la réalisation des opérations projetées et de les communiquer à son client, mais aussi, elle doit lui fournir les moyens d'échapper aux risques qu'il court. Cela ne peut être fait que par le conseil. Cette obligation de conseil s'accompagne toujours de l'obligation d'information, car on ne peut conseiller sans informer. L'obligation de conseil repose sur l'obligation d'information qui lui sert de base et elle lui donne son plein effet. Si une telle obligation pèse sur le banquier, il est logique que son manquement soit une source de responsabilité.

    Les avis, conseils, informations, du banquier dispensateur de crédit doivent être donnés avec tout le sérieux nécessaire et la pertinence dont il est capable. Il doit procéder aux études indispensables, en s'entourant de collaborateurs qualifiés et compétents. Sauf à le répéter, l'obligation consiste pour le banquier à faire ce qu'il

    peut, le mieux qu'il peut : « La banque se tient à la disposition de son client pour luifournir de son mieux...tout conseil bancaire », « de son mieux », c'est-à-dire du mieux

    qu'elle peut, sans qu'on puisse attendre d'elle ni lui réclamer l'impossible ou plus qu'elle ne peut raisonnablement.48

    47 Ibid.

    48 Cf. JAMES (J-C.), « Le secret bancaire en droit gabonais », in Afrique Juridique et Politique, revue du CERDIP, Vol. N°1, 2002, N°2, p. 29.

    La responsabilité du banquier pour défaut de conseil ne pourra être engagée que dans l'hypothèse où le manquement porte sur des informations utiles pour le client. Toutes les informations qui peuvent présenter un intérêt direct pour le client et dont la connaissance conditionne la réussite de l'opération doivent être communiquées.49 Cependant, force est de reconnaître que ce critère laisse planer un certain nombre de doutes. En effet, si certaines données présentent un caractère évident, comme par exemple les informations sur le « surendettement » du client de la banque, d'autres ne sont pas aussi évidemment utiles.

    La question cruciale à examiner porte sur l'objet du conseil. Ne s'agit-il que de la pertinence financière du crédit consenti? C'est à dire surtout de son adéquation aux ressources de l'emprunteur ? Où s'agit-il, aussi de l'opportunité économique de l'opération financée? C'est-à-dire d'une appréciation des risques liés à l'investissement ?

    Après avoir hésité, la jurisprudence libère le préteur de tout contrôle d'opportunité économique qui l'amènerait, sous couvert de conseil, à juger des affaires et des décisions de l'emprunteur. Aussi réitère-t-elle, depuis peu mais avec constance, que « le banquier n'a pas à s'immiscer dans la gestion des affaires de son client », pour en déduire qu'il incombe au seul emprunteur d'apprécier « l'inopportunité du crédit50 Ce parti est sage et rétablit une juste distribution des rôles. Ainsi, il appartient au professionnel ayant recours au crédit pour les besoins de son activité de s'assurer que « les conditions du succès de l'opération sont réunies » et que « le banquier n'a pas à se substituer à son client pour apprécier la rentabilité de l'usage auquel ce dernier destine les fonds qu'il met à sa disposition51

    Toutefois, la Cour de cassation a tempéré l'ardeur de l'obligation de conseil. Le banquier a vu sa responsabilité allégée notamment par la Cour de Cassation en introduisant un certain équilibre, car la responsabilité professionnelle du pourvoyeur

    49 Cf. CLEMENT (J-F.), Le banquier vecteur d'information, RTD com. 1997, p. 216, cité par LOKO-BALOSSA (E J.), « La responsabilité du banquier dispensateur de crédit », in Annales de la Faculté des Sciences Juridique et Politiques de l'Université Marien NGOUABI (Brazzaville-Congo), 2007,p. 10.

    50 Cass. Com. 11 mai 1999, D. 1999, IR p. 155 ; Petites affiches 1999, N° 118, obs. L.C ; 22 mai 2001, arrêt N° 990.

    51 CA Paris 8 mars 2002, D. 2002, AJ p. 2049.

    de fonds tient désormais compte de la personnalité ou des compétences personnelles du débiteur ou du client.

    Le fondement de l'opportunité ou de l'inopportunité du crédit sur le devoir de conseil n'a pas reçu l'unanimité de la doctrine, puisqu'il a fait l'objet de nombreux critiques.

    2- Un fondement critiqué

    Dès les premiers commentaires de l'arrêt de la Cour de cassation de 1995, des voix se sont élevées pour critiquer le devoir de conseil tel qu'il semblait peser sur le banquier d'après la Cour de cassation. On lui reprochait, d'abord, de permettre une critique artificielle du comportement du banquier dans les cas où un formalisme légal est prévu et a été parfaitement respecté par l'établissement de crédit : « l'arrêt du 27 juin 1995 paraît bien subtil, sinon spécieux. La Cour de cassation, sous le couvert de distinguer des obligations assurément distinctes, y autorise en fait l'ouverture d'un débat sur le fond - à savoir la vérification de la qualité du consentement de l'emprunteur - alors même que le formalisme légal a été entièrement respecté...52 ».

    Le même auteur formule une critique encore plus fondamentale à l'encontre du raisonnement de la Cour : « on discerne difficilement la cohérence du fondement invoqué, le prétendu devoir de conseil ou de mise en garde de la banque : un crédit pourrait-il être légitime, tout en étant insupportable pour l'emprunteur, du seul fait que la banque a attiré l'attention de ce dernier sur ce point ? »

    Un autre auteur53 affirme même que « l'admission d'un devoir de conseil conduit à une impasse ». Le Pr. MAZEAUD souligne qu' «on voit mal la cohérence qui pourrait animer le comportement d'un établissement de crédit qui après avoir constaté l'incapacité pour le candidat emprunteur de supporter la charge de l'endettement envisagé et dissuadé, dans cette mesure, ce dernier de conclure le prêt,

    52 Cf. PIEDELIEVRE (S), note sous Civ. 1er du 27 juin 1995, précité.

    53 Cf. GOURIO (A.), dossier « la responsabilité civile du préteur au titre de l'octroi d'un crédit à un particulier, le prêteur est-il réellement tenu d'une obligation de conseil envers le particulier emprunteur », Rev. De Droit bancaire et financier jan. /fév. 2001, p. 50 et s.

    émettrait néanmoins une offre de prêt, alors qu'il est évident que, si celle-ci est acceptée, les échéances ne pourront pas être respectées54 ».

    Autant de critiques qui mettent en doute la cohérence de la Première chambre civile de la Cour de cassation lorsqu'elle sanctionne un banquier octroyant un crédit excessif sur le fondement d'un devoir de conseil. Faut-il en déduire, comme le Pr GOURIO, que « l'obligation de conseil, n'est pas véritablement mise en oeuvre en tant que telle, même lorsqu'elle est visée formellement55 ? »

    La doctrine a donc recherché de nouveaux fondements. On a ainsi proposé de rattacher cette question au « principe de proportionnalité » ou même du devoir de vigilance incombant au banquier56. Autrement-dit, le banquier doit tout simplement vérifier si le crédit sollicité par le client est proportionnel à ses ressources. Ainsi, le crédit ne doit pas être considérablement supérieur aux revenus du client. Par conséquent la banque doit se renseigner sur les capacités financières de son client avant de procéder à toute opération de crédit.

    Toutefois, le banquier ne saurait échapper à la règle que la jurisprudence a posée depuis longtemps, à savoir que les professionnels ont un devoir de conseil à l'égard de leur client. Cependant, ce devoir est à géométrie variable et s'applique avec moins de force voire disparaît vis-à-vis des clients expérimentés ; elle est par conséquent exercée avec plus de rigueur à l'égard des clients moins au fait des opérations de crédit.

    Paragraphe 2 : La prise en compte de la personnalité du
    débiteur

    Le droit de la responsabilité bancaire dans le cadre du crédit inopportun s'articule désormais autour d'une distinction entre emprunteur averti et emprunteur profane, deux notions qu'il convient de cerner (A). Cette distinction à des incidences sur les obligations mises à la charge du banquier (B).

    54 Cf. MAZEAUD (D), cité par NETTER (E.) et RAVEL d'ESCLAPON (Th.), « la responsabilité du banquier dispensateur de crédit », Séminaire de droit bancaire, Université Robert Schuman Strasbourg, 2006, p. 06.

    55 Cf. GOURIO (A.), art. préc. p. 53.

    56 Cf. GOURIO (A.), art. préc. p. 53.

    A- Les notions d'emprunteurs avertis et d'emprunteurs

    profanes

    La distinction emprunteur averti et emprunteur profane constitue désormais la summa divisio, et détermine le régime de responsabilité applicable. Cette distinction n'est apparue que très récemment dans la jurisprudence57. Mais, la principale difficulté réside dans le contenu à donner à chaque notion, étant entendu que la Cour de cassation qui introduit cette distinction ne se préoccupe pas à les définir. La principale difficulté sera de trouver un contenu valable à ces concepts. Dès lors, ainsi que le préconise le professeur LEGEAIS, on aurait pu espérer de la Cour de cassation qu'elle pose une présomption de sorte que les choses en auraient été considérablement facilitées58.

    Elle aurait ainsi pu considérer qu'est présumé emprunteur non averti, c'est-àdire comme emprunteur profane, tout particulier n'agissant pas dans le cadre de son activité professionnelle. Rien n'a été effectué en ce sens et bien au contraire, la Cour ne s'est pas livrée à un tel exercice, probablement dans l'idée de laisser aux juges la possibilité de tenir compte des circonstances.

    Certains auteurs59 font un rapprochement entre cette distinction ou cette opposition entre emprunteur averti et emprunteur profane et celle qui est faite dans le droit des marchés financiers, à propos d'une autre source de responsabilité à laquelle peut être soumise le banquier, quand il a agi en qualité de prestataire de services d'investissement entre investisseur néophyte et investisseur qualifié. Ici on cherche à savoir si le client a une certaine maîtrise ou est rompu aux techniques des marchés financiers. En la matière, la complexité des techniques combinées est considérable. Le même rapprochement est fait en ce qui concerne la caution avertie et la caution non avertie.

    57 Cf. DELPECH (X.), note sous les arrêts de la Première chambre civile de la cour de Cassation du 12 juillet 2005, Dalloz 2005, Dalloz 2005 n°33 p. 2278.

    58 Cf. LEGEAIS (D.), obs. sous Cass. Civ. 1ere, 12 juillet 2005.

    59 Cf. NETTER (E.), RAVEL d'ESCLAPON (Th.), article précité ; BONNEAU (Th.) et DRUMMOND (F.), Droit des marchés financiers, ed., Economica, Paris, 2005, 2ème ed., n°63, p. 381et 469.

    Que recouvre la notion d'emprunteur averti ? Que recouvre la notion d'emprunteur profane ? La question est difficile à résoudre et à cet égard, les arrêts du 12 juillet 2005 apportent quelques éléments de réponse.

    La profession ou plus généralement la catégorie socio professionnelle et l'assise financière60 sont les critères importants de définition. Cette solution se justifie par le fait qu'une personne haut placée dans une société ou ayant des revenus conséquents, sera plus facilement perçu comme habituée à effectuer des opérations bancaires et, plus particulièrement, des opérations de crédit. Elle sera, par conséquent, présumée plus apte à juger du bien fondé des opérations économiques financées par le prêt litigieux. Cependant, il ne s'agit que de simples présomptions qui pourront être renversées à la vue des circonstances de fait. D'autres éléments devront donc être pris en considération par les magistrats, tel que la bonne foi des parties, la fréquence des opérations, l'âge de l'emprunteur ou encore le montant des prêts61. Il appartiendra alors aux banques, dans chaque affaire, de veiller à rassembler un faisceau d'indices permettant par la suite aux juges du fond d'apprécier le bien fondé de la qualification retenue. Cette solution a néanmoins pour intérêt de permettre au juge de tenir compte des circonstances de fait de chaque espèce.

    Il en résulte en particulier, qu'il n'existe aucune corrélation nécessaire entre la qualité de professionnel et celle d'emprunteur averti ; un emprunteur averti peut n'être qu'un simple consommateur, tandis qu'un emprunteur agissant à titre professionnel peut être considéré comme un emprunteur non averti62. Il importe par ailleurs de relever que la jurisprudence considère comme averti l'époux qui est assisté par l'autre époux, dès lors que ce dernier est considéré comme lui-même averti63 .

    Selon François BOUCARD64, « le profane est celui qui n'est pas en mesure d'apprécier lui-même les risques de l'opération pour laquelle il envisage de souscrire

    60 Dans le même sens, Cass. Civ. 1ere, 2 novembre 2005, Juris-Data, n°2005-030521, D. 2005, Aff., p. 3084, obs., AVENA-ROBARDET. Le caractère profane des époux emprunteurs semblaient découler de leur faible assise financière, leur avis d'imposition pour l'année 1995 ne mentionnant aucune ressource imposable.

    61 Cf. LEGEAIS (D.), JCP E, 2005, 1359, PIEDELIEVRE (S.), Revue Lamy droit civil, 2005, n°21, p. 17 ; GOURIO (A.), JCP., 2005, II, 10140.

    62 Cf. Cass. Chambre Mixte 29 juin 2007, n°05-21104.

    63 Cf. Cass. Com. 3 mai 2006, n°02-11211.

    64 Cf. BOUCARD (F.), Revue de droit bancaire et financier n°5, sept. 2007, étude 17 ; GUYADER (H.), Contrats Concurrence, Consommation n°4, avril 2008, étude 5.

    un emprunt ou de donner sa caution », c'est-à-dire celui dont la qualité (statut et capacité) permet de considérer qu'il n'est pas en mesure de saisir l'entière portée de ses engagements d'emprunt.

    Cependant, les juges doivent tenir compte de l'ensemble de la situation et se livrer à une analyse empirique des espèces soumises à leur examen. Le degré de connaissance des mécanismes du crédit qui joue un rôle fondamental dans la distinction entre emprunteur averti et emprunteur non averti. Il revient au juge de fond d'apprécier cette qualité.

    Cette différenciation emprunteur averti et emprunteur non averti introduit par la jurisprudence, a pour principale conséquence l'application d'un régime de responsabilité propre à chacun.

    B- Incidences de la personnalité de l'emprunteur sur les obligations du banquier

    La distinction emprunteur averti et profane déteint considérablement sur la responsabilité du banquier, puisque les obligations mises à sa charge seront tantôt allégées(1) ou renforcées(2).

    1- Les obligations allégées du banquier face à l'emprunteur averti

    Lorsque le demandeur à l'action en responsabilité est un emprunteur averti, la solution retenue par la première Chambre civile correspond à la jurisprudence de la Chambre commerciale de la Cour de cassation française en matière de responsabilité pour octroi de crédit, constante depuis 1999. L'arrêt « Guigan » du 12 juillet 2005 reprend ainsi ce que certains auteurs appellent « formule désormais sacramentelle utilisée par la chambre commerciale »65 :« ne prétendant pas que la banque aurait eu sur sa situation financière des renseignements que lui-même aurait ignorés, M. X,

    emprunteur averti, ne peut faire grief à cette banque de lui avoir accordé un prêt qu'iiavait lui-même sollicité. » L'idée désormais est qu'un emprunteur jugé averti ne peut
    mettre en cause la responsabilité de l'établissement de crédit au motif que le crédit

    65 V. GOURO (A.), JCP G 2005 p. 1875 et s.

    s'est révélé inopportun. Cette solution est soutenable dans la mesure où l'emprunteur averti ne pouvait ignorer la portée du prêt sollicité66.

    La seule piste ouverte à l'emprunteur averti se trouve sur le terrain de « l'asymétrie d'informations » énoncée notamment par la Chambre commerciale de la cour de cassation française, dans un arrêt du 20 septembre 200567. Un commentateur y décèle une brèche ouverte à l'emprunteur averti. « C'est moins l'asymétrie d'information entre le créancier et le débiteur qui est sanctionné en tant que telle, que le fait que le banquier « ignorait l'ignorance » de son client. En d'autre termes, la faute de la banque tient ici en ce qu'elle ne s'est pas renseignée sur le degré de connaissance de son client et qu'elle aurait dû, dans l'ignorance de celui-ci, lui délivrer l'information nécessaire pour qu'il s'engage en parfaite connaissance de cause.

    La responsabilité du banquier vis-à-vis d'un emprunteur averti est donc cantonnée à des hypothèses précises et relativement restreintes. Il n'en va pas de même, en revanche, quand l'emprunteur est un profane.

    2- Les obligations renforcées du banquier face à l'emprunteur profane

    Le banquier s'est vu confier une nouvelle mission de « gardien » des intérêts de l'emprunteur. En plus de sa mission de police bancaire, il faut lui reconnaître également celle « d'assainisseur » financier puisqu'il doit désormais, avant d'octroyer un crédit, veiller à ce qu'un tel concours n'altère la situation financière de l'emprunteur68. Le banquier pourvoyeur de fonds est astreint à plusieurs obligations et notamment d'information ou même encore de conseil, mais depuis peu69 en vertu de la jurisprudence, à une obligation de mise en garde. Elle a été dégagée explicitement par

    66 Cf. LEGEAIS (D.), l'obligation de conseil de l'établissement de crédit à l'égard de l'emprunteur et de sa caution, Mélanges AEDBF III, 2001, p. 1524.

    67 D. 2005 n°37, actualités juridiques, note DELPECH (X.).

    68 Cf. BOUCARD (F.) et DJOUDI (J.), « La protection d l'emprunteur profane », Recueil Dalloz-2008, n°8, p. 500.

    69 Nombreux sont les auteurs à s'être intéressés à cette nouvelle obligation. Voir par exemple : BOURDALLE (N.) et J. CAPDEVILLE (J-L.), « le développement jurisprudentielle de l'obligation de mise en garde du banquier », Banque et Droit 2006, n°107, p. 17 ; BOUCARD (F.), « le devoir de mise en garde du banquier à l'égard de l'emprunteur et de sa caution : présentation dialectique », RD banc. Fin, sept.2007, p. 24 ; HOVQUET-BERG (S.), Les fournisseurs de crédit à nouveau mis en garde ? RCA. 2007. Etude 15.

    l'arrêt époux jauleski du 12 juillet 200570 réitérée à de multiples reprises71.

    L'obligation de mise en garde classiquement peut être définie comme le devoir pour le professionnel d'attirer l'attention de son cocontractant sur un aspect négatif du contrat ou de la chose objet du contrat. Ainsi, le banquier, en matière de crédit devra informer son client sur les charges et dangers de l'opération projetée. Dans ce sens une telle obligation se confond à l'obligation de conseil ou même à l'obligation d'information. S'il est vrai que l'information se distingue du conseil, ce dernier se rapproche davantage de l'obligation de la mise en garde et l'on pourrait considérer la mise en garde comme un conseil renforcé. La mise en garde apparait comme un conseil négatif, un conseil de ne pas faire, accompagné de l'explication des dangers ou simplement des inconvénients encourus si ce conseil n'est pas suivi.

    Ainsi, le banquier se doit de veiller que le client qui sollicite le crédit soit à même de le rembourser. Ce crédit ne saurait être supérieur à ses capacités de remboursement. Toutefois, cette vérification des capacités de remboursement de l'emprunteur n'est pas automatique et concerne plus l'emprunteur non averti. Le principe de l'opportunité du crédit a pour corollaire la surveillance des fonds.

    Section 2 : La surveillance des fonds prêtés

    On admet de plus en plus aujourd'hui que le rôle du banquier ne se limite plus a celui de « marchand d'argent ». De par sa position par rapport à l'entreprise, la relation qu'il entretient avec ses clients l'amène à les accompagner au quotidien dans leurs affaires. Ce rôle de la banque doit se faire dans une proportion bien définie, afin qu'il ne s'immisce pas dans les affaires de son client (paragraphe 2). En la matière, le principe est celui de la non ingérence (paragraphe 1).

    70 Civ. 1er, 12 juillet 2005, Bull. civ. I, n° 327; D. 2005. Jur. 3094, note PARANCE (B.), AJ 2276, obs. DELPECH (X.).

    71 Cf. Civ. 1ère, 2 novembre 2005, bull. Civ. I, n°397; D. 2005, AJ. 3084, obs. AVENA-ROBARDET (V.); RTD com., 2006. 171, obs., LEGEAIS (D.); RDI 2006. 294, obs. HEUGAS-DARRASPEN (H.) ; RTD com. 2006. 462, obs. LEGEAIS (D.).

    Paragraphe 1 : Le principe de non ingérence

    L'étude du contenu du principe (A) va précéder celle de sa limite (B).

    A- Le contenu du principe

    Encore appelé devoir de non immixtion, le principe de non ingérence interdit aux
    établissements de crédit d'intervenir dans les affaires de leurs clients. Ce devoir a une
    origine prétorienne. Un arrêt de la Cour de cassation française du 28 janvier 1930

    semble en être la première application. Dans cette affaire, la cour déclare qu' « ils'agissait d'un dépôt de fonds aux mains d'un banquier, qu'aucune règle de droit ne

    met à la charge du dépositaire l'obligation de procéder spontanément à la vérification de l'identité du déposant ou des droits de celui-ci, pas plus lors du dépôt que de la restitution ». Il s'agissait là des prémisses du devoir de non immixtion du banquier72. Ce principe a ensuite été sans cesse rappelé par les juges et systématisé par la doctrine.

    Ainsi, selon Thierry BONNEAU « ce principe repose sur un paradoxe apparent : ilprotège à la fois le client et le banquier »73. Il protège le client en lui conférant une

    large marge de manoeuvre74. Le banquier ne se mêlera pas de ses affaires. Il ne peut intervenir ni pour empêcher son client d'accomplir un acte irrégulier, ni pour refuser d'exécuter les instructions données par son client au motif que celles-ci lui paraissent inopportunes. Si le banquier intervient tout de même, il engage sa responsabilité et c'est en ce sens que ce principe protège l'intérêt du banquier. Il protège le créancier aussi bien à l'égard de ses clients eux-mêmes que des tiers.

    Le fondement de ce principe reste tout de même très discuté en doctrine. Certains auteurs75 y voient un prolongement du secret des affaires, ce qui est contesté par d'autres76, qui considèrent que le principe de non ingérence prend appui sur le droit commun de la responsabilité. Il parait plus juste et simple de fonder ce principe

    72 Cf. Cass 28 janvier 1930, Gaz. Pal. 1930. 1. 550, RTD, Civ. 1930, P. 369, obs. DEMOGUE (R.) In CAPOEN (A-L.) « Responsabilité bancaire à l'égard des entreprises en difficultés », thèse Université de Toulouse 18 Décembre 2008, p. 142.

    73 Cf. BONNEAU (Th.), Droit bancaire, Montchrestien, 2°éd. 1996, n°395, p. 243.

    74 Le client de la banque doit mener ses affaires en toutes libertés sans aucune contrainte, procéder aux choix qu'il juge opportun.

    75 Cf. VEZIAN (J.) cité par BONNEAU (Th.), ouvrage pré-cité.

    76 Cf. GRUA cité par BONNEAU (Th.), ouvrage pré-cité.

    sur le respect de la vie privée : chacun est maître de ses affaires et les gère comme bon lui semble. Pour cette raison, le banquier n'a pas à s'immiscer dans les affaires de ses clients. Il en découle nécessairement que, ni les tiers, ni le client, ne peuvent lui reprocher de ne pas être intervenu dans leurs affaires.

    Aussi paradoxal que cela puisse paraître, le banquier se doit de ne pas s'ingérer dans les affaires de son client ; d'un autre côté, pourtant l'on exige du banquier une surveillance des fonds prêtés.

    B- L'exception au principe : l'obligation de surveillance des fonds prêtés

    En vertu du principe de non immixtion, la libre utilisation par le client des fonds prêtés a longtemps été la règle. Puis, la jurisprudence a permis, voire obligé le banquier à surveiller l'utilisation des fonds, notamment leur destination et leur affectation. Cela signifie plus concrètement que le banquier doit selon les moyens qu'il dispose, s'assurer que le prêt qu'il accorde serve effectivement à ce pour quoi il a été demandé. Il ne saurait rester sans réagir face au détournement ou gaspillage de son client, de telle sorte que le défaut de surveillance de sa part, pourrait l'amener à engager sa responsabilité.

    Ce droit s'est parfois transformé en obligation, lorsque la jurisprudence l'a jugée nécessaire. D'une manière générale, pour voir dans quelle mesure le banquier devra veiller à l'emploi des fonds prêtés, il faut distinguer les crédits destinés au fonds de roulement ou aux besoins généraux de l'entreprise dont le banquier n'a pas à surveiller l'utilisation et ceux affectés au financement d'une opération déterminée dont il peut être tenu de vérifier la destination77. Il n'existe pas à l'état actuel une obligation générale de surveillance à la charge du banquier.

    Plus encore et comme le relève le professeur KALIEU Yvette78, loin de traiter les entrepreneurs camerounais « d'incapables », elle préconise une grande implication du banquier dans les affaires de leurs clients, non par faute de bonne foi mais parce

    77 Cf. RIVES-LANGE (J-L.) et RAYNAUD (C.), Droit bancaire, Dalloz 1995, N°650 et s.

    78Cf. KALIEU (Y-R.), « Les garanties conventionnelles du fournisseur de crédit en droit camerounais », thèse, Université de Montpelier 1995, p. 294 et s.

    qu'ils ne savent pas gérer leurs propres affaires79.

    En matière de crédit, la libre utilisation des fonds est le principe, pourtant, le banquier doit procéder à la surveillance de la bonne utilisation des fonds. Cette surveillance doit être mesurée, pour éviter que le banquier ne se retrouve dirigeant de fait de l'entreprise cliente.

    Paragraphe 2 : Le banquier, dirigeant de fait de l'entreprise

    cliente

    Le point de départ de cette responsabilité se trouve dans l'article 180 de l'Acte Uniforme sur les Procédures Collectives d'Apurement du Passif80. C'est une règle classique selon laquelle, en cas d'insuffisance d'actifs et de fautes de gestion, le tribunal peut mettre cette insuffisance à la charge des dirigeants de droit ou de fait.

    Sont dirigeants de fait, les personnes qui, n'ayant pas la qualité de dirigeant, accomplissent des actes positifs de gestion et de direction en toute souveraineté81. Les personnes qui prennent en fait des décisions réservées aux organes de gestion, qui exercent un véritable pouvoir de gestion et qui influencent ainsi de manière notable la formation de la volonté sociale. Il ressort de cette définition un critère fondamental de la caractérisation de la banque comme dirigeant de fait ; il faut que la banque ait accompli des actes positifs de gestion en toute souveraineté.

    L'activité positive est nécessaire à la reconnaissance de la qualité de dirigent de fait. En effet, les abstentions ne peuvent conférer cette qualité. Il doit s'agir d'une participation effective. Ceci doit se faire en toute indépendance traduisant ainsi l'idée selon laquelle la personne en question n'est pas liée à la société par un lien de

    79 Compte tenu de la jeunesse de nos Etats et de la sous scolarisation, nombreux sont les entrepreneurs qui n'ont aucune ou du moins des connaissances minimes en matière de gestion. Cependant la tendance progressive tend à démontrer le contraire, avec l'entrée dans le monde des affaires des entrepreneurs sortis de grandes écoles de gestion.

    80 Cet article stipule que: «les dispositions du présent chapitre sont applicables, en cas de cessation des paiements d'une personne morale, aux dirigeants personnes physiques ou morales, de droit ou de fait, apparents ou occultes, rémunérés ou non et aux personnes physiques représentants permanents des personnes morales dirigeantes »

    81 Cf. COUDERT (J-C.) et MIGEOT (P.), « L'appréciation par l'expert du comportement dans la distribution du crédit », in Les Petites Affiches, mai 1993, p. 9, cité par MAGUEU Les banques et les entreprises en difficultés, mémoire DEA, Université de Dschang 2005.

    subordination, de sorte que son activité soit exercée en liberté. C'est d'ailleurs l'exigence d'actes positifs qui différencient le dirigeant de fait du dirigeant de droit. Si le dirigeant de droit engage sa responsabilité pour les fautes d'omission, le dirigeant de fait se révèle par son action82.

    Par ailleurs, les actes en question doivent porter, soit sur la gestion, soit sur la direction de la société. Ce critère est sans cesse exigé par la jurisprudence et elle retient par exemple comme actes positifs de gestion : les décisions prises en matière d'investissement, la signature au nom de la société, de contrat, déclarations fiscales et sociales, comptes annuels, chèques ou traites, la passation de marchés, la fixation des prix, ou enfin l'exercice de pouvoirs en matière de gestion du personnel (recrutement, plan de carrière). Il peut aussi s'agir de pressions (menace, chantage, ultimatum) sur les organes de direction, afin de diriger leurs actions. Il faut par ailleurs une multiplicité d'actes de façon à démontrer que les fonctions exercées ne sont pas limitées à des opérations ponctuelles. Autrement, il faut une répétition dans l'accomplissement des actes par le dirigent de fait. Le simple conseil ou la surveillance des fonds ne peut être source de responsabilité, à moins que l'établissement de crédit soit très proche de l'entreprise pour devenir une direction occulte.

    La banque est un partenaire incontournable qui ne doit pas se mêler des problèmes de gestion interne de l'entreprise cliente.

    Un adage populaire dit souvent que « l'argent c'est le diable ». Cet adage peut bien se vérifier dans le domaine bancaire. En effet, si le crédit du banquier peut faire un très grand bien à une entreprise, il peut aussi en être son pire poison et être la cause de son déclin. Il en va ainsi lorsque, le banquier accorde son soutien à une personne qui, en principe, n'en avait pas besoin : c'est l'inopportunité du crédit ; ou que le crédit ayant été accordé, il ne s'assure pas que la destination du crédit est celle préalablement établie ; ou encore surveille le crédit au point de s'ingérer dans la gestion de son débiteur et devenir dirigeant de fait. La jurisprudence, de plus en plus, pour alléger la responsabilité du banquier, tient compte de la compétence du débiteur en faisant la distinction selon qu'il est averti ou non averti. Toujours est-il que c'est le crédit du

    82 Cf. TRICOT (D.), « les critères de la gestion de fait », Dr. et Patrim. Janvier 1996, p. 24et s, spéc. p. 24, cité par CAPOEN (A-L.) thèse précitée, p.139.

    banquier qui doit conduire à la décadence des affaires du débiteur. Ce cas se distingue nettement du cas où le crédit est accordé à une entreprise vouée à l'échec.

    CHAPITRE 2 : LES OBLIGATIONS DU BANQUIER A

    L'EGARD DES TIERS

    L'entreprise, comme une personne humaine, connaît au cours de sa vie d'importants problèmes qui, souvent, peuvent la conduire, s'ils ne sont pas résolus, à la cessation des paiements, puis à la liquidation des biens. Ces difficultés sont souvent à l'origine de l'intervention des tiers et notamment des banques pour sauver et empêcher la mort de la société. Mais cette intervention de la banque peut l'amener à engager sa responsabilité. Cette responsabilité peut découler de la rupture brutale des concours à un moment important pour la société. Elle peut aussi engager sa responsabilité pour avoir accordé un prêt à une entreprise qui visiblement était vouée à la perte : c'est le soutien abusif.

    Le soutien abusif n'est pas directement visé par le législateur. C'est dans l'analyse et l'interprétation de l'article 118 de l'AUPCAP qu'il faut aller pour le trouver. Il peut être défini comme la faute du banquier qui, en continuant d'octroyer du crédit, permet la prolongation artificielle d'une activité dont la continuité était déjà compromise et contribue ainsi à l'augmentation du passif ou à la diminution de l'actif, tout en laissant paraître une fausse apparence de solvabilité83. A cet égard, la banque peut être condamnée à réparer les préjudices subis par les tiers.

    A l'examen, plusieurs conditions sont nécessaires pour l'existence de la faute de soutient abusif. Il s'agit de : la situation irrémédiablement compromise de l'entreprise, le maintien ou l'octroi du crédit pendant cette période et la connaissance par la banque de cette situation. Les deux premières conditions constituent les conditions objectives (section1) et la dernière, la condition subjective (section 2) du soutien abusif.

    83 La situation irrémédiablement compromise est une cause de rupture légitime du contrat bancaire. Car, comme le précise l'article 22 alinéa 2 et 3 de l'ordonnance de 85 précité, commet un faute le banquier qui ne rompt pas son concours à une entreprise dont la situation est irrémédiablement compromise.

    Section 1 : Les conditions objectives du soutien abusif

    Les conditions objectives du soutien abusif sont constituées de la situation irrémédiablement comprise (paragrphe1), et l'octroi ou le maintien du crédit pendant cette période (paragraphe2).

    Paragraphe 1 : La situation irrémédiablement compromise de
    l'entreprise

    La situation d'une société est irrémédiablement compromise lorsque l'activité de l'entreprise présente des signes évidents et irrésistibles de déclin, c'est-à-dire lorsque la poursuite de l'activité s'inscrit dans un cadre de difficultés insurmontables ne pouvant objectivement aboutir à un redressement économique. Cependant, cette notion pour mieux être comprise, doit être confrontée à certaines voisines à elle (A) afin d'en apprécier la quintessence (B)

    A- Situation irrémédiablement compromise et notions voisines

    Pour mieux définir la notion de situation irrémédiablement compromise, il faut la distinguer aussi bien des difficultés passagères (1), que de la cessation de paiement (2).

    1- Situation irrémédiablement compromise et difficultés passagères

    Naturellement, si une entreprise à besoin de financements pour poursuivre son exploitation, il en va de même et à fortiori, lorsqu'elle traverse des moments difficiles. En effet, une entreprise aussi puissante soit-elle à un moment ou à un autre, rencontre des difficultés qui souvent, sont passagères ou se compliquent si des mesures84 ne sont pas prises. En pareille situation, les entreprises font recours aux banques pour apporter une solution à leur problème. Il peut s'agir des problèmes de trésorerie ponctuelle, comme par exemple des arriérés de salaire. Il peut aussi s'agir des difficultés

    84 Comme mesures nous avons la suspension des poursuites individuelles, l'arrêt du cours des intérêts...

    juridiques85. A ce moment-là, il n'y a pas de responsabilité du banquier, puisque son rôle est justement d'aider à franchir ce cap par son appui financier et ses conseils.

    2- Situation irrémédiablement compromise et cessation des paiements

    La cessation des paiements est la situation qui conduit l'entreprise à l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire et de liquidation des biens. Elle est définie comme l'impossibilité pour une entreprise de faire face au passif exigible avec son actif disponible. Il s'agit donc d'un état de trésorerie à un moment donné. C'est la condition sine qua non de l'ouverture d'une procédure de redressement prévue par l'Acte Uniforme OHADA86 sur les procédures collectives, pouvant conduire à la liquidation des biens. Il ne faut tout de même pas confondre cessation des paiements et la situation irrémédiablement compromise, et le faire se serait vider les procédures collectives de toutes les substances. En effet, le but premier des procédures collectives issues du droit OHADA est la sauvegarde de l'entreprise. Même s'il reste vrai que cette notion de cessation des paiements jadis87 était définie avec celle de la situation irrémédiablement compromise, et par conséquent, une entreprise en cessation des paiements était celle qui était irrémédiablement compromise. Or, avec l'évolution des procédures collectives, on assiste à une forte propension pour le législateur de protéger l'entreprise et c'est ainsi que la référence à cette notion de situation irrémédiablement compromise s'est trouvée inappropriée. Car même si les problèmes que traverse l'entreprise sont graves le souci majeur du législateur est de la sauver, notamment par un plan de redressement88 sérieux et aussi avec le concours des banques. La cessation de paiements n'est pas source de responsabilité des banques.

    85 La difficulté juridique n'est que la résultante de la première, à savoir les difficultés de trésorerie. Ces difficultés peuvent conduire à un règlement préventif couronné par un concordat préventif, prévu par le Titre1 de l'AUPCAP

    86 Article 25 l'AUPCAP.

    87 La situation irrémédiablement compromise était la référence retenue par la jurisprudence antérieure à 1979 comme critère de la cessation des paiements.

    88 Il s'agit du concordat de redressement. Le concordat sérieux est probablement celui qui, tout en préservant et en favorisant l'assainissement de l'entreprise, assure le paiement des créanciers dans des conditions acceptables. Il doit comporter d'une part des mesures de redressement de l'entreprise et plan de paiement des créanciers théoriquement satisfaisants, d'autre part des garanties d'exécution des engagements que contient la proposition de concordat.

    La cessation des paiements, y compris la situation difficile conduisent à des mesures collectives dont le but est de sauver la société89, avec souvent une collaboration franche du banquier. Par contre la situation irrémédiablement compromise, est plutôt source de responsabilité du banquier dispensateur de crédit.

    La situation irrémédiablement compromise n'est pas la situation difficile, encore moins la cessation des paiements. Qu'est-elle en réalité ?

    B- Appréciation de la notion de situation irrémédiablement compromise

    On considère généralement que la situation irrémédiablement compromise qui n'est pas définie par la loi est constituée dès lors que, au moment où est accordé le crédit, l'entreprise bénéficiaire se trouve dans l'impossibilité de poursuivre l'exploitation ou dès lors que le dépôt de bilan de l'entreprise apparaît inéluctable. Autrement-dit, la poursuite de l'activité de l'entreprise s'inscrit dans un cadre de difficultés insurmontables. C'est la situation d'une entreprise qui ne peut trouver des conditions normales d'exploitation90. La continuation du concours de la banque dans de telles circonstances l'exposerait, du reste, à être poursuivie pour soutien abusif. Autrement dit, la faute du banquier traduit souvent un manquement à son devoir de rompre le crédit lorsque l'entreprise se trouve dans une situation irrémédiablement compromise91.

    Plusieurs termes en jurisprudence sont employés pour exprimer la même réalité : on parle par exemple de « situation désespérée », « sans issue », « situation compromise » ou encore « définitivement compromise ».

    La situation irrémédiablement compromise est un état de fait qui est souverainement apprécié par les juges du fond et qui doit être appréciée au moment où est accordé le soutien. Par ailleurs, il convient de rappeler que c'est la situation du bénéficiaire du crédit qui doit être prise en compte. Dès lors, le banquier n'est pas fautif s'il accorde un crédit au dirigeant, afin de lui permettre de poursuivre une

    89 Arrêt du cours des intérêts, suspension des poursuites individuelles...

    90 Cf. CREDOT (F.), Mélanges en l'honneur de VASSEUR (M.), p. 62.

    91 Cf. article 22 al 2 et 3 de l'ordonnance de 85 précité.

    activité propre.

    Finalement, l'entreprise en situation irrémédiablement compromise est celle dont la continuation d'exploitation est devenue impossible, son échec ne fait plus l'objet d'aucun doute. L'entreprise se retrouve sans aucun actif, ni commandes certaines. L'octroi de crédit sera alors injustifié s'il est certain ou fortement probable que les difficultés rencontrées par l'entreprise sont sans issues. La banque commet alors une erreur en continuant à soutenir financièrement son entreprise cliente.

    La situation irrémédiablement compromise ne constitue pas à elle seule la cause de responsabilité du banquier. Ce dernier doit en face d'une entreprise sans issue commettre l'erreur fatale, continué à financer son client.

    Paragraphe 2 : Le financement des déficits de l'entreprise

    En réalité, la situation irrémédiablement compromise ne suffit pas pour engager la responsabilité du banquier, celui-ci doit avoir continué à financer l'entreprise. L'établissement de crédit continue à financer l'entreprise qui est vouée inexorablement à l'échec, car la situation irrémédiablement compromise est une cause légitime de rupture de contrat de crédit.

    En soutenant financièrement une entreprise dont la situation financière est désespérée, le banquier masque la réalité, prolonge artificiellement la vie de l'entreprise et diffère l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation des biens ; ce qui conduit nécessairement à augmenter les pertes de l'entreprise et donc à diminuer les chances des créanciers de voir leurs créances honorées. Le fournisseur de crédit commet donc une faute dans la mesure où il manque à son devoir de discernement, de diligence.

    Un auteur avait même soutenu que la responsabilité du banquier mérite d'être écartée, parce que le plus souvent les tiers ignorent l'existence du crédit. Cette opinion ne doit pas, semble-t-il, être retenue dans la mesure où, le créancier ne prétend pas qu'il a contracté à cause du crédit octroyé par le banquier, mais parce qu'il a été abusé par la situation générale créée par le crédit92.

    92 Faire du crédit, c'est avant tout faire confiance. Or, le banquier ne fait pas confiance aveuglement. Il n'accorde

    Il est toutefois des cas où, quelle que soit la gravité de la situation financière de l'entreprise, le dispensateur de crédit ne pourra voir sa responsabilité engagée. Il s'agit des crédits dits « légitimes ».

    Il s'agit d'abord des concours octroyés dans le cadre d'un plan de redressement. Les juges ont ainsi admis que n'est pas fautif l'établissement de crédit consentant une avance à une entreprise qui offre des possibilités de redressement, alors que des mesures concrètes d'assainissement sont prévues. Il en est de même du changement de dirigent et d'actionnariat, de la mise en place d'une politique de gestion et d'investissement, et ce, même si le plan de redressement s'avère finalement être un échec. Il semble ensuite, que l'intervention des pouvoirs publics puisse légitimer aussi le soutien du fournisseur de crédit.

    En effet, il se peut qu'une entreprise en difficulté se voit accorder le bénéfice d'une aide des pouvoirs publics aux côtés des banques privées afin de tenter de surmonter une crise qui peut très bien n'être que passagère, mais aussi s'avérer fatale pour l'entreprise. La difficulté qui se pose alors est celle de savoir si le banquier est susceptible d'engager sa responsabilité pour octroi abusif de crédit, alors qu'elle a agit concomitamment avec l'Etat.

    Il est possible de dire que la banque n'est pas responsable puisqu'elle a accordé un crédit aux côtés même des pouvoirs publics. L'intervention des pouvoirs publics dans ce cas constituant une présomption du caractère sérieux du plan de redressement. Aussi les banques pourront toujours faire valoir qu'elles n'ont pas été totalement libres dans leur décision d'apporter ou non leur concours à l'entreprise en difficulté, en raison de la pression exercée sur elles par les autorités publiques.

    En plus de la situation irrémédiablement compromise et du financement des déficits de l'entreprise, le banquier doit avoir la connaissance de la situation de cette entreprise cliente.

    normalement son crédit qu'à ceux qui inspirent entièrement confiance par les garanties de sérieux et d'honorabilité qu'ils offrent. Le crédit est donc révélateur, en principe, d'une parfaite honorabilité du crédité. Dans la vie des affaires, il est, synonyme de dignité. Dans ces conditions, s'il ne correspond pas dans la réalité à cette image, si en fait il a accordé à une personne peu honorable, il est concevable qu'il soit trompeur et que les victimes de cette dissimulation songent à demander des comptes au banquier. Peu importe que le banquier ait été inspiré par la volonté de masquer la situation le temps de se dégager, qu'il ait été imprudent, incohérent ou qu'il se soit laissé tenter par une fuite en avant.

    Section 2 : Les conditions subjectives du soutien abusif: La
    connaissance de la situation de l'entreprise

    La situation sans issue de l'emprunteur et le maintien du crédit ne suffisent pas à mettre en jeu la responsabilité de la banque ; encore faut-il qu'elle soit au courant de cette situation et qu'elle ait manqué d'informer le débiteur.

    En effet, lorsque le banquier disposait d'informations qui auraient dû alerter sa vigilance et renforcer ses contrôles, il a maintenu, voire augmenté les crédits accordés, la faute ne fait aucun doute. Il est reproché en réalité au banquier de n'avoir pas su apercevoir les signes clairs des difficultés graves dans lesquelles l'entreprise se trouve.

    Or, il n'est pas simple de prouver que le banquier connaissait la situation de l'entreprise. C'est au demandeur qu'il appartient d'en apporter la preuve. C'est pourquoi, la jurisprudence, pour condamner le manque de vigilance, procède par présomption. Elle affirme, que le banquier « aurait pu connaître93 » ou « ne pouvait ignorer94 »la situation du débiteur. Elle a par conséquent crée, à la charge du prêteur, une obligation de se renseigner. L'obligation d'information met à la charge du banquier celle de s'informer, de se renseigner. Le donneur de crédit doit par conséquent se renseigner sur la situation financière de son débiteur. Il faut donc, pour la Cour de Cassation, que la situation de l'entreprise « ait été connue du banquier au moment de l'octroi du crédit ou du moins qu'il n'ait pu ignorer celle-ci en fonction des éléments qu'il connaissait ou devait connaître ».

    Il existe certaines circonstances dans lesquelles la situation de son client ne peut être légitimement ignorée du banquier, notamment, lorsque ce dernier détient une participation au capital de la société bénéficiaire. Ainsi, on présume que le banquier a toute la latitude pour accéder aux informations.

    Pour autant, même si le plus souvent la banque est extérieure à l'entreprise, elle ne peut soutenir qu'elle ignorait la situation réelle. Tenue d'une obligation de vigilance, elle doit s'informer sur la situation du client en prenant divers types de renseignements sur ses capacités financières ou l'évolution des ses affaires. La

    93 Cass. Com., 7 October 1997, n°95-17.065, RJDA 1998, n°, n°90.

    94 Cass. Com., 12 Juillet 1980, n°78-16.088, Bull. civ. IV, n°317, p. 256.

    jurisprudence ne se contente pas d'apprécier la responsabilité du banquier en fonction des informations dont il dispose concrètement dans chaque espèce, elle fait peser sur le fournisseur de crédit un devoir général de s'informer sur la situation du client. La banque devra donc se livrer, en bon professionnel, à l'analyse des documents comptables de l'entreprise financée, auxquels elle ne pourra se fier que dans la mesure où ceux-ci ne présentent pas d'irrégularités évidentes. Dans cette perspective, le banquier doit exiger que son client lui communique les documents comptables prévisionnels intermédiaires au même titre que le bilan annuel. Il doit par ailleurs s'assurer de la régularité et de la sincérité des documents qu'il reçoit.

    Mais seulement, l'investissement du banquier dans la recherche de l'information ne doit pas dépasser la limite du raisonnable pour se trouver sur le terrain de l'immixtion dans les affaires de son client. En effet, le banquier n'est pas « un policier » devant mener ses investigations sans limites, il est tenu d'un devoir de non immixtion ou de non ingérence dans les affaires de son client.

    Pour que la responsabilité du banquier soit retenue, il faut que le débiteur soit dans une situation irrémédiablement compromise ou encore en situation désespérée. Cependant, la doctrine a révélé que la situation irrémédiablement compromise n'est pas la condition sine qua non de la responsabilité de la banque. Celui-ci doit encore être au courant de cette situation et avoir continué à soutenir son client au lieu de rompre le crédit. Toutefois, la décision n'est pas facile à prendre et peut même constituer un dilemme. La question étant de savoir s'il convient de renouveler le crédit ou l'interrompre au moment où l'entreprise est en difficulté, « le banquier est contraint de fonctionner en permanence entre le soutien abusif et la rupture abusive »95.

    95 Cf. LIPZER (M.), Directeur à la Banque Populaire, cité par Amel GUAAYBESS, mémoire pré-cité, p. 52.

    CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE

    Le caractère particulier de l'activité de la banque a conduit la jurisprudence à déterminer l'étendue des obligations des établissements de crédit. Préteur par profession, le banquier est tenu d'obligations qui dépassent celles d'un simple préteur96. Il doit non seulement mettre à la disposition du débiteur les fonds promis, mais aussi s'assurer que ceux-ci ne sont pas source de préjudice pour le client. En effet, le crédit qu'il octroie doit être digne97. Cette notion de dignité du crédit se réfère davantage à l'opportunité financière du crédit mais aussi au regard de la situation générale de l'entreprise.

    La jurisprudence distingue le devoir de discernement, le devoir de s'informer et le devoir de surveillance des fonds prêtés98et très récemment le devoir de mise en garde. Le banquier doit s'assurer au moment où il accorde un crédit, que celui-ci ne soit pas la cause de la chute du débiteur. Il doit éviter que son crédit ne vienne pas plutôt enfoncer le débiteur dans les profondeurs des procédures collectives en augmentant son passif. Le banquier est devenu une sorte de « conscience individuelle » de ses débiteurs, sans doute soutenu par l'idée que la banque accomplit une mission de « service public99 ». En effet, la moindre faute, fût-elle légère est de nature à engager la responsabilité du banquier.

    Au total, l'appréciation de la responsabilité du banquier s'accompagne d'une extension de la notion de faute. C'est finalement la spécificité du contenu des obligations qui donne une coloration particulière à la faute commise par le banquier100. Cependant, la faute seule ne suffit pas ; d'autres éléments puisés dans le droit commun de la responsabilité doivent être associés pour véritablement mettre le banquier en cause

    96 Cf. MILOGA (M.), « La responsabilité du banquier dispensateur de crédit », Séminaire AJBEF, Douala 05 au 09 novembre 2001, www.ajbef.info, p. 4.

    97 Il est vrai qu'il est souvent dit que le client cesse d'être digne lorsqu'il a un comportement gravement répréhensible.

    98 Cf. RIVES-LANGE (J-L.) et RAYNAUD (C.), Droit bancaire, D. 1986, n°546, p. 678

    99 L'idée de service public ne doit pas être prise au sens technique et il ne faut pas lui attacher toutes les conséquences qu'elle emporte en droit public. Elle justifie seulement un renforcement des différentes obligations mises à la charge du banquier.

    100 Cf. LOKO-BALOSSA (E-J.), « La responsabilité du banquier dispensateur de crédit », Annales de l'Université Marien NGOUABI Brazzaville - Congo, 2007, p. 2.

    DEUXIEME PARTIE : UNE RESPONSABILITE DU
    BANQUIER EMPRUNTANT AU DROIT COMMUN DE LA
    RESPONSABILITE CIVILE AU NIVEAU DE LA SANCTION

    La responsabilité du banquier dispensateur de crédit n'est pas une responsabilité ex nihilo, c'est-à-dire, néée de nulle part. Elle part du droit commun pour y revenir. La responsabilité civile est l'obligation de réparer le dommage causé à autrui par un acte contraire à l'ordre juridique. Son auteur doit y répondre. Sa principale fonction est réparatrice. Elle remplit aussi une autre fonction, préventive. La responsabilité civile permet, dans la mesure du possible, de prévenir la réalisation des dommages par crainte légitime de la sanction pécuniaire qu'elle engendre, à laquelle peuvent se grever d'autres sanctions101.

    S'agissant particulièrement du banquier, sa responsabilité remplit le même rôle. Mais la nature particulière de sa profession déteint considérablement sur le régime (Chapitre 1) et la mise en oeuvre (chapitre2) de la sanction sans toutefois les muter. Chapitre 1 : la mise en oeuvre de la sanction

    Chapitre 2 : le régime de la sanction

    101 Cf. CADIET (L.), le TOURNNEAU (Ph.), ouvrage précité, p. 1.

    CHAPITRE 1 : LA MISE EN OEUVRE DE LA SANCTION

    Mettre en oeuvre une sanction signifie la mettre en marche ou en mouvement. Pour mettre en oeuvre l'action qui aboutira à la condamnation du banquier, convient-il de déterminer les personnes susceptibles d'intenter l'action (section2). Ces personnes comme en droit commun, doivent en plus démontrer l'existence d'une faute, établir un préjudice et un lien de causalité (section1).

    Section 1 : Le préjudice et le lien de causalité

    La responsabilité du banquier à raison de l'octroi de concours, est fondée sur la faute de celui-ci. Il s'agit d'une responsabilité pour faute. Elle doit être accompagnée d'un préjudice et d'un lien de causalité102. Le préjudice et le lien de causalité sont nécessaires à la reconnaissance de la responsabilité du banquier. En effet, même si dans le cadre du droit commun on a l'impression qu'ils sont parfois placés en second rang, dans le cadre de la responsabilité pour faute, le lien de causalité et le préjudice restent des conditions indispensables. La responsabilité civile a un objet principalement indemnitaire ; la reconnaissance de la responsabilité permet de réparer un dommage, dans son intégralité. Or, la réparation ne saurait être intégrale, si le préjudice subi n'a pas été déterminé au préalable (paragraphe1). De même, on ne saurait condamner le banquier, à la réparation de ce préjudice, si aucun lien n'a été établi entre son comportement et le dommage subi (paragraphe2).

    Paragraphe1 : Le préjudice

    Le préjudice subi par les victimes du comportement fautif du banquier est fixé par le premier alinéa de l'article 118 de l'AUPCAP : « les tiers, créancières ou non ...ont contribué à retarder la cessation paiements ou à diminuer l'actif ou à aggraver le passif du débiteur peuvent être condamnés à réparer le préjudice... ». La détermination du préjudice est assez importante en ce sens que c'est lui qui fixera les

    102 Le dommage et le lien de causalité constituent ce que le TOURNEAU (Ph.) et CADIET (L.), dans leur ouvrage, Droit de la responsabilité. 1996, nomment les constantes de la responsabilité civile.

    personnes titulaires de l'action en responsabilité contre le banquier. Mais la formulation de cet article n'est pas aussi claire comme on pourrait le penser. Par conséquent, il convient de préciser le contenu réel du préjudice (A) et bien entendu délimiter son étendue (B).

    A- Le contenu du préjudice

    Le préjudice subi par les créanciers (autres que le banquier) tient à ce que le concours bancaire a accentué le passif de l'entreprise soumise à la procédure collective, diminuant ainsi leurs chances de remboursement.

    Ces créanciers peuvent aussi bien être des personnes de droit public comme le fisc, ou les fournisseurs disposant de sûretés moins solides que celles du banquier. Les fournisseurs sont le plus souvent des créanciers chirographaires. Ils sont donc les premiers à subir la cascade des difficultés.

    Le préjudice des salariés est d'autant plus grave qu'ils sont subordonnés à l'entreprise. Leur emploi dépend de la survie de l'exploitation. Or l'aggravation du passif diminue les chances de redressement de l'entreprise. Sont aussi concernées les personnes directement liées à l'entreprise, tels que les actionnaires ou associés.

    Certains auteurs103 ont à juste titre relevé l'existence d'une dualité des conséquences du crédit fautif. Ils distinguent le préjudice né de la création d'une fausse apparence de solvabilité ou de prospérité104 du préjudice né de la poursuite d'une activité génératrice d'un passif supplémentaire.

    Un autre auteur105 reprend cette distinction pour la mettre en parallèle avec deux catégories de créanciers, ceux dont la créance est née antérieurement à la procédure collective et ceux dont la créance est née postérieurement. Cette distinction correspond respectivement aux créanciers dans la masse, et aux créanciers de la masse. La masse est constituée des créanciers dont la créance est antérieure à la décision d'ouverture et ce, même si leur créance est antérieure à la décision d'ouverture106. On y trouve aussi

    103 Cf. GAVALDA (Ch.) et STOUFFLET (J.), Droit bancaire, Litec, 1999, p. 195, n°400.

    104 Celle-ci étant susceptible de tromper les tiers qui vont continuer de contracter avec le crédité.

    105 Cf. PIEDELIEVRE (S.), cité par Amel GUAAYBESS « la responsabilité civile du banquier d'une entreprise en difficultés » mémoire pré cité.

    106 Article 72 de l'AUPCAP.

    bien les créanciers chirographaires, que les créanciers titulaires de privilèges généraux, sauf ceux titulaires de sûretés spéciaux.

    Par contre les créanciers de la masse sont les créanciers dont la créance est née après le jugement d'ouverture de la procédure, suite à la continuité de l'exploitation de l'entreprise.

    Les créanciers dans la masse subissent généralement un préjudice égal à la différence entre ce qu'ils auraient touché et ce qu'ils auraient dû toucher si le crédit n'avait pas été consenti et donc si la procédure avait été ouverte plus tôt107. Alors que les créanciers de la masse subissent la fausse apparence de solvabilité qui les a amenés à contracter avec l'entreprise soumise à la procédure.

    Mais la distinction semble se situer à un autre niveau, car il ne faut pas perdre de vue que c'est la faute du banquier (octroi de crédit) qui fait naître le préjudice, et non l'ouverture de la procédure ; si bien que c'est par rapport à la faute qu'il faut se situer pour établir la distinction.

    Le préjudice subi par les créanciers antérieurs à la faute de la banque consiste en l'atteinte portée à leur droit de gage général sur le patrimoine du débiteur ; le crédit augmente le passif et permet une continuation de l'exploitation qui ne fait que creuser le déficit. Le préjudice est égal non pas à l'insuffisance d'actif108, mais à la différence entre ce qui est perçu dans la procédure et ce qui l'aurait été si elle avait été mise en oeuvre plus tôt109. De même, la caution doit prouver que la faute de la banque a aggravé son risque par rapport à ce qu'il était. Dans le cas contraire, la jurisprudence estime que le préjudice fait défaut malgré l'augmentation des concours financiers.110

    Les créanciers postérieurs à la faute font valoir que sans elle, il n'y aurait pas eu ouverture d'une procédure et qu'ils ne seraient donc pas devenus créanciers de la faillite. Leur préjudice peut donc correspondre à la différence entre le montant de leur créance et le dividende perçu.

    107 Aux créanciers dans la masse s'applique la discipline collective : arrêt du cours des intérêts, suspension des poursuites individuelles...

    108 Cf. Cass. Com, 24 mars 1992, Bull.civ, IV, n°125, RD bancaire et bourse, 1992, p. 163, obs. CREDOT (F.) et. GERARD (Y.).

    109Cf. Cass. Com, 11 octobre 1994 RD bancaire et bourse, 1995, p. 16, obs. CREDOT (F.) et. GERARD (Y.).
    110 Cf. Cass. Com, 4 octobre 1994, RD bancaire et bourse, 1995, p. 15, obs. CREDOT (F.) et. GERARD (Y.).

    Encore faut-il naturellement que la preuve de ce préjudice soit rapportée. La détermination du préjudice pose le problème de la délimitation des domaines respectifs entre le préjudice collectif et le préjudice individuel.

    B- L'étendue du préjudice

    Le préjudice causé par le banquier dispensateur de crédit peut être individuel ou collectif. Il convient de distinguer le préjudice collectif subi par la collectivité de créanciers du crédité (1), et le préjudice particulier subi par chaque créancier individuellement (2).

    1-Le préjudice collectif

    Le préjudice collectif est le premier des préjudices dont est demandée la réparation au banquier. Il est la justification de la responsabilité civile du banquier pour soutien abusif. Néanmoins, cette responsabilité s'inscrivant au sein des procédures collectives, est hautement influencée par ce droit. C'est la raison pour laquelle la définition du préjudice collectif est étroitement liée à la masse des créanciers et dont la personnalité morale ne souffre plus d'aucun doute111.

    Ainsi le préjudice collectif peut être compris comme celui qui touche aux intérêts de la masse. C'est la « diminution de l'actif » et « l'augmentation du passif » suscitée par la faute de la banque. L'une comme l'autre sont de nature à faire apparaître une insuffisance d'actif.

    Dès lors, pour certains, le préjudice ne peut être collectif que s'il recouvre celui subi en commun par la totalité des créanciers112. Mais cette approche du préjudice collectif conduirait à le considérer comme un simple agrégat de tous les préjudices individuels. Le préjudice collectif doit être envisagé dans sa globalité. L'intérêt collectif « est beaucoup plus que la somme des intérêts individuels qui composent la

    111 Selon l'article 72 de l'AUPCAP « la décision d'ouverture (de la procédure d'apurement du passif) constitue les créanciers en une masse représentée par le syndic qui, seul, agit en son nom et dans l'intérêt collectif et peut l'engager. La masse est constituée par tous les créanciers dont la créance est antérieure à la décision d'ouverture, même si l'exigibilité de cette créance était fixée à une date postérieure à cette décision à condition que cette créance ne soit pas inopposable en vertu des articles 68 et 69 ci-dessous ».

    112 Cf. DERRIDA (F.), notes sous Cass. Com. 16 mars 1993, LPA, 20 octobre 1993, n°126, p. 14 et s.

    collectivité des créanciers ; elle a des intérêts originaux »113. L'idée d'uniformité, c'est-à-dire d'un préjudice subi par tous les créanciers de l'entreprise a été rejetée par la Cour de cassation française de façon implicite dans l'arrêt Laroche du 7 janvier 1976. Les professeurs GAVALDA et STOUFFLET relevaient que « le dommage collectif n'est pas la photocopie composite des divers préjudices particuliers ni leur accumulation »114. Par conséquent, le préjudice collectif n'est pas la somme des préjudices de l'ensemble des créanciers. Le préjudice collectif peut donc être le préjudice subi par certains créanciers seulement. Ainsi peut-on définir le préjudice collectif au moyen de la constatation d'une aggravation du passif ou de l'insuffisance d'actif du débiteur. Dans l'arrêt Laroche, la Cour de cassation estimait que le préjudice collectif était « constitué par une diminution du patrimoine de l'entreprise, soit sous forme d'une diminution de l'actif, soit sous forme d'une aggravation du passif ».

    En outre, le préjudice collectif ne peut être supérieur à l'insuffisance d'actif, c'est-à-dire à la différence entre le montant des créances admises et celui des dividendes reçues, et il doit être limité à la différence entre l'insuffisance à la date d'ouverture de la procédure et celle du moment de la faute.

    Au-delà du préjudice collectif que peuvent subir les créanciers en général, il peut arriver que d'autres se plaignent d'un préjudice particulier qui leur est propre.

    2-Le préjudice individuel

    Le droit des procédures collectives n'a pas annihilé la possibilité pour les victimes d'un préjudice personnel de s'en prévaloir. Ce préjudice doit être individuel et n'être invoqué que s'il est différent du préjudice collectif et non inhérent à la procédure collective. Ces trois critères requis pour la recevabilité de l'action individuelle d'un créancier ont été fixés par un arrêt de l'assemblée plénière de la Cour de cassation du 9 juillet 1993115. Dans cette affaire était mise en cause la responsabilité d'un banquier

    113 Cf. LIKILLIMBA (G-A.), le soutien abusif d'une entreprise en difficulté, Préface de MESTRE (J.), Bibliothèque de droit de l'entreprise, Litec 2°ed. 2001, p. 169, n° 180.

    114 Cf. GAVALDA (Ch.) et STOUFFLET (J.), note sous Cass. Com. 7 janvier 1976 n°72-14.029 arrêt Laroche, JCP 1976 II 18327.

    115 Cass. Ass. Plen. 9 juillet 1993, D. 1993, p. 469, note, DERRIDA ; JCP E 1993, II, 509, note POLLAUDDULIAN (F.) ; JCP E 1993, I, 298, obs. CABRILLAC (M.); JCP E 1993, I, 302, obs. GAVALDA (Ch.) et STOUFFLET (J.) ; Dr. Sociétés 1994, n° 26, obs. CHAPUT.

    dispensateur de crédit, par un créancier agissant seul. La procédure a été entamée en 1962. La Cour d'appel de Montpellier avait admis la recevabilité de cette action avant que la chambre commerciale ne cassât sa décision par un arrêt du 26 novembre 1986116 et renvoyât l'affaire à la Cour d'appel de Toulouse. Celle-ci rendît deux arrêts très remarqués117 dans lesquels elle admettait la recevabilité de l'action individuelle d'un créancier en cas d'immobilisation des créances, c'est-à-dire la perte des intérêts. La question de l'action individuelle d'un créancier est une question délicate puisqu'elle concerne à la fois le droit spécial des procédures collectives et le droit commun de la responsabilité civile. Il est évident qu'on ne peut pas priver le créancier de son droit d'agir pour obtenir la réparation de son préjudice personnel118, mais cela doit se concilier avec le droit complexe des procédures collectives. La Chambre commerciale dans un arrêt du 2 juin 2004119, a d'ailleurs reconnu l'existence d'un préjudice personnel distinct de celui de la masse des créanciers.

    Finalement, les créanciers peuvent demander aussi bien la réparation d'un préjudice collectif que celle d'un préjudice personnel. Ils doivent par conséquent démontrer l'existence d'un lien de causalité.

    Paragraphe 2 : Le lien de causalité

    Conformément aux règles générales de la responsabilité civile, la responsabilité d'une banque envers son client doit obligatoirement faire ressortir un lien de causalité entre la faute et le dommage subi. Les tribunaux exigent sans cesse ce lien de causalité : « La responsabilité prévue par l'article 1382 suppose un rapport de causalité entre la faute et le dommage120». La preuve de ce lien de causalité doit nécessairement être rapportée par le demandeur. Mais les juridictions et notamment la haute juridiction s'est abstenue de poser les principes permettant de construire une

    116 Cass. Com. 25 juin 1986, Bull. civ. IV, n°220, JCP E 1987, I, 16026, D 1987, 88, note DERRIDA (F.)

    117 CA Toulouse 26 juin 1989, sur renvoi de Cass. Com. 25 juin 1986, D. 1989, jur. P. 530, note DERRIDA (F.) RTD Com 1990, p. 71, obs. CABRILLAC (M.) et TEYSSIE (B.)

    118 Le droit à la réparation est désormais considéré comme un droit fondamental.

    119 Cass. Com 2 juin 2004, n°01-17.945, F-D, BNP Paribas c/ Ste Bianchi, jurisdata, N° 2004-024061, RDBF, novembre-décembre 2004, n°6, p.414, n°253, obs. LUCAS (F-X.).

    120 Cass. Civ. 2°, 27 octobre 1975, Gaz. Pal. 1976, 1, 169, note, PLANCQUEEL (A.)

    véritable définition juridique de la causalité121. Toutefois, et en particulier dans le domaine des droits des entreprises en difficulté, les causes du dommage sont multiples. Comment évaluer dans ce cas la causalité ?

    Dans certains cas, les juges admettaient une présomption du lien de causalité, de sorte que le cumul de l'accroissement du passif et d'une faute de la banque, suffisait à prouver le lien de causalité122. Cette situation n'était qu'exceptionnellement admise : la preuve d'un lien de causalité direct est indispensable. La légèreté blâmable par laquelle le banquier a accordé du crédit, ne peut à elle seule justifier la condamnation de la banque. En réalité, la relation causale semble dépendre des faits de l'espèce : certains auteurs estiment que le lien de causalité, s'il n'est présumé, peut en revanche être aisément établi lorsque le préjudice résulte d'une faute exclusive du banquier. Il sera en revanche moins évident lorsque le demandeur a également commis une faute. Il n'est pas certain que la faute du banquier soit ici à l'origine du préjudice subi. Le juge procède à l'évaluation du lien de causalité en fonction de plusieurs paramètres. La causalité dépend en effet, à la fois d'éléments de fait, tels que l'ampleur de la faute du banquier, ou les circonstances dans lesquelles le préjudice est survenu ou encore la qualité du demandeur ou même la nature juridique du préjudice123. Le seul critère commun que semble retenir la Cour suprême française est celui du rapport de nécessité entre le fait générateur, c'est-à-dire la faute et le dommage124.

    Le fait reproché au banquier doit avoir été nécessaire à la réalisation du dommage, il doit en être la condition sine qua non. Dès lors, si le demandeur ne démontre pas que le dommage résulte de la faute du défendeur, alors, l'action en responsabilité doit être rejetée par les juges. Parfois le juges requièrent bien plus la nécessité, à savoir l'adéquation, de sorte que lorsque les causes du dommage sont multiples, seule la cause adéquate doit être retenue. Cela signifie que certains faits

    121 Cf. VINEY (G.) et JOURDAIN (P.), « Les conditions de la responsabilité », in Traité de Droit civil sous la direction de GHESTIN (J), LGDJ 3° ed. 2006, p. 196, n° 350.

    122 CA AIX en Provence, 7 février 1984.

    123Cf. LIKILLIMBA (G-A), Le soutien abusif d'une entreprise en difficulté, Préface de MESTRE (J), Bibliothèque de droit de l'entreprise, Litec 2°ed. 2001, p. 188, n° 208.

    124 Cf. VINEY (G) et JOURDAIN (P), « Les conditions de la responsabilité », in Traité de Droit civil sous la direction de GHESTIN (J), LGDJ 3° ed. 2006, p. 197, n° 352.

    générateurs peuvent être écartés comme ne constituant pas une cause adéquate du préjudice125.

    D'une manière générale, il est soutenu que la relation causale est plus difficile à établir en cas d'octroi de crédit ; si bien que c'est sur ce terrain que le banquier trouvera les meilleurs moyens de défense.

    Section 2 : Les demandeurs à l'action

    Dans un souci de clarté et pour mieux ressortir les demandeurs à l'action, deux points seront successivement examinés : les demandeurs parties à la convention d'ouverture de crédit (paragraphe 1), et l'action des personnes extérieures à cette convention (paragraphe 2).

    Paragraphe1 : L'action en justice des parties à la convention d'ouverture de crédit

    La jurisprudence de la Cour de cassation relative à la responsabilité des banques en matière d'octroi de crédit s'est montrée particulièrement favorable aux particuliers, de telle sorte que, les bénéficiaires ou les garants de crédits professionnels ont cru devoir profiter de cette tendance. Mais la Chambre commerciale de la Cour de cassation a mis un frein a cette tendance en restreignant fortement les possibilités d'action des emprunteurs (A) et garants dirigeants (B) de crédits professionnels, lesquels empruntent ou garantissent la plupart du temps en parfaite connaissance de cause de la situation financière difficile de l'entreprise ou les risques d'une opération de crédit.

    A- L'emprunteur

    Le principe est que l'action en responsabilité intentée contre la banque par le débiteur lui-même est recevable. Une telle action relève de la responsabilité contractuelle.

    125 Selon la théorie de la causalité adéquate, lorsque plusieurs faits ont concouru au même dommage, on doit rechercher celui qui a normalement provoqué le dommage considéré ou encore la cause efficiente du dommage.

    Mais ces actions sont généralement rejetées, car le banquier oppose la faute de la victime qui est souvent plus grave et joue un rôle causal plus important que celle du banquier. La jurisprudence manifeste clairement son hostilité à ces actions. En effet, elle estime le plus souvent que la faute de la banque ne peut être invoquée, ni par ses dirigeants et associés, ni par la société elle-même, dès lors que la situation était connue d'eux ou résultait de leurs fautes126.

    Récemment, la Chambre commerciale127 de la Cour de cassation a jugé que dès lors qu'un « homme d'affaires expérimenté (...) connaissait les risques des opérations dont il avait pris l'initiative, la banque n'avait pas manqué à son devoir de conseil ». Elle a, en outre, précisé, dans un autre arrêt128 rendu le même jour, que la banque ne peut être responsable que si elle savait qu'une entreprise était dans une situation irrémédiablement compromise et si l'emprunteur, par suite de circonstances exceptionnelles l'ignorait.

    Cette solution posée comme principe apparaît très favorable à l'égard des banques. En effet, la portée est considérable puisque l'emprunteur dirigeant étant présumé connaître la situation financière de son entreprise, il se verra la plupart du temps refuser l'engagement de la responsabilité du banquier. Désormais, les fautes de la banque en matière de conseil, son manque de prudence au regard de la situation de trésorerie de l'entreprise ne suffisent pas, lorsque l'action est intentée par l'entreprise emprunteuse. La cour de cassation rejette des demandes en responsabilité en arguant de surcroît de l'interdiction qui est faite aux banques de s'immiscer dans la gestion de l'entreprise. Autrement dit, ce n'est que dans des cas très exceptionnels que la responsabilité de la banque pourra être engagée par l'emprunteur. Pour reprendre une formule d'un auteur129, ces actions ne sont pas irrecevables, mais elles « doivent par principe être rejetées ».

    Ce principe n'est pas absolu, comme l'atteste d'ailleurs la formule de la Chambre commerciale : « sauf circonstances exceptionnelles ». Celle-ci ne remet pas

    126 Dans un des ses arrêts du 5 janvier 1999 la Chambre commerciale a jugé irrecevable l'action de la société et de l'administrateur « le soutien prétendument abusif accordé par la banque à la société débitrice a porté préjudice aux seuls créanciers », PA, 26 janvier 1999, n°19, p. 8.

    127 Cass. Com. 11 mai 1999(3°espèce), JCP E, 1999, p. 1730, note LEGEAIS (D).

    128 Cass. Com. 11 mai 1999(2° espèce), JCP E, 1999, p. 1730, note LEGEAIS (D).

    129 Cass. Com., 17 juin 1997, RTD com. 1997, p. 662, note M. CABRILLAC.

    fondamentalement en cause sa jurisprudence antérieure. Pourrait constituer des circonstances exceptionnelles, une information ignorée du dirigeant sur la situation irrémédiablement compromise de l'entreprise mais détenue par la banque. Il en irait de même, lorsque la banque intervient dans la gestion de l'entreprise ou bien encore lorsque les circonstances font apparaître la mauvaise foi de la banque dans les modalités de souscription de crédit. L'impossibilité avérée de rembourser un crédit, même, en tenant compte des perspectives de revenus futurs, surtout en présence d'un dirigeant peu expérimenté, pourrait également servir d'appui pour engager l'action en responsabilité.

    En résumé, pour pouvoir agir, l'emprunteur avisé devra prouver que le banquier a manqué gravement à son devoir de discernement ou qu'il a contracté de mauvaise foi.

    La jurisprudence n'est pas favorable à l'action de l'emprunteur et ne l'admet qu'exceptionnellement. Ce courant de pensée vaut aussi pour la caution dirigeante.

    B- La caution dirigeante

    Il est fréquent que la responsabilité de la banque soit invoquée par la caution appelée à payer en cas de défaillance du débiteur principal, agissant personnellement. Or, le plus souvent, la caution se trouve être dirigeante de l'entreprise débitrice principale. La caution va invoquer, outre la faute de la banque commise dans son financement, la faute commise à son égard. Elle ne peut le faire que par référence à l'obligation de conseil ou, au principe de proportionnalité dont elle peut bénéficier.

    A cette action, la jurisprudence oppose généralement la connaissance que ce dirigeant avait de la situation lorsqu'il a sollicité le concours bancaire. La Chambre commerciale considère que la caution dirigeante n'est pas fondé à agir contre la banque. Il lui est toutefois exceptionnellement permis de le faire en cas de « circonstances exceptionnelles130 ». Cette formule, reprise plus tard par la Cour de cassation131, vient sceller le sort de la caution dirigeante qui n'est autre que la caution

    130 Cass.com. 12 novembre 1997, JCP, E, 1998, p. 82, note LEGEAIS (D).

    131 Cass. Com. 11 mais 1999, JCP, E, 1999, P. 1730, note LEGEAIS (D).

    « interne ». Elle est caution interne ou dirigeante parce qu'elle qui participe à la gestion de la société pour laquelle elle se porte caution.

    La responsabilité sera écartée dans la mesure où la caution a une double casquette : celle de dirigeant et celle de caution. Ainsi, en qualité de dirigeante, la Cour de cassation considère qu'elle est mal fondée à reprocher à la banque d'avoir prêter de l'argent à l'entreprise en se fondant sur la connaissance par la banque de sa situation financière compromise, alors même qu'en tant que dirigeante, elle est présumée en avoir une parfaite connaissance elle-même.

    De même, le fait que la banque connaisse la situation obérée de l'entreprise ne suffit pas pour engager sa responsabilité, car le dirigeant le savait lui-même au moment où il s'engageait à se porter caution ; c'est dans des cas exceptionnels que la responsabilité de l'établissement de crédit pourra être engagée par la caution dirigeante.

    Il convient cependant de préciser que, le critère de compétence n'est pas irréfragablement lié à la qualité de dirigeant. La caution dirigeante pourra, en effet, démontrer qu'il n'avait pas la compétence nécessaire pour apprécier tous les risques d'un montage sophistiqué que le banquier lui aurait proposé en connaissance de cause. A contrario, lorsque c'est le dirigeant lui-même qui propose le montage financier ne présentant pas d'aberration, et qu'aucune circonstance exceptionnelle ne montre qu'il n'avait pas connaissance de la situation obérée de l'entreprise, quand bien même la banque en avait eu connaissance, son action sera rejetée132.

    La portée de cette jurisprudence, inspirée sans doute de la règle « nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude », permettra aux banques de contracter en toute sérénité face à des emprunteurs professionnels et des garants avisés, et de rester particulièrement vigilantes en face de cocontractants profanes ou inexpérimentés.

    Il s'ensuit que le devoir de discernement s'arrête là où commence celui du demandeur à l'action. L'action est relativement fermée pour les personnes « internes » à l'entreprise qui doivent prouver qu'elles étaient ignorantes de la situation de leur entreprise ou encore que le banquier était de mauvaise foi.

    132 Cass. Com. 11 mai 1999, JCP E, 1999, p. 1730, note LEGEAIS (D.).

    En revanche, l'action est relativement ouverte pour les véritables tiers au contrat de crédit.

    Paragraphe2 : L'action en justice des parties extérieures à la
    convention de crédit

    Les personnes dont il est question ici sont celles que nous pouvons qualifier d'externes à la convention de crédit ou tout simplement à l'entreprise : il s'agit en principe des créanciers133 de l'entreprise (A), et des cautions non dirigeantes (B).

    A- L'action des créanciers de l'entreprise

    L'action collective est exercée en premier lieu par un intermédiaire issu des procédures collectives que l'on nomme le syndic, qui agit au nom de la masse ou de l'intérêt collectif des créanciers (1). Néanmoins, l'inaction de cet intermédiaire peutelle permettre l'exercice de l'action ut singuli de l'action en responsabilité par les créanciers (2).

    1- L'action du syndic

    L'article 72 de l'AUPCAP énonce que « la décision d'ouverture constitue les créanciers en une masse représentée par le syndic qui, seul, agit en son nom et dans l'intérêt collectif et peut l'engager ». Il ressort clairement de ce texte que le syndic seul peut agir en justice pour défendre les intérêts des créanciers. Il faut reconnaître qu'il n'en a pas toujours été ainsi.

    En effet jusqu'à l'arrêt Laroche de la Cour de Cassation de 1976134, chaque créancier devait agir individuellement contre la banque dans la limite du préjudice qu'il a personnellement subi, mais par l'intermédiaire du syndic représentant l'ensemble des créanciers réunis au sein de la masse. Masse où l'on retrouve justement, avec d'autres créanciers et lui-même à titre de créancier et de débiteur, le

    133 Il s'agit indifféremment des créanciers internes (associés, salariés...), que les créanciers externes (obligataires...).

    134 Chambre commerciale, 7 janvier 1976, Dalloz 1976, 277, note DERRIDA et SORTAIS.

    banquier qui a consenti les crédits135. La solution retenue par cette cour dans l'arrêt du 19 mars 1974 était qu' « il n'appartient pas au syndic d'introduire contre le banquier, au nom et pour l'ensemble des créanciers formant la masse, une action en responsabilité... ». Cette solution a été vivement contestée et considérée comme « une astuce de procédure », voire un procédé aboutissant à « l'irresponsabilité de fait des banques »136.

    L'arrêt Laroche du 7 janvier 1976 vient prendre le contre-pied de la jurisprudence antérieure et affirme que « le syndic trouve, dans les pouvoirs qui lui sont conférés par la loi, qualité pour exercer une action en paiement des dommages intérêts contre toute personne, fût-elle créancière dans la masse, coupable d'avoir contribué, par ses agissements fautifs, à la diminution ou à l'aggravation du passif ». C'est dans des termes voisins que s'est prononcé le Tribunal de première instance de Ouagadougou dans son jugement du 13 juin 1984137. Cette position est celle qui a été entérinée par le législateur OHADA138. Mais en facilitant la voie de l'action collective contre les banques, le texte de l'OHADA aussi bien que l'arrêt Laroche, ont créé un autre problème : si le syndic est recevable à agir, les créanciers conservent-ils leur droit d'action individuelle recevable face à un syndic inactif ?

    2- L'exercice de l'action ut singuli de l'action collective en cas d'inaction du syndic

    La jurisprudence a admis l'exercice de l'action individuelle pour tout créancier justifiant de l'existence d'un préjudice personnel, spécial et distinct de celui des autres créanciers.

    La question qui se pose et qui demeure est celle de savoir si l'action ut singuli139 des créanciers est maintenue ou non ? Autrement-dit un ou plusieurs

    135 Cf. DI VITTORIO (J.), Banque 1977 n°368, p. 1354.

    136 Cf. GAVALDA (Ch.), JCP. 1971, II, 16686. à cet égard, il cite une affaire dans laquelle 285 créanciers qui se prétendaient victimes d'agissements fautifs de 3 banques ; les créanciers dans la masse, se voyaient débouter et renvoyer à intenter chacun une action individuelle à l'encontre des banques.

    137 Cf. revue burkinabé de droit, n° 12, décembre 1987, p. 501 à 518 ; note SAWADOGO (F-M.)

    138 Voir article 72 précité note 97.

    139Cf. MARTIN (L.M.) pense que ce terme action ut singuli n'est pas exact. Car, précise t-il, l'analyse procède d'une analogie avec l'action sociale qui peut et la loi le prévoit être exercée par un ou plusieurs associés agissant individuellement ou groupés pour le compte de la société.

    créanciers peuvent-ils agir en justice en d'inaction du syndic pour la réparation d'un préjudice collectif ?

    La doctrine reste encore partagée sur ce point. Cependant, la Chambre commerciale de la Cour de cassation française, en 1997140, a-t-elle tranché en faveur de ceux qui condamnaient l'action ut singuli. Elle a ainsi considéré qu'un associé ou un créancier n'est pas recevable à agir au nom et dans l'intérêt social. En cas d'inaction du représentant des créanciers, la seule possibilité dont dispose les créanciers est la mise en oeuvre de la responsabilité de celui-ci.

    Ceci étant, il faut souligner que, quand bien même l'action aurait été possible, sa pertinence reste limitée, puisque le sort des dommages et intérêts reste sujet à caution. Où devront-ils être affectés? Seront-ils comme dans le cas de l'action sociale versés à la société et non à l'associé en cas de l'exercice de l'action ut singuli141 ? Ou alors seront-ils alloués au créancier qui a intenté l'action ?

    Comme dans le cas de l'action sociale, si le syndic représentant et défendant l'intérêt des créanciers manque à sa mission, il serait judicieux qu'avant que sa responsabilité personnelle ne soit mise en cause, que le ou les créanciers puissent avoir la possibilité d'exercer en justice l'action qui était dévolue au syndic défaillant et obtenir la réparation du préjudice qu'a subi la masse. Les sommes allouées devraient logiquement entrer dans le patrimoine de la société142. Ainsi donc, l'action ut singuli devrait être admise mais seulement à titre subsidiaire143, en cas d'inaction du syndic.

    Ainsi, l'article 72 alinéa 1 ne peut faire obstacle à l'exercice par le créancier d'une action contre les actes frauduleux du banquier indélicat. Cette règle devrait trouver application chaque fois que le syndic néglige d'agir au nom de l'intérêt des créanciers qu'il représente.

    L'article 167 l'AUDSC.GIE prévoit aussi ce cas de figure quand il dispose que : « un ou plusieurs associés peuvent intenter l'action sociale après une mise en demeure des organes compétents non suivie d'effet dans le délai de trente jours. Les demandeurs sont habilités à poursuivre la réparation du préjudice subi par la société. En cas de condamnation, les dommages et intérêts sont alloués à la société ».

    140 Cass. Com. 3 juin 1997, D, 1997, jur. p. 517, note DERRIDA (F.).

    141 Selon l'article 167 précité, les dommages intérêts alloués lors de l'exercice de l'action ut singuli sont versés à la société. Cette action permet la réparation du préjudice collectif suite à l'action d'un ou de plusieurs créanciers

    142 Pour MARTIN (L-M.), les dommages intérêts obtenus sont versés non à la société comme dans celle de l'action sociale mais au créancier qui a intenté l'action pour la réparation de son préjudice personnel, ouvrage précité, p. 406.

    143 Cass. Com. 25 juin 1981, d. 1981 p.643 1ere espèce, note DERRIDA (F.) et SORTAIS (J-P.) ; D. 1982, I, 196, obs. VASSEUR (M.).

    Les créanciers de l'entreprise défaillante, agissant seul ou sous le couvert du syndic sont ceux dont les intérêts sont les plus protégés. La jurisprudence est favorable à leur action. Qu'en sera-t-il de la caution non-dirigeante?

    B- L'action de la caution non- dirigeante

    La jurisprudence144 évoquée précédemment et relative à l'accueil de l'action de la caution dirigeante, permet de retenir des solutions inverses en ce qui concerne les cautions profanes ou « externes » à l'entreprise qui sont les cautions non dirigeantes. Il s'agit notamment et le plus souvent du conjoint ou des parents du dirigeant. Elles doivent être extérieures à l'entreprise.

    Aussi, ces cautions pourront-elles bénéficier du courant jurisprudentiel favorable à leur action. En effet, le développement du devoir de conseil et le respect du principe de proportionnalité se justifient en face de personnes ne disposant pas d'informations suffisantes ou des compétences nécessaires pour les exploiter utilement. La responsabilité de la banque sera engagée si la banque n'a pas informé la caution de la situation obérée de l'entreprise ou de la disproportion du crédit souscrit. Il en sera de même en cas de disproportion de l'engagement de la caution eu égard à ses propres facultés de remboursement ou en cas de mise en oeuvre du cautionnement. Elles pourront agir contre le banquier manquant à son obligation de contracter de bonne foi, ceci donc, en référence au manquement à l'obligation générale de bonne foi contractuelle ou plus précisément au devoir du créancier de ne pas aggraver la situation de la caution.

    De manière générale, cette responsabilité naissant, entre parties au contrat de cautionnement, doit être plutôt rattachée à la responsabilité contractuelle.145 Certains arrêts visent généralement l'article 1147du Code Civil146. L'assimilation de la situation

    144 Cf. note 116.

    145 Mais le fondement de la responsabilité du banquier envers la caution peut aussi se trouver dans les articles 1382 et s. du code civil.

    146 Lamy, Droit du financement, 2001, n° 3317. Cet article dispose « le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au payement de dommages et intérêt, soit à raison de l'inexécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part ».

    de la caution à celle du tiers au contrat de crédit est toutefois limitée par le fondement contractuel en ce qui concerne la responsabilité du banquier.

    La personne qui intente l'action doit établir l'existence d'un préjudice et d'un lien de causalité. La jurisprudence accorde plus d'importance aux créanciers représentés par le syndic, ou encore la caution externe. L'emprunteur rencontre encore beaucoup de difficultés à voir condamner le banquier. Dans tous les cas, ceux-ci doivent établir l'existence d'un préjudice qui peut être collectif ou individuel, et bien entendu celle du lien de causalité. Ce n'est qu'après tout ceci que le juge peut prononcer les sanctions appropriées contre le banquier, qui peuvent être pour le moins redoutables.

    CHAPITRE 2 : LE REGIME DES SANCTIONS

    L'article 118 AUPCAP prévoit de sanctionner le créancier ou le banquier dispensateur de crédit, si son crédit a causé un préjudice à autrui. Cette article dispose que : « les tiers, créanciers ou non, qui, par leurs agissements fautifs ont contribué a retarder la cessation des paiements ou à dissimuler l'actif ou à aggraver le passif du débiteur peuvent être condamnés à réparer le préjudice subi par la masse sur l'action du syndic agissant dans l'intérêt collectif des créanciers.

    La juridiction compétence choisit, pour la réparation du préjudice, la solution la plus appropriée, soit le paiement des dommages-intérêts, soit la déchéance de leurs sûretés pour les créanciers titulaires de telles garanties ». Il ressort de cet article que la loi prévoit deux types de sanctions qu'il faudrait envisager : la condamnation au paiement des dommages intérêts (section1) et la déchéance des sûretés (section2) en cas de reconnaissance de la responsabilité du banquier en raison de ses concours fautifs.

    Section1 : La sanction patrimoniale : l'octroi des dommages
    intérêts

    La première sanction à laquelle le créancier est susceptible d'être condamné, réside dans le paiement des dommages intérêts. Il s'agit de la sanction de droit commun lorsque la responsabilité d'une personne est reconnue. L'article 1382 en pose le principe : « tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Puisque le préjudice subi du fait de l'octroi du crédit par la banque est le plus souvent un préjudice pécuniaire, l'octroi des dommages intérêts est dès lors necessaire. Deux points sont alors à envisager : le principe de la réparation par l'octroi des dommages intérêts (paragraphe 1), et la détermination du quantum de cette réparation (paragraphe 2).

    Paragraphe1 : Le principe de la réparation par l'octroi des
    dommages intérêts

    La réparation des préjudices du fait de l'octroi du concours du banquier est sans doute la plus ancienne des sanctions. Cette réparation posait et pose encore deux sortes de difficultés, que monsieur LIKILLIMBA, dans sa thèse a dégagées : la première, théorique, est relative à la détermination de la date à prendre en compte pour la fixation des dommages intérêts (A) ; la seconde, plus pratique, est relative à l'affectation du produit de l'action intentée contre le banquier (B)147.

    A- La date de fixation des dommages intérêts

    La date à prendre en compte pour la fixation des dommages et intérêts est sans doute celle à laquelle le passif du débiteur a commencé à s'aggraver. Les solutions du juge du fond étaient assez divergentes en la matière, prenant la date de report de la cessation de paiement, celle du jugement d'ouverture de la procédure collective ou encore la date à laquelle le banquier est supposé avoir pris connaissance de la situation financière réelle du débiteur148.

    Soulignons que la date cessation des paiements est soit la date d'ouverture de la procédure collective c'est-à-dire celle qui la constate, soit une date fixée par le juge Lorsque cette date est fixée par le juge on parle de date de report de la procédure collective. Cette ne peut être antérieure de plus de dix huit mois au prononcé de la décision d'ouverture. Cette date de report ne peut non plus être postérieure de plus de dix huit mois à al date d'ouverture de la procédure collective149.

    Toutefois, la doctrine fait remarquer, qu'en général, la jurisprudence se fixe sur une période allant « de la date à laquelle le banquier a effectivement pris connaissance de la véritable situation de son client à celle de l'ouverture de la procédure collective » ; de sorte que le « montant de la condamnation du banquier pourrait en

    147 Cf. LIKILLIMBA (G.A), Le soutien abusif d'une entreprise en difficulté, Préface de MESTRE (J.), Bibliothèque de Droit de l'entreprise, Litec, 2° éd. 2001, spéc. P. 412 et s, n°529 et s. cité par CAPOEN (A-L.), « la responsabilité bancaire à l'égard des entreprise en difficulté », thèse Toulouse I, 2008, p. 284.

    148 Ibid. p. 284.

    149 Article 34 de l'AUPCAP. Cet article permet de fixer la période suspecte

    principe être fixé à partir de la différence entre la valeur de l'actif réalisé et le montant du passif antérieur déclaré et admis 150».

    Qu'en sera-t-il du sort des dommages et intérêts ?

    B- L'affectation des dommages intérêts

    La question de l'affectation des dommages intérêts issus de l'action intentée contre le créancier dispensateur de crédit fautif, a connu une évolution en concordance avec celle de l'action en responsabilité elle-même et surtout le droit des procédures collectives.

    Faut-il le souligner, seules les sommes demandées en vertu d'un préjudice personnel et distinct du préjudice appartenaient à ceux qui en avaient fait la demande. Ainsi, les dommages intérêts issus de la réparation d'un préjudice individuel d'un créancier, fût-il de la masse, ne pose en pratique aucun problème. En effet, celui qui souffre d'un préjudice individuel et obtient gain de cause reçoit la totalité des sommes mises à la charge du fautif, ce qui est différent de l'action collective.

    Jadis, les dommages intérêts issus de l'action contre le banquier du fait du préjudice collectif subi par les créanciers, ou résultant de leur action ut singuli, intégraient le patrimoine de la masse des créanciers, et étaient ensuite répartis entre eux. Ces sommes devaient servir de dédommagement aux créanciers qui ont été trompés par l'apparence de solvabilité créée par l'octroi de crédit au débiteur, aggravant ainsi sa situation financière.

    L'AUPCAP a voulu prendre tout un autre visage et donner « la priorité à la reconstruction du patrimoine de l'entreprise débitrice »151, de sorte que les dommages intérêts issus de la condamnation du banquier doivent être versés dans le patrimoine du débiteur. Ces sommes peuvent être affectées à l'apurement du passif de l'entreprise en difficulté, ou en cas de continuation de l'activité de l'entreprise, elles le seront selon les modalités prévues par le plan de redressement. Le nouvel objectif recherché par le législateur OHADA est de reconstruire l'entreprise défaillante et désintéresser les créanciers.

    150 Ibid. p. 284.

    151 Cf. LIKILLIMBA (G.A), précité, P. 414 et s, n°532.

    Toutefois, cette affectation des dommages intérêts, censés réparer les dommages causés aux créanciers, pose quelques difficultés pratiques, notamment la répartition des sommes aux créanciers152. En effet, le principe de l'égalité suppose que les sommes, en cas de liquidation de l'entreprise, soient réparties au marc de franc entre tous les créanciers153. La Cour de cassation française a ainsi rappelé que « les créanciers doivent participer de manière égalitaire à la répartition des dommages et intérêts sans qu'aucun ne puisse invoquer la sûreté dont il pourra être titulaire. »

    Cette forme de répartition met à mal les créanciers titulaires de privilèges et qui voudraient bien les faire valoir. C'est sans doute pour cette raison que le législateur français contrairement à son homologue de l'OHADA a introduit une exception à cette pratique en introduisant un privilège en ce qui concerne les créanciers dont les créances sont nées régulièrement après le jugement d'ouverture, sauf au stade de la liquidation judiciaire, où les créances antérieures assorties de sûretés priment sur les créances postérieures.

    Après avoir examiné dans sa globalité le principe de la réparation des dommages et intérêts, l'autre pan du problème non moins négligeable est celui du quantum de la réparation.

    Paragraphe2 : Le quantum de la réparation

    La Cour de cassation dans un arrêt récent en date du 22 mars 2005154 a considéré que « l'établissement de crédit qui a fautivement retardé l'ouverture de la procédure collective de son client n'est tenu de réparer que l'aggravation de l'insuffisance d'actif qu'il a ainsi créée », de sorte que le montant des dommages intérêts ne peut être calculé que sur le montant de l'insuffisance d'actif constaté. « Il appartient au juge de le proportionner, de le limiter aux effets du crédit abusif. (...) L'établissement ne peut se voir imputer le passif né avant la date à laquelle il a

    152 Cf. LIKILLIMBA (G.A.), précité, P. 417et s, n°539.

    153 Cass. Com. 28 mars 1995, Bull. civ. IV, n°105, D. 1995, 410, note DERRIDA (F.), Rev. Droit bancaire 1995, 118, obs. CAMPANA et CALENDINI ; RTD Com. 1996, 127, obs. MARTIN-SERF (A.).

    154 Cass. Com 22 mars 2005, n°03-12.922, Crédit industrielle de l'ouest c/ Chataignère, bull. civ. IV, n°67, Gaz. Pal. Proc. Coll. 2005/2, 6-7 juillet, p.32, obs. ROUTIER (R.) ; D 2005, AJ p 1020, obs. LIENHARD (A) ; Bull. Joly Société 2005, p 1213, note, LUCAS (F-X.) ; Banque et droit juillet août 2005, p 71, obs. BONNEAU (T.) ; JCP G 2005, IV 2091 et JCP E 2005, 1976, p 1975, n°32, obs. DUMOULIN (L.) ; RTD Com 2005, p 578, obs. LEGEAIS (D.). Dr et Patrim. Décembre 2005, p97, obs. MATTOUT (J-P.) et PRÜM (A.).

    maintenu artificiellement l'activité de l'entreprise en poursuivant le financement155.» La Chambre commerciale l'a encore admis dans un arrêt du 16 octobre 2007156, en censurant les juges du fond : « il n'y a pas lieu de distinguer entre les créanciers qui ont contracté avec le débiteur antérieurement à la date de l'octroi des concours et ceux ayant contracté postérieurement a cette date. Même si l'apparence de solvabilité créée par le soutien abusif a amené ces derniers à prendre des engagements qu'ils n'auraient pas pris le risque d'accepter s'ils avaient connu la réalité de la situation, les établissements de crédit qui, par leur faute, ont retardé l'ouverture de la procédure collective, ne sont tenus de réparer que l'aggravation de l'insuffisance d'actif qu'ils ont ainsi contribué à créer »

    Cette solution s'accorde avec le principe selon lequel le fautif ne peut réparer plus que le dommage qu'il a causé. Bien souvent, le soutien abusif du banquier n'est pas l'unique cause des difficultés de l'entreprise, il ne saurait être condamné à réparer toutes les insuffisances d'actif du débiteur.

    Section2 : Les sanctions extrapatrimoniales : la déchéance des
    sûretés

    Les sanctions prescrites par l'article 118 de l'Acte Uniforme portant Organisation des Procédures Collectives et d'Apurement du Passif sont à juste titre impressionnantes. Il peut s'agir d'une condamnation au paiement des dommages intérêts, et d'une déchéance des sûretés. Cet article, bien qu'il donne la latitude au juge de choisir la sanction la plus appropriée, il peut aussi les cumulées. La mesure de ces sanctions doit attirer l'attention du pourvoyeur de fonds et l'amener davantage à plus de précaution.

    La déchéance d'un droit peut être définie comme le fait de ne plus pouvoir en obtenir la reconnaissance en justice. Ainsi, on est déchu d'un droit lorsqu'on ne peut plus jouir de ce droit. Elle peut être le fait du temps, c'est-à-dire la non mise en oeuvre d'un droit pendant une période précise. Elle peut aussi être le fait d'une faute commise

    155 Cf. LIENHARD (A.), Sauvegarde des entreprises en difficulté, 2°éd. Delmas 2007, p 470, n°2305.

    156 Cass. Com. 16 octobre 2007, n°06-15.386 (arrêt n°990, F-D), Gaz. Pal. 23-24 janvier 2008, p 59, obs. ROUTIER (R).

    postérieurement à la conclusion du contrat157 et c'est celle qui a été retenue par le législateur OHADA. Compte tenu de l'ampleur de cette sanction il est reconnu en la matière le principe « pas de déchéance sans texte. » Aucune déchéance ne peut être prononcée que si un texte le prévoit expressément.

    La déchéance est donc une sanction prévue par le droit civil, qu'a reprise l'Acte uniforme sur les procédures collectives, l'alinéa 2 de l'article 118 de cet acte uniforme prévoit que « la juridiction compétente choisit pour la réparation du préjudice [...] soit la déchéance des sûretés pour les créanciers titulaires de telles sûretés ». Ainsi, le créancier banquier qui, ayant, consenti du crédit à son débiteur en contre partie d'une sûreté ou d'une garantie158, n'est plus fondé à se prévaloir de celle-ci du fait que le crédit ait été fautif. Cette déchéance provient du fait que, le banquier n'a pas pris toutes les mesures nécessaires avant d'octroyer le crédit.

    La formulation du texte laisse croire qu'il s'agit d'une déchéance de plein droit qui, bien entendu, reste à la discrétion du juge. Il reste que le régime de cette sanction n'est pas prévu par la loi. Qu'adviendra-t-il si la sûreté a fait l'objet d'un commencement d'exécution ? Autrement dit cette déchéance a-t-elle des effets rétroactifs ?

    C'est sans doute pour éviter de telles interrogations que l'article L650-1 du code de commerce français parle plutôt de nullité. Ainsi, si même la sûreté a reçu un début de commencement d'exécution, la nullité, par son effet rétro actif remettra les parties en l'état, c'est-à-dire on considèrera qu'aucune sûreté n'a été conclue entre le banquier et débiteur.

    On aurait alors souhaité que l'acte uniforme fasse autant ou soit un peut plus explicite sur le régime de cette sanction somme toute importante.

    157 Ainsi lorsque dans un contrat de prêt prévoit un remboursement par fractionnement de la dette et qu'une clause édicte qu'en cas de non-paiement d'une seule échéance l'emprunteur sera déchu du terme après une mise en demeure restée sans effet, cela signifie que, du fait de sa négligence, le débiteur a perdu le droit de se libérer par acomptes aux échéances prévues par le contrat et que, donc, la totalité des sommes restant dues au jour de la défaillance devient immédiatement exigible et en sa totalité. Le contrat n'est pas le seul domaine de la déchéance ; le Code civil a prévu les cas de déchéance de la nationalité camerounaise ou encore de la déchéance de l'autorité parentale sur leurs enfants mineurs et bien d'autres cas de déchéance.

    158 Il peut s'agir du cautionnement, du gage ou encore de l'hypothèque.

    CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE

    Comme en droit commun, celui qui se plaint du mauvais concours du banquier doit pouvoir établir l'existence d'un préjudice et d'un lien de causalité. Il peut s'agir, d'un préjudice collectif inhérent à la masse dans les procédures collectives, ou d'un préjudice individuel qui est celui que se plaint un des créanciers mais extérieur aux procédures collectives. En jurisprudence, on assiste à une tendance visant à recevoir davantage l'action introduite par les tiers et beaucoup moins pour les personnes présentes à la convention de crédit, notamment l'emprunteur ou encore la caution interne. Cette tendance se justifie par le fait que l'emprunteur qui contracte connaît mieux que quiconque sa situation financière. Aussi est-il inadmissible qu'il vienne mettre en cause par la suite le banquier.

    Toujours est-il que lorsque la responsabilité du banquier est reconnue, celui-ci peut être condamné au paiement des dommages intérêts ou à la déchéance des sûretés qu'il a consenties envers le débiteur. La mesure de ses sanctions parle d'elle-même et s'inscrit dans la mouvance consistant à considérer le banquier comme toujours solvable. L'innovation de l'article 118 de l'Acte uniforme réside toutefois dans la latitude laissée au juge de prononcer la sanction la plus appropriée et c'est à lui que revient au final la charge de trouver la juste mesure entre le banquier et ceux qui se plaigne de ces mauvais concours.

    CONCLUSION GENERALE

    Au terme de notre étude, il convient de constater que le contexte de difficulté des entreprises est parfois propice à la commission d'actes répréhensibles par le banquier dispensateur de crédit.

    A l'analyse, cette responsabilité du banquier relève des règles classiques de droit commun, néanmoins elles conservent une certaine spécificité en raison du caractère professionnel de l'activité bancaire.

    En effet, la responsabilité professionnel est à la fois plus stricte et plus souple que la responsabilité civile de droit commun. Elle est plus stricte dans la mesure où, on exige du banquier une diligence beaucoup plus étendue que celle d'un bon père de famille. On estime que s'agissant d'un professionnel, celui-ci dispose de plusieurs moyens, tant matériels qu'intellectuels, qui lui permettent d'éviter un grand nombre d'erreurs. Elle plus souple que la responsabilité du droit commun dans la mesure où il faut prendre en considération certains impératifs techniques et certains rapports privilégiés entre le banquier et ses clients. Pour concilier ses deux situations contradictoires les juges étendent le contenu des obligations qui pèsent sur le banquier.

    Le banquier doit non seulement mettre à la charge du client les fonds promis, mais aussi s'assurer de la proportionnalité desdits fonds avec les ressources personnelles du client et lui donner au besoin les conseils nécessaires au bon déroulement des opérations. Il doit désormais, au regard de l'obligation de mise en garde attirer l'attention du client profane ou non averti sur les aspects négatifs de l'investissement projeté par le client. Il doit ensuite procéder à la surveillance des fonds sans toutefois s'ingérer dans les affaires de son client, au risque de se retrouver dirigeant de fait. Par ailleurs, il doit s'abstenir de fournir du crédit à une entreprise vouée à l'échec et dont la situation est irrémédiablement compromise.

    Inévitablement, la responsabilité d'un établissement de crédit rend compte du paradoxe que rencontrent les banquiers dans leur profession. Ils peuvent, en effet, se voir reprocher un soutien sans discernement au profit d'un client dont la santé financière justifie une rupture précoce, alors même qu'ils sont soumis à une obligation de non-ingérence dans les affaires de leurs clients.

    Malgré cette rigueur de la faute, on décèle des cas de limitation de la responsabilité du banquier. C'est notamment le cas lorsque le client est un emprunteur

    averti. En pareille situation, la responsabilité du banquier est exceptionnellement ouverte, précisément lorsque le professionnel rapporte la preuve que le banquier avait sur l'investissement des informations que lui-même ignorait. Aussi, la responsabilité du banquier ne peut être retenue s'il démontre que son concours financier accompagne une perspective sérieuse de redressement. Dès lors, l'opportunité économique du crédit octroyé devient peu-à-peu, mais inexorablement, le critère d'irresponsabilité du banquier, et son inopportunité, un critère de responsabilité159.

    D'un point de vue économique, cet état de chose peut justifier la frilosité des banques à traiter les difficultés des entreprises ayant recours au financement bancaire, surtout les jeunes entreprises. Ainsi, les petites entreprises, à la différence des grandes, se heurtent à un traitement financier plus défavorable de la part des banques. Pour PILLASKI160, celui-ci se traduit par « un coût de la dette plus élevé mais aussi par un risque de rationnement plus fort de la nouvelle entreprise ». Par ailleurs, les difficultés pour la banque d'identifier le risque ou la qualité de l'emprunteur sont plus importantes pour les jeunes entreprises, puisqu'elle dispose peu d'information sur les capacités managériales ou sur les opportunités d'investissements de celles-ci. On en déduit que le système actuel de responsabilité du banquier dispensateur de crédit n'est pas favorable au financement des entreprises. La France, consciente de cet enjeu a reprécisé les contours de la responsabilité du banquier dispensateur de crédit à travers la réforme intervenue le 18 décembre 2008161. La responsabilité de la banque y est désormais cantonnée à trois cas bien précis : l'immixtion, la fraude, et la garantie disproportionnée.

    159Cf. MESTRE (J.), PUTMAN (E.), VIDAL (D.), Grands arrêts du droit des affaires, D 1995, n6, p. 437.

    160 Cf. PILLASKI, « Le rationnement du crédit et PME : une tentative de mise en relation », Revue internationales P.M.E vol. N°3-4, pp. 67-68.

    161 L'Ordonnance française n° 2008-1345 du 18 décembre 2008 reformant le droit des entreprises en difficulté qui a procédé à un allègement de la responsabilité bancaire, a conduit certains auteurs à parler d'un « principe d'irresponsabilité du banquier ». La responsabilité bancaire est désormais cantonnée en France dans trois cas bien définis : à savoir les cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur et de la disproportion dans la garantie des concours. L'article L. 650-1 du Code de commerce précise que «Lorsqu'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contreparties de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci. Pour le cas où la responsabilité d'un créancier est reconnue, les garanties prises en contrepartie de ses concours peuvent être annulées ou réduites par le juge»

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    - LHOSPICE (A.) et MEISSONNIER (M.), « La responsabilité du banquier fondée sur l'octroi de crédit excessif » in Cahier de recherche ESC PAU n°3, décembre 2004.

    - MARTY (R.), « Recours cambiaire et responsabilité du banquier dispensateur de crédit », RFC, novembre 1997.

    - MILOGA (M.), « Responsabilité du banquier dispensateur de crédit », séminaire de l'AJBEF organisé à Douala du 5 au 09 novembre 2001.

    - NETTER (E.) et de RAVEL d'ESCLAPON (T.), « Responsabilité du banquier dispensateur de crédit », Séminaire de droit bancaire, Université Robert Schuman, 2005/2006.

    - NGUIHE KANTE (P.), « réflexions sur la notion d'entreprises en difficulté dans
    l'acte uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du

    passif » in Annales de la faculté des sciences juridique et politique de l'Uds, 2001, P.87-103

    - NYAMA (J-M.), « Réflexions sur la responsabilité du banquier », Juridis info n° 9, janvier-février-mars 1992.

    - TIANI (P.), « Les entreprises face aux banques dans le contexte actuel au Cameroun », in Juridis-infos, n°6, avril-mai-juin 1991, p. 71-74

    IV- Codes, lois, recueils et dictionnaires

    - recueils Dalloz 2008 et 2009

    - L'Acte uniforme OHADA relatif au droit des procédures collectives et d'apurement du passif.

    - Loi camerounaise n° 85/ 002 du 31 août 1985 relative à l'exercice de l'activité des établissements de crédit.

    - La loi camerounaise n°90/ 019 du 19 août 1990 portant définition des établissements de crédit

    - La loi 2003/008 du 10 juillet 2003 portant répression des infractions contenues dans certaines Actes uniformes OHADA

    - Loi française n°2005/845 du 26 juillet 2005 sur la sauvegarde des entreprises.

    - OHADA, traité et actes uniformes commentés et annotés, 3ème Edition juriscope 2008 - Juris classeurs périodiques

    V- sites utiles

    - www.juriscope.org

    - www.ajbef.info

    - www.monjuriste.com - www.OHADA.com

    - www.playmondroit.free

    TABLE DES MATIERES

    DEDICACE ii

    REMERCIEMENTS iii

    PRINCIPALES ABREVIATIONS iv

    Sommaire v

    INTRODUCTION GENERALE 1

    PREMIERE PARTIE : UN FONDEMENT DEROGATOIRE AU DROIT COMMUN
    DE LA RESPONSABILITE CIVILE 9
    CHAPITRE 1 : LES OBLIGATIONS DU BANQUIER A L'EGARD DU CLIENT . 11

    Section1. L'appréciation de l'opportunité du crédit 11

    Paragraphe1 : Le principe de l'opportunité du crédit 11

    A- Le Contenu du principe de l'opportunité du crédit 11

    B- Le fondement juridique 13

    1- L'apparition d'un devoir de conseil dans l'octroi du crédit 13

    2- Un fondement critiqué 16

    Paragraphe 2 : La prise en compte de la personnalité du débiteur 17

    A- Les notions d'emprunteurs avertis et d'emprunteurs profanes 18

    B- Incidences de la personnalité de l'emprunteur sur les obligations du banquier 20

    1- Les obligations allégées du banquier face à l'emprunteur averti 20

    2- Les obligations renforcées du banquier face à l'emprunteur profane 21

    Section 2 : La surveillance des fonds prêtés 22

    Paragraphe 1 : Le principe de non ingérence 23

    A- Le contenu du principe 23

    B- L'exception au principe : l'obligation de surveillance des fonds prêtés 24

    Paragraphe 2 : Le banquier, dirigeant de fait de l'entreprise cliente 25

    CHAPITRE 2 : LES OBLIGATIONS DU BANQUIER A L'EGARD DES TIERS 28

    Section 1 : Les conditions objectives du soutien abusif 29

    Paragraphe 1 : La situation irrémédiablement compromise de l'entreprise 29

    A- Situation irrémédiablement compromise et notions voisines 29

    1- Situation irrémédiablement compromise et difficultés passagères 29

    2- Situation irrémédiablement compromise et cessation des paiements 30

    B- Appréciation de la notion de situation irrémédiablement compromise 31

    Paragraphe 2 : Le financement des déficits de l'entreprise 32

    Section 2 : Les conditions subjectives du soutien abusif: La connaissance de la

    situation de l'entreprise 34

    CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE 36

    DEUXIEME PARTIE : UNE RESPONSABILITE DU BANQUIER EMPRUNTANT
    AU DROIT COMMUN DE LA RESPONSABILITE CIVILE AU NIVEAU DE LA

    SANCTION 37

    CHAPITRE 1 : LA MISE EN OEUVRE DE LA SANCTION 38

    Section 1 : Le préjudice et le lien de causalité 38

    Paragraphe1 : Le préjudice 38

    A- Le contenu du préjudice 39

    B- L'étendue du préjudice 41

    1-Le préjudice collectif 41

    2-Le préjudice individuel 42

    Paragraphe 2 : Le lien de causalité 43

    Section 2 : Les demandeurs à l'action 45

    Paragraphe1 : L'action en justice des parties à la convention d'ouverture de crédit 45

    A- L'emprunteur 45

    B- La caution dirigeante 47

    Paragraphe2 : L'action en justice des parties extérieures à la convention de crédit 49

    A- L'action des créanciers de l'entreprise 49

    1- L'action du syndic 49

    2- L'exercice de l'action ut singuli de l'action collective en cas d'inaction du syndic 50

    B- L'action de la caution non- dirigeante 52

    CHAPITRE 2 : LE REGIME DES SANCTIONS 54

    Section1 : La sanction patrimoniale : l'octroi des dommages intérêts 54

    Paragraphe1 : Le principe de la réparation par l'octroi des dommages intérêts 55

    A- La date de fixation des dommages intérêts 55

    B- L'affectation des dommages intérêts 56

    Paragraphe2 : Le quantum de la réparation 57

    Section2 : Les sanctions extrapatrimoniales : la déchéance des sûretés 58

    CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE 60

    CONCLUSION GENERALE 61

    BIBLIOGRAPHIE 64

    TABLE DES MATIERES 67






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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984