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La traduction des constructions interrogatives

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par El Mostafa FTOUH
Université Moulay Slimane - Master langues, informatique et traduction 2010
  

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Conclusion du chapitre

L'interrogation dans la langue française est de deux types : une interrogation directe et une interrogation indirecte. Lorsque l'interrogation admet une réponse positive ou négative, elle est dite totale, par contre, si elle porte sur un élément précis de l'énoncé interrogatif, elle est dite partielle. L'interrogation est modalisée par des verbes de modalité à savoir les verbes « pouvoir et vouloir » qui assignent à la phrase interrogative une valeur illocutoire de prescription par inférence. Les interrogations avec l'adverbe d'interrogation « comment » acquièrent différents interprétations, où la question peut porter alors sur la manière, la cause, la contestation, l'ironie ou l'explication.

II. L'INTERROGATION EN LANGUE ARABE Introduction

Chaque langue utilise des morphèmes et des structures interrogatives spécifiques, et l'interprétation de la question dépend du statut social et culturel des interlocuteurs. Ainsi, l'interrogation diffère quant à son interprétation et son but suivant la situation de communication. En effet, l'interrogation dans la langue arabe a des propriétés qui la différencient de celle de la langue française.

La langue arabe, comme la langue française, dispose de deux types d'interrogations : une interrogation directe et une autre indirecte. Cette dernière ne se termine pas par un point d'interrogation et présente des propriétés différentes de celles attestées dans la langue française. L'interrogation en arabe est totale ou partielle selon sa portée, et selon sa valeur, elle peut être comme c'est le cas pour la langue française de type : rhétorique, demande d'information, ordre déguisé, etc.

43

Les grammairiens traditionnels comme Zamakhchari et autres, ont classé les interrogations en une classe dite "2istifhâm ta?awwori" et une autre dite "2istifhâm ta?dîqî"29.

La modalité interrogative en arabe présente des particularités non seulement au niveau des procédés de l'interrogation, à savoir l'intonation, les morphèmes interrogatifs et la structure phrastique, mais aussi au niveau des buts et parfois même au niveau de la manière d'être. C'est-à-dire que le morphème interrogatif peut être utilisé pour différentes fins selon ses variantes : un seul élément interrogatif, affixé à de nouveaux morphèmes, peut changer de fonction ou de rôle sémantique, comme le cas du pronom interrogatif "mâdâ", qui avec l'adjonction des morphèmes prépositionnels "bi", "fi", "2ila" et " åalâ" devient successivement

"bimâdâ","fi mâdâ","2ilâ mâdâ" et "calâ mâdâ" avec des changement de la valeur sémantique de celui-ci..

II. 1 Les types d'interrogations en langue arabe

II. 1. 1 L'interrogation directe et indirecte

La langue arabe dispose de deux types d'interrogations : la première est directe et se termine par un point d'interrogation (cf. (1)), la seconde est dite indirecte et se termine par un point : c'est une interrogative dont le verbe introducteur est à sémantisme interrogatif (cf. (2)). L'interrogation en arabe se définit en général par deux structures : celle qui constitue la demande c'est-à-dire l'élément interrogatif qui apparaît à l'initial de la phrase "?arf 2istifhâm" ou " 2ism istifhâm"30, et celle qui constitue la

réponse.

1) 2alâ tarâ 2annahu garibun ?

29 Fassi Fihri, A., 1982, Linguistique arabe : forme et interprétation, Publication de la faculté des lettres et des sciences humaines de rabat, Thèses et mémoires N° 9.

30 Fassi Fihri, A., 1982, Linguistique arabe : forme et interprétation, Publication de la faculté des lettres et des sciences humaines de rabat, Thèses et mémoires N° 9.

44

-Ne vois-tu pas qu'il est étranger ?

2) ?atasâ?alu in kunta tarâ ?annahu garibun.

-Je me demande si tu vois qu'il est étranger.

L'interrogation (1) est une interrogation directe. Cependant, elle peut être enchâssée dans une autre phrase comportant le verbe "tasâ?ala"

pour devenir une interrogation indirecte (cf. (2)). Le verbe "tasâ?ala" peut

être préfixé par la marque morphologique portant les traits du genre et du nombre du sujet dans l'aspect inaccompli [?a :je], [ta :tu, vous], [ya :il,

elle, elles] et[na :nous]. Cette adjonction influe sur la désinence casuelle de ce verbe. Dans le cas du masculin singulier présent (anâ : je) et (anta: tu), le masculin et le féminin singuliers absents, (huwa :il, hiyya :elle), et dans la cas du masculin et féminin pluriels présents (na?nu :nous), la désinence est "u" le verbe devient dans le dernier cas par exemple "na-tasâal-u". Dans le cas du féminin singulier (anti :tu) la désinence est " ina " (ta- tasâ?al-îna), dans le cas du masculin pluriel présent (antum :vous) et

le masculin pluriel absents (hum :ils) la désinence est " ûna ", dans le pluriel féminin présent (?antunna :vous) et du féminin pluriel absent

(hunna :elles) la désinence est "na".

La particularité de la langue arabe réside dans la présence d'un pronom personnel masculin ou féminin, qui n'est ni singulier ni pluriel, il s'agit du "mutannâ" « duel » »?antumâ» et »humâ» où la désinence casuelle est "âni". Le tableau suivant illustre ses combinaisons de l'aspect inaccompli:

sujet

Marque

morphologique

verbe

Désinence casuelle

?ana :je

?a

tasâ?al

u

45

?anta :tu ?anti :tu

?antumâ :vous (2

personnes, masculin )

?antumâ :vous (2
personnes, féminin) ?antum :vous

?antunna :vous

na?nu :nous huwa :il

hiyya :elle

humâ : ils (2
personnes, masculin)

humâ : elles (2
personnes, féminin) hum :ils

hunna :elles

ta ta ta

ta

ta ta na ya ta ya ya

ya

ya ya

tasâ?al tasâ?al tasâ?al tasâ?al

tasâ?al tasâ?al tasâ?al tasâ?al tasâ?al tasâ?al / yasâ?al tasâ?al

tasâ?al tasâ?al

u ina

âni âni

ûna na u u u âni

âni âni

ûna na

Avec l'aspect accompli, seule la désinence casuelle change selon les pronoms personnels ; le tableau suivant es est l'illustration :

sujet

verbe

Marque morphologique du sujet + Désinence casuelle

tu ta ti tumâ

tumâ

tum tunna nâ a at

â

atâ

û na

?ana :je ?anta :tu ?anti :tu

antumâ :vous (2
personnes, masculin )

antumâ :vous (2
personnes, féminin) ?antum :vous ?antunna :vous na?no :nous

huwa :il hia :elle humâ : ils (2 personnes, masculin)

humâ : elles (2
personnes, féminin) hum :ils

hunna :elles

tasâ?al tasâ?al tasâ?al tasâ?al

tasâ?al

tasâ?al tasâ?al tasâ?al

tasâ?al tasâ?al tasâ?al

tasâ?al

tasâ?al tasâ?al

46

L'interrogation indirecte est introduite par un verbe comme (sa?ala ou tasâ?ala ((cf. 2) et (3)).

3) ?uridu ?an ?aårifa ?in kunta tarâ ?annahu garîbun.

-Je veux savoir si tu penses qu'il est étranger.

La transformation de l'interrogation directe en une interrogation indirecte a ses propres particularités. En outre, si l'enchâssement de la proposition principale dans la proposition subordonnée se fait en français

47

par le biais de la conjonction "si". Cette même transformation s'effectue en arabe au moyen des conjonctions suivantes : "2idã, mã-2idã, hal, 2inn " (cf. (5) et (6)).

4) 2atasã2alu 2ida kunta satusãfiru.

5) 2atasã2alu mã-2idã kunta satusãfiru.

6) 2atasã2alu hal satusãfiru.

-Je me demande si tu voyageras.

Le passage de l'interrogation directe à l'interrogation indirecte en arabe, ne diffère pas de celle de la langue française. Le transfert se fait avec la conservation de l'outil interrogatif de l'interrogation directe dans la plus part des cas (cf. (8)).

7) man úã2a ? -qui est venu ?

8) atasã2alu man úã2a .

-je me demande qui est venu.

II. 1. 2 L'interrogation totale et partielle

Selon la portée de l'interrogation, la question est liée à une

affirmation ou à une infirmation du contenu de l'énoncé. Dans ce cas, elle est dite interrogation totale, et elle est introduite par l'élément interrogatif dit "?arf 2istifham", à savoir ("hal" et "2a" :est-ce que) (cf. 10 et 11). Les deux éléments interrogatifs ont la même signification. La réponse attendue est oui ou non.

10)a) hal 2atã 2a?madu ?

-Est-ce que Ahmed est venu ?

11)a) 2a daxala 2a?madu ?
-Est-ce qu'Ahmed est entré ?

48

L'interrogation totale peut être indirecte et introduite par un verbe à sémantisme interrogatif comme "tasâ2ala" ou une proposition

interrogative comme "2uridu 2an 2aårifa", comme le montrent les exemples (10.b) et (11.b):

10. b) 2uridu 2an 2aårifa hal 2atâ 2a?madu.

- Je veux savoir si Ahmed est venu.

11. b) 2atasâ2alu 2a daxala 2a?madu.

- Je me demande si Ahmed est entré.

L'interrogation partielle est introduite par un pronom interrogatif dit "2ism istifhâm", comme (:quoi, man :qui, kayfa : comment, 2ayna :

où.). Elle peut être, à l'instar de l'interrogation totale, directe ou indirecte. Dans le cas de l'interrogation partielle directe, le pronom interrogatif est à l'initiale de la phrase interrogative. Dans le cas de l'interrogation indirecte totale, le pronom interrogatif est remplacé par une conjonction de subordination qui introduit l'enchâssée, comme le montrent les exemples suivants :

12)a) 2ayna dahabta ?

- où est ce que tu es parti ?

12)b) 2atasâ2alu 2ayna dahabta .

- je me demande où tu es parti.

II. 1. 3 L'interrogation selon l'élément interrogatif

Les éléments interrogatifs sont dits, selon Zamakhschari31, ? des

particules interrogatives? et sont divisés en deux classes. Les grammairiens traditionnels distinguent plusieurs autres classes de particules. En effet, « On entend par particule un mot qui indique un sens qui est renfermé dans d'autres mots. Il y a plusieurs espèces de particules,

31 De Sacy, S., 1829, Anthologie grammaticale arabe, Imprimerie royale, Paris. P. 240.

49

à savoir, particules d'annexion, particules assimilées au verbe, particules conjonctives, particules négatives,...particules interrogatives, au nombre de deux... » 32.

Certains linguistes, comme Blashère33, parlent de deux types de particules interrogatives à savoir: les pronominaux et les adverbiaux. Ces outils interrogatifs sont soit des [?uruf ?istifhâm], soit [?asma? ?istifhâm] :

a- La classe des interrogatives introduites par des particules interrogatives telles que ("hal" ou "2a" : est-ce que) et qui sont dits des complémenteurs (maw?ulât)34.

b- La classe des interrogatives introduites par un pronom interrogatif, (:quoi, man :qui, kayfa : comment, 2ayna : où.)

Cependant, la distinction morphologique correspondant aux éléments interrogatifs ne correspond ni à la distinction entre les interrogations (oui/non), où le questionné est sensé répondre négativement ou affirmativement, ni aux questions dites de constituants qui ne portent que sur la valeur attribuée à l'élément en question. Le premier type d'interrogation introduite par "?arf 2istifhâm" est appelée " 2istifham

tasdiqi", alors que le second type introduit par "2ism istifhâm" est dit "

2istifham ta?awwuri"35, il s'agit toujours d'une interrogation partielle (cf. 12.a et b)), alors qu'il est question soit d'une interrogation totale ou partielle dans le second cas (cf .(13.a et b)).

13)a) 2a sâfarta lyawma ? - as-tu voyagé aujourd'hui?

13)b)2a 2anta sâfarta lyawma ? - C'est toi qui a voyagé aujourd'hui?

32 Ibid

33 Blashère, R., 1975, Grammaire de l'arabe classique, 4 ème édition, Maisonneuve et Larose, Paris.

34 Fassi Fihri, A., 1982, Linguistique arabe : forme et interprétation. Publication de la faculté des lettres et des sciences humaines de rabat, Thèses et mémoires N° 9.

35 Ibid

50

L'interrogation en (13 .a) porte sur la vérité de la phrase entière. Cependant (13.b) ne met en jeu que la valeur du constituant topique (sujet) :(est-ce bien toi (2anta) ?).

?arf 2istifhâm (2a , hal) = 2istifham tasdiqi

2ism istifhâm (ayna, kayfa, matâ, kam,etc.) = 2istifham ta?awwuri

II.2 La distribution des pronoms interrogatifs dans les phrases échos

Dans la phrase interrogative, le pronom interrogatif occupe une position préverbale externe36. Il peut être un NP sujet (cf. (14)), un complément d'objet (cf. (15)) ou un PP (cf. (16)). « Si l'interrogation doit occuper le commencement de la phrase, c'est par la seule raison que l'interrogation indique une forme déterminée entre les diverses formes dont le discours est susceptible : or tout mot qui remplit cette fonction, doit être placé en tête de la phrase. »37. (Sylvester De Sacy :1829).

14)

man dahaba l2âna?

- Qui est parti maintenant?

15)

mâdâ tafåalu ?

- Que fais-tu ?

16)

2ayna dahabta ?

-Où es-tu part ?

 

Cependant, la position du pronom interrogatif peut être une position interne comme c'est le cas des questions dites "échos". Dans ces questions, dites aussi multiples, un seul constituant est déplacé vers l'initiale de la phrase, et les autres occupent des positions internes (cf. (17)).

17) man qâla mâdâ wa liman?

- Qui a dit quoi et à qui?

Dans l'interrogation indirecte, simple ou multiple, l'élément ou les éléments interrogatifs sont toujours à l'intérieur de la phrase. Le premier

36 Ibid

37 De Sacy, S., 1829, Anthologie grammaticale arabe, imprimerie royale, Paris. P. 260.

51

élément interrogatif joue le rôle de coordonateur entre la principale et la subordonnée interrogative.

18. a) 2atasâ2alu man kataba rrisâlata.
- Je me demande qui a écrit la lettre.

18. b) 2atasâ2alu man kataba rrisâlata li man wa limâdâ.
- Je me demande qui a écrit la lettre à qui et pourquoi.

II. 3 Les caractéristiques morphologiques des complémenteurs

Les complémenteurs (maw?ûlât) ont certaines propriétés morphologiques qui déterminent leur existence. Ils sont de deux types : simples ou composés. Un complémenteur simple comme "mâdâ" devient composé en le préfixant par des prépositions "bi, li, fi, åalâ" pour devenir " bimâdâ : avec quoi, limâdâ : pourquoi, fi mâdâ : où, åalâ mâdâ : sur quoi" (c.f (19.a, b, c, d et e)).

(19)a )

mâdâ taktubu ?

- Qu'est ce que tu écris ?

(19)b)

bimâdâ taktubu ?

- Avec quoi tu écris ?

(19)c)

limâdâ taktubu ?

- Pourquoi tu écris ?

(19)d)

fi mâdâ taktubu ?

- Où est-ce que tu écris ?

(19)e)

åalâ mâdâ taktubu ?

- Sur quoi tu écris ?

Les outils "kayfa" et "2ayna" perdent leurs sens interrogatif quand ils sont construits avec " ", et les constructions obtenues par le biais de cette combinaison sont incorrectes (cf. (20.a et b) et (21.a et b)).

(20) a)* kayfa mâ þâ2a? b) * 2ayna mâ þâ2a?

(21) a) kayfa þâ2a? - Comment est-il venu?

b) 2ayna þâ2a? - Où est-il venu?

52

Toutefois, un mot non interrogatif combiné avec un complémenteur interrogatif devient interrogatif : c'est le cas par exemple du mot "waqt : temps", employé avec un pronom interrogatif " mâdâ " devient "waqta mâdâ : à quel temps" (cf. (22)).

22)a) waqta mâdâ þi2ta ? - A quel temps tu es venu ?

b) úi2tu waqta lmasâe. - Je suis venu le soir.

Les complémenteurs interrogatifs " 2a" et " hal" ont des propriétés syntaxiques différentes. Le complémenteur " hal" ne peut pas être suivi d'un topique, (cf. (23.a et b)), à l'inverse du complémenteur " 2a". (cf. (24.a et b))38.

(23) a* hal 2a?madan darabta ? -Est ce Ahmed que tu as frappé ? b) * hal 2anta úi2ta ? - Est-ce que tu es venu?

(24) a) 2a 2a?madan darabta ? - Est-ce que tu as frappé Ahmed?

b) 2a 2anta úi2ta ? - Est-ce que tu es venu?

Une autre divergence entre les deux complémenteurs est recontrée dans l'interrogation alternative. L'élément interrogatif " 2a" peut être à l'initiale de celle-ci (cf. (25. a)), mais l'élément " hal" ne peut être à son initial (cf. (25. b)). Cet élément " hal" a les mêmes caractéristiques syntaxiques que les pronoms interrogatifs "matâ, man, kayfa, ayna" (cf. (25. c)).

(25) a) 2a åindaka 2a?madu 2am hiðâmu?

(25) b) * hal åindaka a?madu 2am hiðâmu?

* matâ 2a?madu 2atâ?

- As-tu Ahmed ou Hicham chez toi?

(25) c)

- Quand est-il venu Ahmed?

38 Ibid

53

II. 4 Les caractéristiques sémantiques des introducteurs interrogatifs

La modalité interrogative en langue française, peut être dénotée par le biais de l'intonation ascendante ou la présence d'un élément interrogatif à l'initiale de celle-ci. Une autre modalité correspond à l'interrogation indirecte qui est marquée par la conjonction de subordination (si) ou (ce que). Alors qu'en arabe, il y a plusieurs coordonnants à savoir (2inn, 2idâ,

mâ 2idâ, etc.).

Les éléments interrogatifs en arabe écrit sont multiples à l'instar de la langue française. Ils sont regroupés dans deux catégories à savoir les pronominaux et les adverbiaux39.

Les morphèmes interrogatifs sont utilisés pour s'interroger sur la réalité d'un énoncé ou pour s'interroger sur un constituant de la phrase interrogative. Mais ces morphèmes ne sont pas privés de sens, chaque élément utilisé est doté d'un ensemble de caractères sémantiques qui nous permettent de l'utiliser dans un contexte et non pas dans un autre. En effet, un même interrogatif pronominal ou adverbial peut acquérir différentes interprétations sémantiques.

a- Les pronominaux :

hal /; est-ce que : c'est un morphème interrogatif employé pour s'interroger sur la réalité d'un procès ou d'un état désignée par la prédication (cf. (26)).

26) hal þâ2a lwâli ? Est-ce que le Wali est venu ?

2a ; est-ce que : est un pronom interrogatif qui porte sur la réalité prédicative, il a le même sens que hal. (cf. (27)).

27) 2a þâ2a ? Est-ce qu'il est venu ?

39 Barbara, R., 2006, « L'interrogation dans les proverbes en arabe marocain », in revue de la faculté des Lettres et des sciences humaines, Beni Mellal, N° 7.

54

mâdâ ; qu'est-ce que : il est utilisé pour la détermination ou la spécification de l'objet (cf. (28)).

28) mâdâ tafåalu ? Que fais-tu ?
; qu'est-ce qui / qu'est-ce que : est employé pour s'informer d'une cause (29.a) ou d'un état (29.b)," mâ " est une variante de "mâdâ".

29.a) mâ dahâka 2an ta2tiya lyawma ? - Qu'est-ce qui t'a
empêché de venir aujourd'hui ?

29.b) mâ bika? -Qu'est ce que tu as?
Ayyu ; quel : est employé pour se demander de l'identité d'une personne ou de quelque chose.

30) ayyu ?ayfin þâ2a? - Quel invité est venu ?
man ; qui : ce pronom interrogatif peut porter sur le sujet (31), ou sur un pronom déterminatif (32).

31) man yaq?i lî ðuglan? - Qui me rend un service ?

32) kâna yaqûlu hâdâ ibnu man ? - Il disait, c'est le fils de qui ?

b- Les adverbiaux :

Lorsque la question est introduite par un des adverbiaux interrogatifs, elle porte sur un complément circonstanciel de la phrase.

limâdâ ; pourquoi : ou ses variantes " lima" est utilisée pour demander la cause d'un événement (33),"bimâdâ: avec quoi " est une autre variante de "limâdâ ", elle est utilisé pour porter sur un complément circonstanciel (34).

33) limâdâ þi2ta l2âna ? -Pourquoi es-tu venu maintenant ?

34) bimâdâ taktubu ? - Avec quoi tu écris ?

kayfa ; comment : s'utilise pour s'interroger sur la manière (35) ou l'état de quelque chose (36) ou de quelqu'un (37).

35) kayfa wa?alta 2ilâ hunâ ? Comment es-tu arrivé jusqu'ici ?

36)

55

kayfa hia ssayyaratu lúadidatu ? - Comment est la nouvelle voiture ?

37) kayfa hâluka ? - Comment vas-tu ?
kam ; combien : cet élément interrogatif est utilisé pour s'interroger sur la durée (38) ou sur la quantité (39).

38) kam yawman gibta ? - Combien de jours tu t'es
absenté ?

39) kam qam?an úamaåta ? - Combien de blé as-tu
rassemblé ?

matâ ; quand : cet interrogatif est utilisé essentiellement pour s'interroger sur le temps (40).

40) matâ sataåûdu ? - Quand reviendras-tu ?
?ayna ; : ou ses variantes ("?ilâ ?ayna " et " min ?ayna" : d'où)

est employée pour dénoter le lieu. 41)a) ?ayna tadhabu ?

b) ?ilâ ?ayna tadhabu ? - Où vas-tu ?

c) min ?ayna hâdâ lgosnu ? - D'où vient cette branche ?

?am ; ou bien : cette particule corrélative construit avec la seconde proposition d'une alternative dont la première est commandée par "?a : est-ce que" une interrogation indirecte40 (cf. (42)). La particule "?am" s'emploie concurremment avec la particule interrogative "?a", qui est des

fois sous-entendue, c'est-à-dire élidée (cf. (42. b)). S. De Sacy remarque que « les deux particules interrogatives sont a et hal. De ces deux particules, a est celle qui est d'un usage plus général ; on l'a supprime quelque fois, quand l'interrogation est d'ailleurs suffisamment indiquée, ...L'interrogation doit toujours occuper le commencement de la

40 Blashère, R., 1975, Grammaire de l'arabe classique, 4 ème édition, Maisonneuve et Larose, Paris.

56

phrase. »41. En ce qui concerne la position de la particule interrogative dans la phrase, l'élément interrogatif doit toujours occuper le commencement de la phrase parce qu'il ne parle que des deux particules interrogatives "2a" et "hal" dans l'interrogation directe.

42) a) 2a åindakum zaydun 2am åamr?

b) åindakum zaydun 2am åamr?

- il y a chez vous Zayd ou Amr ?

Cependant, une certaine ressemblance apparaît entre les deux particules "2am" et "2aw : ou". La particule "2aw" est utilisée, selon Blashère, quand le locuteur n'est pas certain à propos du contenu de la phrase, dans l'exemple (43), il s'interroge sur l'événement du voyage et non pas s'il sera aujourd'hui ou demain, l'interrogé est sensé répondre par oui ou non (cf. (43)),

Au contraire, la particule "2am" est employée lorsque le locuteur sait que le jugement qu'il énonce est vrai, et se demande qui est chez l'interlocuteur, est-ce Zayd ou Amr (cf. (42))42.

43) 2a satadhabu lyawma 2aw gadan? - Partiras-tu aujourd'hui ou demain ?

A la question (43), la réponse serait oui ou non et à la question (42), la réponse est Zayd ou Amr.

II. 5 Analyse sémantique de l'interrogation modalisée en langue arabe

Les énoncés interrogatifs relevant de la langue arabe et modalisés par des verbes tels ?2ista?âåa ; pouvoir?, ?2amkana ; pouvoir?, ?2arâda ;

41 De Sacy, S., 1829, Anthologie grammaticale arabe, Imprimerie royale, Paris. P. 259.

42 Blashère, R., 1975, Grammaire de l'arabe classique, 4 ème édition, Maisonneuve et Larose, Paris.P. 260, 261.

vouloir?, ?åarafa ; savoir?, peuvent être interprétés comme des énoncés

prescriptifs envers le locuteur pour qu'il se comporte d'une telle manière. La notion de modalité peut être interprétée comme étant une idée d'analyse sémantique qui permet de distinguer dans un énoncé : un dit (appelé contenu propositionnel) et une modalité qui est (un point de vue du sujet parlant sur le contenu). Il faut signaler que toute phrase est par principe modalisée, même sans verbe modal, ainsi la phrase suivante : (Samarcande est un roman) comporte une modalité minimale manifestée par le mode indicatif du verbe, et comporte aussi une modalité déclarative qui la différencie de la modalité interrogative ou impérative. Selon Cervoni43, A. Meunier a divisé les études de ce domaine en deux filières : la modalité d'énonciation qui révèle la relation entre le locuteur et l'auditeur, et la modalité d'énoncé qui caractérise les rapports entre le sujet de l'énoncé et la proposition. En effet, nous nous intéresserons à ces deux modalités.

Austin pense que « tout énoncé sert à accomplir un acte illocutionnaire, et les éléments modaux (mode verbal, ordre des mots, intonation, etc.) permettent au locuteur d'indiquer quel acte illocutionnaire, ou quel type d'acte illocutionnaire, il entend accomplir par son énonciation »44. Ainsi l'énoncé modalisé par le verbe (·ista?âåa · pouvoir) (cf. (43)) est un énoncé qui sera conçu comme un défit, un ordre ou un conseil selon les contextes d'énonciation.

43) ?a-tastatiåo an tarfaåa t-ta?addi ?
Peux-tu relever le défit ?

43 Cervony, J., 1987, L'énonciation : Linguistique nouvelle. Paris, PUF.

57

44 Recanati.F., 1979, Les énoncés performatifs, Paris, Les éditions de minuit Sueil. P. 44.

58

L'interprétation des énoncés à verbes modaux dépend d'une manière cruciale de l'emploi de ces verbes dans des contextes différents. On demande souvent à quelqu'un d'agir de telle sorte, mais cette demande est exprimée sous différentes conceptions : énoncé directif, déclaratif ou interrogatif.

Après l'analyse de certains énoncés interrogatifs modalisés par des verbes modaux, nous avons pu relever certaines caractéristiques sémantiques et pragmatiques qui peuvent dévier l'énoncé interrogatif de sa valeur initiale qui est celle de la question à celle exprimant une directive à valeur illocutoire de prescription.

Les interrogations sont souvent modalisées par des verbes modaux et qui peuvent leur assigner des valeurs illocutoires prescriptives par inférence. Par inférence on entend dire selon Kerbrat-Orecchioni45; « toute proposition implicite que l'on peut extraire d'un énoncé ». L'inférence

recouvre aussi ce que Charlotte appelle « présuppositions », ça
correspond aussi aux « implicatures » de Grice, aux « implications » de Recanati, aux « inférences » de Robert Martin et aux « sous-entendus » de Kerbrat-Orecchioni46. C'est un passage de la valeur illocutoire primitive à la valeur illocutoire dérivée.

II. 5. 1 Les conditions de fonctionnement des verbes modaux dans les énoncés interrogatifs

Pour que les interrogations modalisées fonctionnent en tant que prescriptions, elles doivent satisfaire un ensemble de conditions sémantique et pragmatique. Les énoncés (44, 45 et 46) sont des énoncés interrogatifs. Ils doivent être interprétés comme une prescription envers

45 Kerbrat-Orecchioni, C., 1983, L'implicite, Paris, Armand Colil. P. 24.

46 Avec des nuances bien sûr, puisque chaque linguiste assigne des particularités distinctives propres à son terme.

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l'auditeur pour qu'il se comporte d'une telle manière, en l'occurrence ici, le fait de passer un stylo.

44) ?a-tasta.tieu ?an toe.tiyan-i dãka l-qalama?

45) ?a-yomkinuka ?an toetyian-i dãka l-qalama? Peux-tu me passer ce stylo?

46) ?a-turidu ?an toetyian-i dãka l-9alama?
Veux-tu me passer ce stylo?

Pour que les énoncés modalisés acquièrent une valeur illocutoire prescriptive, un certain nombre de conditions préalables qui ne sont pas seulement linguistiques, mais qui sont aussi des données déontologiques et sociales doivent être satisfaites. En effet, des conditions nécessaires doivent être remplies pour que l'énoncé acquière cette valeur prescriptive.

Les conditions de sincérité, de désirabilité et d'aptitude

La sincérité est une qualité morale, c'est l'honnêteté dans l'expression des pensés et des sentiments. Les énoncés (44), (45) et (46) sont des interrogations qui expriment une désirabilité de la part de l'énonciateur. Celui-ci désire qu'un état de chose décrit ait lieu. Il est admis en référence au principe de réalisme naïf, que si on demande à quelqu'un de se comporter d'une telle manière, c'est qu'on désire sincèrement que l'état de chose, objet de notre demande, soit réalisé. Cette condition est surtout liée à l'énonciateur.

Il est nécessaire, et par principe déontologique, d'admettre que l'énonciateur soit sincère dans son désir. Mais vu que la sincérité est une condition qui ne peut être mesurée concrètement, il faut admettre que tout énonciateur est sincère et que les énoncés prescriptifs, même non sincères, gardent leurs valeurs illocutoires prescriptives.

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Quant à l'aptitude, c'est le fait d'avoir des dispositions physiologiques ou intellectuelles pour faire quelque chose. Si la sincérité et la désirabilité concernent l'énonciateur, l'aptitude quant à elle concerne l'énonciataire : c'est une condition nécessaire pour que l'objet de la prescription soit réalisé47. Considérons l'exemple (47) :

47) ?alâ tasta?îåo ?an taqûma lî bihâda l-åamali ?

- Ne peux-tu pas me rendre un service ?

C'est un énoncé qui exprime une désirabilité de la part de l'énonciateur, mais cette prescription peut être frappée de nullité si cette condition d'aptitude de l'énonciataire n'est pas respectée. Ainsi on ne peut demander à quelqu'un de nous rendre un service que si on sait d'avance qu'il est apte à le faire, c'est-à-dire réaliser le contenu propositionnel de l'énoncé en question.

Les conditions de sincérité, de désirabilité et d'aptitude font l'ensemble des éléments concomitants dont la satisfaction est nécessaire à la bonne exécution de l'acte désigné par le verbe modal. Cependant, il ne faut négliger ni les conditions de présence de l'auditeur ni la présence d'un canal de communication nécessaire pour l'exécution du contenu de la prescription.

Dans cette perspective, Austin48 stipule que le bon fonctionnement des énoncés performatifs est perturbé si ces conditions ne sont pas satisfaites.

II. 5. 2 L'adjonction des verbes modaux dans les énoncés interrogatifs

Une valeur illocutoire de prescription est assignée indirectement et par inférence aux interrogations. En effet, deux procédés linguistiques sont utilisés pour construire des énoncés interrogatifs directifs modalisés par

47 Taifi. M., 2000, Sémantique linguistique : référence, prédication et modalité. SFR, sciences du langage, publication de la faculté des lettres et des sciences humaines Fes, P. 190.

48 Austin, J. L., 1970, Quand dire c'est faire, Paris, Seuil.

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des verbes modaux49. Le premier relève de la grammaire et le second du lexique (cf. (48.b) et (48.a)).

48)a ?alâ t-asta?îåo ?an t-umdia lî hâdihi l-waraqata ? Ne pouvez-vous pas me signer ce papier ?

48)b ?a-yumkinuka ?an t-umdia lî hâdihi l-waraqata ?
Pouvez-vous me signer ce papier ?

Nous avons affaire, dans ces deux exemples à deux structures avec deux modalités qui expriment une directive de la part de l'énonciateur : une modalité grammaticale exprimée par la structure syntaxique interrogative et une modalité lexicale exprimée par les verbes modaux » istatâåa» et »?amkana».

II.5.2.a La modalité grammaticale

Les énoncés modalisés par des verbes modaux, ayant une valeur illocutoire de prescription, sont soumis à un certain nombre de règles grammaticales.

Ainsi, les énoncés (48. a) et (48. b) visent la réalisation d'un état de chose, à savoir la signature d'un papier. Les constructions grammaticales, qui expriment une prescription, sont dites des constructions jussives. En tenant compte de la valeur prescriptive qui leur est commune et non leurs verbes modaux qui sont différents, ces énoncés expriment à travers la structure syntaxique interrogative une valeur illocutoire prescriptive50.

Les énoncés prescriptifs peuvent être réflexifs ou non réflexifs. Le verbe dans ce dernier cas est à la deuxième personne du singulier, (t-astatîåo, y-umkinuka, tu-rîdo, t-aårifu, y-aúibu).

49 Il existe aussi une modalisation par adverbe et par adjectif.

50 Taifi. M., 2000, Sémantique linguistique, référence, prédication et modalité, SFR, sciences du langage, publication de la faculté des lettres et des sciences humaines, Fes, P. 191.

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L'aspect du verbe modal marquant l'interrogation doit être lié au désir de la réalisation d'un acte qui ne peut être un fait relevant de l'accompli. Ainsi, la réalisation d'un état de chose, nécessite un verbe modal interrogatif à l'aspect inaccompli. De ce fait, l'énoncé (49) étant à l'accompli, ne peut être interprété comme une prescription. Les verbes modaux à valeur prescriptive sont liés à l'inaccompli dans ses deux formes : temps du présent et du futur.

(49) istatâåa ?an y-um?yia lî l-waraqata?

Entre autre, les verbes modaux utilisés dans des énoncés interrogatifs à valeurs prescriptives sont régis par une règle syntaxique : en français, la structure syntaxique est de type : voulez-vous + P ou pouvez-vous + P (cf. (50), où les verbes ?vouloir et pouvoir? sont utilisés comme des authentiques auxiliaires. Alors que dans la langue arabe, c'est la structure : particule interrogative + verbe + conjonction de coordination + P qui est d'usage (cf.(48 a et b)).

50) voulez-vous me rendre un service ?

Français

Arabe

Pouvoir, vouloir et savoir. voulez-vous + P

Verbe+2°pers (sing/plur) + P ?

?Istatâåa, ?amkana,

qadira

particule interrogative

+ verbe + conjonction de coordination + P ?

Les énoncés interrogatifs, modalisés par des verbes modaux, expriment des directives à travers des constructions jussives. Ces verbes sont utilisés à visée d'atténuer le discours. Toutes ces caractéristiques

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font des verbes modaux des expressions appropriés à l'expressivité de l'énonciateur pour fournir des énoncés directifs.

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo