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La politique chinoise de l'administration Bush après la répression place Tiananmen : l'interdépendance peut-elle apaiser les tensions politiques ? 1989-1993

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par Nicolas Le Guillou
Université Jean Moulin Lyon 3 - Master 1 Science Politique - Relations Internationales spécialité Sécurité & Défense 2014
  

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Chapitre 3 : L'émergence d'enjeux hétéroclites au coeur de la relation

Au cours de ce premier cycle post-Tiananmen un certain nombre d'éléments de la relation sino-américaine contemporaine s'installèrent solidement. Evoluant vers des intérêts communs, les deux nations depuis Juin 1989, progressaient simultanément dans leurs contradictions. En somme, un subtil mélange de coopération et de méfiance commença à caractériser la relation.

Section 1 : Droits de l'Homme

Prioritairement, et bien que George Bush soit davantage un pragmatique qu'un idéaliste, la question des Droits de l'Homme prit une ampleur considérable après le séisme Tiananmen et les réactions de l'opinion publique. C'est précisément dans cette optique que le Président Bush s'engagea dans ce qu'il baptisa l'« engagement constructif »265 reflétant ses préoccupations en matière de Droits de l'Homme. Toutefois nuancent Clair Apodaca et Michael Stohl, la politique étrangère de George Bush en matière de Droits de l'Homme était teintée d'élans moraux tant que ceux-ci ne se révélaient pas nuisibles à des préoccupations plus fondamentales266. Ainsi, nous le verrons plus en détail par la suite, tandis que les démocrates voulaient conditionner le renouvellement de la clause de la nation la plus favorisée contre des avancées chinoises dans le domaine des droits humains, G. Bush mit à deux reprises son veto pour que les lois ne passent pas. Privilégiant une approche plus pragmatique des droits de l'homme, celui-ci préférait un engagement constructif afin de maintenir les contacts sino-américains, espérant que la future génération de leaders chinois serait plus encline à coopérer avec les Etats-Unis267. Cette approche fut donc adoptée jusqu'à la fin de sa présidence et la problématique demeura centrale dans la relation jusqu'à aujourd'hui268. H. Kissinger offre à cet égard une explication lucide : « La motivation fondamentale de la politique étrangère américaine sur les droits de l'homme repose profondément sur la tradition américaine. [...] L'expérience américaine imprègne sa politique étrangère d'une qualité missionnaire unique. [...] pour la plupart des Américains, l'intérêt national ne peut pas être séparé

265 «Constructive engagement», GELATT, Thomas A, ORENTLICHER Diane F, « Public Law, Private Actors: The Impact of Human Rights on Business Investors in China Symposium: Doing Business in China », Northwestern Journal of International Law & Business, Vol. 14, 1993, p. 73.

266 APODACA Clair, STOHL Michael, « United States Human Rights Policy and Foreign Assistance », International Studies Quarterly, Vol. 43, n° 1 (Mar., 1), p. 194. URL : http://www.jstor.org/stable/260070, Consulté le : 26/02/2015.

267 CARNEY Christopher P, « Human Rights, China, and U.S. Foreign Policy: Is a New Standard Needed? », Asian Affairs, Vol. 19, No. 3 (Fall, 1992), p. 131. URL: http://www.jstor.org.ezscd.univ-lyon3.fr/stable/30172157, consulté le 09/04/2015.

268 GELATT, Thomas A, ORENTLICHER Diane F, « Public Law, Private Actors: The Impact of Human Rights on Business Investors in China Symposium: Doing Business in China », art. cit. p.74.

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de la question des droits de l'homme »269. La question des dissidents et des prisonniers représentait à ce titre, les problématiques les plus brûlantes de l'après-Tiananmen, en témoigne l'affaire Fang Lizhi détaillée plus haut.

Ceci témoigne aussi d'un estompement dans la hiérarchie des enjeux de politique étrangère globaux, tel que l'ont hypothétiquement théorisé R. Keohane et J. Nye. Presque à égalité avec les problématiques économiques ou sécuritaires, la question des Droits de l'Homme faisait désormais partie intégrante des enjeux de la relation sino-américaine.

Section 2 : Une interdépendance complexe croissante, résultat de la politique engageante de George Bush

La deuxième caractéristique majeure héritée de la période post-Tiananmen est l'interdépendance complexe grandissante entre les deux pays, résultat de la politique chinoise engageante de George Bush. Celle-ci s'orienta prioritairement vers les intérêts économiques. Dans un premier temps l'administration tenta donc d'apaiser discrètement les mesures qu'elle avait elle-même passées. En Octobre 1989 l'administration chercha par exemple à atténuer l'impact des sanctions militaires270. Effectivement, la relation après les sanctions essuya d'importants revers dans son commerce bilatéral271. Alors que les Américains exportaient 637,7 millions de dollars de biens à la Chine en Juillet 1989, en Novembre, le chiffre était divisé par deux272. Mais très vite, le commerce bilatéral sino-américain subit une importante progression. De 13,5 milliards de dollar en 1988, le volume des échanges économiques atteignit 20 milliards en 1990. Dans le même temps, le surplus commercial de la Chine avec les Etats-Unis passa de 6 milliards de dollar en 1989 à 10 milliards en 1990 créant ainsi le plus important déficit américain par rapport à tous ses autres partenaires273. La Chine renforça son économie après Tiananmen et compte tenu du gel d'un certain nombre de prêts, le pays fut obligé de maîtriser son inflation tout en consolidant ses exportations274.

Si l'interaction économique sino-américaine généra dans l'ensemble une coopération gagnante-gagnante, celle-ci n'empêcha pas l'apparition d'une méfiance réciproque.

269 KISSINGER Henry, « A Constructive, Long-terme Chinese-U.S. Relationship », International Herald Tribune, 28 mars 1994, p. 7.

270 MANN James, About Face: A History of America's Curious Relationship with China, From Nixon to Clinton, op. cit. p. 218.

271 « The second Bush strategy », HARDING Harry, A Fragile Relationship: The United States and China since 1972, op. cit. pp. 280-283.

272 Site du bureau du recensement des Etats-Unis : https://www.census.gov/foreign-trade/balance/c5700.html, consulté le 09/04/2015. Voir Annexe 1: Evolution du déficit commercial américain avec la Chine pp. 93-94.

273 XINGHAO Ding, « Managing Sino-American Relations in a Changing World », Asian Survey, Vol. 31, n°12 (Dec., 1991), p. 1162. URL: http://www.jstor.org/stable/2645396, consulté le : 26/02/2015

274 CONABLE Barber B., LAMPTON David M., « China: The Coming Power », Foreign Affairs, Vol. 71, n° 5, 1992, p. 137. URLl: http://www.jstor.org/discover/10.2307/20045408?sid=21105942571611&uid=4&uid=2&uid=3738016, consulté le 09/04/2015.

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Section 3 : Les questions de sécurité

C'est un autre trait dominant de la relation actuelle fixé dans la période post-Tiananmen. Une chose frappe à la lecture des archives déclassifiées provenant du site DNSA, la prolifération des armes et son commerce par la Chine furent scrutés de près par les services de renseignement américains, d'autant plus après Tiananmen. A cet égard, un rapport des services de renseignement de l'armée américaine inspecte en détail la politique de défense chinoise (son organisation, ses organes de contrôle) et son complexe militaro-industriel afin d'analyser les évolutions à venir de l'APL275. Un des aspects les plus troublants de l'émergence de la Chine post-Tiananmen pour les Américains concernait sa politique exportatrice agressive de matériel et de technologie nucléaire vers les autres nations en voie de développement276. Ses relations avec les pays arabes étaient à cet égard, observées de près par les services secrets américains277 car beaucoup des destinataires des exportations chinoises étaient impliqués dans des conflits régionaux, la Syrie ou le Pakistan notamment. Le problème n'était pas la concurrence dans le domaine du commerce des armes pour les Américains mais celui de la sécurité mondiale. La vente de technologie nucléaire ou de système de missile balistique entrait effectivement en contradiction avec la stratégie américaine278. Le contrôle des armements revêtit donc un enjeu crucial sous G. Bush face aux exportations chinoises aux Etats qualifiés de « parias ». Concernant la vente de missiles à la Syrie et au Pakistan, en échange d'une levée des sanctions, Pékin fit de vagues promesses et sur la non-prolifération, la RPC déclara s'engager contre la prolifération dans la péninsule coréenne279. La Chine finit par signer le Traité de Non-prolifération le 9 mars 1992 mais la rivalité dans le domaine des missiles balistiques se poursuivit jusqu'à très récemment, encore en 2007280.

La fracture qu'a provoquée Tiananmen dans la relation sino-américaine demanda des prises de décision urgente de la part de l'administration Bush. Agissant en véritable homme d'Etat et

275 U.S. ARMY INTELLIGENCE AGENCY, « Chinese Force Planning for the Year 2000 The Strategic Rationale for Scientific and Technological Modernization - 20th of March 1990 », Digital National Security

Archive, China and the U.S., 21p.

276 RAND CORPORATION, « Chinese Arms Production and Sales to the Third World - 1991 », Digital

National Security Archive, China and the U.S., 60p.

277 Plus particulièrement ses relations avec le Maroc, l'Iran, les monarchies du Golfe (Koweït, Oman,

Bahreïn, l'Arabie Saoudite) ou encore la Jordanie et l'Algérie : cf. U.S. DEPARTMENT OF DEFENSE, « [Excised] China's Relationship with Arab Nations - 29th of March 1990 », Digital National Security Archive,

China and the U.S., 4p.

278 Un rapport du mois de Mai 1990 atteste de la vente de trois réacteurs nucléaires à la Syrie dans le domaine de la recherche et du développement : U.S. JOINT CHIEFS OF STAFF, « China-Syria Nuclear Cooperation - 16th of May 1990 », Digital National Security Archive, China and the U.S., 2p. Une autre note témoigne de la vente de missile SRBM M-11 au Pakistan : U.S. CENTRAL INTELLIGENCE AGENCY, « Ballistic Missiles in [Excised] Pakistan [Excised] - July 1990 », Digital National Security Archive, Weapons of Mass destruction, 19p.

279 SUETTINGER Robert L., Beyond Tiananmen: the politics of US-China relations 1989-2000, op. cit. p. 131.

280 ZAJEC Olivier, Cours Magistral «Politique et Stratégie Nucléaires», Université Jean Moulin Lyon 3, semestre 8, 2015.

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privilégiant une approche pragmatique des relations internationales, le Président Américain favorisa le maintien de la relation et le contact avec Deng Xiaoping. Face aux réactions de l'opinion catalysées par le Congrès, la nécessité de prendre des sanctions fut inévitable. Cependant, afin d'éviter toute rupture diplomatique, George Bush orienta très vite la politique chinoise des Etats-Unis dans un « engagement constructif » pour redéfinir la relation. A cet égard, cette politique contribua à poser les fondements et les problématiques de la relation sino-américaine contemporaine. Le cadre théorique de l'interdépendance complexe invite à prendre en compte les paramètres sécuritaire, humain, économique de cette relation. Cette section constitue donc en elle-même notre transition pour aborder le dernier chapitre de notre travail qui se consacrera à faire une lecture théorique globale des rapports sino-américains post-Tiananmen.

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Partie 3 : La théorisation de la relation sino-américaine post-Tiananmen par l'interdépendance complexe : étude critique expérimentale

Tel que le résume Juliette Bourdin dans sa thèse, « la répression des manifestations sur la place Tiananmen, en Juin 1989, marque un tournant radical dans la poursuite des relations sino-américaines et l'embellie progressive des années 1980 cède la place à une décennie marquée à la fois par de sérieuses crises diplomatiques et par une interdépendance économique grandissante entre les deux pays. »281. Maintenant que le cadre historique est défini et les bases théoriques sont jetées, concentrons-nous donc sur les modalités de l'interdépendance sino-américaine post-Tiananmen.

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