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Ethique et démocratie: les cas américain et français

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par Pathé DIOP
Faculté de Lille 2  - DEA de science politique 2003
  

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2.2 La politique de l' « affirmative action »

L'autonomisation des communautés de valeurs permet à celles-ci de revendiquer leurs différences et de surcroît, se positionner comme actrices dynamiques de la vie politique. Cette action politique fait suite d'une reconnaissance à la fois sociale et politique faisant que ces communautés de valeurs puissent réclamer certains droits que l'Etat, d'une raison ou d'une autre, ne leur a pas encore octroyés.

Les communautés de valeurs n'acquièrent pas la

reconnaissance sociale et la reconnaissance politique en même temps, cette dernière tient sa condition de possibilité de la première. L'exemple des communautés dites Latino illustre bien cet état de fait. Il faut savoir que la prise de parole politique des Latino aux Etats-Unis est largement déterminée, moins par leur poids électoral (ils représentent plus de 12% de la population américaine totale selon le recensement

109 Charles Taylor, Multiculturalisme, différence et démocratie, Aubier, 1994, p. 19

effectué en 2000110), que par leur constitution en entités sociales autonomes. A en croire Emmanuelle Texier, selon le recensement de 2000, les Latino demeurent la première minorité aux Etats-Unis et « partageraient un héritage culturel commun : la langue espagnole, la religion catholique, l'expérience coloniale.111 »

Leur visibilité politique reste tributaire de leur constitution en ethnie autonome partageant des valeurs communes, mais c'est grâce à un coup de pousse donné par les médias télévisés bilingues, la presse écrite Latina et les groupes d'experts tels que « Cuban American National Foundation, le Puerto Rican National Legal and Education Fund et le Mexican American Legal Defense and Education Fund (MALDEF) (...) qui visent à développer la protection des droits civils des Cubains, Portoricains et Mexicains à travers l'éducation, la recherche et le lobbying en matière de politiques publiques112 » que les Latino acquièrent « une influence sur les décisions publiques113 ».

La reconnaissance politique de la communauté Latino par les pouvoirs publics américains, doublée d'une conscience, non pas de classe comme chez Marx, mais communautaire des individus directement concernés modifient les rapports entre communautés et les politiques. Le pouvoir politique ou l'Etat, pour parler plus précisément, cesse d'être l'instance suprême de construction du droit, celui-ci « résulte de

110 Cette statistique est fournie par Emmanuelle Le Texier dans « Latino power ? L'accès au politique des Latino aux Etats-Unis » in Les Etudes du CERI, n° 94 - mai 2003, p. 3

111 Ibid, p. 6

112 Ibid, p. 17

113 Ibid,

l'autorégulation de la société américaine et s'applique de la même façon aux individus ou groupes et à l'Etat114 ».

La fragmentation de la société modifie du même coup la volonté générale américaine en la rendant plus tangible, car, étant donné que celle-ci était identifiée au droit, comme l'affirme Laurent Cohen-Tanugi, elle ne peut désormais ne plus tenir en compte l'aspiration des communautés dans la confection des droits. Le mouvement des Noirs américains et le passage du Civil Rights Acts en 1964 ont beaucoup s'ils n'ont pas précipité ce moment en ont joué, par contre, une part considérable en ouvrant largement le champ juridique.

Désormais, les droits sociaux intègrent le champ

juridique, lequel a été longtemps borné aux droits dits politiques. Puisque le statut social est trop déterminant aux Etats-Unis en ce qu'il participe à la promotion sociale et politique des individus, « il est devenu (...), comme dit Judith Shklar, un droit social.115 » Ce qui fait que les pouvoirs politiques seront obligés de promouvoir une catégorie juridique afin de permettre les minorités « autrefois » victimes de la politique du melting-pot de pallier leur statut social. Les politiques inventent alors le concept de « discrimination positive » pour permettre les minorités d'acquérir une visibilité autant sociale que politique.

La discrimination positive ou affirmative action qui signifie en français le traitement préférentiel est une façon de sélectionner, entre autres critères, le critère ethnique afin d'ouvrir et de diversifier les promotions des individus. C'est surtout dans le milieu universitaire que l'application de cette politique est plus visible, elle permet aux

114 Laurent Cohen-Tanugi, Le droit sans l'Etat, 1re édition Quadrige, 1992, p. viii

universités de considérer, et non pas de privilégier, une

race (elle signifie aussi ethnie chez les Américains) et de ne pas la soumettre aux mêmes critères de sélection à un examen ou concours par exemple. Ce qui rend alors fort peu primordial le critère fondé sur le mérite. Les critères qualitatifs de créativité artistique, de capacités sportives rencontrent, en effet, en considération dans les sélections de candidats dans les grandes universités américaines. Ces mesures de discriminations, il faut le dire, demeure une façon de rendre compte de la diversité de la société américaine.

La décision Bakke de 1978 a fait jurisprudence sur cette affaire de l'affirmative action dans les universités

américaines, mais la première définition du concept d'affirmative action fut donné pour la première fois par le président Johnson dans un décret signé en 1965 : « Il fallait, précisa-t-il, ?prendre des mesures concrètes? pour mettre fin aux discriminations fondées sur la race, la religion, le sexe ou l'origine nationale116. »

Disons que la politique de l'affirmative action répond aux exigences démocratiques d'égalité, laquelle se comprend, dans les sociétés caractérisées par une diversité communautaire comme les Etats-Unis, par le nouveau concept ou terme de justice sociale. Cette politique est « instituée, comme dit Lacorne, comme un remède provisoire contre les discriminations passées [ mais elle] est devenue un moyen commode de répondre au plus grand drame de la société américaine : l'échec de l'intégration des Noirs dans une société réputée démocratique et égalitaire, et qui n'a cessé, au moins jusqu'à la Seconde

115 Judith Shklar, op., cit. p. 8

116 Denis Lacorne, La crise de l'identité américaine, p. 302

Guerre mondiale, de traiter ses anciens esclaves comme les membres d'une caste inférieure.117 »

En cela, l'affirmative action qui est, nous semble-t-il, le revers de la politique du salad-bowl traduit une nouvelle conception de la démocratie libérale fondée non sur des individus abstraits, mais sur des communautés ou traditions. Le sujet juridique ou politique coïncide ainsi avec le sujet social, autrement dit, il devient situé, comme dit Michael Sandel. Les pouvoirs politiques tiennent cependant compte de leur « situation » dans l'institution de certains droits. Dans le champ de l'éducation par exemple, des programmes liés à leur condition ou identité sont institués afin de leur permettre mettre en évidence aussi bien leur appartenance identitaire ( ce qu'ils sont) que leurs revendications politiques. Leur histoire, l'esclavage chez les Noirs, la colonisation chez les Latino, par exemple, et la littérature, noire par exemple, demeurent au nombre des disciplines qui étoffent le programme de certaines universités. Ce qui est une façon de combattre l'uniculturalisme euro-américain qui, sinon refouler, du moins tronquer, la question de l'esclavage et imposait aux minorités les grandes figures de la littérature européenne auxquelles elles ne se reconnaissent pas.

Toutefois, il faut dire que l'autonomisation des

communautés éthiques n'est pas une condition suffisante pour contraindre les pouvoirs publics ou l'Etat à se plier implacablement à leurs revendications, la Constitution qui est depuis toujours la morale politique suprême est souvent visitée pour voir la compatibilité de ses principes politiques et des revendications sociales.

117 Ibid, p. 299

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway