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Ethique et démocratie: les cas américain et français

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par Pathé DIOP
Faculté de Lille 2  - DEA de science politique 2003
  

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3. De la construction de la démocratie française

Aussi bien la démocratie américaine, la démocratie française s'est construite, elle aussi, sur fond d'un processus historique et intellectuel qui la singularise. Elle est issue d'une Révolution, celle de 1789, dont le but immédiat n'était sans aucun pareil avec celui de la Révolution américaine : tandis que celle-ci fut, comme nous l'avons montré plus haut, un combat pour la liberté, celle-là fut, par contre, une lutte pour l'égalité.

61 2 Judith Skhlar, La citoyenneté américaine, Paris, Calmann-Lévy, 1991, p.

15

La société française d'Ancien Régime était fondée sur une hiérarchisation sociale qui générait des inégalités légitimées, politiquement, par le pouvoir absolu du roi. La Révolution de 1789 qui s'était nourrie des idées des Lumières s'engagea à se défaire du pouvoir royal, d'une part et à contester les fondements de l'inégalité qui s'étaient établis parmi les hommes, d'autre part.

Cette lutte pour l'égalité, en sapant en profondeur les rapports d'inégalité qui s'étaient institués dans la société, inaugure autant une nouvelle conception de l'homme et de l'être-ensemble qu'une nouvelle conception de la politique. La forme républicaine de gouvernement se substitue ainsi à la monarchie absolue du droit divin en instituant des valeurs politiques et anthropiques qui rompent radicalement avec celles qui étaient à l'oeuvre dans l'Ancien Régime.

3.1 La Révolution de 1789 ou la lutte pour la l'égalité

La Révolution française de 1789 est « la date de naissance, l'année zéro du monde nouveau, fondé sur l'égalité.62 » Dès lors, elle se constitue pour la France comme le lieu, à la fois politique et social, qui sépare l'ordre politique et social de l'Ancien Régime de ceux de la France contemporaine. Le nouveau ordre socio-politique de la France inauguré par la Révolution ne nous sera intelligible si nous n'arrivons pas à dire ce qu'il a été un siècle auparavant, pour paraphraser Tocqueville.

62 François Furet, Penser la Révolution française, Paris, Gallimard, 1978, p. 14

L'ordre social et politique de la France d'Ancien Régime était fondé sur une hiérarchisation socio-politique qui servait aussi bien à la reproduction de la société qu'à sa stabilisation. Les différents ordres qui constituaient la société à savoir le clergé, la noblesse et le Tiers-état détenaient chacun une logique d'organisation et de structuration internes qui les spécifiaient, quoiqu'ils se subordonnassent tous au pouvoir absolu du roi. Celui-ci n'était tel que parce que la naturalisation de la stratification sociale sécrétait une hiérarchie inégale fondée sur le principe de l'inégalité des droits et des conditions et qui, en devenant de plus en plus prononcée, le renforçait inversement. La dégénérescence politique de la noblesse consolida sans doute l'absolutisme du pouvoir royal et l'avènement du Tiers-état.

Au XVII ième siècle, la cour de Versailles était le lieu où se déployait toute la vie politique française : l'aristocratie et la noblesse qui fréquentaient cette cour étaient investies chacune de privilèges qui définissaient et limitaient leurs pouvoirs. La noblesse en général et guerrière en particulier qui détenaient autrefois le pouvoir le plus important connut un déclin en cessant « de prendre part au détail du gouvernement.63 » C'est cette perte de prestige politique qui obligea la grande noblesse d'aller se retirer à Paris et à la cour « seuls lieux qui pussent encore servir de théâtre à leur grandeur.64» Ce retrait de la noblesse ne favorisait plus de contact entre elle et le peuple. Celui-ci nourrissait par conséquent des sentiments de haine et de frustration à l'encontre de celle-là en ce qu'il pensait que certaines mesures impopulaires telles l'augmentation de plus en plus croissante des impôts étaient sans doute son oeuvre. L'écart

63 Alexis de Tocqueville, L'Ancien Régime et la Révolution, Paris, Gallimard, 1952, p. 39

qui se creusa entre la noblesse et le peuple profita alors à l'ordre aristocratique lequel, ne se suffisant pas seulement d'une vie oisive et esseulée à la cour, infiltra la vie quotidienne des pauvres. Ce qui augmenta davantage son pouvoir et endigue la frustration populaire.

La catégorie d' « ami/ennemi » théorisée par Carl Schmitt structurait, nous le voyons, toute la vie politique de l'Ancien Régime. De concert avec l'action des légistes, lesquels pourvoyaient une légalité à la force royale, et de la centralisation de l'activité politique à Paris, elle amoindrissait la puissance de la noblesse et, relativement, celle de l'aristocratie au profit de celle du roi : celui-ci devint dés lors un concentrée de pouvoir dont la portée fut sans bornes.

La lutte pour l'égalité s'insère dans la logique de contestation du pouvoir royal et des inégalités que secrétait la structure hiérarchique du social. Cette lutte pour l'égalité trouva sa condition de possibilité avec la naissance du Tiers-état à l'intérieur duquel se trouvait une partie de la population, la classe moyenne d'abord, qui a acquis de la puissance par le médium de l'argent lequel devint un privilège pourvoyeur de marqueur social quasiment au même rang que le privilège que donnait la naissance dans l'ordre aristocratique. Le Tiers-état « se composait aussi d'éléments qui naturellement leur étaient étrangers. Le commerçant le plus riche, le banquier le plus opulent, l'industriel le plus habile, l'homme de lettres, le savant pouvaient faire partie du tiers aussi bien que le petit fermier, le boutiquier des villes, et le paysan qui cultivait le pays. En fait, tout homme qui n'était ni prêtre ni noble faisait partie du tiers

64 ibid.

état : il y avait dans le tiers des riches et des pauvres, des ignorants et des hommes éclairés.65 »

Le Tiers-état, comme il se laisse voir dans le passage cidessus, n'était pas un ordre au contenu homogène puisqu'il est composé des différentes ou diverses conditions propres à la société. De sa partie aristocratique constituée par les riches commerçants, il menaçait la noblesse, non pas par le seul fait que les commerçants détenaient des propriétés supérieures ou égales à celles de la noblesse, mais par le fait qu'ils n'inspiraient aucun sentiment de répugnance au peuple et que la confiance de celui-ci de même que son apport leur étaient favorables.

Mais « la littérature [qui] était ainsi devenue, comme dit Tocqueville, comme un terrain neutre sur lequel s'était réfugiée l'égalité66» rendra ténue l'hiatus inégalitaire que généré la hiérarchie sociale. Se côtoyaient sur ce lieu indifférent aux marqueurs sociaux aussi bien la noblesse que le Tiers-état. Les Cafés, les Salons et les Clubs qui tenaient lieux d'expression de l'activité littéraire se constituaient en tant qu'espaces publics autonomes où se débattaient, sans censure, tous les sujets67.

Les philosophes qui fréquentaient les Salons, Cafés et Clubs scandaient sur fond de philosophie le thème de l'égalité dans leurs débats. Pour eux, l'inégalité que générait la

65 Ibid, p. 44

66 Ibid, p. 48

67 La notion d'espace public est entendue au sens habermassien et est caractérisée par un ensemble de principes à savoir a)la parité de participation, b) l'ouverture des questions, c) la séparation de l'Etat et de la société. Nous ne nous préoccupons pas ici des critiques marxistes ou féministes telles que celles que Nancy Fraser a adressé à ces principes dans son article « Repenser la sphère publique : une contribution à la critique de la démocratie telle qu'elle existe réellement » in Habermas and the Public Sphere, sous la direction de Craig Calhoun, Cambridge, MIT

hiérarchie sociale n'était que pure fiction réifiée dont chacun des ordres tenaient comme allant de soi. Ces philosophes pensaient l'égalité dans son idée générale, c'està-dire au regard du concept d'Homme et non dans les catégories cloisonnées des ordres qui figuraient autant d'humanités qu'il y a eu d'ordres. Ils tenaient leurs arguments de la philosophie du droit naturel dont la liberté était la condition de possibilité même de l'égalité : « chaque homme, étant présumé avoir reçu de la nature les lumières nécessaires pour se conduire, apporte en naissant un droit égal et imprescriptible à vivre indépendant de ses semblables, en tout ce qui n'a rapport qu'à lui-même, et à régler comme il l'entend sa propre destinée.68 » Ici il y a une consubstantialité entre les notions de liberté et d'égalité dont fera écho le premier article de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 : « tous les hommes naissent libres et égaux... »

Les débats sur la liberté et sur l'égalité n'étaient au début que des discussions de salon qui préoccupées des personnes éclairées, mais infiltreront plus tard l'esprit du peuple. Celui-ci, en agissant de concert avec ces dernières, combattirent le pouvoir absolu du roi et l'inégalité de condition. Ce qu'ils souhaitaient instituer alors c'était une forme de gouvernement fondée sur les principes de liberté et d'égalité à savoir une République.

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