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Décentralisation et gestion durable des ressources forestières au Cameroun

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par Fernande Abanda Ngono
Université de Yaoundé2-Soa/Cameroun - Diplome d'études approfondies 2009
  

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Deuxième partie : UN ENCADREMENT JURIDIQUE PERFECTIBLE

Pour JEAN LOUIS BERGEL166(*), « la transcendance et la généralité de la loi supposent qu'il n'y ait que de bonnes lois dénuées de toute obscurité ou ambigüité. Autrement dit, que les lois ne posent que des règles justes, appropriées à toutes les situations considérées et efficaces et les expriment de manière claire, précise et cohérente. Si la solution inadéquate d'un litige par le juge, pour regrettable qu'elle soit n'affecte guerre qu'un cas particulier, celle que prescrit la loi compromet tout l'ordre social(...) les maladresses, les ambiguïtés ou les confusions des normes législatives ou réglementaires suscitent l'insécurité le désordre, voire l'injustice ». Cette assertion nous amène à interroger le cadre juridique de la décentralisation de la gestion des forêts camerounaise ; en effet, à l'heure où le code forestier fête ses 15ans et avec l'actualité de la matérialité de la décentralisation comme processus politique, l'encadrement juridique de la décentralisation des forêts est il efficace ? Depuis une quinzaine d'années le transfert de compétence a-t-il produit la durabilité écologique et économique escomptées ? Le questionnement vaut son pesant d'or. Il est évident que les incomplétudes sont légions dans l'ordonnancement juridique camerounais. La loi est très souvent incomplète au préjudice de sa vocation à être permanente. Accouplé au contexte socio politique, ses obstacles restent pendants. Le contexte institutionnel et normatif en matière de gestion décentralisée des forêts n'est pas particulièrement favorable à la gestion durable (chapitre) ; de nombreuses insuffisances devront en outre être surmontées en connaissance desquelles peuvent être estimées des perspectives d'évolution favorable à son efficacité (chapitre II), tout ceci permettra de donner à la décentralisation ses lettres de noblesses.

CHAPITRE I : LES INCOMPLETUDES DE LA DECENTRALISATION COMME MODE DE GESTION DURABLE DES FORETS AU CAMEROUN.

L'analyse évaluative du modèle de décentralisation de la gestion des forêts élaborée et mis en oeuvre au Cameroun, montre qu'il est loin d'atteindre les résultats escomptés. CHARLES NACH MBACH relève a cet effet qu' « une lecture attentive des principaux textes de la réforme laisse apparaitre que, non seulement la démocratie locale reste à construire, mais aussi, le développement à la base semble se confondre à une gestion de la pauvreté dans un contexte où l'Etat tente de réinvestir les circuits de la décentralisation pour en capter les retombées tant en terme politique que de rentes venues de l'extérieur167(*) » ; c'est dire que dans les formulations, les textes transférant les pouvoirs du central au local semblent corrompus à la source par le contexte de leur avènement. Le cadre juridique de la décentralisation de la gestion des forêts n'échappe pas à ce constat ; l'ordonnancement juridique est jonché d'incomplétudes dans la construction de la décentralisation forestière (section I) et de contraintes socio politiques (section2) qui spolient la vocation économique et écologique de la décentralisation.

Section I : LES INCOMPLETUDES NORMATIVES.

Il est une évidence qu'il existe un droit forestier au Cameroun, mais il n'est pas certain que l'environnement s'en porte mieux. Pour SERGE GUTWIRTH168(*), la faiblesse du droit de l'environnement s'explique de deux manières : d'une part elle peut être imputée aux manquements, incohérence, et du haut degré de complexité du droit positif de l'environnement qui, perd en outre encore de la force par manque de concordance entre les différents niveaux du pouvoir réglementaire. Par des réglementations qui sont rapidement dépassées par des normes offrant des échappatoires. D'autres part, il y'a la donnée sociologique que le droit de l'Environnement n'a pas toujours sérieusement été observé, appliqué ou maintenue. Une bonne partie des législations sur l'environnement apparait en pratique, totalement ou partiellement lettre morte, par manque de volonté et de moyens. Ce constat se vérifie dans la configuration actuelle de la décentralisation des forêts au Cameroun ; le manque de coordination dans l'ordonnancement juridique (paragraphe I) et la légèreté de l'objectif écologique assigné à la décentralisation (paragraphe II) sont des insuffisances considérables de la construction du processus dans le domaine de la gestion des forêts.

PARAGRAPHE I : LA MATERIALISATION NORMATIVE DES INCOMPLETUDES.

«  La définition des règles en droit forestier qui vont protéger les forêts d'un pays demande un examen si méticuleux du fait local qu'il serait présomptueux d'en rendre compte partiellement ». Ces propos de MICHEL LAGARDE169(*) sont suffisamment clairs sur la nécessité d'une loi forestière harmonieuse, prenant en compte tous les éléments sociaux. Cet énoncé ne s'apprécie pas uniquement en ce qui concerne l'encadrement juridique du transfert de compétences aux entités autres que l'Etat. Il s'agit d'une donnée fondamentale du droit, dont les lacunes sont préjudiciables à la matérialisation de l'objectif escompté. Par contre, l'ordonnancement juridique de la gestion décentralisée des forêts camerounaise se caractérise par le manque de coordination substantielle entre les différentes règles. Plus précisément, il se caractérise par « des situations nouvelles qui lui échappent, et des situations qu'elle a prévues qui disparaissent au point qu'elle risque de devenir une outre vide170(*) ». cette situation concerne tant la loi de 1994 et ses décrets d'application, que la légèreté des lois de Décentralisation ( B ) de 2004 sur la question.

A) Le manque de coordination dans l'évolution juridique.

Le contexte de l'avènement de la loi de 1994 peut expliquer ses incohérences avec les décrets d'applications. Les élans de la démocratisation conjugués à la pression internationale de la convention de RIO de 1992, ont d'une certaine manière imposés la systématisation dans l'ordre interne des recommandations issues de la vision internationale ; tensions qui se sont appesanties par la suite, d'où le laxisme juridique. Ce constat ne réduit pas l'objectif économique et écologique du processus de décentralisation de la gestion des forêts, il s'agit juste d'en relever les zones d'ombres.

De façon chronologique et pour respecter l'évolution de la décentralisation forestière dans la vision législative et politique, il importe de partir du point d'ancrage. La forêt étant une composante de l'environnement, élément d'un ensemble qui forme le tout de la biosphère, l'interférence entre ces composantes ne peut donc n'être qu'écologique, elle est également juridique. Deux logiques contradictoires s'affrontent en permanence dans la définition de l'environnement et de son droit au Cameroun : celle qui considère l'environnement comme « une partie intégrante du patrimoine universel », et celle de l'exploitation des richesses naturelles à fin d'assurer le bien être de tous en relevant le niveau de vie des populations ». Une controverse juridique que l'on retrouve pendante dans la gestion des forêts camerounaises. Le jeu de mot prête à confusion ; la consécration du droit souverain sur la forêt et sa patrimonialisation humanitaire reste en déphasage. De plus, la nation camerounaise ne fait elle pas partie de l'humanité ? La question mérite d'être développer ; une telle redondance peut produire des effets pervers, le Professeur MAURICE KAMTO relève d'ailleurs « l'inadéquation de la notion de patrimoine commun appliquée aux forêts171(*) ». Si la forêt représente une partie intégrante du patrimoine commun de l'humanité, c'est dire que les collectivités territoriales décentralisées sont responsables autant que l'Etat pour ineffectivité de l'application des règles internationales. En outre, si la forêt camerounaise appartient à l'humanité, le droit camerounais n'aurait plus vocation à s'appliquer ; la gestion d'un «  bien international » se référant à une règle internationale, comme c'est le cas des fonds marins. La question reste intéressante, et fondamentale dans la décentralisation de la gestion des forêts.

Pour revenir aux zones d'ombres proprement dites, il faudrait dire que les incohérences frappantes se situent dans la désignation de l'autorité de tutelle. A cet effet, l'article 37 alinéa 1 de la loi exige que le service des forêts représente l'Etat dans les questions se rapportant à l'attribution des forêts communautaires, pourtant l'article 27 alinéa 3 du décret fixant les modalités d'application des régimes des forêts confit cette responsabilité soit aux préfets, soit aux gouverneurs, soit au ministère en charge des questions forestières. De même d'après l'article 31 alinéa 1, « les services locaux de l'administration en charge des forêts peuvent suspendre à tout moment l'exécution de toute activités dans la forêt concernée en cas de non respect par la communauté des prescriptions du plan simple de gestion », ce qui revient à dire que le représentant local du MINFOF pourrait suspendre un accord de gestion signé par un préfet ou un gouverneur ; pourtant suivant les règles de la hiérarchie en vigueur, ces autorités administratives sont les « représentants du chef de l'Etat » dans leurs espaces géographique, donc les services de l'administration en charge des forêts leurs sont subordonnés. Comment donc concevoir que le représentant local de cette dernière puisse suspendre une décision du préfet ou du gouverneur territorialement compétent.

Autant d'incomplétudes qui vicient le processus de décentralisation de la gestion des forêts au Cameroun ; cette situation devient encore plus pernicieuse avec la légèreté des lois de Décentralisation, censées concrétiser le procédé amorcé depuis 1994.

B) La légèreté des lois de Décentralisation vis-à-vis de la gestion communale des forêts

Au regard de l'évolution de la décentralisation de la gestion des ressources naturelles, on peut dire que le processus a été sectoriel avant d'être généralisé. Autrement dit, le législateur a amorcé la particularité avant le général. Pourtant, la décentralisation est un processus linéaire, décroissant, qui va du haut pour innerver le particulier. Et c'est là où résident les fondements du désordre juridique dans le domaine de la décentralisation de la gestion des forêts.

La substance des lois de 2004 témoigne du fait qu'elles se sont construites au détriment de la configuration de 1994 et de ses décrets d'application. En effet, bien que le transfert de la gestion de l'environnement et des ressources naturelles par les collectivités territoriales décentralisées y soient confirmées,  les pouvoirs octroyés restent parcellaires, et voir même restrictifs. Déjà, le législateur de 2004 n'a pas prit en compte le caractère englobant de la protection de l'environnement, l'énumération limitative des ressources naturelles décentralisées en témoigne largement. On pourrait ainsi se demander si les bois communaux mentionnés à l'article 16172(*) sont des forêts communales qui peuvent se prêter à une exploitation, ou tout simplement des espaces verts récréatifs ? De plus, pourquoi mentionner précisément le terme forêt dans les compétences de gestion des ressources octroyées aux régions173(*). L'énonciation claire du mot prête à confusion à coté de ses synonymes restrictifs octroyés à la commune.

Les incomplétudes se poursuivent, avec l'avènement de la région, la loi de 1994 ne consacrant qu'une seule catégorie de collectivités territoriales décentralisées devrait certainement être revisitée pour incorporer les forêts régionales, au préjudice de certains conflits qui devraient survenir. La confusion des pouvoirs s'est d'ailleurs accentuée avec le décret du 02 novembre 2008 portant attribution des chefs de circonscriptions administrative et portant organisation et fonctionnement de leurs services. En érigeant la région en circonscription administrative ayant a sa tête le gouverneur il réveille la question de la tutelle autoritaire de l'Etat.

Le manque de coordination de l'encadrement juridique de la décentralisation de la gestion des forêts au Cameroun se présente cependant comme une lacune normative mesurable ; ce qui n'est pas le cas de la logique même du procédé, qui préconise la rentabilité économique, au détriment des considérations écologiques piliers de toute gestion qui se veut durable.

* 166 BERGEL Jean Louis, op.cit. p 261

* 167 NACH MBACK ( C ), op.cit. P 148

* 168 GUTWIRTH (S), «  Trente ans de théorie du droit de l'environnement : concepts et opinions » in Milieu & recht, revue hollandaise de droit de l'environnement. Vol 28, 2001/2. P 45

* 169 LAGARDE( M), «  Du rôle du droit national dans la protection des forêts » (sous la direct de) DOUMBE BILLE op.cit ; P 76

* 170 BERGEL ( J-L) , op.cit p 270

* 171 M. KAMTO «  Les forêts, patrimoine commun de l'humanité » et droit international », in sous la direction de DOUMBE B op.cit. P 82

* 172 Article 16 de la loi n°2004/018 du 22 juillet 2004 fixant les règles applicables aux communes

* 173 Article 19 de la loi du 22 juillet 2004 fixant les règles applicables aux régions.

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein